EXAMEN EN COMMISSION
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Mme Muriel Jourda, présidente. - Nous examinons à présent les crédits de la mission « Pouvoirs publics ».
M. Éric Kerrouche, rapporteur pour avis sur la mission « Pouvoirs publics ». - La mission comporte les crédits de la présidence de la République, de l'Assemblée nationale, du Sénat, de la chaîne parlementaire, du Conseil constitutionnel et de la Cour de justice de la République.
Le budget total s'élevait initialement à 1 156,5 millions d'euros pour 2025, soit une hausse de 1,64 % par rapport à l'année précédente. Cette augmentation concernait les crédits de toutes les institutions de la mission, à l'exception de ceux du Conseil constitutionnel et de la Cour de justice de la République. Elle correspondait en partie à une indexation sur l'inflation de la dotation sollicitée.
Cependant, la présidence de la République, l'Assemblée nationale et le Sénat ont renoncé à l'augmentation qu'ils avaient demandée. Ces institutions représentant 95,4 % des crédits de la mission, la dotation sera probablement équivalente à celle de 2024 au terme du débat parlementaire.
On peut se féliciter de la participation de la présidence de la République et des assemblées parlementaires à l'effort commun demandé aux citoyens et aux administrations pour redresser nos finances publiques. Cependant, je déplore fortement la baisse continue des ressources de la démocratie parlementaire, qui pèse sur notre capacité d'action collective, en grande partie dépendante des moyens humains dont nous disposons pour mener nos travaux législatifs et de contrôle. À cet égard, nos équipes de collaborateurs sont notoirement trop peu nombreuses et leurs rémunérations sont trop contraintes.
Il ne faut pas refuser le coût de la démocratie parlementaire, qui est essentiel à un fonctionnement équilibré de notre régime politique, notamment pour contrebalancer les moyens d'expertise de l'exécutif, qui sont bien plus importants.
Je partage les réflexions engagées par Grégory Blanc, rapporteur spécial de la commission des finances, qui visent à comparer les moyens affectés, toutes proportions gardées, aux différents parlements des États européens, et dans lesquelles je m'inscrirai pleinement.
J'en viens à la présentation des crédits. La dotation demandée par la présidence de la République progressait initialement de 2,5 % par rapport à l'exercice précédent et s'établissait à environ 126 millions d'euros. Cette augmentation était la plus importante de la mission, tirée par l'augmentation des dépenses de personnel, qui devaient s'élever à environ 80 millions d'euros, soit une hausse de 3,9 %. Il convient de s'interroger sur le dimensionnement des dépenses de personnel de la présidence, notamment lorsqu'elles sont rapportées aux moyens humains mis à disposition des assemblées parlementaires. À elle seule, la présidence de la République représente un tiers du budget du Sénat.
Toutefois, il faut reconnaître les efforts fournis depuis un an pour rationaliser les dépenses de fonctionnement et de déplacement. Si ces dépenses ont respectivement augmenté de 25,2 % et de 40,7 % entre 2022 et 2024, les services de la présidence sont parvenus à les stabiliser en 2024. Pour l'exercice budgétaire à venir, la volonté de rationalisation a été illustrée par de multiples exemples. Ainsi, les « déplacements couplés » sont désormais privilégiés, qui permettent de visiter plusieurs pays situés dans une même zone géographique au cours d'un même voyage.
Les dépenses d'investissement baisseront, traduisant notamment la fin des travaux relatifs à la Maison Élysée et à la géothermie. Ces derniers permettront de faire baisser substantiellement, à hauteur de 87 %, les émissions de carbone de la présidence. Il s'agit d'une bonne initiative, au coût important, qui sera rapidement rentabilisée grâce aux économies de fluides, évaluées à 250 000 euros par an.
Le renoncement à l'augmentation de la dotation initialement sollicitée devrait limiter l'ampleur des dépenses puisque, conformément au communiqué de la présidence et au terme du débat parlementaire, la dotation finalement perçue sera équivalente à celle de 2024, soit un peu moins de 123 millions d'euros. Néanmoins, cette dotation a été largement revalorisée au cours des derniers exercices : entre 2017 et 2024, alors que l'inflation cumulée a été de 17,7 % sur la période, les crédits de la présidence ont augmenté de 23 %. Le contraste est fort avec ce que connaissent les assemblées parlementaires.
Dans ses nouvelles prévisions budgétaires, la présidence prévoit un total de dépenses de 125,6 millions d'euros, à comparer aux 128,7 millions initialement envisagés. Cette diminution sera notamment répercutée sur les dépenses d'investissement, en baisse de 18,1 %, et sur les dépenses de personnel, dont la progression sera contenue à 1,3 % grâce à des suppressions de postes. Je m'interroge néanmoins sur l'importance des crédits liés aux activités présidentielles, en hausse de 35,3 % dans le budget révisé. Cette augmentation n'est ni détaillée ni justifiée.
Malgré la renonciation à l'augmentation de leur dotation, les services de la présidence ont annoncé maintenir leur objectif de reconstituer une trésorerie très affectée par les choix budgétaires. Les disponibilités sont passées de 22,9 millions d'euros en 2017 à 3 millions d'euros en 2023. J'appelle à être particulièrement attentif à ce point.
J'en viens aux crédits des deux assemblées. Initialement, ils devaient augmenter à hauteur de l'inflation, soit de 1,7 %, pour s'établir à 618 millions d'euros pour l'Assemblée nationale et à 359,5 millions d'euros pour le Sénat. Ces dotations seront finalement équivalentes à celles perçues en 2024 : 607,6 millions d'euros pour l'Assemblée nationale et 353,5 millions d'euros pour le Sénat.
Entre 2018 et 2024, alors que l'inflation cumulée sur la période a été de 17,15 %, la dotation de l'Assemblée nationale a progressé de 17,34 %, tandis que celle du Sénat n'a progressé que de 9,24 %. Je rappelle également que les dotations sollicitées par l'Assemblée nationale ont stagné de 2012 à 2021 et celles du Sénat de 2013 à 2021. J'aimerais mettre en garde nos institutions contre la mise en oeuvre d'une concurrence institutionnelle d'affichage entre les deux assemblées, qui ne peut aboutir qu'à l'affaiblissement des moyens effectifs de l'exercice démocratique.
En outre, le budget nécessaire au fonctionnement des assemblées comporte des dépenses liées à l'entretien et à la modernisation d'un patrimoine commun. Pour éviter une confusion budgétaire entre les moyens affectés au fonctionnement de nos institutions et ceux destinés à l'entretien du patrimoine, j'appelle à envisager la création d'une dotation dédiée à cet entretien, pour les futurs exercices budgétaires.
L'Assemblée nationale prévoyait initialement un budget de 643,2 millions d'euros de dépenses, en hausse de 3,4 %. Cette évolution s'explique notamment par les conséquences financières de la dissolution du 9 juin 2024, par la progression structurelle des charges de personnel, par la persistance des effets de l'inflation et par une progression des dépenses d'investissement, tirées par de dynamiques investissements immobiliers. Ces 643,2 millions d'euros de dépenses sont à mettre en regard des ressources, estimées à 620,1 millions d'euros. Le déficit budgétaire prévisionnel, qui s'élève donc à 23,1 millions d'euros, sera compensé par un prélèvement sur les réserves de l'Assemblée nationale, qui sont de plus en plus faibles.
En ce qui concerne le Sénat, les dépenses sont estimées à 378,9 millions d'euros et ne sont couvertes ni par la dotation de l'État ni par le produit des ressources propres. Le budget sera équilibré par un prélèvement sur les disponibilités de 18,7 millions d'euros. La soutenabilité de ce mode de financement sera probablement remise en question au cours des exercices futurs, en particulier à compter de 2026, puisque de nombreux chantiers devront être engagés pour entretenir et préserver le patrimoine historique du Sénat.
En ce qui concerne le Conseil constitutionnel, les crédits demandés présentent une diminution de 6 %, passant de 17,9 millions à 16,8 millions d'euros. Je précise que la dotation du Conseil constitutionnel a bénéficié l'année dernière d'une revalorisation importante, du fait d'une enveloppe exceptionnelle affectée aux travaux de rénovation de l'accueil de la rue de Montpensier. Ce chantier, qui touche à sa fin, a permis de renforcer la sécurité des lieux, tout en garantissant leur accessibilité aux personnes extérieures. Il a également été l'occasion de procéder à un raccordement au futur réseau de climatisation Fraîcheur de Paris.
En conséquence, les dépenses d'investissement prévisionnelles sont en baisse de 0,8 million d'euros. La dotation sollicitée par le Conseil constitutionnel reste toutefois en augmentation relative, si l'on compare la diminution de 6 % des crédits avec leur hausse de 34,9 % l'année précédente. Les services du Conseil constitutionnel ont indiqué que la dotation pour 2025 visait en particulier à reconstituer une marge de trésorerie suffisante. Le Conseil est dans la même situation que les autres institutions quant à ses ressources propres. Sa trésorerie a été presque intégralement consommée, les déficits budgétaires des exercices précédents ayant été financés par des prélèvements sur disponibilités.
Le Conseil envisage de consacrer 14,5 % de son budget à l'action « Relations extérieures et communication ». J'aimerais souligner le dynamisme du Conseil constitutionnel dans ses activités de communication, qui visent à diffuser une culture juridique et la connaissance de l'outil QPC (question prioritaire de constitutionnalité). La poursuite de la tenue d'audiences hors les murs et des déplacements des membres du Conseil participent de la diffusion d'une bonne connaissance juridique.
Cependant, je regrette de ne pas disposer, cette année encore, d'éléments d'information plus exhaustifs sur les prévisions d'exécution du budget du Conseil et je l'invite à veiller, de manière plus attentive à l'avenir, à la qualité et à la transparence des informations budgétaires transmises, ainsi qu'à la qualité de ses prévisions. À ce titre, la surexécution systématique de ses dépenses de fonctionnement pose question.
Je n'ai pas de remarque particulière à faire sur la Cour de justice de la République (CJR) - sauf une, qui est tout de même essentielle : son loyer représente plus de la moitié de ses dépenses ! Sans mettre en cause la responsabilité de la Cour, je m'interroge sur la rationalité des choix immobiliers dont elle est tributaire. Un loyer de plus de 500 000 euros pour loger une institution composée de huit personnes n'apparaît pas justifiable. En outre, l'acquittement de ce loyer revient à attribuer à un acteur privé une rente de situation, à rebours des principes de bonne gestion des deniers publics.
En conclusion, l'analyse de l'évolution des dotations dans le temps permet de dégager deux tendances générales.
D'une part, les dotations sollicitées par les institutions de la mission « Pouvoirs publics » sont structurellement insuffisantes pour couvrir leurs dépenses. En conséquence, ces institutions équilibrent leur budget via des prélèvements sur leurs trésoreries respectives, conduisant au tarissement progressif de celles-ci.
D'autre part, il apparaît que les institutions de la mission « Pouvoirs publics » prennent part à une forme de concurrence institutionnelle, visant à l'affichage d'une certaine vertu budgétaire. Si je souscris évidemment à la participation de nos institutions à l'effort budgétaire demandé à tous, je m'inquiète de l'amenuisement des moyens des institutions parlementaires, essentielles au bon fonctionnement de notre régime politique.
Telles sont les quelques remarques que je souhaitais vous présenter, au terme desquelles je vous propose de donner un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Pouvoirs publics », du fait du contexte budgétaire.
M. Hussein Bourgi. - Je remercie notre collègue Éric Kerrouche pour son rapport. Je souhaiterais reprendre certains de ses propos dans des termes moins policés...
Dans un mouvement général, unanime, toutes les institutions ont décidé de renoncer à une augmentation de dotations, pourtant nécessaire, afin de répondre à la demande d'économies budgétaires.
À la présidence de la République, l'effort portera principalement sur les emplois - pourquoi pas ! Je m'interroge néanmoins sur l'intérêt de la frénésie de déplacements à l'étranger et sur l'augmentation substantielle du budget de réception de l'Élysée. On ne peut pas faire porter l'effort de la rigueur sur le personnel, tout en affichant un accroissement de 35 % de ce budget.
Les deux chambres - Sénat et Assemblée nationale - ont elles aussi voulu prendre leur part. Mais toute élection est source de dépenses... La dissolution et les élections législatives de 2024 ont nécessairement engendré des dépenses exceptionnelles pour l'Assemblée nationale. Si, « par accident », une nouvelle dissolution devait survenir l'an prochain, je ne suis pas certain que le budget prévu lui permette de remplir ses missions et obligations, à moins d'épuiser toutes ses réserves. De même, le Sénat ne pourra pas maintenir l'effort qu'il a consenti cette année, du fait du renouvellement partiel de septembre 2026. Il ne faudrait pas que nous nous imposions, au motif d'être vertueux, des choix qui - passez-moi l'expression - nous mettraient dans la seringue.
En ce qui concerne le Conseil constitutionnel, quand on est garant de la loi fondamentale, sourcilleux du respect des textes, il faut s'imposer à soi-même un minimum de rigueur dans la justification de ses dépenses. Sans faire offense aux membres, y compris les plus éminents, de cette institution, il me semble que c'est entendable.
Je termine par la CJR : une institution qui consacre la moitié de son budget au paiement de son loyer, c'est inadmissible, indécent et immoral ! Ce n'est pas acceptable ! La Cour peut tout à fait siéger ailleurs, dans des quartiers de Paris moins onéreux.
Mme Sophie Briante Guillemont. - Avez-vous plus d'informations sur les déplacements du Président de la République à l'étranger ? Si je prends le seul exemple du Maroc, la délégation comptait 130 personnes. C'est énorme !
J'entends qu'il y a un manque de transparence au niveau du Conseil constitutionnel. Mais notons que certains de ses membres n'ont même pas un assistant personnel à leur disposition. En comparaison d'un juge de la Cour suprême des États-Unis ou d'autres exemples internationaux, il y a clairement une sous-dotation. Des demandes sont-elles formulées pour accroître les moyens en personnel ?
Mme Catherine Di Folco. - Je voudrais apporter un correctif aux propos de Hussein Bourgi. La CJR, dont je suis membre, siège dans les locaux du palais de justice, et non rue de Constantine où se trouvent les bureaux.
M. Hussein Bourgi. - C'est encore pire !
Mme Catherine Di Folco. - Le rapporteur a indiqué que l'institution est composée de huit agents. Sans doute faudrait-il plus de précisions sur le fonctionnement. Je pense que le travail d'instruction des dossiers et les auditions se font rue de Constantine.
M. Olivier Bitz. - Je salue la stabilisation des crédits demandés par le Sénat. Il est toujours difficile de mesurer l'intérêt d'une demande de crédits sans prendre en compte les réserves existantes, naturellement destinées à servir d'ajustement en période de crise. Je le dis sans esprit polémique : c'était la moindre des choses que l'on pouvait faire ; on ne peut pas demander des efforts à tout le monde et s'en exonérer !
M. Éric Kerrouche, rapporteur pour avis. - S'agissant des déplacements du Président de la République, il y a une délégation officielle, sur laquelle la présidence à la main, et une délégation non officielle.
Sans que l'on puisse me soupçonner de défendre la présidence de la République, je voudrais tout de même apporter quelques précisions factuelles. Tout d'abord, une partie de l'augmentation des frais de réception est liée à une volonté de minimiser les déplacements. Ensuite, ce n'est pas nécessairement le Président de la République qui décide de ses déplacements - le déplacement en Nouvelle-Calédonie, par exemple, est imposé par l'actualité. Enfin, des explications rationnelles nous ont été données par l'Élysée sur la question. Je pense notamment à l'explosion des prix des chambres d'hôtel : lors d'un déplacement, toutes les délégations se rendent au même endroit et certaines négociations avec les spécialistes de l'hôtellerie ne sont plus possibles depuis la crise du covid.
Pour autant, le manque de transparence quant à l'augmentation finale demandée dans le budget 2025 pose problème.
De mémoire, le coût de la dissolution est de 28,4 millions d'euros. Cela nous donne une idée des conséquences financières, si l'exercice devait être reproduit l'an prochain.
Il n'y a pas de pouvoir judiciaire en France ; il y a une autorité judiciaire comme l'indique la Constitution. Le statut actuel du Conseil constitutionnel n'a plus rien à voir avec ce qu'il était en 1958, l'instance ayant un développement endogène. Néanmoins, je reconnais que ce statut est un entre-deux et qu'il faudrait le revoir. Avons-nous besoin d'une cour constitutionnelle, au sens où on l'entend dans certains pays ? Je ne sais pas, mais nous avons besoin d'un Conseil constitutionnel jouant pleinement son rôle.
Sur la CJR, que les choses soient claires : il ne s'agit pas de prétendre que cette institution, dont le sort est en suspens depuis sa constitution, a un fonctionnement problématique, ou de s'arrêter sur le fait que, certes, du travail est réalisé dans les bureaux de la rue de Constantine, mais une partie seulement. Le problème, en réalité, est non pas qu'il y ait, ou non, des réunions rue de Constantine, mais qu'un choix se soit enraciné dans le temps et que la renégociation du loyer, pour des sommes considérables, soit passée comme une lettre à la poste. C'est symptomatique de la façon dont est géré l'immobilier de l'État, et c'est ce qui pose problème.
M. Hussein Bourgi. - Que peut-on faire pour remédier à ce genre de situations ?
M. Éric Kerrouche, rapporteur pour avis. - La CJR ne gère pas ses propres locaux, et cette remarque nous ramène au problème global de la gestion du patrimoine. Prenons le cas de l'Élysée : il n'est pas totalement maître de la planification des travaux sur son patrimoine, car celui-ci est géré par l'Opérateur du patrimoine et des projets immobiliers de la culture (Oppic), qui dépend du ministère de la culture.
Autre exemple avec l'Assemblée nationale et le Sénat : chaque chambre se situe dans des locaux patrimoniaux et doit consacrer une partie de son budget à la gestion de ce patrimoine. Cette dimension patrimoniale mériterait manifestement une gestion plus fine et rigoureuse.
La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Pouvoirs publics ».