EXAMEN EN COMMISSION
La commission a examiné, au cours d'une séance tenue le mercredi 22 novembre 1995, le rapport pour avis de M. Pierre Laffïtte sur les crédits de la recherche scientifique et technique inscrits dans le projet de loi de finances pour 1996.
Un débat a suivi l'exposé du rapporteur pour avis.
M. Jean-Louis Carrère a estimé que les propositions du rapporteur pour avis relatives à la participation des agrégés et des chercheurs au plan d'urgence universitaire devraient être examinées avec prudence : les sureffectifs observés aujourd'hui dans le secondaire devraient être résorbés avant l'an 2000 par le départ d'un grand nombre d'agrégés en retraite ; il n'est pas évident par ailleurs que les chercheurs, qui ont spontanément choisi de s'orienter vers la recherche plutôt que vers l'enseignement, disposent des qualités pédagogiques requises pour enseigner dans le premier cycle de l'enseignement supérieur ;
M. Ivan Renar a dit ne pas percevoir de véritable stratégie dans les orientations actuelles et prospectives définies par le ministère de la recherche, et s'est inquiété de la régression en francs constants des crédits qui lui étaient affectés. Il a souligné que la contribution éventuelle des chercheurs au plan d'urgence universitaire ne pourrait être que marginale, compte tenu de l'importance des départs en retraite qui n'avaient pas été compensés par des recrutements au cours des dernières années. Il a par ailleurs craint que les agrégés de l'enseignement secondaire ne soient pas préparés à l'articulation des fonctions d'enseignement et de recherche qui caractérise l'intervention des professeurs de l'enseignement supérieur.
Il a également souligné les difficultés que pouvaient rencontrer certaines régions comme celle du Nord-Pas-de-Calais à attirer des chercheurs, observant que celle-ci ne bénéficiait toujours que de 1 % des chercheurs français alors qu'elle ressemblait 8 % de la population totale et contribuait à hauteur de 6 % à la formation du produit intérieur brut.
Puis il a demandé au rapporteur pour avis de lui indiquer si les incidences, en termes notamment économiques, des délocalisations des laboratoires de recherche en province étaient d'ores et déjà perceptibles. Il a souhaité obtenir des précisions sur la situation financière du centre national de la recherche scientifique, et des éléments d'appréciation sur l'efficacité réelle du crédit d'impôt-recherche. Il a enfin regretté la diminution en francs constants des crédits affectés au commissariat à l'énergie atomique, la régression des moyens affectés à la recherche sur le Sida et a appelé de ses voeux à une meilleure articulation entre la recherche en sciences fondamentales et la recherche en sciences humaines et littéraires.
M. Franck Sérusclat, soulignant l'intérêt des travaux conduits par l'Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques, a regretté que son nouveau président n'ait toujours pas été désigné depuis le renouvellement partiel du Sénat. Il s'est inquiété des dérives qu'étaient susceptibles d'engendrer les découvertes effectuées dans la connaissance du génome humain, soulignant que les employeurs ou les assureurs pourraient être tentés d'exiger des informations sur les pathologies susceptibles d'affecter leurs salariés ou assurés au cours de leur vie future. Rejoignant le rapporteur pour avis pour juger capitales les évolutions induites par l'entrée dans la société de l'information, il a souhaité que la commission puisse examiner l'incidence des autoroutes de l'information et de leur contenu sur les modes de vie.
M. Robert Castaing, soulignant le rôle déterminant joué par les Centres régionaux d'information technique et technologique (CRITT) dans l'implantation d'entreprises technologiques dans les zones rurales, s'est interrogé sur la capacité de villes telles qu'Auch, Agen ou Montauban à attirer des chercheurs susceptibles d'animer ces structures, qui contribuent à lutter contre le dépeuplement accéléré dont continuent de souffrir plusieurs départements français.
M. Alain Gérard a souligné les difficultés rencontrées à l'échelon administratif dans le traitement des dossiers portant sur la délocalisation d'unités de chercheurs en région, et qui peuvent aboutir à compromettre la réalisation de certains projets.
Répondant aux différents intervenants, M. Pierre Laffitte, rapporteur pour avis, a apporté les précisions suivantes :
- le recours aux chercheurs des organismes publics pour améliorer le taux d'encadrement des étudiants ne pourrait constituer qu'un élément de réponse aux problèmes actuels, mais il mérite d'être examiné ;
- le Sénat paraît être plus sensibilisé que l'Assemblée nationale aux défis posés par les autoroutes de l'information et leur contenu. Il reste cependant beaucoup à faire dans ce domaine. Il serait en particulier souhaitable de contribuer à éveiller l'attention des collectivités territoriales en ce domaine ;
- le crédit d'impôt-recherche contribue depuis 1995 à encourager les entreprises à s'installer dans les zones rurales, où les dépenses de fonctionnement prises en considération dans le calcul de l'avantage fiscal sont équivalentes aux salaires versés, par l'entreprise, aux personnels de recherche qu'elle emploie, alors qu'elles sont évaluées à 65 % de ces salaires pour les entreprises implantées dans la région parisienne, et à 75 % de ceux-ci pour les autres entreprises. Les nouvelles technologies de l'information devraient par ailleurs contribuer à favoriser l'installation des entreprises en zone rurale, grâce en particulier à la mise en réseau de l'ensemble des compétences scientifiques et technologiques disponibles dans les centres de ressources technologiques et auprès des conseillers technologiques.
Puis, la commission a adopté, sur la proposition de son rapporteur pour avis, un amendement qui tend à autoriser les organismes scientifiques créés sur le territoire français en application d'une convention internationale à accueillir des chercheurs de haut niveau sur des contrats à durée déterminée de cinq ans.
Suivant la proposition de son rapporteur pour avis, elle a enfin donné un avis favorable à l'adoption des crédits de la recherche scientifique et technique inscrits dans le projet de loi de finances pour 1996.