CHAPITRE PREMIER
DES LACUNES DU SYSTÈME, DES LIMITES DES BUDGETS
ANNEXES ET DES DÉCONVENUES AUXQUELLES ON S'EXPOSE À NE PAS
ÉCOUTER LE PARLEMENT
La
commission des finances a de façon constante alerté le
gouvernement sur les problèmes posés par les redevances et par
l'inclusion dans les dépenses du budget annexe de l'aviation civile, de
missions d'intérêt général en extension.
Elle s'est en outre inquiétée de la cohérence d'un
système sous tension.
Enfin, elle a proposé des solutions.
I. LA COMMISSION A DONNÉ L'ALERTE ET PRIS UNE INITIATIVE
A la suite de différents contentieux tranchés en 1995, la commission des finances avait mis en garde le gouvernement contre des prolongements contentieux éventuels et pris une initiative importante.
A. L'ALERTE A ÉTÉ DONNÉE
L'arrêt du 10 février 1995 sur la RSCTA
Rendu par la Section du Contentieux du Conseil d'Etat à la demande de la Chambre Syndicale du Transport Aérien, un arrêt du 10 février 1995 a annulé l'arrêté conjoint du ministre du budget et du ministre des transports daté du 21 décembre 1992 fixant les conditions d'établissement et de perception de la redevance pour services terminaux de la circulation aérienne.
Les motifs retenus par le Conseil ont été les suivants :
Le
premier, technique, a consisté à reprocher aux auteurs de
l'arrêté de n'avoir pas établi la liste des
aérodromes où les services de circulation aérienne rendus
donnaient lieu à rémunération en considération du
seuil d'activité des bases aéroportuaires. En somme,
l'administration se serait affranchie d'exercer son pouvoir
d'appréciation qui est aussi, en droit public français, un devoir.
Le second a consisté à estimer qu'en imputant de
façon forfaitaire une partie de l'ensemble des coûts
supportés par la DGAC comme des coûts générés
par le contrôle d'approche, l'administration n'étant pas en mesure
de justifier que la fraction des coûts ainsi imputée correspondait
bien à des charges auxquelles l'expose ledit contrôle.
Par cet arrêt dont votre commission avait rendu compte, le Conseil
d'Etat rappelait que les redevances devaient trouver une
contrepartie
directe et proportionnelle dans un service rendu
à ceux priés
de les acquitter.
Le même jour, un autre arrêt du Conseil d'Etat sur la redevance de
contrôle technique apportait la confirmation d'une jurisprudence
constante. Votre commission en avait également rendu compte en ces
termes :
L'arrêt du 10 février 1995 sur la redevance de contrôle technique
Par
un
arrêt du 10 février 1995
, le Conseil d'Etat a
considéré que les dépenses de contrôle technique
étaient des dépenses liées à une mission de service
public d'intérêt général. Il en a conclu qu'elles ne
pouvaient être financées par des redevances pour service rendu.
Le sens de l'arrêt du Conseil d'Etat est dépourvu
d'ambiguïté :
les missions exercées par la DGAC au
service de l'intérêt public ne sauraient être
financées par redevances.
Sans préjuger des solutions juridictionnelles qui n'ont pas
été sollicitées à ce jour, il est loisible de
penser que cette règle trouve à s'appliquer dans d'autres
domaines d'activité de la DGAC et, en particulier, dans l'un, dont le
développement pourrait s'accélérer à l'avenir, la
sûreté -v. infra-
1(
*
)
."
Il apparaissait alors à votre commission comme un fait très
probable que d'autres difficultés surgiraient à partir des
mêmes causes.
B. UNE INITIATIVE A ÉTÉ PRISE
Il
était également apparu à votre commission qu'une source
importante de contentieux venait de ce que les comptes à partir desquels
étaient fixés les tarifs des redevances de transport
aérien manquaient de transparence. Cette situation nourrissait à
l'évidence le soupçon que les coûts des missions
d'intérêt général exercées par la direction
générale de l'aviation civile (DGAC) étaient, au moins
partiellement, financés par les redevances. C'est la raison pour
laquelle votre commission prit l'initiative de proposer un amendement,
devenu l'article 99 de la loi de finances pour 1996
, qui prescrivait que
soit remis chaque année au Parlement un état récapitulatif
présentant la répartition des coûts et des dépenses
budgétaires en distinguant ceux afférents aux prestations de
services rendus aux usagers et ceux résultant des missions
d'intérêt général public assumés par la DGAC.
Cette initiative avait évidemment d'abord pour objet de favoriser le
contrôle parlementaire du budget annexe de l'aviation civile.
Mais, il s'agissait aussi, d'une part, de traduire l'exigence d'une meilleure
transparence des opérations conduites par la DGAC et, d'autre part, un
effort de pédagogie et d'ouverture ayant été
réalisé à destination des redevables, de faciliter le
dialogue entre ceux-ci et l'administration.
Dans l'ensemble, ces objectifs ont été atteints et d'ailleurs les
conclusions du commissaire du gouvernement du Conseil d'Etat produites à
l'occasion de l'examen du contentieux qui devait donner lieu à
l'arrêt du 20 mai 1998 pouvaient indiquer :
"
L'administration a, par ailleurs, accompli d'importants efforts de
clarification et d'information, comme le lui impose d'ailleurs l'article 99 de
la loi de finances pour 1996. Ainsi le rapport établi à ce titre
à l'automne 1996 fournit d'utiles explications sur le mode de calcul
actuel de la RSTCA. Et de manière générale, c'est à
notre avis à juste titre que le rapport du sénateur Collin sur le
budget annexe de l'aviation civile dans le projet de loi de finances pour 1997
salue (p. 28) les efforts réalisés dans le sens de la
transparence.
"
Toutefois, malgré ce satisfecit décerné à notre
initiative, on doit déplorer très vivement deux
phénomènes susceptibles d'en réduire la
portée :
- le premier concerne la qualité inégale du dialogue entre
certains usagers et l'administration ; il appelle de la part de tous un
effort d'apaisement ;
- le second consiste dans la persistance d'approximations dans le rapport
évoqué plus haut, caractéristiques que souligne le
commissaire du gouvernement du Conseil d'Etat à propos des coûts
d'administration de l'école nationale de l'aviation civile
(ENAC).
II. UNE CONCLUSION FORTE : LA COEXISTENCE D'UN SYSTÈME DE REDEVANCES INADAPTÉ ET DE NOMBREUSES MISSIONS D'INTÉRÊT GÉNÉRAL DANS LE BUDGET ANNEXE DE L'AVIATION CIVILE NUIT A LA PÉRENNITÉ DE CE BUDGET ANNEXE
Grâce à la production du rapport issu de l'article 99 de la loi de finances pour 1996, le rapporteur spécial formule chaque année les observations sur les problèmes posés par les modes de fixation des tarifs des redevances. Ces observations qui dénoncent la complexité de ce système de financement et des difficultés récurrentes d'imputation de certains coûts à l'assiette servant à calculer le tarif des redevances ont conduit votre rapporteur à mettre en évidence un écueil portant sur le financement de la navigation aérienne.
A. L'ÉCUEIL DU FINANCEMENT DE LA NAVIGATION AÉRIENNE...
1. Rappel de quelques principes et du mécanisme de détermination des redevances
Le tableau ci-après, tiré du rapport déposé au mois d'octobre 1998 en application de l'article 99 de la loi de finances pour 1996 est, à soi seul, éloquent.
Tableau des coûts inclus dans l'assiette des redevances pour 1999
(En millions de francs)
Catégories |
Coûts |
Charges incorporables |
5.144 |
Coûts calculés |
1.447 |
Coûts supplétifs |
291 |
Assiette totale |
6.882 |
Recettes accessoires |
- 11 |
Mécanisme correcteur |
- 15 |
Exemptions et exonérations |
- 708 |
Assiette réduite (facturée) |
6.148 |
On peut
relever que l'estimation figurant dans le tableau ci-dessus tient compte de la
décision du Conseil d'Etat du 20 mai 1998, qui place les services
de sécurité incendie et sauvetage (SSIS) et de gardiennage parmi
les missions d'intérêt général ne pouvant être
mises à la charge des usagers au moyen des redevances.
Un principe s'impose, celui selon lequel les redevances doivent être
la contrepartie directe et proportionnelle d'un service rendu aux usagers.
Il faut ajouter que l'évaluation du service rendu aux usagers est
conduite à partir du coût de revient de ce service. D'autres choix
sont théoriquement envisageables, comme par exemple de se
référer au surplus de productivité général
par le service offert, amis c'est bien la référence au coût
de revient qui a été privilégiée jusqu'à
présent.
On doit, à ce stade, souligner qu'une telle
référence exclut "a priori" l'idée que le prestataire de
service puisse dégager une marge bénéficiaire du fait de
son activité.
Pour fixer le tarif des redevances, il faut donc évaluer tous les
coûts mais aussi seulement les coûts liés à la
prestation de service qu'elles sont appelées à financer.
Cela a une conséquence fort importante : on ne peut et on ne doit
pas inclure dans ces coûts les charges résultant de l'exercice
d'une mission d'intérêt général comme l'a
rappelé récemment (arrêt du 20 mai 1998) le Conseil
d'Etat. Il existe en effet une distinction de principe entre la notion de
prestation de service au profit d'un usager et celle d'exercice d'une mission
d'intérêt général qui n'a pas vocation à
être financée à travers des redevances mais, bien
plutôt, à travers l'impôt.
Techniquement, l'évaluation des coûts associés à
la navigation aérienne est une opération complexe
dont le
rapport élaboré conformément à la prescription de
l'article 99 de la loi de finances pour 1996 rend compte dans le
détail.
Une observation liminaire s'impose avant de démonter le
mécanisme : il est souvent fait mention dans ce document des
règles posées par l'Organisation de l'aviation civile
internationale (OACI). Ces règles qui constituent le code de bonne
conduite du transport aérien n'en ont pas pour autant une portée
juridique qui leur conférerait une prééminence par rapport
aux normes de droit interne de volume supérieure. Il est donc
périlleux de la leur conférer.
Le tableau ci-dessus rappelle que l'identification des coûts des
prestations de navigation aérienne suppose d'évaluer
trois
catégories de coûts
:
-
les "charges incorporables"
qui sont estimées à partir
des crédits budgétaires de la section d'exploitation du budget
annexe de l'aviation civile consacrés à la navigation
aérienne et incluent les charges de personnel et les prestations
payées à des organismes extérieurs évaluées
selon les dépenses effectives ;
-
"les coûts calculés"
qui regroupent les amortissements
sur immobilisations consacrés à la navigation aérienne
auxquels s'ajoutent les charges d'intérêt sur
immobilisations ;
- les
"éléments supplétifs"
qui représentent
des coûts non budgétisés mais exposés au service e
la navigation aérienne soit par Eurocontrol, soit par les
ministères de l'équipement et de la défense.
On doit ajouter
un poste de charges supplémentaires
constituées des charges d'intérêt sur fonds de roulement et
de la prise en compte des créances impayées.
L'addition de ces coûts aboutit à
une assiette totale, de
6.882 millions de francs en 1999.
Cette assiette n'est pas l'assiette
facturée aux bénéficiaires des prestations de navigation
aérienne. Il faut pour définir cette dernière assiette
déduire de l'assiette totale :
- les coûts supportés du fait des usagers exemptés ou
exonérés de redevances, les vols militaires, et de fait une
partie des vols outre-mer... ;
- les recettes accessoires de la navigation aérienne : dans la
mesure où elles sont produites grâce à des coûts
inclus dans l'assiette totale, il est normal que ces recettes viennent diminuer
l'appel à contribution par redevances ;
- les effets du "mécanisme correcteur" qui égalise les
contributions appelées calculées sur la base d'hypothèse
de trafic, et les coûts réellement supportés avec un
décalage de deux ans.
Au terme de ces opérations, on aboutit à
une assiette taxable
qui serait en 1999 de 6.148 millions de francs, soit 89,3 % des
coûts de la navigation aérienne.
2. Un système contesté
La décomposition du mécanisme qui
aboutit
à la fixation des redevances conduit d'abord au
constat d'une
très grande complexité
qui ne favorise pas la gestion du
système et, en particulier, sa compréhension par les redevables.
Cela est une première conclusion forte qui devrait inciter à
réfléchir à un système alternatif.
En outre, chacune des étapes du processus peut être un objet
de contestations.
L'identification des coûts de la mission de navigation aérienne
n'est pas simple.
Elle suppose, en premier lieu, de disposer d'une
comptabilité analytique fiable permettant d'isoler les coûts
effectifs attachés à cette mission. Les difficultés les
plus sensibles rencontrées dans cet exercice concernent l'identification
des dépenses d'administration générale résultant de
l'exercice de la mission de contrôle aérien dont 57,1 % des
charges sont considérés comme relevant de cette mission sans
qu'on soit toujours sûr que cette évaluation soit
étayée sur des bases entièrement solides. Seul un
contrôle minutieux permettrait d'accréditer ou de contester ce
chiffre.
Les contentieux tranchés récemment par les juridictions
administratives rappellent en outre que
la qualification des missions
exercées par la DGAC
est susceptible d'appréciations
contraires
. On mentionnera à ce propos la divergence apparue en
matière de lutte contre l'incendie considérée comme
relevant d'une prestation de service par l'administration tandis que le Conseil
d'Etat a été conduit à la qualifier de mission
d'intérêt général après avoir
considéré qu'elle n'était pas exercée au
bénéfice des compagnies, mais pour protéger les passagers.
Mais d'autres conditions s'imposent pour que l'évaluation des
coûts de la navigation aérienne puisse être jugée
convenable.
Il faut, en particulier, que le calcul des charges à
incorporer dans ces coûts soit pertinent.
Deux questions sont à évoquer qui concernent les "coûts
calculés" :
- celle des investissements ;
- celle du calcul des intérêts.
S'agissant des investissements
, on ne peut en effet retenir l'ensemble
des charges budgétaires exposées dans l'intérêt du
contrôle aérien pour établir le montant des coûts du
contrôle. En effet, les recommandations de l'Organisation de
l'administration civile internationale -OACI- qui paraissent, sur ce point,
conformes à notre droit public précisent que la valeur d'origine
des immobilisations doit être amortie sur l'estimation de leur
durée de vie utile et que
les coûts d'amortissement ne doivent
commencer à courir qu'une fois l'installation mise en service
. Il
convient donc de vérifier que cette condition est toujours remplie avec
sincérité.
C'est assez peu douteux s'agissant des investissements directement
financés par la BAAC. Ce l'est davantage s'agissant des investissements
effectués par Eurocontrol dans la mesure où la DGAC a pris le
parti d'incorporer aux coûts de la navigation aérienne la
totalité de sa contribution annuelle à Eurocontrol. Il faudrait
alors s'assurer que les appels à contribution de cette organisation
tiennent elles-mêmes compte des recommandations de l'OACI.
S'agissant du calcul des intérêts
, on rappelle que l'OACI
considère que les intérêts doivent être
calculés sur la base de la
valeur nette des immobilisations en
service au cours de l'exercice.
Cette règle est contestable en ce que l'application du taux
d'intérêt ne tient pas compte du niveau d'autofinancement des
immobilisations, étant uniforme quelque soit le mode de financement -sur
emprunt ou sur ressources propres- de l'investissement.
Or, en cas d'autofinancement sur ressources tirées des redevances, le
choix d'appliquer cette règle revient à faire supporter deux fois
le coût financier d'opportunité des investissements aux redevables
des redevances.
Surgit alors l'écueil du calcul des coûts
dénommés dans le
rapport
"
éléments
supplétifs d'assiette
"
et dont l'essentiel consiste dans les
coûts des prestations d'organismes extérieurs à la DGAC aux
premiers rangs desquels, le ministère de l'équipement et celui de
la défense. Leur prise en compte intégrale, alors même que
la DGAC ne supporte pas de dépenses à due proportion au profit de
ces deux ministères, est conforme au principe qui veut que l'ensemble
des coûts d'un service soit pris en compte pour en asseoir le tarif. On
doit cependant observer que, de ce fait, le budget annexe perçoit des
ressources qui excèdent les coûts propres exposés par la
DGAC et qu'ainsi, tout se passe comme si le ministère des transports
bénéficiait, du fait de ce mécanisme, d'une subvention de
la part des ministères de l'équipement et de la défense.
S'ajoutent enfin deux difficultés supplémentaires.
La première concerne le "
mécanisme correcteur"
.
Les
taux des redevances de navigation aérienne sont établis sur la
base de prévision de la façon suivante. Une fois
déterminées les assiettes des redevances, leur tarif
découle de prévisions portant sur le niveau des unités de
service taxables. Si une erreur survient sur l'un ou l'autre nombre de ce
rapport, il se peut que les produits appelés soient inférieurs ou
supérieurs aux coûts effectivement engagés pour satisfaire
la mission de contrôle aérien. Le déficit ou
l'excédent de produit est alors ajouté ou déduit de
l'assiette des redevances, avec un décalage de 2 ans. Par exemple,
en 1999, un surcroît de produits de 11 millions de francs
constaté en 1997 serait déduit des coûts de la mission de
navigation aérienne.
Sans doute conviendrait-il d'améliorer ce mécanisme, qui peut
concerner des montants bien plus importants, en affectant aux sommes qu'il
concerne un taux d'intérêt représentatif du coût
d'opportunité que l'immobilisation de ces montants suppose.
Une deuxième difficulté constamment relevée concerne le
sort des
créances impayées
. En les intégrant
dans la base de calcul des coûts de la navigation aérienne,
l'administration choisit de prélever auprès des "
bons
payeurs
" des sommes représentatives, par définition, de
coûts qui ne leur sont pas imputables. Autrement dit, une partie, certes
minime, du tarif des redevances apparaît, non pas comme la contrepartie
d'un service rendu aux redevables, mais bien comme la conséquence d'un
mécanisme de solidarité collective entre les usagers. Cette
option, qui n'apparaît pas conforme aux principes de calcul des
redevances rappelées par le juge administratif, pourrait constituer,
pour l'administration, un élément désincitatif à un
recouvrement diligent de créances auprès des mauvais payeurs.
Elle devrait être abandonnée.
B. ... ABOUTIT À UNE IMPASSE DE FINANCEMENT
Il
existe d'abord un écart significatif -734 millions de francs- entre
les coûts de la mission de navigation aérienne et les coûts
facturés via les redevances. Cet écart provient pour l'essentiel
des exemptions et exonérations, pour 708 millions en 1999, soit
10,3 % de l'assiette totale des coûts.
On peut en déduire le tableau suivant qui récapitule les
coûts de la mission de navigation aérienne en 1999 en distinguant,
par catégories, les coûts facturables par redevance et les
coûts non facturables.
Distinction entre les coûts finançables par
redevances et les
coûts non finançables par redevantes
(en millions de francs)
Catégories |
Facturables par redevances |
Non facturables par redevances |
Charges incorporables |
4.614,2 |
529,8 |
Coûts calculés |
1.298 |
149 |
Coûts supplétifs |
261,8 |
29,2 |
TOTAL |
6.174 |
708 |
S'il
apparaît justifié de réduire les coûts
associés à ces prestations pour calculer les coûts
facturantes par voie de redevances, il ne faut pas en déduire que ces
coûts n'existent plus " ipso facto ".en réalité,
ils subsistent et doivent être couverts par d'autres ressources.
Un autre écart minime par nature
doit être
signalé
entre l'assiette facturée aux usagers et les
prévisions de recettes des redevances
. Cet écart, de
35 millions en 1999, découle d'un décalage temporel entre
facturation et enregistrement des recettes au tournant des années
budgétaires dans lesquelles s'inscrit l'exercice retracé en loi
de finances.
Mais, il y a plus grave : le système de financement par
redevances ne garantit en effet aucunement l'équilibre entre les
recettes et les charges budgétaires d'un exercice donné.
A supposer même, ce qui, compte tenu de l'expérience de la
" vie contentieuse " du BAAC est une hypothèse importante,
que les recettes de coûts soient correctement calculées, un
décalage important peut exister entre les recettes facturables et les
dépenses budgétaires.
III. FACE À LA VULNÉRABILITÉ DU BUDGET ANNEXE DE L'AVIATION CIVILE, VOTRE COMMISSION A DESSINÉ DES SOLUTIONS
Les
difficultés juridiques auxquelles se trouve confronté le
financement des activités de la DGAC, les problèmes financiers
qui en découlent et une volonté de promouvoir des solutions
transparentes et solides ont été pris en compte par la commission
des finances.
Le gouvernement propose enfin une voie conforme dans son principe aux
recommandations de votre commission. Mais, il faut approfondir la
réforme proposée.
A. LA FRAGILITÉ DU BUDGET ANNEXE DE L'AVIATION CIVILE
1. Aspects juridiques
a) Qu'est-ce qu'un budget annexe ?
L'article 20 dispose que "
les opérations financières de
services de l'Etat que la loi n'a pas dotés de la personnalité
morale et dont l'activité tend essentiellement à produire des
biens ou rendre des services
donnant lieu au paiement de prix, peuvent
faire l'objet de budgets annexes
."
La formule du budget annexe, exception aux principes d'universalité et
d'unité budgétaire et à son corollaire le principe de
non-affectation, permet donc
deux formes d'affectation distinctes
:
l'affectation directe de certaines recettes à certaines
dépenses ;
l'affectation par procédure particulière.
Cette deuxième catégorie d'affectation est
décidée par voie réglementaire dans les conditions
prévues à l'article 19 de l'ordonnance.
Ce dernier article
précise que
les procédures particulières d'affectation
sont la procédure de fonds de concours et la procédure de
rétablissement de crédits.
Des définitions précises de ces procédures sont
données à l'article 19. Elles encadrent et limitent les
procédures particulières d'affectation et, par conséquent,
l'entorse qu'elles apportent au principe général de
non-affectation des recettes. Il va de soi que l'actuelle taxe de
sécurité et de sûreté, comme d'ailleurs toute autre
taxe venant s'y substituer, n'entre pas dans ce cadre réservé, on
le sait, aux ressources non fiscales.
Un problème majeur avait été mis en
évidence par votre commission, celui de l'interprétation à
donner aux termes de l'article 21 de l'ordonnance organique.
Celui-ci précise que "
les budgets annexes comprennent, d'une part,
les recettes et les dépenses d'exploitation, d'autre part, les
dépenses d'investissement et les ressources spéciales
affectées à ces dépenses".
En fixant le contenu et la structure des opérations
budgétaires retracées par un budget annexe, il semblait que
l'article 21 jetait les principes à partir desquels on pouvait
définir le champ de l'affectation directe de recettes à certaines
dépenses ouvert par la formule du budget annexe.
Suivant cet article, deux types de ressources semblaient, seules,
pouvoir être affectées au BAAC : des ressources d'exploitation et
des ressources spéciales. Mais aucune définition explicite de ces
ressources n'étant donnée par le texte, il fallait tenter une
exploration de la logique particulière du budget annexe pour comprendre
ce que peuvent être ces ressources. Au terme de cette exploration, les
conclusions suivantes s'imposaient.
L'article 20 mentionné plus haut invite à considérer que
les recettes d'exploitation visées par l'article 21 sont les
recettes perçues en contrepartie de la tarification d'un prix
censé rémunérer l'exploitation du service rendu aux
bénéficiaires des prestations de la DGAC soit, pour l'essentiel,
les recettes tirées des redevances.
Cette interprétation est confortée par l'accolement des termes
"d'exploitation" au mot "recettes" alors que, pour le budget
général, le mot "recettes" n'est accompagné d'aucun
élément de précision. De plus, le texte concernant les
budgets annexes vise les "dépenses d'exploitation" là où,
pour le budget général, sont visées les dépenses
ordinaires.
On peut constater que le lexique des budgets annexes diffère donc de
celui du budget général et trouver cette situation logique dans
la mesure où les budgets annexes retracent les opérations
financières de services qui, par leur nature, offrent des prestations
"donnant lieu au paiement d'un prix", ce que ne fait pas le budget
général.
On peut conclure que les recettes d'exploitation du BAAC sont
principalement les redevances de navigation aérienne, d'autres
ressources tirées de l'exploitation entreprise par la DGAC pouvant y
être ajoutées comme des recettes issues des autres prestations de
service.
Dans cette acception, le concept de recettes d'exploitation diffère
profondément de celui de recettes de fonctionnement. Il s'agit en effet
d'un concept économique et non d'un concept purement comptable.
Cette lecture du texte de l'article 21 de l'ordonnance n'est pas la seule
mais elle paraît plus heureuse que celle qui considérerait comme
d'étroits synonymes les termes "recettes d'exploitation" et "recettes de
fonctionnement".
En effet, si cette dernière interprétation purement juridique
devait être privilégiée, les recettes d'exploitation ne
pourraient couvrir aucune des charges d'investissement du budget annexe.
Celles-ci devraient toutes être financées à partir des
"ressources spéciales" visées par l'article 21 de
l'ordonnance. Dans cette hypothèse, les deux sections du budget annexe,
la section d'exploitation et celle des opérations en capital, devraient
être, chacune, équilibrées par des recettes propres sans
possibilité de transfert d'une section à l'autre.
Mais, il s'ensuit que ni des recettes purement fiscales ni des ressources
d'emprunt ne sauraient être assimilées à des recettes
d'exploitation.
Par conséquent ces recettes ne pouvant être
considérées comme des recettes d'exploitation ne sauraient, au
terme de l'article 21 de l'ordonnance organique, couvrir les
dépenses d'exploitation du BAAC, c'est-à-dire les dépenses
liées à la mission de navigation aérienne alors que, dans
la réalité, elles y contribuent.
Le même écueil se retrouve du côté des
dépenses : que sont les dépenses d'exploitation du budget
annexe ?
L'article 21 de l'ordonnance distingue clairement les dépenses
d'exploitation des dépenses d'investissement pour indiquer quelles
dépenses peuvent figurer à un budget annexe
2(
*
)
.
Ce faisant, l'ordonnance apporte plus de confusion que de clarté
puisque la distinction qu'elle opère entre les dépenses
d'exploitation et les dépenses d'investissement donne à penser
que les charges d'investissement seraient à exclure du champ des
dépenses d'exploitation des prestations de navigation aérienne.
Dans cette hypothèse, les dépenses d'investissement devraient
n'être financées que par les ressources spéciales
qu'évoque l'ordonnance.
On sait bien qu'il n'en est rien -v. supra- et que, si les crédits
budgétaires d'investissement doivent être distingués des
dépenses d'exploitation, celles-ci sont néanmoins tributaires
pour partie des dépenses d'investissement.
En bref, la notion de dépenses d'exploitation devrait être
distinguée de celle de dépenses de fonctionnement : pour la
cerner, il faut ajouter aux dépenses de fonctionnement liées au
service offert aux usagers les charges des opérations en capital qui
concourent à rendre possible l'exploitation du service rendu aux
usagers.
Une autre interprétation qui retiendrait l'idée
d'équivalence entre dépenses d'exploitation et dépenses de
fonctionnement serait ruineuse pour le budget annexe. On sait que,
dans la
pratique, la part des recettes dites d'exploitation qui excède les
besoins de fonctionnement courant du BAAC, est virée en recette de la
section d'investissement. Si une conception des recettes d'exploitation tendant
à les assimiler aux recettes de fonctionnement courant devait
prévaloir les principes d'affectation posés par l'article 21 de
l'ordonnance devraient interdire cette pratique
qui reviendrait à
affecter à des dépenses d'investissement d'autres ressources que
les ressources spéciales mentionnées par l'ordonnance.
Face à une lecture purement juridique des budgets annexes,
l'interprétation juridique et économique qu'on propose de retenir
conduit à ceci que, les dépenses d'exploitation seraient
constituées de l'ensemble des coûts d'exploitation du service de
la navigation aérienne et les recettes d'exploitation, des redevances et
autres recettes directement tirées de l'exploitation du service.
Ce n'est pourtant pas cette voie qu'à suivie le Conseil Constitutionnel
dans sa décision sur la loi de finances pour 1998.
Par cette décision, le Conseil a affirmé le principe
d'universalité des budgets annexes. Il en a conclu que les ressources
fiscales affectées au budget annexe n'avaient pas à être
affectées à une dépense plutôt qu'à une autre
et qu'elles pouvaient ainsi sans contrarier la Constitution ni l'ordonnance
organique concourir aux conditions de l'équilibre général
du budget annexe.
On observera que cette décision a pour effet d'atténuer
considérablement la portée de l'article 21 de l'ordonnance
organique qui semblait, par dérogation aux principes rappelés par
le Conseil et à la règle de non affectation posée par
l'article 18 de la même ordonnance, articuler des règles
d'affection de recettes à certaines dépenses.
Il est bien possible que le Conseil en négligeant une disposition
spéciale au profit d'une référence à des
règles d'ordre général ait souhaité neutraliser un
article qui, à l'évidence, relève d'une conception un peu
vague et est entaché d'une rédaction plutôt floue et
ambiguë.
Il n'empêche que la décision du Conseil, simplificatrice, a pour
effet de réduire la spécificité des budgets annexes et, au
fond, d'atténuer également la portée de l'article 20 de
l'ordonnance.
Il sera sans doute utile à l'avenir d'apporter quelques
précisions au texte de l'article 21 de l'ordonnance
organique.
b) De quelques compromis peu satisfaisants
C'est peut-être parce qu'il a été conscient de ce
problème que le Conseil s'est attaché à commencer à
régler
une difficulté considérable sur le plan des
principes.
On sait que le budget annexe de l'aviation civile abrite des opérations
qui n'ont pas vocation à y être retracées et reçoit,
du coup, des financements qui ne devraient pas lui être affectés.
Ce problème lassant avait été perçu lorsque le
BANA
3(
*
)
avait été
transformé en BAAC.
Dans l'avis du Conseil d'Etat du 17 juillet 1990, la Haute
Assemblée avait considéré que :
"
Si, en revanche, les missions de la Direction Générale, en
ce qui concerne la sûreté des passagers dans les aéroports,
ne peuvent être regardés comme tendant à rendre des
services donnant lieu au paiement d'un prix, dès lors qu'en ce domaine
le législateur a créé la taxe définie à
l'article 302 Bis K du Code Général des Impôts, ces
activités ne représentent, du point de vue tant des moyens en
personnel que des charges financières,
qu'une part très faible
de l'ensemble de l'activité
de la direction générale
de l'aviation civile qui serait reprise dans le budget annexe ;
il s'ensuit
que, même en tenant compte de cette part des missions de la direction
générale les conditions définies à
l'article 20 resteraient remplies
; par suite, il est loisible au
législateur de créer un budget annexe pour les opérations
financières de la direction générale de l'aviation civile
correspondant à l'ensemble des missions ci-dessus rappelées et de
décider que les recettes correspondant au produit de la taxe de
sûreté sur les aéroports seront affectées à
ce budget".
Dès l'origine, l'avis du Conseil d'Etat pouvait ne pas emporter
complètement la conviction.
La Haute Assemblée se référait en effet à
l'article 20 de l'ordonnance et négligeait l'article 21.
Or, si son interprétation de l'article 20 peut satisfaire,
même si le choix de conférer à l'adverbe "essentiellement"
le sens de l'adverbe "principalement" plutôt que celui, plus
philosophique de "naturellement" peut être contesté,
le
défaut de référence à l'article 21,
décidément peu prisé par nos juristes, posait
problème
.
Comme aucune des dépenses régaliennes assumées par le
budget annexe ne peut être assimilée soit à une
dépense d'exploitation, soit à une dépense
d'investissement nécessaire à l'exploitation d'un service, ces
dépenses ne peuvent donc être retracées par le budget
annexe que moyennant "l'oubli" des dispositions de l'article 21 de
l'ordonnance.
Il y a sans doute une contradiction entre cet article 21 et
l'article 20 que le Conseil a alors choisi de résoudre en
privilégiant celui-ci plutôt que celui-là, comme le Conseil
Constitutionnel l'a, semble-t-il, plus récemment, fait. Ce compromis peu
satisfaisant n'a pas réglé toutes les difficultés.
Depuis, le problème est resté pendant et s'est trouvé
aggravé par l'ampleur prise par la part des dépenses
régaliennes dans le budget annexe et par celle du financement
trouvé dans les taxes affectées à ce budget.
Sur ce sujet, il faut souligner que, dans son avis, le Conseil d'Etat avait
considéré que ses observations ne pouvaient valoir que pour
autant que les activités autres que de prestations de service conservent
une place très faible dans l'ensemble de l'activité de la DGAC et
que, parallèlement, la taxe de sûreté procure une part
très faible des recettes du budget.
Votre rapporteur avait fait valoir que tel n'était plus le cas et
que, par conséquent, l'entorse au principe de non-affectation des
recettes pourrait bien dégénérer en une fracture du BAAC.
Il avait ajouté qu'on ne pourrait "sauver" l'affectation à
ce budget annexe des taxes qu'en considérant celles-ci comme appartenant
à la catégorie de ces ressources spéciales que vise
l'article 21 de l'ordonnance organique.
Mais, il avait précisé alors que son produit devrait être
affecté aux seules dépenses d'investissement -ce qui est loin
d'être le cas-, ce qui supposerait, au demeurant, que le budget annexe
puisse abriter des dépenses d'investissement conséquentes
destinées à autre chose qu'à l'exploitation d'un service
faisant l'objet de prestations donnant lieu au "paiement de prix".
La décision du Conseil constitutionnel sur la loi de finances pour 1998
allait globalement confirmer le bien-fondé des observations de votre
rapporteur en indiquant que, de la combinaison des articles 20 et 21 de
l'ordonnance organique, il résultait "
que, pour l'essentiel, les
recettes des budgets annexes doivent être constitués de
rémunérations pour services rendus et que la part des ressources
fiscales qui leur sont affectées doit demeurer réduite
". Le
Conseil devait conclure que tel était encore le cas.
Mais, le rappel
des principes a été compris par chacun comme une sorte de mise en
garde devant le renforcement d'un risque constitutionnel
substantiel.
2. Aspects financiers
La
combinaison de la montée en charge des dépenses
d'intérêt général inscrites au budget annexe de
l'aviation civile, des contraintes de financement associées au
régime juridique des redevances et de l'existence d'un plafond,
juridique mais aussi économique, sous lequel il faut contenir la
fiscalité spécifique affectée au BAAC a
débouché sur une dérive de l'endettement de ce budget
annexe.
Celle-ci se traduit par une évolution préoccupante des
dépenses d'amortissement financier supportées par le BAAC. Ces
dépenses correspondent au remboursement en capital des dettes du BAAC.
Leur progression est considérable : de 17,6 % l'an dernier, elle
passe à 33,8 % cette année et cette charge
s'élève à 446,2 millions de francs. Cette tendance au
terme de laquelle les dépenses d'amortissement constituent la
catégorie de dépenses la plus dynamique du budget annexe
reflète l'endettement passé.
Le tableau qui suit retrace la progression du capital restant dû au
31 décembre de chacune des dernières années connues.
(En millions de francs)
1992 |
1993 |
1994 |
1995 |
1996 |
1997 |
1998 |
1.852,9 |
1.668,9 |
1.861,3 |
2.439,4 |
3.098,1 |
3.798,8 |
4.507,8 |
De
1992 à 1998, l'endettement net aura été multiplié
par plus de 2,4. En dépit d'une forte progression des remboursements,
l'endettement nouveau qui se situait autour du milliard de francs par an se
traduirait par une situation de dette alarmante. 1999 traduit une inflexion
avec un niveau d'emprunt de 830 millions de francs. Mais, son
caractère durable est douteux puisqu'elle est complètement due
à des produits exceptionnels -la vente d'un ensemble immobilier- pour
125 millions de francs et qu'elle s'inscrit dans un contexte de
réduction des investissements qui ne sera pas durable -voir
ci-dessous.
Toute tension sur les taux d'intérêt exercerait un effet à
la hausse des charges d'intérêt compte tenu de la portée du
stock de dettes contractées à taux variable. Elle se traduirait
en outre par un renchérissement des nouveaux emprunts qui, avec un
décalage, exercerait le même effet.
En outre, à terme, les charges d'amortissement financier annuelles
tendent vers le niveau d'endettement supplémentaire contracté
chaque année, soit 1 milliard de francs.
L'évolution enregistrée de ce point de vue depuis 1992 rend
partiellement compte de ce phénomène.
Evolution des charges d'amortissement
(en millions de francs)
1992 |
1993 |
1994 |
1995 |
1996 |
1997 |
1998 |
1999 |
174,9 |
183,9 |
187,7 |
261,9 |
252,3 |
283,5 |
333,5 |
446,2 |
De 1992 à 1999, ces charges sont multipliées par 2,5. Sans que l'échéance puisse être précisément établie puisqu'elle dépendra des mesures d'étalement des amortissements, la dérive vers un niveau de charges de 1 milliard de francs est en cours. Elle exercera un fort effet d'éviction sur les investissements physiques de la DGAC qu'on commence à percevoir cette année.
Il faut donc réfléchir à un système financier différent, ce qui posera peut-être la question d'ensemble de l'organisation budgétaire des activités de la DGAC.
B. LES SOLUTIONS PROPOSÉES PAR VOTRE COMMISSION
Au-delà de ces problèmes juridiques, il faut bien
reconnaître que
le
versement indifférencié du
produit d'une taxe au BAAC n'est pas satisfaisant sur le fond
.
La sûreté du transport aérien doit être une
priorité
compte tenu des graves enjeux qui s'y attachent tant pour
les passagers que pour la Nation. Or, le programme de sûreté ne
bénéficie que médiocrement des produits de la taxe
versée au BAAC et dont le régime est sans cesse modifié.
Son utilisation à des usages alternatifs prive ce programme des
financements nécessaires.
Instituée en 1987, au taux de 5 francs par passager pour les vols
internationaux et de 3 francs par passager pour les vols commerciaux
domestiques, la taxe de sûreté est devenue, en 1992, ce qu'elle
est aujourd'hui : la taxe de sécurité et de
sûreté.
Entre-temps, son tarif avait été doublé en 1990.
En son temps, la commission des finances avait exprimé les plus grandes
réserves sur la transformation opérée en 1992, craignant
un certain mélange des genres. En effet, la décision alors prise
conduisait à ce que la taxe désormais prélevée
cesse de ne financer que ce pourquoi elle avait été
créée, à savoir la mise en place d'équipements
servant à assurer la sûreté dans les aéroports.
L'évolution ultérieure de la taxe devait confirmer le
bien-fondé de ces alarmes. Le produit de la taxe a
considérablement augmenté. Il est passé, entre 1987 et
1995, de 62 à 652,5 millions de francs, soit plus qu'un
décuplement. Cette tendance s'est poursuivie ces dernières
années à mesure que des relèvements de son taux
étaient proposés.
Produit estimé de la taxe de sécurité et de sûreté
(en millions de francs)
1996 |
1997 |
1998 |
Ecarts |
728,6 |
848 |
1.182,8 |
+ 454,2 |
En deux
ans, entre 1996 et 1999, le produit de la taxe s'est accru de 62,3 %. Peu
de prélèvements obligatoires paraissent aussi dynamiques. Les
investissements réalisés en matière de sûreté
n'ont, loin s'en faut, pas évolué parallèlement et sont
très inférieurs au niveau atteint par les recettes issues de la
taxe.
C'est en fait l'équilibre financier du budget annexe qui a
nécessité principalement l'alourdissement de cet
élément de fiscalité.
Cette situation traduit une dilution des actions destinées à
améliorer la sûreté du transport aérien. Or, ces
actions devraient constituer une priorité.
C'est pourquoi votre rapporteur suggère tous les ans, malgré
les refus des différents ministres, que le gouvernement, qui en a seul
le droit, prenne l'initiative d'isoler les dépenses devant concourir
à la sûreté aéroportuaire en créant un fonds
spécial voué à cela
.
On rappelle que les propositions de votre commission suggéraient que ce
fonds soit financé partiellement par une taxe de sûreté et
partiellement par une contribution du budget général. Celle-ci
devait manifester l'engagement financier de la collectivité nationale au
service d'une cause qui la concerne, puisqu'elle dépasse la seule
collectivité des usagers du transport aérien. Il était
précisé que ce fonds devait contenir un chapitre destiné
au financement des équipements et un chapitre regroupant des moyens
servant au soutien du fonctionnement des systèmes.
De cette réforme, votre commission attendait qu'elle apporte une
clarification bien nécessaire qui permettrait à l'Etat d'afficher
sans détours sa volonté de conduire une politique volontaire
d'amélioration de la sûreté aéroportuaire.
Votre commission ajoutait qu'elle :
"permettrait, en outre, d'éviter
certaines dérives actuellement constatées, au terme desquelles
les exploitants d'aéroports lèvent des redevances
destinées à financer des équipements de
sûreté qu'ils mettent en place dans un contexte de dispersion des
initiatives.
Il s'agit bien là de dérives puisque l'usage de redevances pour
services rendus devrait être exclu lorsqu'il s'agit de financer des
dépenses qui sont effectuées essentiellement dans
l'intérêt général des usagers du transport
aérien, des populations survolées et, au fond, de la
collectivité nationale toute entière.
Elles sont d'autant moins acceptables que l'amélioration de la
sûreté aéroportuaire suppose, à l'évidence,
une action coordonnée et des solutions financières
réalistes.
Que n'a-t-elle alors été entendue !
Il faut alors se réjouir que le gouvernement, sous la contrainte des
juges malheureusement et non pas, semble-t-il, du fait d'une attention
particulière portée aux sages recommandations du Sénat,
s'inscrive enfin dans la démarche constamment souhaitée par votre
Haute Assemblée.
Le gouvernement propose en effet une extension du compte d'affectation
spéciale n° 902-25 intitulé "Fonds de
péréquation des transports aériens" (FPTA).
Ce fonds, créé par l'article 46 de la loi de finances pour
1995 afin de financer les déficits d'exploitation de certaines lignes
aériennes dites "d'aménagement du territoire" prendrait une autre
dénomination et s'intitulerait désormais "Fonds d'intervention
pour les aéroports et le transport aérien" (FIATA).
Le FIATA continuerait à assumer cette dernière charge mais il
serait en outre appelé à financer :
a) les dépenses directes de l'Etat en fonctionnement et en capital
concernant les services de sécurité-incendie-sauvetage et la
sûreté, à l'exception des dépenses de
personnel ;
b) les subventions aux gestionnaires d'aérodromes en matière de
sécurite-incendie-sauvetage, de sûreté, de lutte contre le
péril aviaire et de mesures effectuées dans le cadre des
contrôles environnementaux ;
c) les frais de gestion ;
d) les restitutions des sommes indûment perçues ;
e) les dépenses diverses ou accidentelles.
Le FIATA serait financé au moyen d'une part du produit d'une taxe
d'aviation civile (TAC) qui se substituerait à la taxe de
sécurité et de sûreté.
On n'entrera pas ici dans le détail du projet du gouvernement mais
quelques observations générales doivent être faites.
L'idée d'un fonds budgétaire voué à abriter
les dépenses d'intérêt général liées
au réseau aéroportuaire peut être approuvée dans son
principe.
La fusion des interventions du FPTA dans le FIATA présente le
risque d'un certain mélange des genres. Il faut donc vérifier
l'ampleur de ce risque.
Le recours à un compte d'affectation spéciale pour traduire
la politique d'intervention dans les aéroports au titre des exigences
liées à des motifs d'intérêt général
n'est envisageable qu'à la condition que lesdites interventions puissent
bénéficier d'un financement conforme à nos principes
généraux par ce truchement. Or, le Sénat est
attaché à ce que certaines dépenses, les dépenses
de sûreté destinées à prévenir les actes de
malveillance commis contre la Nation, soient financées par une
contribution générale. Les règles de l'ordonnance
organique -article 25- s'opposent à ce que les versements du budget
général dépassent 20 % des ressources d'un compte
d'affectation spéciale (CAS).
Loger les dépenses d'intérêt général dans un
CAS implique donc que 80 % des ressources soient trouvées ailleurs
que dans une contribution du budget général. C'est le maintien
d'une fiscalité spécifique qui résulte de cette
règle. Une solution alternative doit alors être recherchée.
L'objet du FIATA resterait ainsi réduit, par
nécessité. C'est une solution décevante alors que
l'occasion se présente de réformer en profondeur le financement
des missions d'intérêt général liées à
l'exploitation des aéroports.
Le fonds spécial que votre commission appelle de ses voeux ne
pouvant revêtir l'habit d'un compte d'affectation spéciale qu'au
prix d'un maintien problématique d'un financement spécifique de
missions de souveraineté, une rebudgétisation de telles missions
doit être envisagée. A ce sujet, une incidente doit être
faite à propos du d) visant les dépenses du FIATA
constituées des restitutions des sommes indûment perçues.
Ce d) renvoie aux sommes que pourrait devoir acquitter l'Etat concédant
du fait de la garantie des déséquilibres financiers des
concessions aéroportuaire. Il n'apparaît pas entièrement
cohérent de faire financer par la TAC de telles dépenses.
Cela illustre les confusions auxquelles on s'expose en recourant à des
débudgétisations systématiques mais mal ordonnées.