N° 150

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025

Enregistré à la Présidence du Sénat le 21 novembre 2024

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur le projet de loi de finances, considéré comme rejeté par l'Assemblée nationale, pour 2025,

TOME X

POUVOIRS PUBLICS

Par M. Éric KERROUCHE,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : Mme Muriel Jourda, présidente ; M. Christophe-André Frassa, Mme Marie-Pierre de La Gontrie, MM. Marc-Philippe Daubresse, Jérôme Durain, Mmes Isabelle Florennes, Patricia Schillinger, Cécile Cukierman, MM. Dany Wattebled, Guy Benarroche, Michel Masset, vice-présidents ; M. André Reichardt, Mmes Marie Mercier, Jacqueline Eustache-Brinio, M. Olivier Bitz, secrétaires ; MM. Jean-Michel Arnaud, Philippe Bas, Mme Nadine Bellurot, MM. François Bonhomme, Hussein Bourgi, Mme Sophie Briante Guillemont, MM. Ian Brossat, Christophe Chaillou, Mathieu Darnaud, Mmes Catherine Di Folco, Françoise Dumont, Laurence Harribey, Lauriane Josende, MM. Éric Kerrouche, Henri Leroy, Stéphane Le Rudulier, Mme Audrey Linkenheld, MM. Alain Marc, Hervé Marseille, Mme Corinne Narassiguin, MM. Georges Naturel, Paul Toussaint Parigi, Mmes Anne-Sophie Patru, Salama Ramia, M. Hervé Reynaud, Mme Olivia Richard, MM. Teva Rohfritsch, Pierre-Alain Roiron, Mme Elsa Schalck, M. Francis Szpiner, Mmes Lana Tetuanui, Dominique Vérien, M. Louis Vogel, Mme Mélanie Vogel.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (17ème législ.) : 324, 459, 462, 468, 471, 472, 486, 524, 527, 540 et T.A. 8

Sénat : 143 et 144 à 150 (2024-2025)

L'ESSENTIEL

La mission « Pouvoirs publics » comporte les crédits de la présidence de la République, du Sénat, de l'Assemblée nationale, des chaînes parlementaires, du Conseil constitutionnel, de la Cour de justice de la République et de la Haute Cour. Son montant total s'établit dans le projet de loi de finances pour 2025 à 1 156,5 millions d'euros, soit une hausse de 1,64 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2024. L'augmentation constatée concerne l'ensemble des institutions de la mission, à l'exception du Conseil constitutionnel et de la Cour de justice de la République, et correspond en partie à une indexation sur l'inflation des dotations.

Cette hausse est toutefois à considérer avec précaution : la présidence de la République, l'Assemblée nationale et le Sénat, représentant 95,4 % des crédits de la mission, ont annoncé le 15 octobre 2024 renoncer à l'augmentation de leur dotation. 

Si le rapporteur, Éric Kerrouche, n'a pas proposé à la commission un avis défavorable sur les crédits de la mission, compte tenu du contexte budgétaire dans lequel le projet de loi de finances est débattu, il estime néanmoins que les pouvoirs publics doivent refuser une concurrence institutionnelle d'affichage qui ne peut aboutir à terme qu'à l'attrition des moyens effectifs de l'exercice démocratique. En outre, il invite à considérer la création d'une dotation dédiée à l'entretien du patrimoine, qui constitue une charge commune à l'ensemble des institutions de la mission « Pouvoirs publics », et qui pâtit d'une confusion budgétaire entre les moyens affectés effectivement au fonctionnement desdites institutions et ceux nécessaires à l'entretien d'un patrimoine commun.

Suivant la position du rapporteur, la commission a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission.

Le montant total de la mission « Pouvoirs publics » s'établit dans le projet de loi de finances pour 2025 à 1 156,5 millions d'euros, soit une hausse de 1,64 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2024. L'augmentation constatée concerne l'ensemble des institutions de la mission, à l'exception du Conseil constitutionnel et de la Cour de justice de la République, et correspond en partie à une indexation sur l'inflation des dotations.

Évolution des crédits de la mission « Pouvoirs publics »
(en millions d'euros)

 

Loi de finances initiale pour 2024

Projet de loi de finances pour 2025
Texte initial

Projet de loi de finances pour 2025
Sur la base des annonces de l'Élysée, de l'Assemblée nationale et du Sénat

Variation annuelle

Présidence de la République

122,56

125,66

122,56

-

Assemblée nationale

607,65

617,98

607,65

-

Sénat

01 - Sénat

02 - Jardin du Luxembourg

353,47

341,86

11,61

359,48

347,68

11,80

353,47

341,86

11,61

-

La Chaîne Parlementaire

01 - LCP-AN

02 - Public Sénat

35,25

17,60

17,65

35,56

17,60

17,96

35,25

17,60

17,65

-

Conseil constitutionnel

17,93

16,85

16,85

- 6,02 %

Cour de justice de la République

0,984

0,984

0,984

-

Total

1 137,84

1 156,51

1 136,76

- 0,09 %

Source : Commission des lois, d'après l'annexe au projet de loi de finances pour 2025

La hausse faciale des crédits de la mission « Pouvoirs publics » dans le projet de loi de finances pour 2025 est toutefois à considérer avec précaution : la présidence de la République, l'Assemblée nationale et le Sénat, représentant 95,4 % des crédits de la mission, ont annoncé le 15 octobre 2024 renoncer à l'augmentation de leur dotation1(*).

I. UNE AUGMENTATION DE LA DOTATION INITIALEMENT SOLLICITÉE PAR LA PRÉSIDENCE DE LA RÉPULIQUE PORTÉE PAR UN ACCROISSEMENT DES DÉPENSES DE PERSONNEL

A. DES EFFORTS BUDGÉTAIRES ONT ÉTÉ ENTREPRIS ET ONT PERMIS LA STABILISATION DE CERTAINS TITRES DE DÉPENSES

1. Des dépenses de déplacement et de fonctionnement stabilisées après d'importantes augmentations sur les derniers exercices budgétaires

L'enveloppe consacrée aux déplacements présidentiels et celle consacrée aux dépenses de fonctionnement ont été stabilisées dans le budget prévisionnel pour 2025, avec respectivement 21 millions et 20 millions d'euros, contre 21,1 millions et 19,1 millions d'euros en 2024. Cette stabilisation des dépenses intervient après une augmentation très substantielle et continue au cours des précédents exercices budgétaires : entre 2022 et 2024, les dépenses consacrées aux déplacements ont augmenté de 40,7 % tandis que les dépenses de fonctionnement ont augmenté de 25,2 %.

Dans l'objectif de ralentir le rythme de croissance des dépenses de fonctionnement, dont l'augmentation ces dernières années a été tirée par les dépenses liées aux activités présidentielles qui recouvrent, notamment, les dépenses liées aux réceptions, la présidence de la République a précisé avoir mis en oeuvre plusieurs mesures de pilotage sur l'exercice 2024 : la rationalisation de multiples postes de dépenses, l'augmentation des tarifs du restaurant administratif ou la maîtrise des dépenses de transport. Ces mesures de pilotage devraient être reconduites en 2025.

La présidence de la République a en outre indiqué avoir identifié plusieurs leviers et marges de progrès dans l'objectif de limiter les dépenses de déplacement, en anticipant les sommets annuels internationaux ou en optimisant les déplacements bilatéraux notamment. Sur ce dernier point, Yannick Desbois, directeur général des services, a présenté au rapporteur une stratégie, mise en place depuis 2022, consistant à effectuer davantage de « déplacements couplés », c'est-à-dire des déplacements au sein de plusieurs pays appartenant à une même zone régionale. La présidence de la République rappelle cependant que l'enveloppe dédiée aux déplacements reste soumise aux aléas d'un agenda stratégique présidentiel largement influencé par des facteurs exogènes et conjoncturels.

Le rapporteur reconnaît les efforts fournis pour rationaliser les dépenses de déplacement et de fonctionnement depuis cette année, et les invite à poursuivre le travail engagé.

2. La fin de plusieurs chantiers justifie une légère baisse des dépenses d'investissement

Les dépenses d'investissement diminuent de 2,3 % entre 2024 et 2025, et s'élèvent à 8,9 millions d'euros, après avoir augmenté de 40,2 % entre 2023 et 2024. Ces crédits intègrent une dotation exceptionnelle visant à financer le schéma directeur immobilier 2024-2027, à hauteur de 5,3 millions d'euros en 2025 (4,5 millions d'euros en 2024). La baisse des crédits traduit la fin des travaux de géothermie et ceux relatifs à la Maison Élysée.

Les travaux de géothermie permettront, selon Florence Leverino, directrice des ressources et de la modernisation, une décarbonation de 87 % des émissions de l'Élysée. Le rapporteur salue cette initiative qui, malgré un coût important - de 1,6 million d'euros sur le seul premier semestre 2024 -, pourrait être rapidement rentabilisée grâce aux économies de fluides générées, évaluées par les services à 250 000 euros par an.

La Maison Élysée est un espace permettant aux visiteurs de découvrir l'histoire et le patrimoine de l'Élysée, ouvert depuis la fin du mois de juillet 2024 et, selon les services de la présidence de la République, de répondre à la frustration de nombreux visiteurs ne pouvant accéder à l'enceinte de l'Élysée. Le rapporteur souligne le coût élevé de cette opération : 3,6 millions d'euros ont été engagés dans les travaux d'installation et les frais de location s'élèvent à 500 000 euros (400 000 euros pendant 36 mois). Les services de la présidence de la République assurent cependant qu'à ce jour les hypothèses budgétaires et de flux permettant l'auto-financement de l'espace sont remplies2(*).

3. Un accroissement des dépenses de personnel impliquant la sollicitation d'une dotation plus élevée que celle des autres pouvoirs publics

Pour 2025, les dépenses de personnel devaient s'élever à 78,79 millions d'euros, soit une hausse de 3,9 % par rapport à 2024. Les services justifient cette augmentation par l'application d'une augmentation de 3,1 % notifiée par le ministère de l'économie, et par la création de 10 équivalents temps plein, dont 7 nécessaires au fonctionnement de la Maison Élysée.

Évolution des effectifs de la présidence de la République

 

2018

2019

2020

2021

2022

2023

2024

Total effectifs
(au 31 décembre)

816

779

799

800

796

817

827
3(*)

Source : Commission des lois, d'après les éléments présentés par la présidence de la République

L'augmentation des dépenses de personnel explique la sollicitation d'une dotation pour 2025 de 2,53 % supérieure à celle demandée en 2024. Indépendamment des mesures correctives conjoncturelles4(*), le rapporteur s'interroge sur le dimensionnement des dépenses de personnel de la présidence de la République notamment lorsqu'elles sont comparées aux moyens humains mis à disposition des assemblées parlementaires.

B. LA NON-SOLLICITATION D'UNE AUGMENTATION DE LA DOTATION POUR L'ANNÉE 2025 NE DEVRAIT PAS AFFECTER L'ÉQUILIBRE BUDGÉTAIRE DE LA PRÉSIDENCE DE LA RÉPUBLIQUE

1. Le renoncement à l'augmentation de la dotation initialement sollicitée va limiter les dépenses prévues pour 2025

Le 15 octobre 2024, la présidence de la République a annoncé renoncer à l'augmentation de sa dotation. En conséquence, la dotation perçue par la présidence de la République au titre de l'année 2025 sera équivalente à celle perçue au titre de l'année 2024, soit 122,56 millions d'euros. La dotation de la présidence a été revalorisée de 22,96 % entre 2017 et 2024, tandis que l'inflation cumulée sur la période s'élève à 17,69 %5(*).

Dans ce contexte, les dépenses totales de la présidence de la République seraient limitées en 2025 à 125,6 millions d'euros, contre 128,7 millions d'euros initialement envisagés (- 3,1 millions d'euros)6(*). Cette baisse devrait notamment être répercutée sur les dépenses d'investissement, avec une enveloppe finale s'élevant à 7,5 millions d'euros (- 18,1 % par rapport à 2024) et sur les dépenses de personnel, qui devraient être contenues dans une augmentation limitée à 1,3 %. Il a été indiqué au rapporteur que des suppressions de postes devraient permettre une stabilisation à 810-815 postes, contre 827 actuellement7(*). En outre, le rapporteur s'interroge sur la hausse de 35,3 % des dépenses liées aux activités présidentielles dans le budget révisé de la présidence, transmis au rapporteur spécial de la commission des finances du Sénat. L'augmentation majeure de ce titre de dépenses, qui comprend notamment les frais de réceptions organisées à l'Élysée dans le cadre des activités diplomatiques et nationales de la présidence, n'a été ni détaillée ni justifiée par les services de la présidence.

Source : commission des lois, d'après les annexes aux projets de loi de finances depuis 2017

2. L'équilibre budgétaire trouvé en 2024 ne devrait pas être remis en cause

Selon les prévisions de la présidence de la République, les efforts budgétaires entrepris ainsi que la conséquente revalorisation de dotation dont a bénéficié l'institution en 2024 vont permettre de ne pas opérer de prélèvement sur trésorerie en 2024 et de maintenir l'objectif de reconstitution du solde de trésorerie à 4 millions d'euros à la fin de l'exercice.

Les services de la présidence de la République ont exprimé, cette année encore et malgré la non-revalorisation de leur dotation, leur souhait de reconstituer une trésorerie très fortement affectée par les choix budgétaires passés à un niveau acceptable au cours des exercices à venir. Le rapporteur sera particulièrement attentif au respect de cet engagement.

Ressources en trésorerie de la présidence de la République
(en millions d'euros)

 

2017

2018

2019

2020

2021

2022

2023

2024

Disponibilités
(au 31 décembre)

22,9

17,2

20,6

20,4

20,4

11,1

3,0

4,0

Source : Commission des lois, d'après les éléments présentés par la présidence de la République.

II. L'INDEXATION SUR L'INFLATION DE LEUR CRÉDITS INITIALEMENT DEMANDÉE PAR LES ASSEMBLÉES PARLEMENTAIRES

Les crédits demandés initialement par l'Assemblée nationale et le Sénat s'élèvent respectivement à 617,98 millions d'euros (+ 10,33 millions d'euros par rapport à 2024) et à 359,48 millions d'euros (+ 6 millions d'euros). La dotation demandée au titre des chaînes parlementaires représente 35,55 millions d'euros en 2025.

L'augmentation des crédits demandée par les assemblées correspondait à une indexation sur le taux d'inflation. Toutefois, dans un communiqué de presse du 15 octobre 2024, le Président du Sénat, Gérard Larcher, la Présidente de l'Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, et les questeurs des deux assemblées ont annoncé « renoncer à l'indexation sur le taux d'inflation de la dotation de l'État pour le fonctionnement des assemblées parlementaires », afin que « les deux assemblées participent à l'effort demandé à tous pour redresser les finances publiques de notre pays ».

Le rapporteur salue la participation des assemblées parlementaires à l'effort commun demandé aux citoyens et aux administrations visant au redressement des finances publiques. Il souligne néanmoins, en le déplorant fortement, l'attrition continue des ressources de la démocratie parlementaire, qui pèse sur la capacité d'action des parlementaires. Celle-ci dépend en grande partie des moyens humains dont ils disposent pour mener leurs travaux de législation et de contrôle. À cet égard, leurs équipes de collaborateurs sont notoirement trop peu nombreuses et leurs rémunérations bien trop contraintes. Le rapporteur appelle à ne pas refuser le coût de la démocratie parlementaire, essentiel à un fonctionnement équilibré de notre régime politique, notamment pour contrebalancer les moyens d'expertise de l'exécutif. 

Il partage les réflexions engagées par Grégory Blanc, rapporteur spécial de la commission des finances, visant à comparer les moyens alloués, toutes proportions gardées, aux parlements européens et s'inscrira pleinement dans les travaux à venir sur le sujet.

A. L'ASSEMBLÉE NATIONALE : UNE HAUSSE DE LA DOTATION INITIALEMENT INDEXÉE SUR L'INFLATION ET FAISANT SUITE À LA DEMANDE D'UNE DOTATION COMPLÉMENTAIRE

1. La dissolution de l'Assemblée nationale du 9 juin 2024 a entraîné la demande d'une dotation complémentaire

Le budget initial pour l'année 2024 prévoyait un montant total de dépenses de 620,05 millions d'euros, pour une dotation de l'État de 607,65 millions d'euros. La dotation de l'État pour l'exercice 2024 constituait déjà le résultat d'une importante revalorisation budgétaire (+ 6,42 % par rapport à 2023), qui avait été justifiée par le fait que les ressources budgétaires de l'Assemblée nationale étaient structurellement insuffisantes pour couvrir la totalité de ses dépenses, entraînant au fil des années des prélèvements successifs sur les disponibilités, fragilisant ainsi les réserves de l'institution.

La dissolution du 9 juin 2024 et le renouvellement de l'Assemblée nationale ont entraîné un surcoût net de 28,54 millions d'euros. En conséquence, les Questeurs et le Bureau de l'Assemblée nationale ont demandé au titre de 2024 une dotation supplémentaire de 28,54 millions d'euros afin de pouvoir maintenir un niveau prudentiel de réserves, estimé à trois mois de fonctionnement. Au 31 mai 2024, la valeur liquidative des titres immobilisés détenus par l'Assemblée nationale s'établirait à 183,2 millions d'euros.

Évolution du solde budgétaire de l'Assemblée nationale depuis 2017
au 31 décembre de chaque année

(en millions d'euros)

 

2017

2018

2019

2020

2021

2022

2023

2024

2025

Solde budgétaire

- 58,4

- 17,7

- 22,8

- 20,7

- 37,3

- 39,3

- 26,7

- 12,7

- 23,07

Titres immobilisés

270,3

261,1

283,2

285,9

277,6

203,9

218,2

183,2

-

Source : Annexes aux projets de loi de finances depuis 2019

2. L'augmentation de la dotation initialement demandée par l'Assemblée nationale ne permettait pas de couvrir les dépenses de l'institution

Le budget de l'Assemblée nationale prévoit 643,19 millions d'euros de dépenses pour l'exercice 2025 (+ 3,4 % par rapport à 2024). Cette augmentation s'explique par une hausse des dépenses de fonctionnement (2,6 %) et d'investissement (17,9 %).

Les dépenses de fonctionnement sont constituées des charges parlementaires (348,8 millions d'euros, + 1,7 % par rapport à 2024), des charges de personnel (199,4 millions d'euros, + 5 %) et d'autres dépenses de fonctionnement (56 millions d'euros, - 0,4 %). Leur progression s'explique notamment du fait des conséquences financières de la dissolution du 9 juin 2024, de la progression structurelle des charges de personnel et d'une persistance des effets de l'inflation.

Les dépenses d'investissement, en hausse de 17,9 % par rapport à 2024, s'établissent à 38,9 millions d'euros pour 2025. Cette progression est tirée par de dynamiques investissements immobiliers (31,6 millions d'euros, + 36,2 % par rapport à 2024).

Le montant total des dépenses prévu par le budget 2025 ne serait ainsi pas couvert par les ressources de l'Assemblée nationale, qui s'élèveraient pour l'année 2025 à 620,1 millions d'euros (dont 2,1 millions d'euros de ressources propres). En conséquence, le solde budgétaire devrait être déficitaire de 23,1 millions d'euros. Ce déficit sera financé par un prélèvement sur les réserves pourtant faibles de l'Assemblée nationale.

B. LE SÉNAT : LA NON-INDEXATION DE LA DOTATION SUR L'INFLATION SERA COMPENSÉE PAR UNE BAISSE DES DÉPENSES ET UN PRÉLÈVEMENT SUR DISPONIBILITÉS

La dotation initialement demandée par le Sénat pour 2025 était en hausse de 1,70 % par rapport à l'exercice précédent, s'établissant à 359,5 millions d'euros. En cohérence, le budget du Sénat prévoyait une hausse des dépenses de 1,69 % par rapport à l'exercice précédent, pour un total de 378,9 millions d'euros pour 2025.

1. Des dépenses de fonctionnement et d'investissement en progression

Les charges de fonctionnement du Sénat augmentent en 2025 de 1,66 % pour atteindre 366,1 millions d'euros (+ 6 millions d'euros). Cette augmentation est constituée par l'augmentation des dépenses de rémunération de personnel, qui atteindraient 107,4 millions d'euros (+ 1,5 % par rapport à 2024).

Les crédits d'investissement augmentent de 2,57 %. La majorité des dépenses d'investissement réalisées par le Sénat visent à la poursuite des opérations d'investissement débutées en 2017, destinées principalement à la rénovation et à la modernisation des bâtiments et installations du Sénat.

2. La dotation du Sénat étant structurellement insuffisante pour compenser ses dépenses, l'institution est contrainte d'effectuer des prélèvements sur recettes pour équilibrer son budget

Les ressources du Sénat sont très majoritairement constituées par la dotation de la mission « Pouvoirs publics ». Cette dotation (359,5 millions d'euros) a été revalorisée de 9,24% entre 2018 et 2024, tandis que l'inflation cumulée sur la période s'est élevée à 17,15%8(*). Elle n'a par ailleurs connu aucune augmentation entre 2013 et 2021. Elle est complétée par des produits budgétaires à hauteur 6,8 millions d'euros en 2025 (6,5 millions d'euros en 2024), principalement issus des redevances annuelles de gestion versées au Sénat par les caisses autonomes de sécurité sociale et de retraite du Sénat, assises sur les salaires du personnel concerné (3,3 millions d'euros en 2025).

Le total de ces deux postes de ressources se situait, avant renoncement à l'augmentation de dotation, à 366,2 millions d'euros. Le total des dépenses anticipé s'élevant à 378,9 millions d'euros, un prélèvement sur les disponibilités de 12,72 millions d'euros était envisagé en 2025. Lors de la préparation du budget pour 2024, 12,71 millions d'euros de prélèvements sur disponibilités avaient été anticipés. Les réserves du Sénat représentent encore aujourd'hui un peu plus de quatre mois de dépenses.

Toutefois, le Sénat ayant, à l'instar de la présidence de la République et de l'Assemblée nationale, renoncé à la hausse de sa dotation à hauteur de l'inflation prévisionnelle pour 2025, le prélèvement sur recettes pour 2025 sera plus important qu'anticipé : selon les services du Sénat, un prélèvement de 18,7 millions d'euros sera nécessaire pour équilibrer le budget 2025.

Toutefois, le rapporteur rappelle que la soutenabilité de ce mode de financement pourrait être remise en question au cours des exercices futurs, et en particulier à compter de 2026, lorsque « de nombreux chantiers de travaux » devront « impérativement être engagés pour entretenir et préserver le patrimoine historique du Sénat »9(*). À ce titre, il soutient la proposition formulée en 2024 par le Sénat visant à « l'établissement d'une analyse budgétaire fonctionnelle sous la forme d'une action spécifique permettant d'identifier les travaux relevant de la mission d'entretien patrimonial confié au Sénat par la Nation »10(*).

Source : Commission des lois, d'après les projets annuels de performance depuis 2018

C. LES CHAÎNES PARLEMENTAIRES

La dotation initialement demandée au titre des chaînes parlementaires représentait, en 2025, 35,56 millions d'euros, contre 35,25 millions d'euros en 2024, soit une progression de + 0,87 %. Le dynamisme de cette dotation était entièrement dû à la dotation attribuée à Public Sénat dont les crédits progressaient de 1,74 % après dix exercices budgétaires sans augmentation11(*). LCP-AN a sollicité une dotation similaire à celle reçue en 2024, après une revalorisation de 4,5 % du montant de sa dotation en 2024. Au terme du débat parlementaire sur le budget pour l'année 2025, la dotation des deux chaînes devrait, comme celle des deux assemblées parlementaires, rester au niveau de 2024.

III. UNE LÉGÈRE DIMINUTION DE LA DOTATION DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL, FRUIT D'UN ÉQUILIBRE ENTRE FIN DES INVESTISSEMENTS DE MODERNISATION ET RECONSTITUTION D'UNE RÉSERVE MINIMALE DE PRÉCAUTION

Les crédits sollicités par le Conseil constitutionnel dans le projet de loi de finances pour 2025 s'élèvent à 16,85 millions d'euros, contre 17,93 millions d'euros en 2024, soit une baisse de 6,02 % par rapport à l'exercice précédent.

A. LES DÉPENSES DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL DIMINUERONT EN 2025, PERMETTANT LA RECONSTITUTION D'UNE RÉSERVE MINIMALE DE PRÉCAUTION

1. À la faveur de la fin des travaux de modernisation et de sécurisation à l'horizon début 2025, les dépenses du Conseil constitutionnel seront en baisse sur l'année 2025

La baisse de la dotation demandée par le Conseil constitutionnel s'explique notamment par l'enveloppe exceptionnelle accordée à l'institution lors de l'exercice précédent : la dotation du Conseil constitutionnel s'était élevée à 17,93 millions d'euros en 2024, contre 13,30 millions d'euros en 2023.

En effet, les travaux de rénovation du rez-de-chaussée du 2 rue de Montpensier réalisés au cours de l'année 2024 ont engendré une dépense, essentielle pour la sécurité des personnels, des membres et des visiteurs, mais significative de 3,6 millions d'euros, représentant la quasi-totalité de l'enveloppe exceptionnelle (de 3,84 millions d'euros), et 20 % du budget annuel du Conseil constitutionnel. Les services du Conseil constitutionnel ont indiqué que les travaux ayant eu lieu en 2024 avaient suivi le calendrier initialement envisagé. Bénéficiant de la fin progressive des travaux, les dépenses d'investissement pour l'année 2025 baisseront par rapport à l'exercice budgétaire précédent (1,50 million d'euros en 2025, soit - 0,76 million d'euros par rapport aux prévisions au 31 décembre 2024).

2. La dotation demandée pour 2025 vise à reconstituer une réserve de précaution suffisante

Les déficits budgétaires des exercices précédents (1,37 million d'euros en 2021, 1,1 million d'euros en 2022 et 1,44 million d'euros en 2023) ont été financés par des prélèvements sur disponibilités, conduisant au tarissement des ressources de trésorerie du Conseil constitutionnel (236 154 euros à la fin de 2023) dont le secrétaire général, Jean Maïa, a précisé le 7 novembre 2024 au rapporteur que les ressources de trésorerie du Conseil constitutionnel s'établissaient à 2,9 millions d'euros, et que les prévisions effectuées par ses services permettaient d'anticiper un niveau de trésorerie de 500 000 euros en fin d'exercice 2024.

En outre, la dotation demandée en 2025 « vise en particulier à reconstituer une marge de trésorerie suffisante pour financer les futures dépenses ». Si le rapporteur soutient pleinement cette initiative, le tarissement des ressources de trésorerie du Conseil constitutionnel posant un risque de fragilisation de la structure financière de l'institution, il regrette qu'aucun objectif de trésorerie ne soit formellement fixé par les services du Conseil constitutionnel, ni en valeur absolue ni en termes de mois de fonctionnement. Il invite en ce sens à formaliser l'objectif évoqué de détention d'une trésorerie équivalente à la dotation spéciale perçue par le Conseil constitutionnel dans le cadre d'une élection présidentielle12(*).

Le Conseil constitutionnel envisage en outre de consacrer 14,5 % de son budget pour 2025 à l'action « Relations extérieures et communication ». Le rapporteur souligne le dynamisme de l'activité du Conseil constitutionnel dans ses actions de communication visant à la diffusion d'une culture juridique à la connaissance de l'outil QPC. Il encourage notamment à poursuivre la tenue d'audiences « hors les murs » et les déplacements des membres du Conseil constitutionnel au sein d'établissements scolaires.

B. LA « CLÉ DE RÉPARTITION » EMPLOYÉE POUR ÉTABLIR LES PRÉVISIONS DE DÉPENSE DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL NE PERMET PAS UNE LISIBILITÉ OPTIMALE DE SON BUDGET

Dépenses de fonctionnement du Conseil constitutionnel
(en euros)

Année

Dépenses de fonctionnement prévisionnelles

Dépenses de fonctionnement exécutées

Écart en exécution

Taux d'exécution

2022

2 324 534

5 297 086

2 972 552

226 %

2023

2 006 111

5 042 541

2 437 477

251 %

2024

3 080 403

5 728 495

2 648 092
13(*)

186 %

Projet de loi de finances pour 2025

3 019 000

-

-

-

Source : Commission des lois, d'après les projets et rapports de performance annuelle depuis 2022

Au cours des derniers exercices budgétaires, le Conseil constitutionnel a systématiquement sur-exécuté ses crédits dédiés aux dépenses de fonctionnement. Interrogés à ce sujet, les services du Conseil constitutionnel ont indiqué que « les prévisions de dépenses présentées au stade de la demande initiale de dotation ne peuvent que présenter un caractère très exploratoire et, donc, indicatif » et que « les deux années passées ont été caractérisées par un alourdissement des charges de fonctionnement dû notamment à l'effet de l'accélération de l'inflation », en particulier sur la consommation de fluides.

Répartition du budget du Conseil constitutionnel
(en millions d'euros)

Action

Budget

Membres

Personnel

Fonctionnement

Investissement

Total

01. Contrôle des normes

loi de finances initiale pour 2024

1,79

6,21

1,46

1,65

11,12

exécution prévisionnelle au 31 décembre 2024

1,40

3,97

3,14

0,98

9,48

projet de loi de finances pour 2025

1,79

6,08

1,44

1,14

10,45

02. Élections, référendums, RIP

loi de finances initiale pour 2024

         

exécution prévisionnelle au 31 décembre 2024

 

0,08

   

0,08

projet de loi de finances pour 2025

         

03. Relations extérieures et communication

loi de finances initiale pour 2024

0,37

1,57

0,52

0,06

2,51

exécution prévisionnelle au 31 décembre 2024

0,29

0,91

0,81

0,19

2,20

projet de loi de finances pour 2025

0,37

1,53

0,51

0,03

2,45

04. Administration de l'institution

loi de finances initiale pour 2024

 

2,31

1,09

0,90

4,30

exécution prévisionnelle au 31 décembre 2024

 

2,59

1,78

1,09

5,56

projet de loi de finances pour 2025

 

2,26

1,07

0,62

3,96

Total

loi de finances initiale pour 2024

2,16

10,08

3,08

2,61

17,93

exécution prévisionnelle au 31 décembre 2024

1,68

7,55

5,73

2,26

17,22

projet de loi de finances pour 2025

2,16

9,87

3,02

1,50

16,85

Source : Commission des lois du Sénat, d'après les projets annuels de performance pour 2024 et 2025 et les éléments adressés au Conseil constitutionnel.

Le budget du Conseil constitutionnel se décompose en quatre actions : 01. Contrôle des normes, 02. Élections, référendum, RIP, 03. Relations extérieures et communication et 04. Administration de l'institution. Le budget dédié à ces quatre actions se décompose en sous-catégories de dépenses : liées aux membres du Conseil constitutionnel, de personnel, de fonctionnement et d'investissement. Les services du Conseil constitutionnel ont précisé au rapporteur que « les données présentées [...] au stade des travaux sur le projet de loi de finances initiale résultent de l'application d'une clé de répartition de référence entre les différentes actions ». Toutefois, cette clé de répartition de référence pose des difficultés de lisibilité du budget du Conseil constitutionnel. Non seulement pour les dépenses de fonctionnement systématiquement sur-exécutées, comme évoqué supra, mais également pour l'année 2025 pour les dépenses de personnel : le budget 2025 du Conseil constitutionnel prévoit des dépenses de personnel de 9,87 millions d'euros, contre 7,55 millions d'euros pour les prévisions au 31 décembre 2024 (+ 30,7 %), alors même que les services du Conseil constitutionnel ont indiqué qu'il n'est envisagé aucune création de poste en 2025.

Le rapporteur, conscient du caractère exploratoire des anticipations budgétaires d'une institution dont l'exécution budgétaire est fortement soumise à l'évolution de son activité, invite toutefois à nouveau les services du Conseil constitutionnel à réviser la clé de répartition de référence utilisée pour la construction du budget, afin que les prévisions budgétaires en résultant puissent correspondre le plus possible à l'exécution réelle de celui-ci afin d'avoir une lisibilité comparable à celle des autres institutions de la mission.

IV. UNE DOTATION STABLE POUR LA COUR DE JUSTICE DE LA RÉPUBLIQUE, MALGRÉ LA HAUSSE DE SES DÉPENSES AFFÉRENTES AU LOYER

Après avoir été revalorisé à hauteur de 112 000 euros en 2022 pour faire face aux flux de requêtes liées à la crise sanitaire, le budget de la Cour de justice de la République pour 2025 reste stable pour la deuxième année consécutive, la dotation sollicitée s'élevant à 984 000 euros.

La hausse du loyer (530 000 euros en 2025, contre 497 000 d'euros en 2024), premier poste de dépense de la Cour de justice de la République, et des indemnités de magistrats et cotisations (160 000 euros en 2025, contre 143 000 euros en 2024), est compensée par une baisse de tous les autres postes de dépense.

La hausse des dépenses de loyer s'explique par le renouvellement du bail au 1er mars 2022, pour une durée de neuf ans. Sans remettre en cause la responsabilité de la Cour de justice de la République, qui est tributaire des choix faits pour elle, le rapporteur s'interroge, à nouveau cette année, sur la rationalité desdits choix : un loyer de plus de 500 000 euros pour loger une institution composée de huit personnes n'apparaît pas justifiable. En outre, l'acquittement de ce loyer revient à attribuer à un acteur privé une rente de situation, à rebours des principes de bonne gestion des deniers publics.

Répartition du budget 2025
(en euros)

Dotation demandée

Projet de loi de finances pour 2024

Projet de loi de finances pour 2025

Loyer

497 000

530 000

Indemnités des magistrats et cotisations

143 000

160 000

Autres dépenses de fonctionnement

228 200

194 000

Frais de justice

80 800

70 000

Frais de tenue d'un ou plusieurs procès

35 000

30 000

Total

984 000

984 000

Source : Commission des lois, d'après le projet annuel de performances pour l'année 2025

La commission des lois a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Pouvoirs publics » inscrits au projet de loi de finances pour 2025.

EXAMEN EN COMMISSION

__________

MERCREDI 20 NOVEMBRE 2024

Mme Muriel Jourda, présidente. - Nous examinons à présent les crédits de la mission « Pouvoirs publics ».

M. Éric Kerrouche, rapporteur pour avis sur la mission « Pouvoirs publics ». - La mission comporte les crédits de la présidence de la République, de l'Assemblée nationale, du Sénat, de la chaîne parlementaire, du Conseil constitutionnel et de la Cour de justice de la République.

Le budget total s'élevait initialement à 1 156,5 millions d'euros pour 2025, soit une hausse de 1,64 % par rapport à l'année précédente. Cette augmentation concernait les crédits de toutes les institutions de la mission, à l'exception de ceux du Conseil constitutionnel et de la Cour de justice de la République. Elle correspondait en partie à une indexation sur l'inflation de la dotation sollicitée.

Cependant, la présidence de la République, l'Assemblée nationale et le Sénat ont renoncé à l'augmentation qu'ils avaient demandée. Ces institutions représentant 95,4 % des crédits de la mission, la dotation sera probablement équivalente à celle de 2024 au terme du débat parlementaire.

On peut se féliciter de la participation de la présidence de la République et des assemblées parlementaires à l'effort commun demandé aux citoyens et aux administrations pour redresser nos finances publiques. Cependant, je déplore fortement la baisse continue des ressources de la démocratie parlementaire, qui pèse sur notre capacité d'action collective, en grande partie dépendante des moyens humains dont nous disposons pour mener nos travaux législatifs et de contrôle. À cet égard, nos équipes de collaborateurs sont notoirement trop peu nombreuses et leurs rémunérations sont trop contraintes.

Il ne faut pas refuser le coût de la démocratie parlementaire, qui est essentiel à un fonctionnement équilibré de notre régime politique, notamment pour contrebalancer les moyens d'expertise de l'exécutif, qui sont bien plus importants.

Je partage les réflexions engagées par Grégory Blanc, rapporteur spécial de la commission des finances, qui visent à comparer les moyens affectés, toutes proportions gardées, aux différents parlements des États européens, et dans lesquelles je m'inscrirai pleinement.

J'en viens à la présentation des crédits. La dotation demandée par la présidence de la République progressait initialement de 2,5 % par rapport à l'exercice précédent et s'établissait à environ 126 millions d'euros. Cette augmentation était la plus importante de la mission, tirée par l'augmentation des dépenses de personnel, qui devaient s'élever à environ 80 millions d'euros, soit une hausse de 3,9 %. Il convient de s'interroger sur le dimensionnement des dépenses de personnel de la présidence, notamment lorsqu'elles sont rapportées aux moyens humains mis à disposition des assemblées parlementaires. À elle seule, la présidence de la République représente un tiers du budget du Sénat.

Toutefois, il faut reconnaître les efforts fournis depuis un an pour rationaliser les dépenses de fonctionnement et de déplacement. Si ces dépenses ont respectivement augmenté de 25,2 % et de 40,7 % entre 2022 et 2024, les services de la présidence sont parvenus à les stabiliser en 2024. Pour l'exercice budgétaire à venir, la volonté de rationalisation a été illustrée par de multiples exemples. Ainsi, les « déplacements couplés » sont désormais privilégiés, qui permettent de visiter plusieurs pays situés dans une même zone géographique au cours d'un même voyage.

Les dépenses d'investissement baisseront, traduisant notamment la fin des travaux relatifs à la Maison Élysée et à la géothermie. Ces derniers permettront de faire baisser substantiellement, à hauteur de 87 %, les émissions de carbone de la présidence. Il s'agit d'une bonne initiative, au coût important, qui sera rapidement rentabilisée grâce aux économies de fluides, évaluées à 250 000 euros par an.

Le renoncement à l'augmentation de la dotation initialement sollicitée devrait limiter l'ampleur des dépenses puisque, conformément au communiqué de la présidence et au terme du débat parlementaire, la dotation finalement perçue sera équivalente à celle de 2024, soit un peu moins de 123 millions d'euros. Néanmoins, cette dotation a été largement revalorisée au cours des derniers exercices : entre 2017 et 2024, alors que l'inflation cumulée a été de 17,7 % sur la période, les crédits de la présidence ont augmenté de 23 %. Le contraste est fort avec ce que connaissent les assemblées parlementaires.

Dans ses nouvelles prévisions budgétaires, la présidence prévoit un total de dépenses de 125,6 millions d'euros, à comparer aux 128,7 millions initialement envisagés. Cette diminution sera notamment répercutée sur les dépenses d'investissement, en baisse de 18,1 %, et sur les dépenses de personnel, dont la progression sera contenue à 1,3 % grâce à des suppressions de postes. Je m'interroge néanmoins sur l'importance des crédits liés aux activités présidentielles, en hausse de 35,3 % dans le budget révisé. Cette augmentation n'est ni détaillée ni justifiée.

Malgré la renonciation à l'augmentation de leur dotation, les services de la présidence ont annoncé maintenir leur objectif de reconstituer une trésorerie très affectée par les choix budgétaires. Les disponibilités sont passées de 22,9 millions d'euros en 2017 à 3 millions d'euros en 2023. J'appelle à être particulièrement attentif à ce point.

J'en viens aux crédits des deux assemblées. Initialement, ils devaient augmenter à hauteur de l'inflation, soit de 1,7 %, pour s'établir à 618 millions d'euros pour l'Assemblée nationale et à 359,5 millions d'euros pour le Sénat. Ces dotations seront finalement équivalentes à celles perçues en 2024 : 607,6 millions d'euros pour l'Assemblée nationale et 353,5 millions d'euros pour le Sénat.

Entre 2018 et 2024, alors que l'inflation cumulée sur la période a été de 17,15 %, la dotation de l'Assemblée nationale a progressé de 17,34 %, tandis que celle du Sénat n'a progressé que de 9,24 %. Je rappelle également que les dotations sollicitées par l'Assemblée nationale ont stagné de 2012 à 2021 et celles du Sénat de 2013 à 2021. J'aimerais mettre en garde nos institutions contre la mise en oeuvre d'une concurrence institutionnelle d'affichage entre les deux assemblées, qui ne peut aboutir qu'à l'affaiblissement des moyens effectifs de l'exercice démocratique.

En outre, le budget nécessaire au fonctionnement des assemblées comporte des dépenses liées à l'entretien et à la modernisation d'un patrimoine commun. Pour éviter une confusion budgétaire entre les moyens affectés au fonctionnement de nos institutions et ceux destinés à l'entretien du patrimoine, j'appelle à envisager la création d'une dotation dédiée à cet entretien, pour les futurs exercices budgétaires.

L'Assemblée nationale prévoyait initialement un budget de 643,2 millions d'euros de dépenses, en hausse de 3,4 %. Cette évolution s'explique notamment par les conséquences financières de la dissolution du 9 juin 2024, par la progression structurelle des charges de personnel, par la persistance des effets de l'inflation et par une progression des dépenses d'investissement, tirées par de dynamiques investissements immobiliers. Ces 643,2 millions d'euros de dépenses sont à mettre en regard des ressources, estimées à 620,1 millions d'euros. Le déficit budgétaire prévisionnel, qui s'élève donc à 23,1 millions d'euros, sera compensé par un prélèvement sur les réserves de l'Assemblée nationale, qui sont de plus en plus faibles.

En ce qui concerne le Sénat, les dépenses sont estimées à 378,9 millions d'euros et ne sont couvertes ni par la dotation de l'État ni par le produit des ressources propres. Le budget sera équilibré par un prélèvement sur les disponibilités de 18,7 millions d'euros. La soutenabilité de ce mode de financement sera probablement remise en question au cours des exercices futurs, en particulier à compter de 2026, puisque de nombreux chantiers devront être engagés pour entretenir et préserver le patrimoine historique du Sénat.

En ce qui concerne le Conseil constitutionnel, les crédits demandés présentent une diminution de 6 %, passant de 17,9 millions à 16,8 millions d'euros. Je précise que la dotation du Conseil constitutionnel a bénéficié l'année dernière d'une revalorisation importante, du fait d'une enveloppe exceptionnelle affectée aux travaux de rénovation de l'accueil de la rue de Montpensier. Ce chantier, qui touche à sa fin, a permis de renforcer la sécurité des lieux, tout en garantissant leur accessibilité aux personnes extérieures. Il a également été l'occasion de procéder à un raccordement au futur réseau de climatisation Fraîcheur de Paris.

En conséquence, les dépenses d'investissement prévisionnelles sont en baisse de 0,8 million d'euros. La dotation sollicitée par le Conseil constitutionnel reste toutefois en augmentation relative, si l'on compare la diminution de 6 % des crédits avec leur hausse de 34,9 % l'année précédente. Les services du Conseil constitutionnel ont indiqué que la dotation pour 2025 visait en particulier à reconstituer une marge de trésorerie suffisante. Le Conseil est dans la même situation que les autres institutions quant à ses ressources propres. Sa trésorerie a été presque intégralement consommée, les déficits budgétaires des exercices précédents ayant été financés par des prélèvements sur disponibilités.

Le Conseil envisage de consacrer 14,5 % de son budget à l'action « Relations extérieures et communication ». J'aimerais souligner le dynamisme du Conseil constitutionnel dans ses activités de communication, qui visent à diffuser une culture juridique et la connaissance de l'outil QPC (question prioritaire de constitutionnalité). La poursuite de la tenue d'audiences hors les murs et des déplacements des membres du Conseil participent de la diffusion d'une bonne connaissance juridique.

Cependant, je regrette de ne pas disposer, cette année encore, d'éléments d'information plus exhaustifs sur les prévisions d'exécution du budget du Conseil et je l'invite à veiller, de manière plus attentive à l'avenir, à la qualité et à la transparence des informations budgétaires transmises, ainsi qu'à la qualité de ses prévisions. À ce titre, la surexécution systématique de ses dépenses de fonctionnement pose question.

Je n'ai pas de remarque particulière à faire sur la Cour de justice de la République (CJR) - sauf une, qui est tout de même essentielle : son loyer représente plus de la moitié de ses dépenses ! Sans mettre en cause la responsabilité de la Cour, je m'interroge sur la rationalité des choix immobiliers dont elle est tributaire. Un loyer de plus de 500 000 euros pour loger une institution composée de huit personnes n'apparaît pas justifiable. En outre, l'acquittement de ce loyer revient à attribuer à un acteur privé une rente de situation, à rebours des principes de bonne gestion des deniers publics.

En conclusion, l'analyse de l'évolution des dotations dans le temps permet de dégager deux tendances générales.

D'une part, les dotations sollicitées par les institutions de la mission « Pouvoirs publics » sont structurellement insuffisantes pour couvrir leurs dépenses. En conséquence, ces institutions équilibrent leur budget via des prélèvements sur leurs trésoreries respectives, conduisant au tarissement progressif de celles-ci.

D'autre part, il apparaît que les institutions de la mission « Pouvoirs publics » prennent part à une forme de concurrence institutionnelle, visant à l'affichage d'une certaine vertu budgétaire. Si je souscris évidemment à la participation de nos institutions à l'effort budgétaire demandé à tous, je m'inquiète de l'amenuisement des moyens des institutions parlementaires, essentielles au bon fonctionnement de notre régime politique.

Telles sont les quelques remarques que je souhaitais vous présenter, au terme desquelles je vous propose de donner un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Pouvoirs publics », du fait du contexte budgétaire.

M. Hussein Bourgi. - Je remercie notre collègue Éric Kerrouche pour son rapport. Je souhaiterais reprendre certains de ses propos dans des termes moins policés...

Dans un mouvement général, unanime, toutes les institutions ont décidé de renoncer à une augmentation de dotations, pourtant nécessaire, afin de répondre à la demande d'économies budgétaires.

À la présidence de la République, l'effort portera principalement sur les emplois - pourquoi pas ! Je m'interroge néanmoins sur l'intérêt de la frénésie de déplacements à l'étranger et sur l'augmentation substantielle du budget de réception de l'Élysée. On ne peut pas faire porter l'effort de la rigueur sur le personnel, tout en affichant un accroissement de 35 % de ce budget.

Les deux chambres - Sénat et Assemblée nationale - ont elles aussi voulu prendre leur part. Mais toute élection est source de dépenses... La dissolution et les élections législatives de 2024 ont nécessairement engendré des dépenses exceptionnelles pour l'Assemblée nationale. Si, « par accident », une nouvelle dissolution devait survenir l'an prochain, je ne suis pas certain que le budget prévu lui permette de remplir ses missions et obligations, à moins d'épuiser toutes ses réserves. De même, le Sénat ne pourra pas maintenir l'effort qu'il a consenti cette année, du fait du renouvellement partiel de septembre 2026. Il ne faudrait pas que nous nous imposions, au motif d'être vertueux, des choix qui - passez-moi l'expression - nous mettraient dans la seringue.

En ce qui concerne le Conseil constitutionnel, quand on est garant de la loi fondamentale, sourcilleux du respect des textes, il faut s'imposer à soi-même un minimum de rigueur dans la justification de ses dépenses. Sans faire offense aux membres, y compris les plus éminents, de cette institution, il me semble que c'est entendable.

Je termine par la CJR : une institution qui consacre la moitié de son budget au paiement de son loyer, c'est inadmissible, indécent et immoral ! Ce n'est pas acceptable ! La Cour peut tout à fait siéger ailleurs, dans des quartiers de Paris moins onéreux.

Mme Sophie Briante Guillemont. - Avez-vous plus d'informations sur les déplacements du Président de la République à l'étranger ? Si je prends le seul exemple du Maroc, la délégation comptait 130 personnes. C'est énorme !

J'entends qu'il y a un manque de transparence au niveau du Conseil constitutionnel. Mais notons que certains de ses membres n'ont même pas un assistant personnel à leur disposition. En comparaison d'un juge de la Cour suprême des États-Unis ou d'autres exemples internationaux, il y a clairement une sous-dotation. Des demandes sont-elles formulées pour accroître les moyens en personnel ?

Mme Catherine Di Folco. - Je voudrais apporter un correctif aux propos de Hussein Bourgi. La CJR, dont je suis membre, siège dans les locaux du palais de justice, et non rue de Constantine où se trouvent les bureaux.

M. Hussein Bourgi. - C'est encore pire !

Mme Catherine Di Folco. - Le rapporteur a indiqué que l'institution est composée de huit agents. Sans doute faudrait-il plus de précisions sur le fonctionnement. Je pense que le travail d'instruction des dossiers et les auditions se font rue de Constantine.

M. Olivier Bitz. - Je salue la stabilisation des crédits demandés par le Sénat. Il est toujours difficile de mesurer l'intérêt d'une demande de crédits sans prendre en compte les réserves existantes, naturellement destinées à servir d'ajustement en période de crise. Je le dis sans esprit polémique : c'était la moindre des choses que l'on pouvait faire ; on ne peut pas demander des efforts à tout le monde et s'en exonérer !

M. Éric Kerrouche, rapporteur pour avis. - S'agissant des déplacements du Président de la République, il y a une délégation officielle, sur laquelle la présidence à la main, et une délégation non officielle.

Sans que l'on puisse me soupçonner de défendre la présidence de la République, je voudrais tout de même apporter quelques précisions factuelles. Tout d'abord, une partie de l'augmentation des frais de réception est liée à une volonté de minimiser les déplacements. Ensuite, ce n'est pas nécessairement le Président de la République qui décide de ses déplacements - le déplacement en Nouvelle-Calédonie, par exemple, est imposé par l'actualité. Enfin, des explications rationnelles nous ont été données par l'Élysée sur la question. Je pense notamment à l'explosion des prix des chambres d'hôtel : lors d'un déplacement, toutes les délégations se rendent au même endroit et certaines négociations avec les spécialistes de l'hôtellerie ne sont plus possibles depuis la crise du covid.

Pour autant, le manque de transparence quant à l'augmentation finale demandée dans le budget 2025 pose problème.

De mémoire, le coût de la dissolution est de 28,4 millions d'euros. Cela nous donne une idée des conséquences financières, si l'exercice devait être reproduit l'an prochain.

Il n'y a pas de pouvoir judiciaire en France ; il y a une autorité judiciaire comme l'indique la Constitution. Le statut actuel du Conseil constitutionnel n'a plus rien à voir avec ce qu'il était en 1958, l'instance ayant un développement endogène. Néanmoins, je reconnais que ce statut est un entre-deux et qu'il faudrait le revoir. Avons-nous besoin d'une cour constitutionnelle, au sens où on l'entend dans certains pays ? Je ne sais pas, mais nous avons besoin d'un Conseil constitutionnel jouant pleinement son rôle.

Sur la CJR, que les choses soient claires : il ne s'agit pas de prétendre que cette institution, dont le sort est en suspens depuis sa constitution, a un fonctionnement problématique, ou de s'arrêter sur le fait que, certes, du travail est réalisé dans les bureaux de la rue de Constantine, mais une partie seulement. Le problème, en réalité, est non pas qu'il y ait, ou non, des réunions rue de Constantine, mais qu'un choix se soit enraciné dans le temps et que la renégociation du loyer, pour des sommes considérables, soit passée comme une lettre à la poste. C'est symptomatique de la façon dont est géré l'immobilier de l'État, et c'est ce qui pose problème.

M. Hussein Bourgi. - Que peut-on faire pour remédier à ce genre de situations ?

M. Éric Kerrouche, rapporteur pour avis. - La CJR ne gère pas ses propres locaux, et cette remarque nous ramène au problème global de la gestion du patrimoine. Prenons le cas de l'Élysée : il n'est pas totalement maître de la planification des travaux sur son patrimoine, car celui-ci est géré par l'Opérateur du patrimoine et des projets immobiliers de la culture (Oppic), qui dépend du ministère de la culture.

Autre exemple avec l'Assemblée nationale et le Sénat : chaque chambre se situe dans des locaux patrimoniaux et doit consacrer une partie de son budget à la gestion de ce patrimoine. Cette dimension patrimoniale mériterait manifestement une gestion plus fine et rigoureuse.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Pouvoirs publics ».

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Sénat
(mardi 22 octobre 2024)

· M. Antoine Lefèvre, premier questeur

· Mme Marie-Arlette Carlotti, questeure

· M. Olivier Cigolotti, questeur

Présidence de la République
(mardi 29 octobre 2024)

· M. Patrice Faure, directeur de cabinet

· M. Yannick Desbois, directeur général des services, directeur adjoint de cabinet

· Mme Florence Leverino, directrice des ressources et de la modernisation

Public Sénat
(mercredi 30 octobre 2024)

· M. Christopher Baldelli, président-directeur général

· M. Guillaume Pfister, secrétaire général

Conseil constitutionnel
(jeudi 7 novembre 2024)

· M. Laurent Fabius, président

· M. Jean Maïa, secrétaire général

Cour de justice de la République
(mardi 12 novembre 2024)

· M. Dominique Pauthe, président


* 1 Communiqué de presse de la présidence de la République du 15 octobre 2024 et communiqué de presse commun du président du Sénat et de la présidente de l'Assemblée nationale du 15 octobre 2024.

* 2 Entretien avec Patrice Faure directeur de cabinet, Yannick Desbois, directeur général des services, et Florence Lévérino, directrice des ressources et de la modernisation, le 29 octobre 2024.

* 3 Effectifs au 29 octobre 2024. 

* 4 Cf. infra.

* 5 Commission des lois, d'après les données de l'Insee et de la Banque de France

* 6 Commission des finances du Sénat, d'après les données fournies par la présidence de la République

* 7 Entretien avec Patrice Faure, directeur de cabinet, Yannick Desbois, directeur général des services, et Florence Lévérino, directrice des ressources et de la modernisation, le 29 octobre 2024.

* 8 Commission des lois, d'après les données de l'Insee et de la Banque de France.

* 9 Page 45 de l'annexe de la mission « Pouvoirs publics » au projet de loi de finances pour 2025.

* 10 Page 46 de l'annexe de la mission « Pouvoirs publics » au projet de loi de finances pour 2024.

* 11 La dernière revalorisation des crédits de Public Sénat date de la loi de finances pour 2015. Les crédits ont, depuis, stagné ou diminué selon les exercices.

* 12 Entretien avec Laurent Fabius, président du Conseil constitutionnel, et Jean Maïa, secrétaire général, le 7 novembre 2024.

* 13 Répartition prévisionnelle du budget au 31 décembre 2024 effectuée par les services du Conseil constitutionnel.

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