B. L'INACCEPTABLE ENDETTEMENT DE LA CNRACL
La loi
de financement de la sécurité sociale pour 1998 avait, pour la
première fois, autorisé la CNRACL à recourir à des
ressources non permanentes, dans la limite d'un plafond de 2,5 milliards
de francs.
Votre commission des finances avait alors dénoncé la "fuite en
avant" que constitue cette autorisation d'emprunt donnée à la
CNRACL.
Cette décision risque de conduire ce régime,
structurellement excédentaire hors charges de compensation, à
s'engager dans une politique d'endettement pour assumer une dérive
financière due à des facteurs externes
. En effet, la
dégradation de la situation financière de la CNRACL
résulte de l'effet de ciseaux entre la progression constante des
transferts de compensation versés aux autres régimes et le
déclin de son rapport démographique.
L'équilibre démographique de la CNRACL a longtemps
été particulièrement favorable par rapport aux autres
régimes de retraite. Mais cet avantage s'érode rapidement :
le rapport entre les cotisants et les pensionnés est passé de 4,5
en 1981 à 2,7 en 1998, et devrait s'abaisser à 2,6 en
1999.
Parallèlement, les transferts de compensation de la CNRACL au profit des
régimes déséquilibrés démographiquement sont
passés de 2 milliards de francs en 1981 à
18,9 milliards de francs en 1998, avec un premier ressaut en 1985, lors de
l'instauration de la surcompensation entre les régimes spéciaux,
et un deuxième ressaut en 1993, lors du relèvement de 30 à
38 % du "taux de la surcompensation" (il s'agit du taux de
réfaction arbitrairement appliqué au mécanisme de la
surcompensation, afin d'en rendre le jeu plus compatible avec les ressources
des régimes contributeurs).
En 1998, la CNRACL ne devrait finalement pas avoir besoin de recourir à
l'emprunt. En effet, le régime n'est déficitaire cette
année "que" de 1,5 milliard de francs, au lieu des
2,5 milliards de francs initialement prévus.
Cet écart par rapport aux prévisions est dû à une
hausse des cotisations, sous l'effet d'une progression non prévue de
1 % des effectifs de cotisants et de la revalorisation de l'indice de la
fonction publique en vertu de l'accord salarial du 10 février 1998,
ainsi qu'à une révision en baisse des transferts de compensation
de 19,9 milliards de francs à 18,9 milliards de francs, sous
l'effet du dynamisme des recettes des régimes
bénéficiaires.
La trésorerie de la CNRACL pourra donc être couverte, cette
année, sans recours aux avances prévues par la loi de financement
de la sécurité sociale pour 1998.
Cette trésorerie
part d'un solde positif de + 1,5 milliard de francs au
31 décembre 1997 grâce au versement des réserves du
FATIACL, qui est égal au déficit estimé de l'exercice. Par
ailleurs, les acomptes de compensation 1998 seront reportés en
début d'année 1999, à hauteur de 2,5 milliards de
francs, tandis que 2,8 milliards de francs de report des acomptes de
compensation 1997 ont été payés en début
d'année 1998.
En 1999, la CNRACL devrait être déficitaire de près de
2 milliards de francs, du fait d'une croissance des prestations
(+ 5,5 %) plus rapide que celle des cotisations (+ 3,2 %).
Les transferts de compensation devraient augmenter légèrement
pour atteindre 19 milliards de francs.
En
conséquence,
l'article 36 du projet de loi de financement propose de reconduire le
plafond de trésorerie de la CNRACL à 2,5 milliards de francs
en 1999
.
Ce recours à l'endettement, qui laisse en suspens toutes
les questions de fond, n'est pas plus acceptable que l'an dernier.
Cette solution de facilité aboutirait à générer des
frais financiers aggravant le déficit de la CNRACL, à
pérenniser les mécanismes de compensation à l'origine de
ce déficit, et à repousser dans le temps les ajustements
nécessaires des paramètres de fonctionnement du régime. Si
le principe d'une solidarité financière entre les régimes
de retraite est légitime, il ne saurait pour autant être à
l'origine de situations de déficit pour les régimes contributeurs.
Les plafonds de trésorerie proposés pour les autres
régimes, qui n'appellent pas de commentaire particulier,
s'élèvent à 10,5 milliards de francs pour le budget annexe
des prestations sociales agricoles (BAPSA), 500 millions de francs pour le
fonds spécial des pensions d'ouvriers des établissements
industriels de l'Etat (FSPOIE) et 2,3 milliards de francs pour la Caisse
autonome nationale de sécurité sociale dans les mines (CANSSM).