2. Le français, un atout trop souvent négligé
L'usage de la langue française véhicule l'image de la France. Or, cette image façonnée par l'histoire mais également par les performances économiques et techniques de la France contemporaine est à bien des égards positive.
Les études effectuées à l'étranger montrent en effet que l'image de la France évoque traditionnellement la richesse culturelle, le raffinement des moeurs et des goûts. Toutefois elle ne se réduit pas à cette dimension, aussi prestigieuse soit-elle. Elle bénéficie également de l'excellente réputation que nos techniciens ont acquise dans de nombreux pays et de réussites technologiques telles que le Concorde, le minitel ou Ariane.
Or, on observe que ces atouts sont souvent mal perçus par les acteurs économiques.
Dans les secteurs traditionnels, les entreprises françaises renoncent trop souvent à exploiter l'image de marque de la France, sa réputation de qualité, en se parant, sous prétexte de modernité, de noms étrangers. La comparaison entre la stratégie retenue par les créateurs de mode ou les fabricants de prêt-à-porter italiens et français est particulièrement éloquente. Alors que les premiers ont systématiquement cherché à imposer leur spécificité, à renforcer leur identité en privilégiant leur propre langue (Armani, Smalto, Missoni, Cerruti), les seconds ont généralement masqué une originalité réelle et des produits de qualité derrière des noms passe-partout à consonance anglo-saxonne (Mc Grégor, K-Way, Weston). Comme le souligne justement le rapport du Conseil économique et social, « alors que l'imitation semble condamner celui qui la pratique à être toujours inférieur à son modèle, trop de créateurs français s'affublent de patronymes étrangers pour donner l'impression du « style » ou de la « modernité ».
Dans les autres secteurs d'activité, le recours intempestif à l'anglais tend à accréditer l'idée que les Français sont absents des techniques de pointe, du monde de l'informatique ou de l'électronique. Il renforce l'image traditionnelle de la France en renonçant à faire bénéficier les produits modernes de l'image de qualité véhiculée par la langue française.
Ainsi, aurait-on été bien inspiré, avant de baptiser la navette du transmanche « le Shuttle », de se rappeler qu'un cabinet de conseil anglo-saxon avait recommandé pour le Concorde le choix d'une terminaison à consonance française afin d'exploiter l'image de qualité véhiculée par notre langue.
De même, on comprend mal l'intérêt qu'a la compagnie aérienne AOM à se présenter en France sous le slogan « AOM : the french airline ». La stratégie qui consiste à s'affirmer en France comme une compagnie française à travers une langue étrangère laisse, en effet, perplexe.
Plus généralement une trop forte imitation d'un modèle extérieur risque de faire perdre leur spécificité et une part de leur attrait aux biens et aux services offerts par les entreprises françaises sur le marché mondial. De même, en utilisant l'image de la France à contretemps et à contre-courant (évocation d'une société traditionnelle au détriment de la modernité de notre pays) on risque de décourager l'achat des produits industriels et des techniques perfectionnées que nous sommes en mesure d'exporter.