IV. TROIS DOSSIERS À SUIVRE DÈS 2025
Le rapporteur pour avis a souhaité dans le cadre de ce rapport mettre en avant trois sujets d'attention, qui nécessiteront toute l'attention des pouvoirs publics à court, moyen et long terme.
A. À COURT TERME : LA CHRONOLOGIE DES MÉDIAS MENACÉE ?
La chronologie des médias constitue une singularité du cinéma français et un pilier de notre modèle de financement. Elle repose sur un principe simple, qui est de lier le niveau du financement dans le cinéma avec la faculté de proposer l'oeuvre plus tôt, principe qui donne lieu à chaque renouvellement à des débats particulièrement âpres. Signée le 24 janvier 2022 pour une durée de trois ans, l'actuelle chronologie, exposée en détail dans le rapport pour avis de 20239(*), s'achève donc en janvier prochain.
Or un « grain de sable » est venu perturber des négociations qui s'annonçaient comme à l'accoutumée complexes. Par une décision du 25 septembre 2024, l'Autorité de la Concurrence (ADLC) s'est saisie d'office d'éventuelles pratiques anticoncurrentielles dans le secteur de la télévision payante et de l'acquisition des oeuvres cinématographiques. L'instruction, actuellement en cours, s'intéresse aux accords passés entre certains groupes audiovisuels qui financent le cinéma et les producteurs.
La simple hypothèse d'une remise en cause de cet équilibre est déjà lourde de conséquences pour le secteur.
- D'une part, l'instruction a suspendu de facto les négociations, les parties prenantes attendant la décision de l'ADLC pour évaluer leurs positions respectives.
- D'autre part, le niveau des engagements dans le cinéma des financeurs, en premier lieu du premier d'entre eux, Canal Plus, avec plus de 200 millions d'euros par an, dépend directement des accords qui sont passés avec les producteurs.
Le rapporteur pour avis ne peut en aucun cas préjuger de la décision qui sera prise par l'ADLC. Il met cependant en garde contre la remise en cause d'un mécanisme qui depuis les années 70 s'est avéré extrêmement protecteur et bénéfique pour le cinéma français.
B. À MOYEN TERME : LES RISQUES DE LA RENÉGOCIATION DE LA DIRECTIVE SMA
L'article 33 de la directive du 14 novembre 2018 sur les Services de médias audiovisuels (SMA) prévoit une évaluation par la Commission européenne du dispositif au plus tard le 19 décembre 2026. L'année 2025 devrait donc voir le lancement de cette réflexion, comme l'a annoncé Henna Virkkunen, candidate à la vice-présidence exécutive de la commission pour la Souveraineté technologique.
Transposée en droit français par l'ordonnance du 21 décembre 2020, cette directive a rendu possible l'insertion dans notre paysage audiovisuel des plateformes en ligne, qui supportent dorénavant des obligations d'investissement dans le cinéma français.
Ces grands acteurs internationaux pourraient profiter de cette revue pour demander des modifications, qui iraient dans le sens d'un assouplissement. Alors que nous sommes encore en amont, la France, qui a fortement pesé pour l'adoption de la directive de 2018, doit demeurer extrêmement attentive et plaider pour la préservation de ce système particulièrement vertueux.
De ce point de vue, la nomination rapide d'un nouveau Président au CNC au fait de ces sujets, suite au départ en juin 2024 de Dominique Boutonnat, s'avérerait un atout très précieux selon le rapporteur pour avis.