DEUXIÈME PARTIE - L'ENSEIGNEMENT AGRICOLE FACE À SON SUCCÈS : LA POURSUITE ET LA CONSOLIDATION DE LA RÉNOVATION

Poursuivie avec une méritoire obstination en dépit de l'inégale aisance des finances publiques, la rénovation de l'enseignement agricole n'est pas encore tout à fait achevée -beaucoup reste à faire, en particulier, dans le domaine de l'enseignement supérieur.

Son succès grandissant a cependant largement précédé cet achèvement, comme en témoigne l'accélération de la progression des effectifs, au point que ce succès semble parfois susciter autant d'inquiétude que de satisfaction.

On peut comprendre et partager cette inquiétude si elle procède de la crainte que l'afflux des élèves et des étudiants vienne à excéder les capacités d'absorption du marché de l'emploi, ce qui compromettrait à coup sûr, à terme, une des principales réussites de l'enseignement agricole, à savoir la bonne insertion professionnelle de ses diplômés.

Votre rapporteur, pour sa part, est tout disposé, pour prévenir ce risque, à soutenir les mesures qui sont déjà décidées et celles qui pourraient être envisagées pour mieux apprécier l'importance et l'évolution des débouchés, en particulier ceux des nouvelles filières de l'aménagement et de l'environnement, pour mieux orienter, si nécessaire, les élèves vers les formations et les activités économiques qui offrent de réelles possibilités d'emplois et répondent aux besoins actuels et futurs du secteur agricole et agro-alimentaire.

Ainsi entendus, le « recentrage » des formations ou la « croissance raisonnée des effectifs » permettront en effet de préserver l'exemplarité de l'enseignement agricole, tout en renforçant sa contribution à la politique de l'emploi et à la revitalisation du monde rural.

Mais, s'il ne faut certes pas céder à la tentation de la « fuite en avant », les critiques exprimées, à l'occasion de la discussion budgétaire à l'Assemblée nationale, par le rapporteur spécial de la commission des Finances à l'encontre de la « dérive » (hélas toute relative) des dépenses d'enseignement agricole, de la « banalisation » alléguée des formations, ou de l'élargissement de la base sociologique du recrutement des élèves, sont plus difficiles à comprendre.

Elles reviennent en effet, de façon assez surprenante, à nier les résultats les plus positifs de la modernisation de la « filière du progrès » (l'ouverture à de nouveaux champs disciplinaires correspondant aux nouveaux métiers de l'économie rurale, l'élévation des niveaux de formation, l'attrait grandissant pour des formations offrant de réels débouchés) et ne peuvent guère conduire qu'à un « repli » malthusien de l'enseignement agricole, voire à une remise en cause de sa spécificité. Ce qui, dans un cas comme dans l'autre, n'irait pas dans le sens du développement de l'économie agricole et rurale.

I. LA CROISSANCE DES EFFECTIFS ET LES RÉSULTATS DE L'ENSEIGNEMENT AGRICOLE

La montée des effectifs s'est confirmée à la dernière rentrée, tandis que les résultats des examens et ceux des enquêtes sur l'insertion professionnelle des diplômés mettent en évidence le maintien du niveau des performances de l'enseignement agricole.

A. L'ÉVOLUTION DES EFFECTIFS

1. L'enseignement technique


• L'augmentation des effectifs

La rentrée 1995 fait apparaître, pour la troisième année consécutive, une notable augmentation des inscriptions dans l'enseignement technologique et professionnel agricole.

Les effectifs recensés au 20 octobre 1995 -159.909 élèves- frôlent en effet le « seuil » des 160.000 inscrits, et correspondent à une nouvelle augmentation de 4,66 % (soit 7.118 nouveaux élèves).

Après les « records » enregistrés en 1993 (6 %) et 1994 (6,9 %), la hausse cumulée des effectifs depuis 1985 dépasse ainsi 21 % sur dix ans.

Parallèlement, la diversification de l'origine sociale des élèves se poursuit. En 1994/1995, la proportion des élèves issus de familles d'agriculteurs et de salariés agricoles représente tout juste le quart des inscrits : on permettra à votre rapporteur d'exprimer la conviction que ce recrutement élargi constitue un facteur d'évolution positive de l'activité dans les secteurs liés à l'économie agricole et rurale.

Il faut également noter que quelque 1.500 dossiers d'inscription ont été refusés à la rentrée dernière dans les établissements publics et un millier

dans les établissements privés à temps plein : ces refus tiendraient pour partie à la volonté de ne pas développer à l'excès les effectifs de nouvelles filières dont les débouchés apparaissent encore incertains. Mais on doit aussi y voir, malheureusement, les conséquences des restrictions budgétaires de ces dernières années.


La répartition par niveau d'enseignement

L'évolution des effectifs aux différents niveaux d'enseignement confirme également les tendances des dernières années :

- les formations courtes (formations de niveau V : CAPA, BEPA, 4e et 3e technologiques) consolident leurs positions, avec une augmentation dé 5,60 % de leurs effectifs supérieure à l'augmentation moyenne, et accueillent 4.700 nouveaux élèves ;

- les effectifs des formations de niveau IV (BTA, baccalauréats) progressent au même rythme que les deux années précédentes (+ 5,8 %), soit 2.839 élèves supplémentaires ;

- enfin, le cycle supérieur court (BTSA) accuse une légère diminution des inscrits (- 2 %, soit 421 élèves de moins), ce qui fait suite à la stabilisation observée en 1993 et 1994.

Le trait le plus marquant de ces évolutions comparées reste donc la bonne performance des formations de niveau V, qui semble résulter de plusieurs facteurs : la rénovation et la diversification des formations, la bonne insertion professionnelle des diplômés, la « deuxième chance » d'accès à un diplôme, et éventuellement, par le jeu des passerelles, à des formations longues, offerte à des jeunes qui n'ont pas trouvé leur voie dans d'autres filières d'enseignement.

Au total, la répartition des effectifs scolarisés s'établit à la rentrée 1995 à 88.585 élèves en cycle court (55,4 %), 51.600 en cycle long (32,3 %) et 20.145 en cycle supérieur court (12,3 %) : en 1985, ces proportions étaient respectivement de 69 %, 24 % et 7,9 %.


La répartition entre enseignement public et enseignement privé

Selon les chiffres établis au 10 octobre 1995, 66.349 élèves étaient inscrits dans les établissements publics (41,5 %) et 93.560 (58,5 %) dans les établissements privés sous contrat.

Cette proportion globale marque un nouveau et léger recul de l'enseignement public (43,7 % des effectifs en 1993, 42,6 % en 1994) dû notamment à la plus grande capacité d'accueil en formations courtes dans l'enseignement privé.

La répartition au 20 octobre 1995 des effectifs par niveau et par catégorie d'établissement n'étant pas encore connue, le tableau ci-dessous donne, à titre indicatif, les estimations disponibles au 15 septembre 1995 et leurs évolutions par rapport à 1994, pour un effectif total alors évalué à 160.375 élèves :

Répartition et évolution des effectifs de l'enseignement technique par niveau de formation et par catégorie d'établissement

2. L'enseignement supérieur

Les effectifs de l'enseignement supérieur long relevant du ministère de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation sont passés de 9.285 étudiants en 1990/1991 à 10.656 en 1994/1995, soit une augmentation de 14,7 % sur cinq ans.

Le tableau ci-après indique la répartition des effectifs pour ces deux années de référence, par catégorie d'établissement et par type de formation.

Effectifs de l'enseignement supérieur agricole


• Dans l'enseignement supérieur public,
l'accroissement des effectifs a été de 14,4%.

Il résulte :

- de l'augmentation générale des effectifs des formations d'ingénieurs en application des directives gouvernementales ;

- de l'allongement d'une année du cursus des écoles nationales d'ingénieurs de travaux (ENIT) et de la progression des recrutements dans deux ENIT spécialisées (École d'ingénieurs des travaux de l'horticulture et du paysage d'Angers, École d'ingénieurs des techniques des industries agricoles et alimentaires de Nantes) ;

- du développement des études doctorales dans les ENSA, les centres de troisième cycle et les écoles d'application.

* Dans les écoles d'ingénieurs de l'enseignement supérieur privé, la hausse des effectifs est de 15,5 % sur cinq ans, et répond aux mêmes facteurs que celle des effectifs des écoles publiques : l'allongement du cursus et le développement des formations d'ingénieurs.

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