2. Un renouveau économique en quête d'une assise plus stable
a) Le retour à la croissance
L'Afrique de la zone franc a-t-elle renoué durablement avec la croissance ? Après une progression de 1,5 % en 1994, de 4,4 % en 1995, le PIB des 13 pays concernés devrait encore augmenter de 4,6 % en 1996. Rapportés au taux de croissance démographique (sans doute 3 % en 1996), ces résultats ouvrent enfin la voie, après la crise des années 80, à une évolution positive du revenu par habitant.
Encore ne s'agit-il ici que de moyennes. Avec une croissance de 5,6 % en 1995, les Etats de l'Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) 1 ( * ) ont su tirer un meilleur parti de la dévaluation du Franc CFA que leurs voisins de la Communauté économique et monétaire d'Afrique Centrale (CEMAC) 2 ( * ) dont le taux de croissance n'a pas dépassé 2,9 %.
Cependant, au regard de la croissance moyenne de l'Afrique subsaharienne estimée à 2,4 % en 1995, la situation de la zone franc dans son ensemble apparaît de toute façon plus favorable.
. Une croissance tirée par la consommation
Parmi les principaux ressorts de la croissance - l'exportation, l'investissement, la consommation des ménages - c'est ce dernier facteur qui paraît avoir joué un rôle décisif en 1995. Il n'aurait pourtant pu concourir à ce nouvel élan économique si deux effets attendus de la dévaluation du Franc CFA ne s'étaient concrétisés : la substitution des productions locales aux importations d'une part, la revalorisation des prix à l'exportation exprimés en francs CFA d'autre part.
C'est ainsi, au prix d'un rééquilibrage des revenus au profit du milieu rural (du producteur vivrier aux planteurs) et au détriment des citadins, que le changement de parité a favorisé la consommation. En 1995, en effet, le dynamisme de la consommation des ménages ruraux a plus que compensé la contraction du pouvoir d'achat des salariés du secteur urbain.
L'investissement, autre facteur décisif de la croissance, a connu des fortunes plus diverses selon les pays. Une fois de plus se retrouve le contraste entre la zone CEMAC et les pays de l'UEMOA, seul ensemble où les investissements ont présenté un réel dynamisme. Encore la progression s'est-elle concentrée dans quelques pays comme la Côte d'Ivoire ou le Mali , où l'investissement reste surtout le fait des entreprises des secteurs parapublic, pétrolier et minier.
. Des déséquilibres mieux contrôlés
La modération salariale qui a prévalu dans le secteur privé et surtout public a permis d'enrayer la pente inflationniste des économies africaines. La hausse des prix (39 % en moyenne en 1994) n'a pas dépassé 15 % en 1995 et sans doute 5 % en 1996.
La balance commerciale reste excédentaire même si l'excédent s'est réduit entre 1994 et 1995 (de 11,4 % du PIB à 9,1 %) du fait de la hausse des importations (+ 14,5 % -+ 35 % pour la Côte d'Ivoire-). Mais, il importe de le souligner, si les importations ont retrouvé au sein du PIB la part qui leur revenait avant la dévaluation, leur structure s'est modifiée : le poids des biens de consommation s'est réduit au profit des biens d'équipement professionnels.
Cette évolution paraît prometteuse car elle permettra le renforcement des capacités productrices des économies concernées.
Les pays de la zone franc restent cependant confrontés à des problèmes durables. La politique budgétaire, malgré quelques exceptions, doit composer avec un déficit chronique des recettes, lié aux insuffisances des systèmes fiscaux. Les économies africaines restent donc encore largement tributaires des financements extérieurs .
Au-delà de ce retour à la croissance et malgré les difficultés rencontrées, les structures mêmes des économies de la zone commencent à évoluer en raison des réformes entreprises. Ces transformations apparaissent indispensables car elles permettent de jeter les bases d'une croissance durable.
* 1 l'UEMOA se compose du Bénin, du Burkina Faso, de la Côte d'Ivoire, du Mali,du Niger, du Sénégal, du Togo.
* 2 La CEMAC se compose du Cameroun, du Congo, du Gabon, de la Guinée équatoriale, de la République centrafricaine et du Tchad.