III. LE CONTENU FINANCIER : UN LOURD DÉFI À RELEVER

Alors que le service des intérêts de la dette publique absorbait 5 % de recettes fiscales nettes de l'État, et 12 % en 1990, i1 exige, en 1996 226 milliards de francs, soit 20 % de ces recettes. Autant et même plus que le niveau de l'endettement, sa progression continue est préoccupante. Depuis l'adoption de la précédente loi de programmation en 1994, les déficits se sont creusés de plus de 900 milliards de francs.

Pouvait-on soustraire le budget de la Défense à la nécessité de comprimer la dépense publique ? Non, bien sûr, compte tenu des évolutions des contraintes qui s'imposent désormais à nous.

Le financement de la programmation provoque toutefois des interrogations majeures : elles touchent à l'équilibre des masses financières du Titre III et du Titre V ainsi qu'à l'évolution de certains coûts.

A. L'EQUILIBRE TITRE 111 - TITRE V

La programmation porte allocation de ressources à la fois sur le titre III : 99 milliards de francs et sur le titre V : 86 milliards de francs.

a/ Or une forte pression s'exercera, inévitablement, sur le titre III :


coût des opérations extérieures (de 4 à 5 milliards de francs) auxquelles sont essentiellement destinées nos armées de demain. La distinction des opérations « courantes » (sous enveloppe de la programmation) et opérations qui ne le sont pas (ainsi qualifiées par décision du chef de l'État et donnant lieu à supplément de ressources) reste pour le moment assez verbale. Comment serait qualifiée, par exemple, l'opération se déroulant actuellement en Bosnie ?


coût, en plus, de toutes les mutations touchant les personnels :

* remplacement des personnels à haute qualification qu'apportait la conscription : professeurs, médecins, informaticiens, scientifiques du contingent ;

* incitation au départ des personnels civils et militaires (- 100.000 personnes sur 6 ans) ;

* rémunération des engagés à un niveau qui permette un recrutement satisfaisant à la fois en quantité et en qualité.

Pour ces deux derniers postes (incitation au départ, amélioration de la rémunération des engagés) est prévu un fonds de 9,1 milliards. Sera-t-il suffisant ? Le coût du « reformatage » des armées est-il valablement apprécié ?


coût d'une sous-traitance accrue du fait de la diminution des effectifs ;


• coût, enfin, d'un éventuel rendez-vous « citoyen » qui ne semble pas avoir été chiffré, vraisemblablement 750 millions de francs par an, et qui devra être pris « sous enveloppe ».

b/ Parallèlement, le titre V devra financer des programmes nombreux, lourds et très divers (peu d'abandons de programmes)


• L'expérience des programmations précédentes montre non seulement l'écart qui s'est creusé entre crédits programmés et crédits budgétés chaque année, mais, en outre, des divergences sensibles entre crédits votés, crédits ouverts et crédits consommés ;

Crédits de paiement des titres V et VI Ministère de la Défense

En milliards de francs courants (sauf dernière ligne)

1990

1991

1992

1993

1994

1995

Lois de finances initiales. « budgets votés »......

102,1

103,1

102,9

102,9

94,9

94,9

Annulations par les lois de finances rectificatives

- 2,5

- 1,1

-5

-9

0

- 11,9

Solde des reports........................................

+ 1.9

-3,0

+ 1,4

-0,1

- 1,9

- 1

Solde des transferts.....................................

- 7

-6.8

-7

-6,5

-7,2

-9,3

Fonds de concours......................................

+ 0,9

+ 1,1

+ 1,5

+ 1,4

+ 2,7

+ 1,1

Dépenses effectives....................................

95,4

93,3

93,8

88,7

88,5

73,8

Dépenses effectives en francs 1995.................

107

101,4

99,6

92,1

90,3

73,8

Principaux transferts : * de la Défense vers : CEA/Direction des Applications militaires, budgets civils de recherche

* vers la Défense : en provenance du ministère des Transports (Aviation civile)

Le montant des crédits de paiement effectivement consommés par les services gestionnaires du ministère de la Défense a baissé de 30 % en volume en cinq ans. Le « manque à consommer » sur cette période s'est élevé à 45 milliards de francs.

On peut reconnaître au projet de programmation le mérite de rendre immédiatement lisible un tassement des crédits insidieusement provoqué au cours des années précédentes.

Mais on ne peut, à l'évidence, attendre une exécution satisfaisante de la programmation à venir si les pratiques de « régulation » budgétaires perdurent.


• En outre, le contenu exact de la dotation affectée au titre V reste encore imprécis dans la mesure où celle-ci pourrait ne pas financer uniquement des équipements. Sans doute, comme l'a expressément rappelé le ministre de la Défense, l'enveloppe de la programmation telle qu'elle a été arrêtée par le Président de la République ne doit comprendre ni les crédits affectés au budget civil de recherche-développement (BCRD) ni les sommes nécessaires à la recapitalisation des entreprises publiques de Défenses (GIAT-Industries, SNECMA, AEROSPATIALE...).

En tout état de cause les fonds liés aux restructurations de la Défense verront leurs crédits imputés au titre V : ils s'élèvent à un milliard de francs.

c/ Tout en prenant acte de l'engagement du chef de l'État sur le montant global des crédits programmés, on n'en est pas moins conduit à s'interroger sur l'étanchéité des deux titres : n'y aurait-t-il pas une tentation, compte tenu de la pression qui s'exercera sur le titre III à aspirer les crédits du titre V ? C'est ce que craignent, en particulier, les industriels de l'armement.

Le gouvernement devra montrer une grande détermination pour éviter toute « porosité » entre les deux masses financières. Et il appartiendra au Parlement d'être particulièrement vigilant sur ce point.

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