EXAMEN DU PROJET DE LOI
Réunie le Jeudi 13 juin 1996, sous la Présidence de M. Jean Cluzel, vice-président, puis de M. François Trucy, la commission a, tout d'abord procédé à l'examen du projet de loi n° 415 (1995-1996), adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à la programmation militaire pour les années 1997 à 2002.
M. Maurice Blin, rapporteur pour avis, a souligné le fait que les objectifs contenus dans le rapport annexé au projet de loi soumis au Parlement couraient jusqu'en l'an 2015, soit une période correspondant a trois lois programmation militaires.
Répondant par avance aux critiques que suscite la diminution des crédits entre la loi de programmation votée en 1994 et le projet de loi du Gouvernement, il a fait observer que le taux de consommation effectif des dotations n'avait jamais dépassé 75 % à 80 % au cours de ces deux dernières années. De ce point de vue, il existe plus une différence de présentation que de contenu entre la programmation de 1994 et celle aujourd'hui proposée par le Gouvernement, qui apparaît plus transparente.
M. Maurice B.in, rapporteur pour avis a ajouté que la faiblesse des taux de consommation constatée depuis deux ans, consécutive à différentes mesures de régulation budgétaire, s'était au total révélée préjudiciable aux finances publiques puisque les armées ont été redevables d'intérêts moratoires pour un total de 350 millions de francs en 1994 et de 550 millions de francs en 1995.
Il a rappelé l'engagement du chef de l'État qu'en contrepartie de la réduction de 25 % des dépenses prévues, les crédits inscrits dans le projet de loi de programmation militaire, soit 185 milliards de francs annuels en francs constants de 1995, seraient préservés. À ce point de son intervention, le rapporteur pour avis a toutefois souhaité relever une ambiguïté, précisant que le ministre de la Défense, M. Charles Millon, avait indiqué que le budget militaire de l'État pourrait, le cas échéant, faire l'objet de régulations budgétaires au cours des prochaines années.
Entrant dans le détail du projet de loi du Gouvernement, M. Maurice Blin, rapporteur pour avis, a précisé d'emblée que, à l'exception des "Hadès", l'ensemble des programmes d'équipement contenus dans la précédente loi de programmation étaient maintenus, mais avec des objectifs physiques généralement revus à la baisse. Il a estimé que les deux points principaux d'interrogation étaient, d'une part, la capacité à respecter l'équilibre entre dépenses de personnel et dépenses d'équipement pendant la période couverte par la programmation et, d'autre part, la faculté de respecter l'objectif d'amélioration de la productivité prévu par le projet de loi. Dans le premier cas, en effet, le coût des reconversions de personnel pourrait être plus important que ce que laissent penser les prévisions du Gouvernement et pourrait croître au détriment des dépenses du titre V en exécution. Quant à l'objectif d'amélioration de la productivité, qui repose sur une diminution des coûts de 30 % d'ici 2002, soit 5 points par an, il apparaît très ambitieux.
Entrant dans le détail de la programmation arme par arme, M. Maurice Blin, rapporteur pour avis, a indiqué que les ponctions budgétaires les plus significatives porteraient sur l'armée de terre, dont les dotations en équipement devaient passer de 23,6 milliards de francs dans la programmation votée 1994 à un peu moins de 19 milliards de francs dans le cadre du projet de loi.
S'agissant en particulier des chars, leur nombre, fixé à 930 dans la précédente loi de programmation, ne serait plus que de 406 en l'an 2002, soit un nombre inférieur à celui des unités que la France doit fournir aux Emirats Arabes Unis, et un parc total plus faible que ceux respectivement de la République Fédérale d'Allemagne et du Royaume-Uni.
Comparant les objectifs de la loi "Léotard" et ceux du nouveau projet de loi, le rapporteur pour avis a explicité les ajustements proposés sur les autres matériels : passage d'une prévision de 340 unités à 180 unités pour les hélicoptères, de 800 unités à 500 unités pour les véhicules tout terrain et de 2.000 à 1.230 unités pour les véhicules avant-blindés.
M. Maurice Blin, rapporteur pour avis, a ensuite détaillé ce qu'il a qualifié de profond bouleversement pour la marine. En l'an 2002, en effet, celle-ci aura perdu 23 bâtiments et n'en aura acquis que 8 nouveaux. Le porte-avions Clemenceau serait désarmé en 1997, cependant que la mise en service du nouveau porte-avions Charles de Gaulle ne deviendrait effective qu'en 1999.
Le rapporteur pour avis a ajouté que dans l'attente d'une décision sur la construction d'un second porte-avions destiné à remplacer le Clemenceau, le Foch devait être maintenu en état de veille. Il a cependant qualifié la situation ainsi créée d'incertaine et floue.
Abordant enfin les perspectives relatives à l'armée de l'air, il a indiqué que le nombre des avions en service devait passer de 450 en 1996 à 300 en l'an 2015, soit une réduction très sensible.
À titre général, il s'est inquiété du coût financier indirect induit par les retards pris dans la mise en service de nouveaux avions, notant la hausse des frais d'entretien pour des appareils maintenus en service au-delà des délais normaux.
Puis, il s'est plus particulièrement attardé sur le projet d'avion "Rafale", relevant le caractère très ambitieux du pari technique et financier à l'origine de celui-ci.
Estimant que le pari technologique avait été relevé, M. Maurice Blin, rapporteur pour avis, a souligné l'ampleur de l'effort financier à consentir qui porte sur 35 milliards de francs, dont 8,5 milliards de francs pris à sa charge par le constructeur, la société "Dassault". En conséquence, le "Rafale", qui devait sortir en 1996, ne devrait pas être prêt avant 2005 ou 2006 dans ses deux versions air et marine.
Le rapporteur pour avis a estimé ce délai trop long de quatre ou cinq ans, notant que la phase idéale pour la sortie du "Rafale" se situe autour des années 1999 et 2000. Il existe en effet à cette date une "fenêtre" au cours de laquelle la concurrence américaine ne sera pas encore en mesure d'offrir de nouveaux produits, et ne pourra plus vendre des modèles qui auront trop vieilli.
Entrant dans la description du programme "Rafale", M. Maurice Blin, rapporteur pour avis, a expliqué qu'il n'était pour l'instant prévu de ne doter l'armée de l'air que de deux appareils de démonstration, 1'équipement effectif ne devant intervenir que plus tard. S'agissant de la marine en revanche, douze appareils doivent équiper le porte-avions Charles de Gaulle, en remplacement des ``Cruisadair'' américains.
Le rapporteur pour avis a toutefois fait observer que les appareils aujourd'hui utilisés avaient une durée de vie résiduelle limitée à deux ou trois ans. Or, les "Rafale" ne seront pas prêts au terme de ce délai si les prévisions d'une sortie vers l'an 2005 sont confirmées. Il craint qu'en conséquence le Porte-avions Charles de Gaulle soit dépourvu de couverture aérienne pendant une durée non négligeable, et exprime une nouvelle fois son souhait que la construction du "Rafale" soit accélérée.
Abordant ensuite les perspectives en matière d'équipement nucléaire, M. Maurice Blin, rapporteur pour avis, a indiqué que le projet de loi de programmation envisageait une diminution de 20 % des crédits ainsi que l'abandon du site du plateau d'Albion et le retrait du programme ``Hades''. De même les sites de Pierrelatte et de Marcoule seraient-ils démantelés, la charge de cette opération incombant toutefois pour l'essentiel au commissariat à l'énergie atomique. En revanche, les crédits du programme d'aide à la limitation des essais nucléaires (PALEN) seraient maintenus à niveau, soit 16 milliards de francs sur les quinze prochaines années.
Puis, M. Maurice Blin, rapporteur pour avis, a développé les perspectives en matière de coopération multilatérale, soulignant la nécessité accrue, pour l'avenir, de dépasser les cadres nationaux dans le secteur de l'armement. Il s'est félicité à ce sujet de ce que les projets communs de coopération avec l'Allemagne en matière de renseignements et de satellites ne soient pas remis en cause dans la prochaine loi de programmation. Il a regretté qu'en revanche il n'en soit pas de même dans le secteur de la construction d'hélicoptères. D'une part, en effet, le "Tigre" s'est vu préférer "l'Apache" de construction américaine pour l'équipement des armées britannique et néerlandaise. D'autre part, le programme de construction des hélicoptères de transport "NH 90", sans être remis en cause, a été retardé. Quant au consortium Eurocoptère, il connaît une situation que l'on peut qualifier de manière générale de très délicate.
Puis, le rapporteur pour avis s'est attardé sur le projet d'avion de transport longue distance "ATF", rappelant que sa construction n'avait pas été retenue dans le projet de loi de programmation, sans pour autant avoir été définitivement écartée dans le cas où la conjoncture s'améliorerait aux alentours de l'an 2002. Il a rappelé les enjeux essentiels qui entourent la construction de ce type d'appareils : d'une part, la capacité des européens à posséder un instrument de projection des troupes sur les théâtres extérieurs sans recours aux équipements américains, d'autre part, l'assurance d'une création de 15.000 emplois sur l'ensemble de l'Europe pour la construction de 200 appareils.
M. Maurice Blin, rapporteur pour avis, a ajouté en conclusion sur ce point que des tractations étaient en cours sur ce programme, et que l'État avait placé la balle dans le camp des industriels concernés en leur demandant de réduire sensiblement leurs coûts.
Portant une appréciation globale sur le projet de loi de programmation, le rapporteur pour avis a jugé que le changement de format des armées, aussi souhaitable qu'il soit, restait entouré de très fortes incertitudes. Il a réitéré en premier lieu son scepticisme à l'égard de la capacité des structures concernées à accroître leur productivité. L'objectif de 30 % ne paraît pas compatible avec la réduction générale des moyens et l'étalement dans le temps de leur mise en service.
Le rapporteur pour avis s'est en second lieu interrogé sur la pertinence des montants retenus par le projet de loi de programmation pour évaluer le coût de la reconversion des sites qui doivent être abandonnes par les armées.
En troisième lieu, il a souligné le poids de la restructuration de l'industrie de l'armement dont la productivité n'a cessé de se dégrader ces dernières années. Il a ainsi précisé que l'excédent des exportations d armes était tombé de 34 milliards de francs en 1986 à 7,2 milliards de francs en 1995. L'ensemble des sociétés concernées souhaiteront bénéficier d une recapitalisation, dans la perspective notamment de la mise en place d alliances avec d'autres entreprises du secteur privé. Le rapporteur pour avis a ajouté que, dans ces conditions, la tentation serait forte de solliciter le budget de l'État.
M. Maurice Blin, rapporteur pour avis, a ensuite analysé les perspectives d'évolution de la direction générale de 1'armement (DGA). Jusqu'à présent, en effet, celle-ci se contentait de formuler des besoins, à charge pour les industriels de préciser le coût correspondant. À 1'avenir, c'est la logique inverse qui prévaudra : la DGA devra d'abord fixer les coûts pour demander aux industriels d'adapter la qualité de leurs prestations aux moyens budgétaires de l'État.
Le rapporteur pour avis a indiqué que, dans ces conditions, le chiffre d'affaires de la construction navale devrait passer de 21 milliards de francs à 14 milliards de francs et que le nombre d'emplois correspondant tomberait de 22.700 unités à 14.000 unités au cours des prochaines années. Quant à la construction aéronautique, son chiffre d'affaires devrait se contracter de25 %.
Renvoyant à l'exposé de M. François Trucy, M. Maurice Blin, rapporteur pour avis, a ensuite estimé qu'en matière de personnels les perspectives financières accompagnant le passage à l'armée de métier étaient terriblement incertaines, que cela soit en termes de reconversion des effectifs employés ou en termes de réaffectation des équipements.
Revenant sur les contraintes financières dans le domaine de l'équipement aéronautique, il a indiqué que les échéanciers de réalisation du "Rafale" et de l'ATF devraient conduire normalement l'État à fournir les efforts budgétaires correspondants au même moment. Cette perspective est donc clairement irréaliste et risque de contraindre au report ou la suppression de l'un des deux programmes.
Enfin, M. Maurice Blin, rapporteur pour avis, a passé rapidement en revue les articles du projet de loi de programmation. Il a indiqué que l'article 2 fixait explicitement le montant des crédits qui devraient être annuellement affectés aux armées, soit 185 milliards de francs. L' article 2 bis , rajouté à l'initiative du Gouvernement lors de la discussion devant l'Assemblée nationale, précise l'évolution des effectifs inscrits au budget du ministère de la défense de 1997 à 2002. L' article 3 impose au Gouvernement de présenter chaque année au Parlement, lors du dépôt du projet de loi de finances, un rapport sur l'exécution de la loi de programmation mais, surtout, prévoit l'organisation d'un débat tous les deux ans qui permettra de faire le point sur la réalisation des objectifs poursuivis. Enfin, l' article 4, également ajouté à l'Assemblée nationale, prévoit d'affecter une partie des ressources des comptes pour le développement industriel (CODEVI) aux dépenses nouvelles d'investissement des entreprises lorsque ces dépenses sont destinées à l'industrialisation des matériels aéronautiques militaires exportés et lorsqu'elles sont effectuées au profit de petites et moyennes entreprises.
En conclusion de son propos, M. Maurice Blin, rapporteur pour avis, a suggéré à la commission de donner un avis favorable au projet de loi tout en se réservant la possibilité de demander des éclaircissements au ministre de la défense sur certains points encore obscurs en matière de financement.
M. François Trucy, rapporteur pour avis, a souligné à son tour les enjeux considérables du projet de loi de programmation. Il a estimé que la démarche proposée par le Gouvernement consistait à abandonner une loi de programmation qu'il a lui-même qualifiée de "voeu pieu" pour adopter des perspectives plus réalistes.
Il a précisé que le nombre des militaires serait diminué de 130.000 unités mais que le solde négatif des suppressions d'emplois au sein de l'armée ne serait que de 120.000 unités en raison du recrutement d'un plus grand nombre de civils destinés, en effet, à assumer des fonctions jusqu'à présent prises en charge par des militaires.
Puis M. François Trucy, rapporteur pour avis, a souligné le fait que de la loi de programmation de 1994 au projet de loi examiné par le Parlement, les dépenses du titre III apparaissaient pratiquement reconduites à l'identique : 98,6 milliards de francs dans la loi actuellement en vigueur et 99 milliards de francs dans le projet de loi. Le rapporteur pour avis a indiqué qu'en effet le gain réalisé par la diminution du nombre des appelés était largement compensé par le coût de la professionnalisation.
Evoquant les critiques qui s'étaient élevées contre l'attitude du Gouvernement qui a présenté le projet de loi de programmation avant le débat prévu à l'automne prochain sur la professionnalisation de l'armée, il a fait observer que le projet de loi de programmation envisageait en fait plusieurs options et qu'en conséquence aucun procès d'intention ne pouvait être fait sur ce point à l'exécutif.
Abordant ensuite la perspective de l'institution d'un "rendez-vous citoyen" en remplacement du service militaire, M. François Trucy, rapporteur pour avis, a précisé que les effectifs nécessaires a 1 encadrement de ce dispositif avaient été prévu dans l'article 2 bis du projet de loi et que le coût d'ensemble du rendez-vous était évalué entre 550 millions de francs et 700 millions de francs.
Sur la question de l'avenir même du service militaire, il a estimé qu'il fallait faire le sacrifice de la "nostalgie" entourant cette institution, taisant observer que le service était aujourd'hui loin de répondre aux exigences d'une défense moderne.
M. François Trucy, rapporteur pour avis, a toutefois ajouté que le débat de l'automne devait apporter une réponse précise à la question de la composition de la réserve, compte tenu des moyens financiers dont disposera le ministère.
Puis il s'est penché sur les conséquences tant humaines que financières de la professionnalisation des armées. Il a ainsi dressé un tableau de la situation difficile dans laquelle allaient se retrouver de nombreuses villes de garnison. Il a relevé les difficultés qui ne manqueront pas de surgi pour les conjoints des militaires éventuellement obligés d'abandonner leur métier ainsi que la nécessité de revendre des maisons acquises par les personnels contraints de quitter le site où ils étaient établis.
Il a également qualifié de préoccupante l'évolution inéluctable du service de santé des armées rappelant que celui-ci étaient essentiellement composé d'appelés, voire exclusivement en ce qui concerne les dentistes, en particulier.
M. François Trucy, rapporteur pour avis, a jugé que le recours évoqué par le ministre de la défense aux prestations offertes par les hôpitaux civils engendrerait presque certainement un surcoût.
Puis il a dressé un vaste panorama de l'évolution des effectifs par type d'arme et par localisation géographique, précisant qu'environ 1 million de sursitaires assureraient le passage progressif de l'armée de conscription à l'armée de métier.
En conclusion M. François Trucy, rapporteur pour avis, a précisé, à l'instar de M. Maurice Blin, que les engagements financiers étaient inscrits dans le projet de loi de programmation, tout en rappelant qu'aucune loi de programmation n'avait été respectée jusqu'à présent.
Réitérant son soutien au principe voulu par le Président de la République, M. Jacques Chirac, d'une évolution d'une armée de conscription vers une armée de métier, il a jugé que les masses financières proposées pour le titre III permettaient d'atteindre les trois objectifs fixés dans le projet de loi de programmation : avancée vers la professionnalisation des armées, financement des moyens de projection des forces armées sur les théâtres opérationnels, maintien d'un lien entre les jeunes et les armées. Considérant que les perspectives tracées étaient cohérentes avec les réalités du moment, il a proposé à la commission d'émettre un avis favorable sur ce texte.
M. Denis Badré a estimé que la crédibilité des armées européennes était fonction de l'indépendance de leurs moyens d'intervention, en particulier des instruments de projection des troupes sur les théâtres opérationnels. De ce point de vue, il a tenu à souligner le bien-fondé des interventions de M. Maurice Blin, rapporteur pour avis, sur les avions ATF, ainsi que sur les satellites de renseignements et a souhaité que la commission, dans son rapport, insiste tout particulièrement sur ces points.
Le même intervenant a jugé, qu'en revanche, l'industrie européenne d'armement ne pourrait survivre qu'en réalisant des alliances dépassant les cadres nationaux. À ce sujet il s'est dit inquiet par l'attitude de repli adoptée par les ingénieurs français qu'il a pu rencontrer et qui lui ont semblé vouloir refuser toute progression vers des structures de production regroupant plusieurs partenaires. Il a estimé qu'en conséquence un très gros effort de pédagogie devrait être réalisé en direction de ces personnels.
M. Denis Badré s'est ensuite interrogé, à l'instar de M. Maurice Blin, rapporteur pour avis, sur la cohérence globale du dispositif proposé dans le projet de loi de programmation. Si les objectifs budgétaires apparaissent clairement, il n'est pas sûr, en revanche, a-t-il déclaré, que leur mise en avant permette d'assurer la cohérence stratégique et tactique des mesures proposées en matière d'équipement.
Le même intervenant a également exprimé des réticences face à l'absence de réflexion sur la constitution future de la réserve, notant que l'Allemagne ne pourrait pas considérer la France comme un partenaire crédible tant que ce problème n'aura pas été réglé.
Il s'est ensuite interrogé sur le rapport coût-efficacité du nouveau "rendez-vous citoyen" envisagé par le Président de la République. À ce sujet, il a estimé que les élus locaux pouvaient avoir le sentiment que les débats organisés localement avaient eu un caractère formel puisque M. Jacques Chirac avait annoncé ses intentions avant même que les résultats de ces consultations des jeunes aient pu être exploités.
Faisant précisément le bilan des réunions conduites depuis le début de l'année autour du thème de l'avenir du service national, M. Denis Badré a indiqué, en conclusion, que les deux critiques qui revenaient le plus souvent étaient le sentiment d'une perte de temps d'une part, et de 1'application d'un système inégalitaire d'autre part.
Il a souligné le fait que les jeunes concernés attendaient en fait que la Nation leur envoie un message clair leur signifiant qu'elle a besoin deux. Il a regretté que cette occasion soit en train d'être manquée.
M. Jacques-Richard Delong a exprimé son scepticisme à l'égard des perspectives tracées par le projet de loi de programmation en matière d'équipement. Il a dit, sur ce sujet, partager totalement les importantes réserves exprimées par M. Maurice Blin, rapporteur pour avis.
S'agissant des projets conduits au plan européen, il a regretté leur faible niveau de concrétisation, sauf pour ceux reposant sur 1'alliance franco-allemande. Il a fait observer que plusieurs de nos partenaires continuaient en fait de s'adresser à l'industrie américaine et contribuaient ainsi à l'échec de projets menés de ce côté-ci de l'Atlantique.
Abordant ensuite la question de l'évolution du service militaire, M. Jacques-Richard Delong a qualifié de "caprice de la nature" "rendez vous citoyen" envisagé par le Président de la République. Il a indiqué qu'il avait retenu des propos de M. François Trucy, rapporteur pour avis, que le système mis en place consisterait principalement à établir un bilan sanitaire des jeunes concernés.
À la suite de MM. François Trucy, rapporteur pour avis, et Denis Badré, il a regretté le flou entourant la question de la future réserve, et a suggéré la constitution d'une garde nationale à l'exemple du s ystème mis en place en France au siècle dernier et aujourd'hui en vigueur aux États-Unis.
En conclusion de son propos, il a lui aussi marqué les plus expresses réserves à l'égard de la cohérence d'ensemble, technique et humaine, des perspectives tracées pour l'armée par le rapport annexé au projet de loi de programmation.
M. Emmanuel Hamel a indiqué qu'en conscience, et pour la première fois de sa carrière parlementaire, il ne pourrait pas voter cette loi de programmation, estimant que tous les risques n'avaient pas disparu après la chute du mur de Berlin et qu'il était inconcevable, dans ce cadre, de ne réserver que 185 milliards de francs chaque année à la défense nationale.
M. François Trucy réagissant aux propos de M. Maurice Blin, rapporteur pour avis, a estimé à son tour que les tractations, dont les protagonistes sont l'État français, ses partenaires européens et les industriels fabriquants, continuaient autour du projet d'avion ATF. En tout état de cause, la doctrine de défense française ne serait pas cohérente si notre pays était dépendant de moyens américains pour assurer la projection de nos forces sur les théâtres extérieurs.
Interrogeant M. Maurice Blin, rapporteur pour avis, il a souhaité connaître la portée pratique du principe, qu'il estime difficile à saisir, de mise en veille du porte-avion Foch.
S'agissant de l'avion Rafale, il a jugé nécessaire l'accélération de sa construction afin de bénéficier de la "fenêtre" évoquée dans son intervention par l'autre rapporteur spécial.
Réagissant au principe selon lequel l'armée de l'air ne serait équipée dans un premier temps que de deux exemplaires de démonstration, il a fait observer qu'il ne pourrait pas y avoir de commande émanant de pays tiers si l'armée française elle-même ne procédait pas à des achats d'appareils.
En réponse à M. Denis Badré, M. Maurice Blin, rapporteur pour avis, a indiqué que l'Allemagne était très attachée à la thèse de l'indépendance des forces armées européennes par rapport aux moyens américains, comme le prouve son attitude sur les projets "Hélios" et d'avion ATF.
Il a confirmé l'incompréhension manifestée par les cadres d'entreprises d'armement à l'encontre de l'idée d'une ouverture des entreprises françaises à d'autres partenaires européens. Il a fait observer qu'en revanche les militaires, en particulier les membres des forces de la marine, avaient pour leur part, d'ores et déjà, opté pour une vision européenne, non pour des motifs politiques, mais pour des motifs technologiques.
M. Maurice Blin, rapporteur pour avis, a ensuite relevé la contradiction qui frappe le discours du Président de la République, lorsque celui-ci défend un cadre européen pour la défense nationale, et que le Gouvernement ne prévoit pas l'inscription des crédits de l'avion ATF dans le projet de loi de programmation. Il apparaît ainsi clairement que le texte proposé au Parlement répond essentiellement à une logique financière qui n'est pas forcément compatible avec les objectifs européens affichés par le Président de la République.
Répondant ensuite à M. Jacques-Richard Delong, M. Maurice Blin, rapporteur pour avis, a souligné la nécessité de revoir le format des armées après la chute du mur de Berlin. En effet, au risque d'une guerre d'affrontement se déroulant dans les plaines de l'Europe orientale, a succédé le risque d'une guerre où dominera le renseignement, comme le laissait déjà prévoir la guerre du Golfe en 1991.
À ce sujet, le rapporteur pour avis a dit regretter que le projet de loi de programmation n'envisage pas la possibilité d'un troisième type de guerre, celui qu'engendrerait, sur notre sol, une déstabilisation politique de 1'Algérie. Il a toutefois fait observer que le rendez-vous bi-annuel prévu par l'article 3 de la loi de programmation permettrait, le cas échéant, de tenir compte d'une évolution en ce sens.
Réagissant aux propos de M. Emmanuel Hamel, M. Maurice Blin, rapporteur pour avis, a dit comprendre et partager partiellement la position de celui-ci et il a, une nouvelle fois, exprimé son inquiétude à l'égard de l'inadaptation de la programmation proposée au risque d'une guerre du troisième type évoquée plus haut.
Répondant enfin à M. François Trucy. le rapporteur pour avis a confirmé que le Gouvernement poursuivait une stratégie de pression sur les autres structures, parties au projet d'avion ATF. Il a ensuite estimé que la "mise en veille" du porte-avion Foch était en fait une commodité de langage qui camouflait une question non encore résolue, celle de la mise en service ou non d'un second porte-avion.
Il a enfin fait observer que le "Rafale" avait d'ores et déjà un concurrent, l'"Eurofighter", dont il a estimé toutefois que les performances restaient en-deçà de celles de l'appareil de la firme Dassault.
En réponse aux remarques de M. Denis Badré, M. François Trucy, rapporteur pour avis, a confirmé que rien n'était prévu en matière de composition de la réserve dans la loi de programmation, et que celle-ci devrai être complétée sur ce point avant son vote définitif. Il a également reconnu le caractère frustrant de l'exercice demandé aux élus locaux sur la collecte des positions des français à l'égard de l'évolution du service militaire. Il a toutefois noté que le débat aurait de toute façon lieu à ce sujet, à 1'automne, devant la représentation nationale.
Le rapporteur pour avis a souligné la très forte pression exercée par les États-Unis aujourd'hui pour promouvoir leur industrie d'armement et réduire à néant l'industrie française.
Il a indiqué à M. Jacques-Richard Delong vouloir retenir sa formule de "caprice de la nature" utilisée pour le "rendez-vous citoyen".
Il a dit, par ailleurs, comprendre l'attitude de M. Emmanuel Hamel sur un plan sentimental, ainsi que certaines de ses réserves sur le fond.
Enfin, sur proposition de MM. Maurice Blin et François Trucy, rapporteurs pour avis, la commission a décidé d'émettre un avis favorable sur le projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 1997 à 2002, M. Jacques-Richard Delong assortissant toutefois son vote positif de "ses plus expresses réserves".