C. LA RÉFORME NÉCESSAIRE
Tout le monde en convient, les aides à la presse ne constituent plus l'instrument adéquat du soutien de l'État à ce vecteur primordial du débat démocratique et du pluralisme que constitue la presse écrite, spécialement la presse d'information générale et politique, et en son sein, plus spécialement encore, la presse d'opinion.
Le diagnostic est fait de longue date : excessives dispersions des mécanismes qui se sont agrégés les uns aux autres au fil du temps et des besoins pour former cet ensemble disparate dont il est devenu difficile d'analyser l'impact sur l'économie de la presse. On constate toutefois que les aides de l'État sont peu ciblées.
La création d'un certain nombre de fonds au sein des aides directes permet de répondre de façon ponctuelle et généralement modeste aux besoins de catégories qui appellent spécialement l'attention des pouvoirs publics : les quotidiens à faibles ressources publicitaires qui appartiennent souvent à la presse d'opinion, la presse hebdomadaire régionale, qui concourt à l'information générale et politique de nos concitoyens, les aides au portage spécialement importantes pour le développement de la diffusion de la presse quotidienne nationale.
D'autres aides en revanche, aides les plus importantes en montants, directes (remboursement des réductions des tarifs de transport de la presse : 140,4 millions de francs dans le projet de budget) et indirectes surtout (la contribution du budget général au transport postal pour 1,9 milliard de francs en 1997 et les moins values de recettes fiscales en raison des allégements et des régimes fiscaux particuliers accordés à la presse, évaluées à 7,5 milliards de francs en 1995) sont très peu ciblées et bénéficient aux organes de presse prospères, il en existe, ou adossés à des groupes économiques puissants.
Comment ne pas rappeler à cet égard que le plus coûteux de nos régimes d'aide, le transport postal qui représente pour l'État une dépense de 1,9 milliard de francs et pour La Poste un manque à gagner de 3,5 milliards (estimation pour 1996) a été instauré par la loi du 4 thermidor an IV afin de faciliter la circulation des ouvrages périodiques (...) pour encourager la libre communication des pensées entre les citoyens de la république.
Les propositions de recentrage ont été nombreuses, les dernières en date figurent dans les conclusions, publiées en décembre 1994, des groupes de travail sur l'économie de la presse mis en place le 12 juillet 1994.
Les trois grands thèmes suivants ont été abordés dans ce cadre :
- le financement et la fiscalité des entreprises de presse (groupe de travail présidé par M. Bernard Porte, président de Bayard Presse) ;
- l'exploitation des entreprises de presse (groupe de travail présidé par M. Bernard Villeneuve, directeur délégué de Desfossés International) ;
- la place de la presse écrite dans la perspective des nouvelles technologies multimédias (groupe de travail présidé par M. Jean-Marc Detailleur, président des éditions Lamy).
Une des idées fortes des rapports de ces groupes, particulièrement présente dans les rapports Porte et Hellie, a été la proposition de concentrer les aides au profit de la presse d'information générale et politique ainsi que des titres non spontanément bénéficiaires. L'idée d'un caractère plus conditionnel de l'aide publique, qui serait liée à des engagements de nature économique de la part des bénéficiaires, était aussi avancée.
Ces principes de bon sens, mais traumatisants pour un secteur attaché au caractère indifférencié de l'aide publique, n'ont que partiellement inspiré les mesures prises dans le cadre du plan arrêté en mai 1995 par le ministre du budget, chargé de la communication, et que la loi de finances pour 1996 a largement pris en compte malgré les difficultés de la conjoncture financière.
Ajoutons que les travaux de la table-ronde presse-poste qui se sont déroulés, comme il est rappelé plus haut, au cours de 1996, n'ont pas confirmé le souhait initialement affirmé par le ministre de la culture d'opérer le réajustement des conditions du transport postal de la presse en tenant compte des besoins prioritaires de la presse d'information générale et politique.
En revanche, la renégociation en 1995 des réductions accordées au transport ferroviaire de la presse a permis de fixer des taux plus favorables aux quotidiens, qui appartiennent à la presse d'information générale et politique.
Est-il possible, dans la conjoncture rigoureuse que connaissent simultanément les finances publiques et plusieurs catégories d'organismes de presse, de pousser dans ce sens la réforme attendue des aides à la presse ?
Le ministre a lancé, le 16 octobre, devant la commission des Affaires culturelles, familiale et sociales de l'Assemblée nationale, l'idée que de nouvelles adaptations de l'aide seront sans doute nécessaires dans les années à venir et annoncé qu'une réflexion serait menée prochainement afin de « trouver les formes d'aide les plus efficaces, les plus judicieuses et les plus conformes à l'exigence du meilleur emploi des deniers publics ».
Votre rapporteur souhaite que ce nouvel exercice permette de faire progresser l'idée de renforcer l'efficacité des aides en les concentrant, conformément aux nombreuses propositions déjà faites en ce sens, sur la presse qui en a le plus besoin.