II. UN MODÈLE DE FORMATION À PRÉSERVER
Avec six domaines de formation, allant de la production agricole, l'industrie agroalimentaire à la santé et protection animale, à l'aménagement des milieux naturels et aux services aux personnes et aux territoires, l'enseignement agricole couvre l'ensemble des métiers du vivant.
Il se caractérise par son excellent taux d'insertion professionnelle et de réussite aux examens. Ces résultats sont d'autant plus remarquables que l'enseignement agricole accueille des élèves aux indices de position sociale (IPS) en moyenne inférieurs à ceux de l'éducation nationale.
Taux de réussite aux examens (juin 2024) |
Taux d'insertion professionnelle |
||||||
CAP agricole |
Bac technologique |
Bac général |
Bac professionnel |
BTSA |
Bac pro1 |
BTSA1 |
Enseignement supérieur long2 |
95 % |
97 % |
97 % |
88 % |
77 % |
87 % |
92 % |
96 % |
1 3 ans après l'obtention du diplôme 2 1 an après l'obtention du diplôme Source : ministère de l'agriculture
A. UNE INQUIÉTUDE SUR LES CONSÉQUENCES D'UNE RÉFORME DE L'AIDE D'APPRENTISSAGE DANS UN CONTEXTE DE FRAGILITÉ FINANCIÈRE DES ÉTABLISSEMENTS
La commission souhaite alerter sur les conséquences directes et indirectes d'une éventuelle réforme de l'aide à l'apprentissage.
D'une part, le nombre d'apprentis constitue une part croissante des effectifs de l'enseignement agricole. Depuis 2019, leur nombre a progressé de 49 %. Au 31 décembre 2023, ils étaient ainsi près de 45 000 dans l'enseignement technique agricole auxquels s'ajoutent plus de 3 300 apprentis dans l'enseignement supérieur agricole.
L'enseignement agricole recense 7 % des apprentis en France sur les tranches d'âge correspondantes alors qu'il accueille environ 3 % des effectifs scolarisés. Le secteur de la production agricole regroupe à lui seul 43 % des apprentis de l'enseignement agricole.
Évolution du nombre d'apprentis de l'enseignement agricole |
Répartition des effectifs d'apprentis selon le niveau de formation |
Répartition des apprentis |
Source : Portrait de l'enseignement agricole, édition 2024
La commission a été alertée par les acteurs de l'enseignement agricole sur les conséquences directes pour les jeunes d'une éventuelle baisse de l'aide des entreprises à l'apprentissage. Actuellement, les apprentis de l'enseignement agricole sont davantage moins diplômés que ceux de l'éducation nationale et l'enseignement supérieur - seuls 7 % des apprentis sont dans un cursus long d'études supérieures - et effectuent leur apprentissage dans des petites et moyennes entreprises. En fonction des arbitrages gouvernementaux - une limitation de l'aide à l'apprentissage à certains niveaux de diplômes, aux petites et moyennes entreprises ou au contraire un coup de rabot généralisé -, les conséquences pourraient être fortes pour les apprentis de l'enseignement agricole, avec notamment des entreprises renonçant à accueillir des apprentis du fait de la fin de l'aide gouvernementale.
Par ailleurs, la DGER a rappelé le modèle financier fragile sur lequel sont bâtis la plupart des établissements d'enseignement agricole. Nombre d'entre eux sont en effet constitués à la fois d'un lycée agricole incluant une exploitation agricole ou un atelier technologique et d'un centre de formation des apprentis (CFA). Or ces exploitations agricoles connaissent les mêmes difficultés que la « ferme France ».
Quand un CFA perd en rentabilité, c'est l'ensemble de l'établissement d'enseignement agricole qui en pâtit.
Une remise en cause de l'aide à l'apprentissage pourrait ainsi contribuer à fragiliser des établissements dont la santé financière ne cesse de se dégrader. En effet, alors que 77 % des CFA ont des résultats financiers positifs, seuls 34 % des exploitations4(*) et 38 % des ateliers technologiques des EPLEFPA présentent un résultat financier positif.
Comme l'ont indiqué les services du ministère de l'agriculture, « la santé financière des EPLEFPA [établissement public local d'enseignement et de formation professionnelles agricoles] repose essentiellement sur les recettes générées par les contrats d'apprentissage, portées par un fort engagement de l'État »5(*). Le résultat de fonctionnement du « CFA France » contribue ainsi à 186 % à celui de « l'EPLEFPA France ».
Une situation financière des
établissements publics de l'enseignement agricole
de plus en plus
préoccupante
Depuis 2019, la DGER procède à une revue annuelle de la santé financière des établissements publics locaux d'enseignement et de formation professionnelles - ceux-ci sont classés en 4 catégories.
En 2024, la situation financière de nombreux EPLEFPA s'est dégradée :
- on ne dénombre plus que 42 établissements dans la catégorie 1 (rien à signaler sur le plan financier). Ils étaient 53 l'année précédente ;
- leur nombre est stable - 46 établissements - au sein de la catégorie 2 (situation financière saine mais quelques questionnements demeurent) ;
- le nombre d'établissements dans la catégorie 3 (situation financière inquiétante) est de 31 ;
- le nombre d'établissements en catégorie 4 (crise potentielle ou avérée) a en revanche fortement progressé. Ils sont désormais 53, soit 16 de plus que l'an dernier. Dans cette catégorie, 10 sont en situation de crise financière avérée. En 2021, 19 % des établissements étaient dans cette catégorie ; ils sont désormais plus de 30 %.
Cette dégradation de la santé financière des établissements s'explique d'une part par l'augmentation des charges liées à l'inflation, et d'autre part, par des « ajustements des dotations de fonctionnement par certains conseils régionaux ».
Afin d'aider au mieux les EPLEFPA dans un cadre réglementaire strict - les subventions pour charge de fonctionnement ou d'investissement sont interdites - l'État a mis en place, en lien avec les directions régionales de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt (DRAAF), un accompagnement méthodologique de ces établissements : celui-ci porte sur l'analyse financière de leur situation et sur une aide à l'élaboration d'un plan pluriannuel d'actions pour un retour à l'équilibre financier.
En ce qui concerne l'enseignement agricole privé, 45 établissements du temps plein sur 176 et une cinquantaine de MFR sur un total de 410 sont en difficulté financière. L'État ne peut verser aucune aide aux établissements privés en difficulté financière. Toutefois, de manière similaire à l'accompagnement qu'il a mis en place pour accompagner les établissements publics de l'enseignement agricole en difficulté, le PLF 2025 prévoit une subvention à destination des fédérations afin qu'elles puissent effectuer une démarche semblable avec les établissements de leurs réseaux.
* 4 Elles étaient 51 % en 2022.
* 5 Réponse au questionnaire budgétaire.