- AVANT-PROPOS
- I. UNE LÉGÈRE AUGMENTATION
BUDGÉTAIRE DANS UN CONTEXTE D'ATTRACTIVITÉ RETROUVÉE POUR
L'ENSEIGNEMENT AGRICOLE
- II. UN MODÈLE DE FORMATION À
PRÉSERVER
- A. UNE INQUIÉTUDE SUR LES
CONSÉQUENCES D'UNE RÉFORME DE L'AIDE D'APPRENTISSAGE DANS UN
CONTEXTE DE FRAGILITÉ FINANCIÈRE DES ÉTABLISSEMENTS
- B. LA NÉCESSITÉ D'UNE RALLONGE
BUDGÉTAIRE EN COURS D'ANNÉE POUR LES MAISONS FAMILIALES
RURALES ?
- C. UN MAILLAGE TERRITORIAL DENSE PARTICIPANT
À L'ANIMATION DES TERRITOIRES
- A. UNE INQUIÉTUDE SUR LES
CONSÉQUENCES D'UNE RÉFORME DE L'AIDE D'APPRENTISSAGE DANS UN
CONTEXTE DE FRAGILITÉ FINANCIÈRE DES ÉTABLISSEMENTS
- I. UNE LÉGÈRE AUGMENTATION
BUDGÉTAIRE DANS UN CONTEXTE D'ATTRACTIVITÉ RETROUVÉE POUR
L'ENSEIGNEMENT AGRICOLE
- EXAMEN EN COMMISSION
- LISTE DES PERSONNES ENTENDUES ET DES CONTRIBUTIONS
ÉCRITES
- - ANNEXE
N° 149 SÉNAT SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025 |
Enregistré à la Présidence du Sénat le 21 novembre 2024 |
AVIS PRÉSENTÉ au nom de la commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport (1) sur le projet de loi de finances, considéré comme rejeté par l'Assemblée nationale, pour 2025, |
TOME III Fascicule 2 ENSEIGNEMENT SCOLAIRE Enseignement technique agricole |
Par M. Bernard FIALAIRE, Sénateur |
(1) Cette commission est composée de : M. Laurent Lafon, président ; MM. Jérémy Bacchi, Max Brisson, Yan Chantrel, Mme Laure Darcos, MM. Bernard Fialaire, Jacques Grosperrin, Martin Lévrier, Mmes Monique de Marco, Marie-Pierre Monier, M. Michel Savin, vice-présidents ; Mmes Colombe Brossel, Else Joseph, M. Pierre-Antoine Levi, Mme Anne Ventalon, secrétaires ; Mmes Marie-Jeanne Bellamy, Catherine Belrhiti, Annick Billon, Alexandra Borchio Fontimp, M. Christian Bruyen, Mmes Samantha Cazebonne, Mireille Conte Jaubert, Evelyne Corbière Naminzo, Karine Daniel, Sabine Drexler, M. Aymeric Durox, Mmes Agnès Evren, Béatrice Gosselin, MM. Jean Hingray, Patrick Kanner, Claude Kern, Mikaele Kulimoetoke, Mme Sonia de La Provôté, MM. Ahmed Laouedj, Michel Laugier, Jean-Jacques Lozach, Mmes Virginie Lucot Avril, Pauline Martin, Catherine Morin-Desailly, Mathilde Ollivier, MM. Pierre Ouzoulias, Jean-Gérard Paumier, Maurice Perrion, Stéphane Piednoir, Mme Sylvie Robert, MM. David Ros, Pierre-Jean Verzelen, Cédric Vial, Adel Ziane. |
Voir les numéros : Assemblée nationale (17ème législ.) : 324, 459, 462, 468, 471, 472, 486, 524, 527, 540 et T.A. 8 Sénat : 143 et 144 à 150 (2024-2025) |
AVANT-PROPOS
Après une décennie de désaffection, l'enseignement agricole connait depuis 2019 une croissance de ses effectifs - environ 1 % par an - qui traduit un regain d'intérêt pour les 200 métiers auxquels il prépare. Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2025 les crédits qui lui sont alloués s'élèvent à 1,73 milliard d'euros, soit une hausse de 2,1 % du programme 143, portée notamment par le glissement vieillesse technicité et la budgétisation du pacte enseignant.
Si la commission a émis un avis favorable sur ce projet de budget, elle reste vigilante sur les moyens alloués à moyen terme au financement de cet enseignement afin d'atteindre l'objectif ambitieux d'une hausse des effectifs dans le contexte du renouvellement générationnel des agriculteurs : entre 40 % et 60 % de ceux-ci devraient partir à la retraite d'ici 2030.
Par ailleurs, elle alerte sur les conséquences d'une remise en cause de l'aide à l'apprentissage : d'une part, le nombre d'apprentis constitue une part croissante des effectifs de l'enseignement agricole ; d'autre part, les établissements de l'enseignement agricole constituent un écosystème où les revenus tirés des centres de formation des apprentis (CFA) permettent souvent de compenser les pertes enregistrées par les exploitations agricoles et les ateliers pédagogiques. Alors qu'un nombre croissant d'établissements d'enseignement agricole connaissent des difficultés financières, une perte de rentabilité des CFA les fragiliserait encore davantage.
I. UNE LÉGÈRE AUGMENTATION BUDGÉTAIRE DANS UN CONTEXTE D'ATTRACTIVITÉ RETROUVÉE POUR L'ENSEIGNEMENT AGRICOLE
A. UN BUDGET EN LÉGÈRE HAUSSE PAR RAPPORT À 2024 PORTÉE PAR DES MESURES TECHNIQUES
Le programme 143 consacré au financement de l'« enseignement technique agricole » est en hausse de plus de 35 millions d'euros par rapport à l'année dernière, soit une progression de 2,1 %.
Une part significative de cette hausse s'explique par des mesures techniques, en particulier le glissement vieillesse-technicité, estimé à 12,4 millions d'euros, et le soclage du Pacte enseignant. La loi de finances initiale pour 2024 ne prévoyait pas de crédits pour l'application du pacte enseignant dans l'enseignement agricole. Le programme 143 a donc bénéficié en cours d'année d'un transfert de 55,52 millions d'euros1(*) en provenance des programmes 141 « enseignement scolaire public du second degré » et 230 « vie de l'élève » de l'éducation nationale pour la mise en oeuvre de cette mesure.
Le PLF 2025 acte l'inscription du pacte enseignant dans le programme 143. Selon les informations transmises par les services du ministère de l'agriculture, les crédits consacrés le seront à hauteur des crédits consommés lors de l'année 2023-2024.
Mise en oeuvre du pacte dans l'enseignement
agricole
pour l'année scolaire 2023-2024
Le pacte a connu un succès sensiblement plus élevé dans l'enseignement agricole que dans l'éducation nationale. Près de 54 % des enseignants et conseillers principaux d'éducation (CPE) des établissements publics se sont engagés dans le dispositif Pacte, soit quelque 4 280 agents. Dans les lycées privés sous contrat, le taux d'adhésion atteint les 80 % avec 3 650 enseignants engagés. Au total, un peu plus de 22 200 missions ont été attribuées, réparties à parts égales entre l'enseignement public et l'enseignement privé sous contrat - à noter que les établissements du rythme approprié, maison familiale rurale (MFR) notamment, ne sont pas éligibles au pacte. Le remplacement de courte durée (RCD) - priorité du gouvernement - représente 30 % des missions attribuées, suivi par les missions d'initiatives pédagogiques (16 %). Toutefois, le rapporteur a été alerté sur le taux réel d'exécution des missions prises dans le cadre du Pacte ainsi que sur l'utilisation de ce dispositif pour financer des politiques déjà présentes, par exemple la mise en place d'un référent handicap : dans un certain nombre d'établissements, le personnel a bénéficié d'une brique pour la mise en oeuvre de cette politique publique. Se pose la question de son devenir si le pacte enseignant venait à disparaître.
Le gain moyen pour les personnels est de 3 500 euros. Le taux d'exécution des crédits consacrés au pacte enseignant pour l'année 2023-2024 est de 68,41 %, soit 32,59 millions d'euros.
La direction générale de l'enseignement et de la recherche a rappelé que le pacte reste un dispositif contesté par les principaux syndicats enseignants. Toutefois, pour celle-ci, il a permis de redonner un second souffle à des initiatives et d'ouvrir de nouveaux chantiers notamment en termes de communication (notamment par la participation aux « réunions de bassins » qui réunissent les chefs d'établissements de l'éducation nationale du territoire). Par ailleurs, certaines équipes de direction se sont saisies du pacte comme un nouvel outil managérial.
Si la commission comprend la priorité souhaitée par le gouvernement sur les remplacements de courte durée, elle appelle néanmoins à laisser aux chefs d'établissement une souplesse dans l'attribution des missions pour, d'une part, continuer à soutenir les projets innovants, qui sont dans l'ADN de l'enseignement agricole et, d'autre part, poursuivre les actions locales de communication et d'information sur l'enseignement agricole - nécessaires pour attirer de nouveaux élèves. Par ailleurs, elle souligne que les établissements de l'enseignement agricole sont souvent beaucoup plus petits que leurs homologues de l'éducation nationale, avec moins d'effectifs et de classes. Le volume d'heures à remplacer par établissement y est donc moindre. Or le volume de la « brique remplacement de courte durée » est le même : 18 heures. Des enseignants s'engageant dans cette mission pourraient se retrouver en difficulté pour effectuer l'ensemble de ces heures.
Parallèlement, la diminution de 24,65 millions d'euros des crédits en faveur des allocations pour les stagiaires de la voie professionnelle qui explique 90 % de la baisse des crédits de l'action 5 est due à une mesure de périmètre. La loi de finances pour 2024 couvrait en effet l'année civile 2024 à laquelle s'ajoutait de manière rétroactive le dernier trimestre scolaire de l'année 2023, soit 4 trimestres scolaires. Les crédits inscrits au PLF 2025 ne doivent couvrir que l'année civile 2025, soit 3 trimestres scolaires.
En ce qui concerne les dépenses de personnel, le programme 143 ne prévoit pas de moyens nouveaux - ni de diminution : l'augmentation de ces dépenses de titre 2 résulte de la CDIsation des assistants d'éducation (AED) et des accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH). 9,55 millions d'euros sont ainsi transférés des crédits hors titre 2 vers les crédits de titre 2. Tous ces personnels en CDI doivent ainsi être intégrés au plafond d'emploi au 1er janvier 2025.
Évolution des crédits entre la loi
de finances 2024
et le projet de loi de finances pour 2025
(en M€) - Source : réponse au questionnaire budgétaire
Actions |
LFI 2024 (CP) |
PLF 2025 (CP) |
Évolution |
Évolution (%) |
(1) Mise en oeuvre des enseignements dans les établissements publics |
905,67 |
945,77 |
+ 40,10 |
+ 4,43 % |
(2) Mise en oeuvre des enseignements dans les établissements privés |
621,59 |
647,56 |
+ 25,97 |
+ 4,18 % |
(3) Aide sociale aux élèves |
73,9 |
69,19 |
- 4,71 |
- 6,37 % |
(4) Mise en oeuvre dans les territoires |
5,3 |
5,25 |
- 0,05 |
- 0,85 % |
(5) Moyens communs |
89,21 |
63,28 |
- 25,93 |
- 29,08 % |
Total |
1 695,67 |
1 731,05 |
+ 35,38 |
+ 2,09 % |
PRINCIPALES AUGMENTATIONS ET DIMINUTIONS AU
SEIN DU PROGRAMME |
|
CRÉDITS EN HAUSSE + 8,5 M€ pour la mise en oeuvre de l'accord relatif à la protection sociale complémentaire (obligation de l'État employeur à partir du 1er janvier 2025) + 1,1 M€ en faveur de l'établissement public national de Coconi à Mayotte pour répondre aux besoins liés à la crise sécuritaire et sanitaire, faire face à l'augmentation des effectifs et permettre le fonctionnement du nouvel internat (action 1) + 2,6 M€ afin de permettre une revalorisation du coût formateur dans les établissements privés à rythme approprié, répondant à une demande ancienne de leur part (action 2) + 0,3 M€ de subventions aux fédérations des établissements privés (CNEAP, UNMFREO et UNREP) pour renforcer leur capacité d'accompagnement des établissements de leurs réseaux en difficulté financière (action 2) |
CRÉDITS EN BAISSE
- 1,69 M€ au titre des aides sociales, notamment pour prendre en compte la baisse des effectifs de boursiers qui quittent le statut d'élève de l'enseignement agricole (action 3) pour passer sous statut d'apprenti2(*) - 1,25 M€ sur la rénovation des systèmes d'information (action 5) |
Toutefois, ce budget ne tient pas compte du coup de rabot supplémentaire demandé par le Premier ministre à chaque ministère. Selon les informations données par Annie Genevard, ministre de l'agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt, devant la commission, son ministère devrait être mis à contribution à hauteur de 115 millions d'euros. La ministre a indiqué avoir décidé de faire « contribuer l'ensemble des programmes du ministère à cet effort, au prorata de leurs crédits inscrits dans le PLF pour 2025 ».
Le programme 143 serait concerné à hauteur de 18 millions d'euros3(*).
Le rapporteur souligne que plus des deux-tiers des dépenses du programme 143 sont des dépenses contraintes de personnel auxquelles s'ajoutent les subventions versées aux établissements du rythme approprié dont le montant est défini en fonction de critères réglementaires précis.
Au regard des maigres marges de manoeuvre caractérisant le projet de budget, le rapporteur n'identifie pas les mesures qui pourraient supporter ces diminutions de crédit.
Les services du ministère n'ont pour l'instant pas apporté de précisions sur les modalités de mise en oeuvre de cette réduction budgétaire ni sur les mesures concernées.
La commission souhaite disposer de précisions sur la ventilation de cette coupe budgétaire, afin de permettre une discussion éclairée du budget. Elle sera en séance particulièrement vigilante à ce que les diminutions annoncées par la ministre dans le cadre de l'effort budgétaire supplémentaire annoncé après le dépôt de ce projet de loi de finances ne viennent pas porter un coup d'arrêt à l'attractivité retrouvée de l'enseignement agricole.
B. APRÈS UNE DÉCENNIE DE BAISSE, DES EFFECTIFS EN HAUSSE RÉGULIÈRE DEPUIS 5 ANS
Alors que l'enseignement agricole avait perdu plus de 10 % de ses effectifs entre 2009 et 2019, il connait depuis cette date une hausse régulière. Sur la période 2018-2024, les effectifs sont en hausse de 7 %.
Dans l'enseignement technique agricole (de la 4ème au BTSA), les effectifs dépassent pour la première fois la barre symbolique des 200 000 jeunes formés à la rentrée 2024-2025. Quant à l'enseignement supérieur agricole, il accueille désormais près de 17 000 étudiants et apprentis.
Signe d'attractivité de l'enseignement agricole, ses effectifs augmentent dans les territoires en déprise démographique alors qu'ils baissent dans les établissements de l'éducation nationale. Les inscriptions en classe de 4ème et de 3ème augmentent également.
Interrogés sur l'augmentation des effectifs à ETP constants, les services du ministère ont indiqué qu'en moyenne les élèves sont 20 par classe dans l'enseignement agricole : une augmentation des effectifs par classe sans remettre en cause la capacité pédagogique est ainsi envisageable.
Le rapporteur attire toutefois l'attention sur deux limites : d'une part, les normes de sécurité et d'encadrement propres à certaines matières professionnelles de l'enseignement agricole imposent des effectifs réduits ; d'autre part, le nombre d'élèves par classe est relativement plus faible que dans l'éducation nationale et participe à l'attractivité de l'enseignement agricole.
Les classes à petits effectifs
Dans l'enseignement agricole, le seuil requis de fermeture d'une classe est de 10 élèves. À la rentrée 2023-2024, sur les 7 820 classes que comporte l'enseignement agricole, 1 229 ont moins de 10 élèves, soit 15 % d'entre elles. Leur nombre est stable par rapport à l'année précédente. Celles-ci se trouvent principalement dans l'enseignement privé sous contrat (1 024 classes concernées). Les classes de 4ème, 3ème et de 2nde sont proportionnellement les classes les moins concernées par les petits effectifs. À l'inverse, les classes de baccalauréats technologiques, de CAP agricole et de BTS agricole le sont davantage.
Cette hausse des effectifs doit être mise au regard de l'évolution de la population agricole ces prochaines années. En effet, entre 40 et 60 % des agriculteurs devraient partir à la retraite d'ici 2030. Face à ce constat et même si le progrès technique et les regroupements de parcelles permettront sans doute de réduire partiellement les besoins, l'enseignement agricole doit continuer à attirer les jeunes.
Pour faire face au nécessaire renouvellement générationnel agricole, le projet de loi d'orientation pour la souveraineté alimentaire et agricole et le renouvellement des générations en agriculture fixe des objectifs ambitieux de hausse des effectifs d'ici 2030 dans l'enseignement agricole :
- une augmentation de 30 % des effectifs dans les formations préparant aux métiers de l'agriculture et de l'agro-alimentaire par rapport à 2022 ;
- une augmentation de 75 % des effectifs de vétérinaires formés en France par rapport à 2017 ;
- une augmentation de 30 % des effectifs d'ingénieurs agronomes par rapport à 2017.
Le projet de loi d'orientation pour la
souveraineté en matière agricole
et le renouvellement des
générations en agriculture : un texte ambitieux
réformant l'enseignement agricole
40 ans après les lois Rocard, le projet de loi de souveraineté alimentaire qui sera examiné en janvier 2025 par le Sénat renforce l'enseignement agricole à travers 5 mesures :
- des objectifs ambitieux d'augmentation des effectifs d'ici 2030 ;
- des promotions et découvertes renforcées des métiers de l'agriculture, notamment auprès des enfants et des personnels de l'éducation nationale. À ce titre, un représentant de l'enseignement agricole doit être nommé dans chaque département, en miroir du directeur académique des services de l'éducation nationale ;
- la définition d'une mission supplémentaire pour l'enseignement agricole reconnaissant son rôle dans la formation pour répondre d'une part, aux besoins d'emplois pour assurer la souveraineté alimentaire et, d'autre part, à ceux de transition agroécologique et climatique ;
- une action volontariste à l'échelle territoriale pour augmenter le nombre d'élèves dans les classes à petits effectifs lorsqu'elles préparent à des métiers sous tension, à travers une cartographie régionale des besoins d'ouverture et de consolidation de classes ;
- la création d'un nouveau diplôme national du ministère de l'agriculture de niveau bac+ 3.
Les dispositions relatives à la formation dans ce texte font - dans leur ensemble - consensus parmi les acteurs de l'enseignement agricole.
II. UN MODÈLE DE FORMATION À PRÉSERVER
Avec six domaines de formation, allant de la production agricole, l'industrie agroalimentaire à la santé et protection animale, à l'aménagement des milieux naturels et aux services aux personnes et aux territoires, l'enseignement agricole couvre l'ensemble des métiers du vivant.
Il se caractérise par son excellent taux d'insertion professionnelle et de réussite aux examens. Ces résultats sont d'autant plus remarquables que l'enseignement agricole accueille des élèves aux indices de position sociale (IPS) en moyenne inférieurs à ceux de l'éducation nationale.
Taux de réussite aux examens (juin 2024) |
Taux d'insertion professionnelle |
||||||
CAP agricole |
Bac technologique |
Bac général |
Bac professionnel |
BTSA |
Bac pro1 |
BTSA1 |
Enseignement supérieur long2 |
95 % |
97 % |
97 % |
88 % |
77 % |
87 % |
92 % |
96 % |
1 3 ans après l'obtention du diplôme 2 1 an après l'obtention du diplôme Source : ministère de l'agriculture
A. UNE INQUIÉTUDE SUR LES CONSÉQUENCES D'UNE RÉFORME DE L'AIDE D'APPRENTISSAGE DANS UN CONTEXTE DE FRAGILITÉ FINANCIÈRE DES ÉTABLISSEMENTS
La commission souhaite alerter sur les conséquences directes et indirectes d'une éventuelle réforme de l'aide à l'apprentissage.
D'une part, le nombre d'apprentis constitue une part croissante des effectifs de l'enseignement agricole. Depuis 2019, leur nombre a progressé de 49 %. Au 31 décembre 2023, ils étaient ainsi près de 45 000 dans l'enseignement technique agricole auxquels s'ajoutent plus de 3 300 apprentis dans l'enseignement supérieur agricole.
L'enseignement agricole recense 7 % des apprentis en France sur les tranches d'âge correspondantes alors qu'il accueille environ 3 % des effectifs scolarisés. Le secteur de la production agricole regroupe à lui seul 43 % des apprentis de l'enseignement agricole.
Évolution du nombre d'apprentis de l'enseignement agricole |
Répartition des effectifs d'apprentis selon le niveau de formation |
Répartition des apprentis |
Source : Portrait de l'enseignement agricole, édition 2024
La commission a été alertée par les acteurs de l'enseignement agricole sur les conséquences directes pour les jeunes d'une éventuelle baisse de l'aide des entreprises à l'apprentissage. Actuellement, les apprentis de l'enseignement agricole sont davantage moins diplômés que ceux de l'éducation nationale et l'enseignement supérieur - seuls 7 % des apprentis sont dans un cursus long d'études supérieures - et effectuent leur apprentissage dans des petites et moyennes entreprises. En fonction des arbitrages gouvernementaux - une limitation de l'aide à l'apprentissage à certains niveaux de diplômes, aux petites et moyennes entreprises ou au contraire un coup de rabot généralisé -, les conséquences pourraient être fortes pour les apprentis de l'enseignement agricole, avec notamment des entreprises renonçant à accueillir des apprentis du fait de la fin de l'aide gouvernementale.
Par ailleurs, la DGER a rappelé le modèle financier fragile sur lequel sont bâtis la plupart des établissements d'enseignement agricole. Nombre d'entre eux sont en effet constitués à la fois d'un lycée agricole incluant une exploitation agricole ou un atelier technologique et d'un centre de formation des apprentis (CFA). Or ces exploitations agricoles connaissent les mêmes difficultés que la « ferme France ».
Quand un CFA perd en rentabilité, c'est l'ensemble de l'établissement d'enseignement agricole qui en pâtit.
Une remise en cause de l'aide à l'apprentissage pourrait ainsi contribuer à fragiliser des établissements dont la santé financière ne cesse de se dégrader. En effet, alors que 77 % des CFA ont des résultats financiers positifs, seuls 34 % des exploitations4(*) et 38 % des ateliers technologiques des EPLEFPA présentent un résultat financier positif.
Comme l'ont indiqué les services du ministère de l'agriculture, « la santé financière des EPLEFPA [établissement public local d'enseignement et de formation professionnelles agricoles] repose essentiellement sur les recettes générées par les contrats d'apprentissage, portées par un fort engagement de l'État »5(*). Le résultat de fonctionnement du « CFA France » contribue ainsi à 186 % à celui de « l'EPLEFPA France ».
Une situation financière des
établissements publics de l'enseignement agricole
de plus en plus
préoccupante
Depuis 2019, la DGER procède à une revue annuelle de la santé financière des établissements publics locaux d'enseignement et de formation professionnelles - ceux-ci sont classés en 4 catégories.
En 2024, la situation financière de nombreux EPLEFPA s'est dégradée :
- on ne dénombre plus que 42 établissements dans la catégorie 1 (rien à signaler sur le plan financier). Ils étaient 53 l'année précédente ;
- leur nombre est stable - 46 établissements - au sein de la catégorie 2 (situation financière saine mais quelques questionnements demeurent) ;
- le nombre d'établissements dans la catégorie 3 (situation financière inquiétante) est de 31 ;
- le nombre d'établissements en catégorie 4 (crise potentielle ou avérée) a en revanche fortement progressé. Ils sont désormais 53, soit 16 de plus que l'an dernier. Dans cette catégorie, 10 sont en situation de crise financière avérée. En 2021, 19 % des établissements étaient dans cette catégorie ; ils sont désormais plus de 30 %.
Cette dégradation de la santé financière des établissements s'explique d'une part par l'augmentation des charges liées à l'inflation, et d'autre part, par des « ajustements des dotations de fonctionnement par certains conseils régionaux ».
Afin d'aider au mieux les EPLEFPA dans un cadre réglementaire strict - les subventions pour charge de fonctionnement ou d'investissement sont interdites - l'État a mis en place, en lien avec les directions régionales de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt (DRAAF), un accompagnement méthodologique de ces établissements : celui-ci porte sur l'analyse financière de leur situation et sur une aide à l'élaboration d'un plan pluriannuel d'actions pour un retour à l'équilibre financier.
En ce qui concerne l'enseignement agricole privé, 45 établissements du temps plein sur 176 et une cinquantaine de MFR sur un total de 410 sont en difficulté financière. L'État ne peut verser aucune aide aux établissements privés en difficulté financière. Toutefois, de manière similaire à l'accompagnement qu'il a mis en place pour accompagner les établissements publics de l'enseignement agricole en difficulté, le PLF 2025 prévoit une subvention à destination des fédérations afin qu'elles puissent effectuer une démarche semblable avec les établissements de leurs réseaux.
B. LA NÉCESSITÉ D'UNE RALLONGE BUDGÉTAIRE EN COURS D'ANNÉE POUR LES MAISONS FAMILIALES RURALES ?
Les établissements du rythme approprié - principalement les MFR et les UNREP - bénéficient d'une aide financière publique particulière, destinée à couvrir le fonctionnement de l'établissement et la rémunération des formateurs. Jusqu'en 2023, les relations financières entre l'État et l'Union nationale des maisons familiales et rurales étaient régies par un protocole financier trisannuel, fixant un montant plafond. Depuis le 1er janvier 2024, ces montants sont définis en application des articles R. 813-46 à R. 813-49 du code rural et de la pêche maritime : ils tiennent compte du nombre de jeunes, du taux d'encadrement variant selon les niveaux de formation permettant de définir le nombre de formateurs nécessaires et du coût d'un poste de formateur. Celui-ci est de 44 734 euros pour les MFR et de 49 615 euros pour l'UNREP. 223,35 millions d'euros sont inscrits dans le PLF 2025 au titre du montant de la subvention de l'État dû aux établissements du rythme approprié.
À l'occasion de la rentrée 2024, les maisons familiales et rurales ont accueilli 1 600 jeunes en plus par rapport à l'année dernière. À ce jour, le projet de budget ne tient pas compte de cette augmentation des effectifs dans les établissements du rythme approprié qui conduit pourtant réglementairement à une hausse des subventions obtenues. Interrogée à ce sujet par la commission, Annie Genevard, ministre de l'agriculture, a indiqué que l'État sera au rendez-vous de ses obligations réglementaires.
C. UN MAILLAGE TERRITORIAL DENSE PARTICIPANT À L'ANIMATION DES TERRITOIRES
Le maillage de l'enseignement agricole se caractérise par la couverture de la quasi-intégralité du territoire français, y compris ultramarin. Les établissements d'enseignement agricole situés en Guyane et à Mayotte sont d'ailleurs ceux connaissant une augmentation de leurs effectifs la plus forte.
Un maillage territorial couvrant l'ensemble du territoire français |
|
Source : Portrait de l'enseignement agricole, édition 2024 |
Cette couverture reste toutefois fragile : en effet, à l'exception de quelques très gros établissements, la plupart d'entre eux accueillent quelques centaines d'élèves. Afin de permettre de conserver ce maillage dense, répondant à la mission d'animation des territoires de l'enseignement agricole, la commission appelle à une meilleure mutualisation des services communs. Une telle démarche permet de préserver les classes et ainsi de rester ancrée dans les territoires, tout en offrant davantage de cohérence et de moyens pour les campagnes de communication à l'échelon local et départemental.
La commission rappelle son souhait ancien que l'enseignement agricole dispose dans chaque département d'un correspondant au directeur académique des services de l'éducation nationale, pour renforcer les coopérations entre ces deux voies de formation et mieux faire connaître la diversité des métiers offerts par cette filière.
En effet, à la différence de l'éducation nationale, il n'existe pas de carte scolaire pour les établissements de l'enseignement agricole : leur fréquentation par les élèves résulte ainsi de choix d'orientation au collège. Par ailleurs, ils doivent aujourd'hui recruter bien au-delà du seul vivier des jeunes issus du milieu agricole. Aujourd'hui, seuls 9 % des élèves de l'enseignement agricole en sont issus - ils étaient 14 % en 2010 et 20 % en 2000.
Une meilleure connaissance de l'enseignement agricole par les collégiens, leurs parents, mais aussi les « prescripteurs d'orientation » (professeurs, CPE, principaux, psychologues de l'éducation nationale) est la seule voie pour augmenter ses effectifs.
Mieux faire connaître les métiers du
vivant et les formations proposées :
le défi de
l'enseignement agricole pour attirer les élèves
Faire connaître les 200 métiers auxquels il prépare est le défi majeur de l'enseignement agricole. Ces cinq dernières années, des efforts importants de rapprochement avec l'éducation nationale ont été faits : deux circulaires, l'une de 2018 et l'autre de 2021, ont été cosignées par le directeur général de l'enseignement agricole (DGER) et le directeur général de l'enseignement scolaire (DGESCO) afin de renforcer l'information et l'orientation vers l'enseignement agricole.
La baisse des effectifs au cours de la décennie 2009-2019 a engendré une prise de conscience salvatrice pour le ministère de l'agriculture sur la nécessité d'être proactif afin de mieux faire connaître l'enseignement agricole. Depuis 2019, il entreprend des efforts de communication importants pour mieux faire connaître ses métiers à travers sa campagne « l'Aventure du vivant ». 1,7 million d'euros y sont dédiés dans le PLF 2025. Cette campagne de communication se fait aux moyens de campagnes digitales (notamment Tik Tok), des médias traditionnels (radios) pour cibler les familles et les prescripteurs d'orientation ainsi que par une « présence physique » : participation à des salons mais aussi utilisation du Camion du vivant.
Selon les informations transmises par la DGER concernant le Camion du vivant, les collectivités territoriales et les organisations professionnelles « ont fait part de leur grande satisfaction à l'égard de cette opération au plus près des territoires et nombreuses sont celles qui souhaitent être parties prenantes de l'opération ». Au-delà de l'aspect communication, il est essentiel d'inscrire ce moment de découverte de l'enseignement agricole en lien avec l'éducation nationale et les établissements de l'enseignement agricole du territoire : en effet, les journées portes ouvertes de ces établissements jouent souvent un rôle décisif dans le choix d'orientation.
*
* *
La commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport a émis, lors de sa réunion plénière du 27 novembre 2024, un avis favorable à l'adoption des crédits du programme 143 « Enseignement technique agricole » du projet de loi de finances pour 2025.
EXAMEN EN COMMISSION
MERCREDI 27 NOVEMBRE 2024
___________
M. Laurent Lafon, président. - Nous examinons le rapport sur les crédits du programme 143 « enseignement technique agricole ».
M. Bernard Fialaire, rapporteur pour avis des crédits de l'enseignement technique agricole. - Après une décennie de désaffection, l'enseignement agricole connait depuis 2019 un rebond. Ses effectifs sont désormais en hausse annuelle de 1 %. Cette augmentation reste fragile, mais elle témoigne du regain d'intérêt pour l'enseignement agricole et les métiers auxquels il prépare.
Le PLF 2025 prévoit pour le programme 143 « enseignement technique agricole » 1,73 milliard d'euros. Les crédits sont en hausse de 35 millions d'euros soit de plus de 2 %. Je suis toutefois conscient qu'il s'agit notamment de l'augmentation mécanique des dépenses de personnel et de mesures de périmètre.
Je prendrai un exemple : en 2024, le budget ne prévoyait aucun crédit pour l'application du pacte enseignant dans l'enseignement agricole.
Celui-ci a été financé par un transfert entre programmes en cours d'année. Cette année, des crédits pour le Pacte sont inscrits dans le programme 143.
J'en viens aux dépenses de personnel. Là encore, une mesure de périmètre intervient : la CDIsation des AED et des AESH entraîne l'inscription de leur rémunération au titre 2. À périmètre constant, il n'y a pas d'augmentation du nombre d'ETP. Il n'y a pas non plus de suppression de poste : il me parait important d'insister sur ce point au regard de la trajectoire des ETP enseignants ces dernières années.
Les effectifs de l'enseignement agricole sont en hausse régulière depuis 5 ans. Pour la première fois, la barre symbolique des 200 000 jeunes formés annuellement a été dépassée à la rentrée 2024. À ceux-ci s'ajoutent les 17 000 jeunes de l'enseignement supérieur, dont le nombre est également en augmentation.
Signe d'attractivité de l'enseignement agricole, les effectifs augmentent, y compris dans des territoires où l'éducation nationale perd des élèves. Je note également le succès des classes de 4ème et 3ème agricoles.
J'ai interrogé la ministre sur cette augmentation des effectifs à ETP constants.
Elle m'a indiqué qu'une hausse du nombre d'élèves par classe est possible sans remettre en cause la capacité pédagogique. Il est vrai que les élèves sont en moyenne 20 par classe. Par ailleurs, 15 % des classes de l'enseignement agricole accueillent moins de 10 élèves.
Cette augmentation des effectifs ne pourra toutefois pas totalement se faire sans hausse des ETP à moyen terme : pour des raisons de sécurité et d'encadrement, le nombre d'élèves est limité dans certaines matières et travaux pratiques. Pour ceux-ci, l'augmentation des effectifs dans les classes devra se traduire par un dédoublement des groupes.
Le projet de loi d'orientation pour la souveraineté en matière agricole fixe des objectifs ambitieux : une croissance de 30 % des effectifs dans les formations agricole et agro-alimentaire. Même si le regroupement de parcelles et les progrès techniques permettront certainement d'éviter la nécessité d'un taux de remplacement des départs à la retraite de un pour un, l'enseignement agricole est aux avant-postes du renouvellement générationnel.
Je ne m'attarde pas davantage sur ce projet de loi car notre collègue Christian Bruyen nous le présentera dans une semaine. Je note toutefois que le rôle de l'enseignement agricole dans la formation des agriculteurs de demain et dans la garantie de la souveraineté alimentaire de notre pays y est explicitement reconnu.
Nous partageons tous une conviction : il est nécessaire de préserver le modèle de formation qu'est l'enseignement agricole. Ces taux d'insertion professionnelle et de réussite aux examens sont très bons.
Aussi, je m'inquiète des conséquences d'une éventuelle réforme de l'apprentissage. Le nombre d'apprentis constitue une part croissante des effectifs de l'enseignement agricole. Il a progressé de 49 % depuis 2019. L'enseignement agricole accueille d'ailleurs proportionnellement plus d'apprentis que l'éducation nationale pour les mêmes tranches d'âge.
Ces apprentis suivent principalement des études courtes et sont accueillis par des PME. Or, plusieurs pistes sont envisagées pour la réforme de l'aide à l'apprentissage : la limiter à certains diplômes, la restreindre aux petites et moyennes entreprises, ou au contraire procéder à un écrêtement généralisé. En fonction de ces choix, certaines entreprises pourraient décider de ne plus prendre des apprentis et notamment des apprentis de l'enseignement agricole.
Par ailleurs, l'apprentissage participe pleinement au modèle financier des établissements de l'enseignement agricole. Nombreux d'entre eux disposent d'un centre de formation des apprentis qui est rentable. Celui-ci permet de compenser les pertes des ateliers technologiques et des exploitations pédagogiques.
Trois chiffres illustrent mes propos : 77 % des CFA ont des résultats financiers positifs. À l'inverse : seuls 34 % des exploitations des lycées agricoles et 38 % des ateliers pédagogiques ont un résultat financier positif. Quand un CFA perd en rentabilité, c'est l'ensemble de l'établissement d'enseignement agricole qui en pâtit.
À ce sujet, il me semble essentiel de rappeler que les exploitations et ateliers des lycées agricoles ne sont pas des entreprises comme les autres : leur vocation première est la pédagogie, pas la rentabilité. Or, cette dimension n'est pas prise en compte. Le ministère doit s'emparer de ce sujet et reconnaître la spécificité financière du lycée agricole. Aujourd'hui les subventions pour charge de fonctionnement ou d'investissement sont interdites, même pour les lycées agricoles publics.
La situation financière des établissements est préoccupante. Le ministère procède à une enquête annuelle sur la santé financière des lycées agricoles publics. Cette année, 30 % de ceux-ci sont dans la dernière catégorie « en crise financière potentielle ou avérée ». Ils étaient 19 % il y a 2 ans. Les établissements privés ne se portent pas beaucoup mieux : 45 des 176 lycées agricoles privés et 50 des 410 MFR sont en difficulté financière. Certains établissements sont menacés de fermeture.
Il est essentiel de préserver le maillage territorial actuel qui participe à l'animation des territoires. Pour cela, je trouve la démarche de mutualisation des services communs qu'ont entrepris certains établissements intéressante. Celle-ci permet de préserver les classes et de rester ancré dans les territoires. Dans le même temps, cette mutualisation permet de disposer de moyens supplémentaires pour mieux faire connaître l'enseignement agricole à l'échelle locale.
Nous le savons tous : aujourd'hui, l'enseignement agricole recrute bien au-delà des jeunes issus du milieu agricole. Ceux-ci ne représentent d'ailleurs plus que 9 % des effectifs. La meilleure connaissance de l'enseignement agricole et des métiers auxquels il prépare est essentielle.
L'actualité illustre la nécessité de poursuivre le renforcement des liens entre l'enseignement agricole et l'éducation nationale : le ministre délégué à la réussite scolaire vient d'annoncer le lancement d'un tour de France pour remettre à plat la politique d'orientation.
Il indique envisager une concertation avec tous les acteurs de l'orientation, y compris l'enseignement agricole. Il est important de continuer les efforts pour que s'ancre le réflexe d'associer systématiquement l'enseignement agricole.
Mes chers collègues, à ce stade, le budget du programme 143 est en hausse de 35 millions d'euros. Aussi, je vous propose de donner un avis favorable.
J'attire toutefois votre vigilance sur un point : ce projet de budget ne tient pas compte d'une baisse supplémentaire de 18 millions d'euros annoncée par Mme Genevard devant notre commission.
Je m'interroge sur la méthode de répartition proposée entre les différents programmes de son ministère : elle répond à une logique mathématique - une suppression au prorata des crédits inscrits. Cette logique ne prend pas en compte la spécificité du programme 143 : près des deux tiers des dépenses sont des dépenses contraintes de personnel. À celles-ci s'ajoutent les subventions versées au MFR qui répondent à des critères stricts définis réglementairement.
À ce stade, je ne dispose pas d'informations sur les mesures concrètes qui seront impactées par cette coupe de 18 millions d'euros. À titre personnel, je suis d'ailleurs très réservé. Quoi qu'il en soit, il est indispensable que la ministre nous donne davantage d'informations, afin que le Sénat puisse décider de manière éclairée de voter ou de rejeter l'amendement du gouvernement.
En séance, nous devrons avoir une position ferme face à une mise à contribution trop forte de l'enseignement agricole aux économies supplémentaires demandées.
M. Christian Bruyen. - Je salue le travail de notre rapporteur, dont je partage largement l'approche.
Les acteurs de la filière évoquent des points d'inquiétude, notamment sur la ventilation du rabot de 18 millions d'euros, mais portent généralement un regard positif sur les orientations proposées.
Les préoccupations portent également sur l'évolution du nombre d'enseignants, qui est stable, et donc insuffisant pour faire face à la progression des effectifs d'apprenants. Certes, cette progression est pour le moment limitée à 1 % par an, mais il faut regarder plus loin. L'objectif de 30 % d'élèves, étudiants et apprentis supplémentaires en 2030 signifie qu'ils seront 25 000 de plus chaque année : il faudra donc procéder à des recrutements significatifs. On peut bien sûr considérer comme acceptable d'augmenter légèrement les effectifs de classes qui, à l'heure actuelle, ne sont pas surchargées ; mais cela me paraît plus délicat dans les cours techniques ou de travaux pratiques, dans lesquels un taux d'encadrement minimal est prévu par la réglementation, ne serait-ce que pour des raisons de sécurité.
Un point de vigilance me paraît essentiel. Le renforcement des enseignements agricoles ne doit pas être fait au détriment des formations aux services à la personne et à l'animation des territoires. Ces métiers sont en effet primordiaux dans la ruralité, où les structures peinent à recruter pour l'accompagnement des plus fragiles.
Où trouver ces 18 millions d'économies ? On pourrait être tenté de ponctionner les crédits du pacte enseignant. Je crois que ce serait un bien mauvais choix, puisque ce dispositif a très bien fonctionné dans l'enseignement agricole. Les moyens qui lui sont alloués doivent être maintenus et prioritairement dédiés aux remplacements courts. Une plus grande souplesse pourrait également être permise aux chefs d'établissement pour l'utilisation de ces fonds.
J'appelle à la prudence sur la réforme des aides à l'apprentissage, qui pourrait fragiliser certains établissements. Il est certainement nécessaire de revoir le dispositif dans l'enseignement supérieur, où il profite à l'excès à certaines officines privées. Pour d'autres formations cependant, ces aides sont un vrai soutien et permettent aux établissements de continuer à mailler le territoire et à répondre à de vrais besoins.
Du point de vue de l'aménagement du territoire, la situation des maisons familiales rurales est inquiétante. À l'autre bout de la chaîne, le futur bachelor répondra à une attente forte ; il faudra cependant se montrer vigilants sur de possibles dérives, et s'assurer que des étudiants ne seront pas emmenés vers des voies sans issue du fait de contenus de formation inadaptés portés par des officines privées à but lucratif. Je rejoins ici les préoccupations de notre collègue Stéphane Piednoir sur l'enseignement supérieur.
Une cinquième école est nécessaire pour assurer la formation des vétérinaires, mais cela ne suffira pas. Il faut également mieux valoriser la pratique vétérinaire dite « des champs » pour inverser la tendance actuelle, alors que les besoins sont de plus en plus assurés par des professionnels étrangers.
Il faut également préserver l'équilibre singulier entre établissements publics et privés qui a pu être trouvé dans l'enseignement agricole, et qui fonde certainement une part de son succès.
En dépit donc de quelques points de vigilance à moyen terme, les perspectives tracées nous semblent aller dans le bon sens pour l'exercice prochain. Notre groupe est favorable à l'adoption des crédits de l'enseignement technique agricole.
Mme Marie-Pierre Monier. - Je regrette les conditions d'examen particulières de ce projet de budget. La découverte d'erreurs significatives sur les montants indiqués dans le projet annuel de performance du programme soulève des interrogations quant à la rigueur à l'oeuvre dans son élaboration.
La ministre de l'agriculture nous a annoncé un nouveau coup de rabot à hauteur de 18 millions d'euros, ce qui suscite une grande inquiétude pour l'enseignement agricole et l'agriculture en général. N'oublions pas que derrière les crédits du programme se trouvent le monde agricole, l'aménagement du territoire et celles et ceux qui nous nourrissent.
Alors que nous allons prochainement examiner le projet de loi d'orientation pour la souveraineté en matière alimentaire et agricole, nous devons faire preuve d'une grande ambition et tout mettre en oeuvre pour respecter l'objectif d'augmentation de 30 % du nombre d'apprenants. Or, nous constatons que le compte n'y est pas. La petite hausse d'effectifs constatée n'est pas généralisée et reste fragile. Il faut continuer à informer et à mobiliser les jeunes pour qu'ils aillent dans les filières agricoles. Bien qu'il n'y ait ni création ni perte d'emploi pour cette année, 316 emplois ont été supprimés entre 2017 et 2022 : cela représenterait environ 10 000 postes dans l'éducation nationale.
La situation entraîne une dégradation des conditions d'apprentissage, que nous avions collectivement dénoncée dans le cadre de la mission sénatoriale « Enseignement agricole : l'urgence d'une transition agro-politique » de 2021. Des enseignants non remplacés, la suppression de certains travaux pratiques faute d'un taux d'encadrement suffisant, sont autant de points qui continuent à poser question. L'impossibilité de réaliser certains travaux dirigés impliquant du matériel dangereux ou de grands animaux impacte grandement la qualité de l'enseignement dispensé.
La situation financière des établissements se dégrade. Deux tiers des établissements publics locaux sont en difficulté. Certaines exploitations agricoles, qui sont des lieux d'expérimentation, sont aussi en danger. Il est indispensable de préserver ces lieux.
La spécificité de l'enseignement agricole réside dans son maillage territorial, souvent dans des territoires ruraux. Il ne faut pas supprimer des établissements sous prétexte qu'ils ont de petits effectifs : ils ont aussi des spécificités. On ne peut se passer d'un établissement qui permet de former les jeunes à la gestion des forêts, quand bien même ses effectifs seraient réduits. Il faut maintenir la diversité de l'offre de formation agricole.
Dans le contexte social que nous traversons, nous regrettons également la baisse des crédits alloués à l'aide sociale aux élèves et à la santé scolaire, ainsi qu'aux bourses sur critères sociaux.
Sur le pacte enseignant, il serait grand temps de dresser un bilan qualitatif approfondi. Nous avons eu des retours alarmants, qui faisaient état d'une surcharge de travail pour les personnels concernés - qui, d'ailleurs, étaient majoritairement des femmes.
Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste, écologiste et républicain se prononcera contre l'adoption des crédits alloués à l'enseignement agricole.
Mme Annick Billon. - Je tiens à vous faire part tout d'abord du sentiment que m'ont inspiré les auditions menées par le rapporteur sur l'enseignement privé et l'enseignement public. J'ai perçu une forme de concurrence entre les deux, plus marquée que les années précédentes. Si la concurrence peut être source d'émulation, dans le cas présent, il s'agit davantage d'antagonisme : chacun regarde avec insistance les moyens alloués à l'autre. Ce n'est à mon sens pas un bon signal.
En ce qui concerne le budget, les crédits sont en hausse de 2 %. Mais cette progression dissimule en réalité une croissance structurelle due aux effets du Pacte enseignant et au glissement vieillesse-technicité (GVT). Il faut donc interpréter ces crédits avec prudence.
Les effectifs de l'enseignement agricole ont considérablement augmenté depuis 2019. Le seuil de 200 000 élèves a été atteint, ce qui est une bonne chose car il est nécessaire de remplacer les générations d'agriculteurs.
L'enseignement agricole assure cependant un maillage territorial qui doit être garanti. Si on peut comprendre la nécessité de trouver des économies, il faut cependant garder à l'esprit deux points de vigilance : d'une part la diminution annoncée de 18 millions d'euros des crédits, dont nous ne connaissons toujours pas la ventilation ; d'autre part, la situation financière des établissements qui est difficile dans une grande majorité des cas et ce d'autant plus quand l'exploitation agricole qui lui est attachée est elle-même en difficulté. Or, il n'est pas possible d'imaginer un enseignement agricole sans pratiques techniques.
Les maisons familiales rurales (MFR) ont vu leur nombre d'élèves progresser de 1 200, mais les moyens n'ont pas suivi. À ce titre, l'amendement de hausse des crédits de 12 millions d'euros proposé par la commission des finances est insuffisant puisqu'il devrait être de 20 millions d'euros. Je travaille actuellement sur ce sujet.
Les contraintes budgétaires ne doivent pas se faire au détriment de la formation. Avant de conclure, j'aurai deux remarques issues de mes rencontres sur le terrain. Première remarque : les établissements ont les plus grandes difficultés à recruter des profils compétents pour enseigner les matières techniques. La difficulté de cette tâche est accentuée par la nécessité que la personne soit titulaire d'un diplôme de Master 2.
Deuxième remarque : le Pacte enseignant suscite des réactions mitigées à ce stade. Le contrôle relatif à l'effectivité des heures faites devient très complexe.
Je conclurai en soulignant les nombreuses attentes suscitées par le projet de loi d'orientation agricole.
Notre groupe votera en faveur des crédits, qui sont quasiment stables, avec toutes les réserves que je viens de mentionner.
Mme Monique de Marco. - Je salue l'excellent rapport de notre collègue. Toutefois, mon groupe ne votera pas en faveur de ces crédits.
Mme Evelyne Corbière Naminzo. - Je voudrais revenir sur l'ambition du gouvernement d'autonomie alimentaire. Elle nécessite un effort particulier pour la formation afin de renouveler les générations. Les agriculteurs nous font régulièrement part de leur difficulté à recruter de la main d'oeuvre. La stabilité des crédits est donc un mauvais signal car elle s'insère dans un contexte inflationniste général.
Je crois que la stratégie du Gouvernement en matière alimentaire n'est pas assez claire : il faut préserver la diversité de notre production pour mieux préparer l'avenir et donc préserver la diversité des formations.
Je souhaite également insister sur l'importance de la formation en matière de pêche sur laquelle nous disposons de trop peu d'informations. La France dispose d'un espace maritime étendu sur tous les océans, mais doit faire face à une forte concurrence internationale à laquelle nous devons répondre. Dans ce contexte, des restrictions budgétaires ne constituent pas une stratégie satisfaisante. Faire des économies sur la jeunesse et notamment sur la jeunesse qui se destine à nourrir la population n'est pas la bonne stratégie.
Mon groupe ne votera pas en faveur de ces crédits.
M. Jacques Grosperrin. - Je félicite le rapporteur pour son travail approfondi.
Comme il l'a bien analysé, l'augmentation des crédits à hauteur de 35 millions d'euros est avant tout mécanique.
Les raisons de la croissance des effectifs dans l'enseignement agricole, alors que ceux-ci baissent dans l'éducation nationale méritent d'être approfondies.
Je mentionnerai trois points de vigilance. Le premier concerne la prise en compte de la formation dans le projet de loi d'orientation pour la souveraineté agricole. Lors de son examen par le Sénat, nous devrons être très attentifs à ce qu'elle soit bien intégrée.
Le deuxième a trait à la situation préoccupante des MFR ; je rappelle que celles-ci font un travail exceptionnel en permettant à de jeunes apprenants qui étaient en situation d'échec à renouer avec le succès.
Le troisième est lié au Pacte enseignant : celui-ci est fléché majoritairement vers les remplacements de courte durée. Comment ce fléchage prioritaire est-il compatible avec les spécificités de l'enseignement agricole que sont l'accompagnement renforcé, le suivi de stage ou encore la mise en oeuvre de projets pédagogiques innovants ?
M. Bernard Fialaire, rapporteur. - Il est essentiel que nous ayons une position ferme pour défendre l'enseignement agricole, car le risque de coup de rabot est réel.
Le rapport que je vous présente porte sur le budget initial, qui n'intègre pas à ce stade les éventuelles économies supplémentaires.
L'augmentation des effectifs est due à la sensibilisation accrue aux métiers du vivant ainsi qu'aux enjeux environnementaux qui attirent de nombreux jeunes.
L'enseignement agricole est un outil formidable. Les établissements d'enseignement ont souvent un IPS bas, ce qui n'est pas un frein à des taux élevés de réussite aux examens ainsi que d'insertion professionnelle. Il est vrai que les faibles effectifs permettent une prise en charge et un accompagnement individualisé. Ils peuvent également absorber une augmentation de 1 % des effectifs, sans avoir à renforcer l'encadrement à ce stade.
Les établissements de l'enseignement agricole sont souvent de plus petite taille que leurs homologues de l'éducation nationale. Cela peut poser un problème pour la mise en oeuvre du pacte et ses briques « remplacement de courte durée » : en effet, les remplacements de courte durée à effectuer y sont de fait moins importants alors que le volume horaire - de 18 heures - dû au titre du Pacte est le même que dans l'éducation nationale. Certains enseignants qui n'ont pas pu atteindre ce volume de 18 heures vont être contraints de rendre une partie des sommes perçues, par manque de remplacements à faire.
J'ai été attentif aux propos de Christian Bruyen sur un risque de défavoriser certaines formations au profit des métiers agricoles. La loi d'orientation agricole nous permettra de revenir sur ces sujets.
La formation vétérinaire dépend de l'enseignement supérieur.
En ce qui concerne la dégradation des conditions d'exercice évoquée par certains d'entre vous, je tiens à signaler qu'elle doit être relativisée compte tenu de la hausse des effectifs qui reste modeste - de 1 % en moyenne. Cette augmentation à moyens constants ne met pas en péril l'enseignement agricole.
La baisse des crédits de l'aide sociale s'explique par des mesures de périmètre et de sincérisation des sommes inscrites. Elle prend notamment en compte la diminution du nombre de boursiers qui perdent ce statut lorsqu'ils deviennent apprentis. Par ailleurs, la CDIsation des AED a entraîné des transferts vers les crédits de titre 2.
En cette rentrée 2024, les MFR accueillent 1 600 élèves supplémentaires. Le cadre réglementaire prévoit en moyenne une subvention de l'État de 5 000 euros par élèves. Cela fait 8 millions d'euros, auxquels s'ajoutent 2 millions d'euros pour revoir les taux d'encadrement de certains niveaux et recruter davantage de formateurs. L'amendement de notre collègue Olivier Paccaud qui propose 10 millions d'euros supplémentaires pour les MFR couvre ces besoins.
Enfin, les formations relatives à la pêche relèvent de plusieurs ministères, notamment du ministère chargé de la mer et de celui de l'éducation nationale.
En conclusion, je défends ce budget prévoyant 35 millions d'euros supplémentaires. En revanche, je souhaite que la ministre nous présente ses arguments pour justifier le coup de rabot qui nous est à ce stade uniquement annoncé, sans plus de précision.
M. Laurent Lafon, président. - Une grande vigilance est de mise sur le coup de rabot.
La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits du programme 143 « Enseignement technique agricole » du projet de loi de finances pour 2025.
LISTE DES PERSONNES ENTENDUES ET DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES
JEUDI 24 OCTOBRE 2024
Ministère de l'agriculture - Direction générale de l'enseignement et de la recherche (DGER) : M. Benoît BONAIMÉ, directeur général de l'enseignement et de la recherche.
MARDI 29 OCTOBRE 2024
Union nationale des maisons familiales rurales d'éducation et d'orientation (UNMFRO) : MM. Dominique RAVON, président, et Roland GRIMAULT, directeur.
MARDI 12 NOVEMBRE 2024
Conseil national de l'enseignement agricole privé (CNEAP) : Mme Florence MACHEFER, secrétaire générale.
JEUDI 14 NOVEMBRE 2024
Table ronde des représentants des syndicats de l'enseignement agricole public :
- SNETAP-FSU : M. Frédéric CHASSAGNETTE, co-secrétaire général, Mme Claire PINAULT, secrétaire nationale en charge de la politique scolaire et de la laïcité, M. Olivier GAUTIÉ, secrétaire général adjoint en charge de la politique scolaire et de la laïcité ;
- CFDT Éducation Formation Recherche Publiques : Mme Béatrice LAUGRAUD et M. Jean-François LE CLANCHE, secrétaires fédéraux.
CONTRIBUTION ÉCRITE
- SEA-UNSA
- ANNEXE
Audition de Mme Annie Genevard, ministre de l'agriculture
de la
souveraineté alimentaire et de la forêt
MARDI 12 NOVEMBRE 2024
M. Laurent Lafon, président. - Madame la ministre, nous sommes heureux de vous accueillir pour votre première audition devant notre commission. Au nom de l'ensemble de mes collègues, je vous présente nos voeux de réussite pour votre mission, dont nous connaissons la difficulté et l'importance.
Nous vous remercions d'avoir accepté notre invitation. Il est en effet très important pour notre commission que l'enseignement technique agricole et ses 220 000 élèves, apprentis et étudiants ne soient pas oubliés. Nous faisons tout pour que ce ne soit pas le cas ; nous connaissons aussi votre attachement à cet enseignement. Nous espérons d'ailleurs que vous serez présente au côté de Mme Genetet, le 2 décembre prochain, lors de l'examen en séance publique de la mission « Enseignement scolaire », qui inclut les crédits relatifs à l'enseignement agricole.
En 2020, quelles que soient les travées sur lesquelles nous siégions, nous avions tiré la sonnette d'alarme face à la baisse croissante des moyens en faveur de l'enseignement agricole, qui risquait de remettre en cause son modèle de formation. De fait, comme nous aimons à le rappeler, il s'agit d'une voie de formation qui se distingue par un très fort taux d'insertion, à la fois sociale et professionnelle, et qui participe à l'animation de nos territoires. D'ailleurs, chaque département, à l'exception de celui que je représente, accueille au moins un établissement public ou privé sous contrat de l'enseignement agricole.
En raison de notre mobilisation, ainsi que des conclusions de la mission d'information sur l'enseignement agricole, outil indispensable au coeur des enjeux de nos filières agricoles et alimentaires, dont notre ancienne collègue Nathalie Delattre était rapporteure, l'hémorragie des équivalents temps plein (ETP) enseignants a été stoppée.
Madame la ministre, nous serons à vos côtés pour défendre l'enseignement agricole et renforcer son attractivité. Il y a, en effet, urgence : d'ici à 2030, entre 40 % et 60 % des agriculteurs français partiront à la retraite.
Pouvez-vous nous présenter les priorités de votre ministère en faveur de l'enseignement agricole ? Quels sont les grands axes du projet de loi de finances (PLF) pour 2025 ?
Par ailleurs, en janvier 2025, le Sénat examinera le projet de loi d'orientation pour la souveraineté alimentaire et agricole et le renouvellement des générations en agriculture (PLOA), qui était inscrit à l'ordre du jour de notre assemblée en juin dernier, mais dont l'examen a été repoussé en raison de la dissolution de l'Assemblée nationale. M. Christian Bruyen, rapporteur pour avis sur ce texte, vous posera certainement des questions à son sujet. Depuis juin dernier, la position du Gouvernement s'est-elle infléchie sur les principales mesures du projet de loi consacrées à l'enseignement agricole ?
Madame la ministre, je vous laisse la parole, non sans avoir rappelé que cette audition est diffusée en direct sur le site internet du Sénat. À l'issue de votre propos liminaire, Bernard Fialaire, rapporteur pour avis des crédits de l'enseignement technique agricole, et plusieurs de nos collègues vous poseront des questions.
Mme Annie Genevard, ministre de l'agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt. - Mesdames, messieurs les sénateurs, c'est un vrai plaisir de me trouver devant vous pour présenter le budget de l'enseignement agricole, alors que je siégeais voilà peu au sein de la commission jumelle à l'Assemblée nationale.
L'enseignement agricole est une chance pour notre pays, pour nos jeunes, pour notre agriculture et pour nos territoires. Issue d'un territoire rural comptant plusieurs établissements d'enseignement agricole, je connais bien cet enseignement, que j'ai eu l'occasion de défendre et de valoriser à de multiples reprises.
C'est avant tout un exemple de l'école de la réussite, comme en témoignent les excellents résultats aux examens et les très bons taux d'insertion professionnelle, les politiques d'inclusion et d'insertion menées, ainsi que le fort engagement citoyen de ses apprenants.
C'est également un enseignement très diversifié. Il offre la possibilité à tous les profils de trouver leur voie vers plus de 200 métiers du vivant : ceux de l'agriculture, de l'agroalimentaire, de la forêt, du paysage, de l'aménagement du territoire, de l'environnement ou encore du service en milieu rural. Il permet de se former en voie générale, technologique ou professionnelle, par voie scolaire et par apprentissage. C'est un système riche d'un enseignement public et privé, où chacun met ses spécificités au service de la diversité des jeunes.
Enfin, l'enseignement agricole est un puissant levier pour relever les défis du monde agricole : celui du renouvellement des générations et celui des transitions. Le renouvellement des générations n'est possible que si l'on amplifie le regain d'attractivité que connaît l'enseignement agricole depuis quatre ans, et qui se confirme encore en cette rentrée.
Les prochaines générations d'agriculteurs et d'actifs des métiers du vivant doivent aussi être formées aux compétences de demain, celles qui en feront des chefs d'entreprises économiquement performants et capables de répondre aux enjeux essentiels des transitions agroécologiques, agronomiques, environnementales et climatiques en cours.
Cette audition a lieu dans le contexte particulier du redressement des finances publiques. Ce dernier nous impose de faire le meilleur usage possible des moyens à notre disposition et de faire preuve de responsabilité dans l'utilisation des deniers publics. Malgré ce contexte budgétaire tendu, il est nécessaire de préparer l'avenir de l'agriculture, de défendre notre souveraineté alimentaire et d'anticiper au mieux les crises, dont nous mesurons l'ampleur cette année : crises sanitaires et météorologiques, crise du rendement, crise de sens, crise de confiance en l'avenir. L'enseignement et la recherche agricoles sont la clé pour atteindre ces objectifs.
Trois principes ont guidé l'élaboration du projet de budget.
Le premier est la nécessité de préserver la qualité de l'enseignement agricole en maintenant l'engagement de l'État. Le deuxième est d'aller plus loin pour ce qui fonctionne, en capitalisant sur les spécificités de l'enseignement agricole. Je pense, en particulier, à la capacité de ce dernier à inclure et à former des professionnels compétents et des citoyens éclairés : ces opportunités changent des vies et doivent continuer de le faire. Le troisième principe est de faire en sorte que les métiers de l'enseignement restent attractifs demain. Préserver la qualité, aller encore plus loin pour ce qui fonctionne, continuer de renforcer l'attractivité des métiers de l'enseignement : voilà les maîtres-mots du budget présenté.
Avec 2,162 milliards d'euros de crédits de paiement dédiés à l'enseignement technique et supérieur, nous vous proposons de conserver un haut niveau d'ambition pour l'enseignement agricole.
Premièrement, comme je l'ai indiqué, il était nécessaire de préserver la qualité de cet enseignement. L'enseignement agricole permet à plus de 200 000 apprenants, de la quatrième au brevet de technicien supérieur agricole (BTSA), et à 17 000 étudiants de l'enseignement supérieur de se former à des métiers qui ont du sens, d'être insérés sur le marché du travail et d'être formés en tant que citoyens.
La progression du nombre d'apprenants de l'enseignement technique de 1 % supplémentaire, en moyenne, chaque année nous oblige à maintenir la qualité de l'enseignement agricole. Ce pourcentage d'augmentation annuelle peut paraître faible au regard de l'objectif de 30 % d'apprenants supplémentaires d'ici à 2030, mais cette croissance régulière chaque année permet d'approcher l'objectif. Après de nombreuses années où son attractivité était en déclin, cet enseignement a désormais retrouvé de l'attrait. Il en va de même de l'enseignement supérieur agronomique et vétérinaire, dont le nombre d'étudiants a déjà crû de plus de 20 % depuis 2017, à moyens quasiment constants. Il faut saluer et préserver ces efforts. Ces chiffres sont la preuve que l'enseignement agricole est toujours plus attractif pour nos jeunes.
Le renouvellement des générations d'actifs dans l'agriculture est en marche. Il faut le soutenir, car c'est un enjeu majeur : à l'horizon 2035, 60 % des chefs d'exploitation sont susceptibles de partir à la retraite.
Pour le programme 143 « Enseignement technique agricole », plus de 35 millions d'euros de crédits de paiement supplémentaires sont prévus, ce qui permet d'atteindre un budget de 1,7 milliard d'euros, soit une hausse de 2 % par rapport à 2024.
Le très bon taux d'encadrement - un peu moins de vingt élèves par classe en moyenne - sera préservé, pour que chaque apprenant soit formé dans les meilleures conditions. Enfin, la hausse du budget a permis d'augmenter les moyens de façon plus ciblée, afin d'éviter que le service public de l'enseignement agricole, qu'il soit assuré par des établissements publics ou privés, ne se dégrade en raison des difficultés conjoncturelles.
Face à la crise à Mayotte, nous répondons présents : l'établissement public national d'enseignement et de formation professionnelle agricoles de Coconi sera doté d'environ 1 million d'euros supplémentaires pour répondre aux besoins induits et pour assurer le bon fonctionnement de son nouvel internat.
Pour ce qui concerne l'enseignement privé, une hausse est consentie pour la ligne budgétaire « Subventions aux fédérations », afin d'accompagner les établissements en difficulté financière. L'État accompagne aussi la hausse des besoins des établissements privés, comme le droit le prévoit : l'action qui regroupe les crédits dédiés à l'enseignement privé du temps plein et à l'enseignement privé du rythme approprié est ainsi dotée de 2,9 millions d'euros supplémentaires par rapport à la loi de finances initiale (LFI) 2024.
Les dépenses liées à l'enseignement supérieur sont quant à elles également préservées, malgré une légère diminution des crédits du programme par rapport à 2024. Mes équipes travaillent à des redéploiements pour que les huit postes prévus dans le cadre du plan de renforcement des quatre écoles nationales vétérinaires soient bien mis en oeuvre. Nous adoptons une trajectoire permettant de former 75 % de vétérinaires supplémentaires en 2030 par rapport à 2017. Je tiens à cette trajectoire, essentielle pour notre élevage : le territoire doit être maillé de vétérinaires.
Le budget 2025 du programme 142 « Enseignement supérieur et recherche agricoles », qui s'élève à 431 millions d'euros, permettra donc de garantir la qualité des enseignements délivrés et de poursuivre les efforts engagés les années précédentes en faveur de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Je voudrais évoquer, en toute transparence, la question du rabot budgétaire annoncé. La situation budgétaire de notre pays impose que chaque ministère fasse davantage d'efforts pour retrouver une trajectoire des finances publiques soutenable. À cette fin, le Gouvernement a annoncé soumettre à votre appréciation un montant d'économies supplémentaires à réaliser de 5 milliards d'euros pour le budget de l'État par rapport à la version initiale du PLF.
Dans ce cadre, la contribution de mon ministère s'élèverait à 115 millions d'euros. J'ai choisi de faire contribuer l'ensemble des programmes du ministère à cet effort, au prorata de leurs crédits inscrits dans le PLF pour 2025. À mes yeux, c'est une mesure de bon sens. S'y ajoutent les dispositions annoncées ayant trait aux jours de carence et aux indemnisations des arrêts maladie des agents. Compte tenu de ces éléments, il serait proposé une baisse de crédits de 18 millions d'euros pour le programme 143 « Enseignement technique agricole » et de 8 millions d'euros pour le programme 142 « Enseignement supérieur et recherche agricoles ».
Je veux que ces mesures d'économie ne remettent pas en question les grands équilibres du budget présenté aujourd'hui ni les objectifs que je viens d'évoquer : préserver la qualité, aller encore plus loin pour ce qui fonctionne, continuer de renforcer l'attractivité des métiers de l'enseignement. Les services de mon ministère travaillent actuellement en ce sens. Je leur ai expressément indiqué qu'il fallait optimiser au plus juste nos politiques publiques ainsi que nos outils, et préserver le maillage des établissements et des classes dans nos territoires.
Deuxièmement, je voudrais que ce budget nous permette de capitaliser sur les spécificités de l'enseignement agricole, en particulier sa capacité à inclure.
Le nombre de jeunes en situation de handicap accueillis augmente de plus de 15 % par an. Ce projet de budget pour 2025 conforte le statut de nos établissements, qui sont en pointe en matière d'inclusion. À la suite d'une hausse de 26 % du nombre d'élèves bénéficiant d'une aide au titre d'un handicap, il était essentiel de poursuivre les augmentations des moyens dédiés. Ainsi, le financement de l'inclusion scolaire des élèves en situation de handicap, hors dépenses de personnel, poursuit sa progression, en passant de 14 millions d'euros en 2020 à près de 21 millions d'euros aujourd'hui.
Ce budget conserve le nombre d'ETP dédiés à l'accompagnement des élèves, qui avait connu une augmentation de 75 % entre 2019 et 2024. Nous avons voulu aussi indexer la rémunération des assistants d'éducation (AED) sur celle de leurs homologues de l'éducation nationale, au travers de 520 000 euros de crédits nouveaux par rapport à 2024. Enfin, les autres spécificités de l'enseignement agricole, comme ses capacités d'innovation et d'expérimentation, sa forte implication en faveur de l'engagement citoyen ou encore de la mobilité internationale, continueront d'être soutenues.
Troisièmement, ce budget nous permettra de poursuivre les réformes en faveur de l'attractivité des métiers de l'enseignement.
Si ce système a de bons résultats, c'est grâce à la qualité et à l'engagement de ses agents, présents partout sur le territoire national. Pour préserver ces résultats, il faut conserver l'attractivité de ces métiers pour les agents. Ce PLF est le premier à intégrer en base les 55 millions d'euros de crédits dédiés au pacte enseignant. C'est un signal fort en faveur des enseignants et des conseillers principaux d'éducation (CPE).
Le pacte enseignant permet, en effet, pour sa partie dite socle, d'améliorer le déroulement de carrière des personnels d'enseignement et d'éducation, ainsi que de revaloriser la rémunération de chacun. Il permet également à ceux qui le souhaitent, par sa partie dite pacte, d'exercer des missions complémentaires au service des élèves et des établissements pour lesquelles ils sont rémunérés.
Je souhaite rappeler mon attachement au pacte enseignant, qui a très vite rencontré un grand succès : pour l'année scolaire 2023-2024, 54 % des enseignants du secteur public et 80 % de ceux du secteur privé ont mené des actions volontaires dans ce cadre. Ce système reconnaît l'investissement des professeurs ; il faut le conserver.
Cette intégration des crédits du pacte en base en LFI s'inscrit dans la continuité de la dynamique favorable engagée ces dernières années. Je pense notamment aux revalorisations des grilles indiciaires, aux évolutions statutaires et à l'augmentation du point d'indice, qui ont induit des dépenses de personnel dynamiques lors des exercices précédents. Je sais l'engagement sans faille des personnels de l'enseignement. J'ai eu l'occasion de leur rappeler lors de mon intervention au séminaire des directeurs en octobre dernier. Ils pourront compter sur mon soutien.
Ce PLF n'est qu'une première étape, qui devra être approfondie dans le cadre de nos travaux futurs. Ainsi, la PLOA est l'une des réponses aux défis de l'enseignement agricole. Une plus grande attractivité des formations aux métiers du vivant, une montée en compétence des futurs actifs dans les secteurs de l'agronomie, de la zootechnie, des transitions, de la gestion d'entreprise, des ressources humaines ou encore du numérique : voilà ce à quoi la PLOA permettra de commencer à répondre afin notamment de préserver notre production alimentaire.
Le débat reprendra vite : la commission des affaires économiques du Sénat l'examinera dès la semaine du 9 décembre prochain, et les débats en séance publique débuteront la semaine du 14 janvier 2025. Les sujets de la PLOA me tiennent à coeur. J'avais, en tant que parlementaire, beaucoup travaillé sur ce texte et soutenu plusieurs mesures qui relevaient du bon sens, notamment en matière d'enseignement agricole.
Pour garantir que la bonne dynamique de l'enseignement agricole perdure, inscrire dans le droit l'objectif de 30 % de hausse du nombre d'apprenants dans l'enseignement technique d'ici à 2030 demeure nécessaire. Le futur bac+3, dit bachelor agro, contribuera à l'attractivité des métiers de l'agriculture, mais aussi, au-delà, à la montée en compétence des futurs actifs. Il est soutenu et attendu par tous les acteurs du monde éducatif et du monde agricole.
Il nous faudra, plus encore qu'aujourd'hui, créer des vocations vers les métiers du vivant pour que le renouvellement des générations d'agriculteurs s'opère. J'aurai l'occasion d'échanger sur ce sujet de l'attractivité de l'enseignement agricole, qui m'est particulièrement cher, avec mes homologues du ministère de l'éducation nationale, que je rencontrerai la semaine prochaine. Je suis certaine que, ensemble, nous enrichirons encore la PLOA d'idées neuves, pour faire briller un peu plus cette pépite qu'est notre enseignement agricole.
Mesdames, messieurs les sénateurs, grâce à ce budget, la transmission des savoirs et des compétences aux futurs actifs s'effectuera dans les meilleures conditions, tout en préparant le monde agricole aux défis de demain. C'est notamment de l'enseignement agricole que naîtront les solutions pour répondre aux défis économiques et agroclimatiques. De lui dépend aussi la hausse du nombre d'actifs, qui est nécessaire pour renouveler les générations dans les métiers du vivant.
Le budget est votre prérogative, et vous connaissez le sujet de l'enseignement agricole. Par conséquent, je veux qu'il soit le plus possible l'objet d'un dialogue constructif entre les services de mon ministère et vous-mêmes.
M. Bernard Fialaire, rapporteur pour avis des crédits de l'enseignement technique agricole. - Madame la ministre, je vous remercie de vous pencher sur l'enseignement technique agricole, qui représente une part importante de votre ministère.
Tout d'abord, les 35 millions d'euros de crédits supplémentaires que vous avez évoqués sont-ils comptabilisés avant ou après le coup de rabot annoncé ?
Ensuite, pour ce qui concerne l'objectif ambitieux de 30 % d'apprenants supplémentaires d'ici à 2030, êtes-vous certaine qu'il faille atteindre de tels effectifs compte tenu des difficultés que rencontrent les jeunes à la sortie des lycées agricoles pour reprendre une exploitation, mais aussi des regroupements d'exploitations et des améliorations techniques et technologiques ? Avec quels moyens comptez-vous y parvenir ? Est-ce compatible avec un nombre d'enseignants stable, alors qu'il s'agit d'accueillir des élèves, apprentis ou étudiants supplémentaires et que, dans certaines matières, les formations ne doivent pas dépasser 16 élèves ? Quelles suites donnerez-vous à l'amendement de nos collègues de l'Assemblée nationale, qui ont proposé 170 ETP supplémentaires pour l'enseignement agricole ?
L'apprentissage est d'une importance majeure pour l'enseignement agricole, comme en témoigne l'augmentation du nombre d'apprentis. L'aide à l'apprentissage risque-t-elle d'être réduite ?
Selon le Conseil national de l'enseignement agricole privé (Cneap), que nous avons auditionné, les charges de fonctionnement des établissements d'enseignement privés agricoles relèvent, d'après la loi, de l'État, et non des régions, mais cette disposition n'est plus réellement appliquée. Si certains de ces établissements sont en grande difficulté, d'autres ont pu faire face grâce au succès de l'apprentissage. Aussi, ne risque-t-on pas de se retrouver dans une impasse en cas de baisse de l'aide à l'apprentissage ?
Vous avez revalorisé à 5 000 euros le coût de formation par élève au sein des maisons familiales rurales (MFR) ; or on compte 1 600 apprenants supplémentaires cette année, ce qui correspond à 8 millions d'euros. Tout cela entre-t-il dans les engagements pris ?
Enfin, le pacte enseignant est un succès, surtout dans l'enseignement agricole. Toutefois, il nous a été signalé que certains enseignants contractuels du privé n'y sont pas éligibles car leur temps de travail est inférieur à 50 %. Une simplification plus importante serait-elle envisageable - par exemple, au travers d'une enveloppe de crédits accordée au directeur des établissements concernés, qui se chargerait ensuite de la répartition des crédits ?
M. Christian Bruyen, rapporteur pour avis sur le projet de loi d'orientation pour la souveraineté alimentaire et agricole et le renouvellement des générations en agriculture. - Je vous remercie de votre présentation exhaustive, madame la ministre.
Pour ce qui est des perspectives pour 2025, il faut reconnaître un effort significatif : en dépit de quelques baisses, des augmentations sont à signaler et des lignes budgétaires restent à un niveau constant, malgré une hausse sensible des effectifs en formation.
Une progression de 1 % du nombre d'élèves, d'étudiants et d'apprentis, c'est encore un peu loin de l'ambition affichée pour 2030, puisque 30 000 apprenants supplémentaires sont nécessaires pour assurer l'indispensable renouvellement des générations - veillons à ce que cela perdure à l'avenir. Cependant, ce pourcentage témoigne de la préservation de l'attirance pour ces métiers en dépit d'un agribashing quasi permanent à l'égard d'une agriculture conventionnelle très pourvoyeuse d'emplois. C'est réconfortant et encourageant.
Afin de tenir l'ambition pour 2030, il faudra d'abord protéger les atouts de l'enseignement agricole, dont l'efficacité est reconnue : établissements à taille humaine, maillant bien le territoire, y compris en milieu rural, et offrant un taux d'encadrement raisonnable - je vous remercie d'avoir attiré l'attention sur ce point. Ces atouts tiennent aux moyens accordés et au maintien de l'équilibre public-privé, fondement de la qualité de l'enseignement agricole.
À propos du pacte enseignant, qui a très bien fonctionné dans l'enseignement agricole, a financé des projets innovants et contribué à mieux faire connaître ces métiers, ce qui est essentiel pour améliorer l'orientation vers ces professions, et qui sera reconduit pour 2025, la priorité sera-t-elle donnée aux remplacements de courte durée, comme le fera l'éducation nationale ? Il serait dommage de perdre la souplesse dont disposent les chefs d'établissements pour mettre en oeuvre les actions destinées à attirer de nouveaux jeunes. Le renforcement de l'attractivité des formations agricoles est indissociable de l'indispensable renouvellement des générations, qui est au coeur du PLOA.
Ce dernier a trait notamment aux filières agricoles et agroalimentaires et vise à renforcer les moyens qui leur sont accordés, ce qui est une très bonne chose. Qu'en est-il des formations relatives aux métiers de service à la personne et d'animation des territoires, qui sont souvent assurées par les établissements agricoles ? Ces formations répondent à des besoins importants dans la ruralité et sont souvent d'un grand intérêt pour les jeunes issus de familles exerçant dans le secteur de l'agriculture.
Lors de son audition au printemps dernier, votre prédécesseur a déclaré que, « à date » - on sait ce qui peut se cacher derrière cette formule -, la volonté du gouvernement n'était pas de prélever des moyens sur cette filière pour renforcer ceux des filières agricoles. Au regard des fortes contraintes budgétaires, l'intérêt des métiers de service à la personne sera-t-il reconnu ? Les moyens de ces formations seront-ils préservés ?
Mme Annie Genevard, ministre. - Pour répondre au rapporteur pour avis M. Bernard Fialaire, hélas ! les chiffres donnés sont ceux qui ont été définis avant le coup de rabot de 115 millions d'euros. Mais, vous l'avez noté, l'enseignement technique agricole ne supporte pas l'intégralité du coup de rabot demandé au ministère.
L'augmentation de 30 % d'apprenants, c'est l'objectif pour réaliser un remplacement « un pour un » : il s'agit non pas d'augmenter le nombre d'agriculteurs de 30 %, mais de garantir le renouvellement des générations. Actuellement, pour la seule agriculture, on compterait 70 000 emplois vacants. L'objectif de 30 % d'apprenants supplémentaire n'est pas un risque, car les taux d'insertion professionnelle sont excellents.
Je veux vous rassurer sur la réforme de l'aide à l'apprentissage. L'apprentissage est en croissance et a permis d'augmenter de nouveau les effectifs dans les établissements ; il est capital à l'attractivité de ces derniers. Par ailleurs, les centres de formation d'apprentis (CFA) contribuent à l'équilibre financier des lycées agricoles. Le Gouvernement n'envisage pas de réformer l'apprentissage dans le secteur agricole, qui connaît une croissance continue depuis la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel : en cinq ans, le nombre d'apprentis a crû de 47 %. Le modèle de financement de l'apprentissage est en discussion, mais nous le défendrons, car c'est un facteur d'attractivité de l'enseignement agricole. J'échangerai prochainement avec la ministre du travail et de l'emploi sur ce sujet.
Monsieur le rapporteur pour avis Christian Bruyen, pour ce qui concerne le pacte enseignant, je le confirme, la priorité sera donnée aux remplacements de courte durée, comme c'est déjà le cas actuellement. Les remplacements réalisés par les agents sur la base du volontariat ont permis de réduire de 30 % le nombre d'heures de formation non assurées.
Vous avez eu raison de le souligner, l'attrait de l'enseignement agricole est préservé. Cette aventure du vivant connaît un regain d'attractivité encourageant en raison des perspectives d'insertion et du caractère concret des apprentissages lié au travail dans les exploitations. Le PLOA visera à amplifier cette attractivité, grâce à la sensibilisation des enfants aux métiers du vivant dès l'école primaire, ainsi qu'à la mise en place de contrats territoriaux et d'une sixième mission de l'enseignement agricole.
Nous préservons les formations dans les filières des métiers du service. Plusieurs amendements présentés lors de l'examen du PLOA visaient à montrer combien il était important de soutenir la vitalité des territoires ruraux dans lesquels ces établissements d'enseignement sont souvent implantés. Il n'y aura pas de redéploiement vers l'enseignement agricole : les deux filières sont essentielles à mes yeux.
À propos du financement des MFR, celui-ci est proportionnel au nombre d'élèves ; le ministère sera au rendez-vous s'agissant du protocole qui le lie aux MFR.
Les règles applicables aux enseignants qui exercent à temps partiel et qui ne sont pas éligibles au pacte enseignant sont valables dans l'ensemble des systèmes éducatifs. L'enseignement agricole n'y déroge pas.
Monsieur Bernard Fialaire, vous indiquiez que vous avez auditionné le Cneap ; pour ne rien vous cacher, j'ai échangé par téléphone avec Michel Dantin voilà quelques heures. L'enseignement agricole privé connaît clairement des difficultés en matière de financement, mais ce budget comprend des dispositifs destinés à apporter un soutien budgétaire aux établissements les plus en difficulté.
Mme Marie-Pierre Monier. - Je vous remercie de votre présence. Je souscris à plusieurs alertes lancées par mes collègues.
L'apprentissage permet aux élèves de donner du sens à leur formation ; nous en sommes tous convaincus. La diminution de l'aide aux employeurs est source d'inquiétudes. En effet, les maîtres d'apprentissage auront des difficultés à trouver des contrats pour tous les élèves qui en ont besoin.
Vous soulignez que le nombre d'élèves de l'enseignement agricole augmente. C'est une bonne chose, car la baisse des effectifs a longtemps été une source d'inquiétude, mais nous sommes encore loin du compte. Quelles mesures envisagez-vous pour donner l'envie aux élèves d'intégrer l'enseignement technique agricole ? Améliorerez-vous l'information des collégiens ?
Si j'ai bien compris, aucun poste d'enseignant n'est créé dans ce PLF, alors que 316 emplois ont été supprimés entre 2017 et 2022. En outre, des questions de sécurité peuvent se poser, par exemple lors d'ateliers de cuisine ou de travaux dirigés avec des animaux de grande taille. Êtes-vous sensible à cette question ?
Que le pacte enseignant puisse être dédié essentiellement aux remplacements m'inquiète. Tout d'abord, il n'est pas certain d'obtenir un remplacement pour la même matière, ce qui constitue un manque pour les élèves. Avez-vous des retours sur ce sujet ?
À propos des accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH) et de l'école inclusive, j'ai été alertée à propos de remplacements non effectifs d'AESH en arrêt maladie. Qu'en est-il ? L'enseignement agricole n'est pas doté de référents AESH comme il en existe dans l'éducation nationale depuis 2020. Or ces référents pourraient animer un collectif, proposer des actions de formation ou des temps d'échange sur les pratiques. Un tel réseau de référents pourrait être mis en place plutôt au niveau régional, au regard de la répartition de l'enseignement agricole public. Quel regard portez-vous sur cette proposition ?
Une dernière inquiétude a trait à l'aide sociale aux élèves, qui est une question récurrente lors de l'examen du budget. Depuis plusieurs années, on constate une baisse des crédits de l'action n° 03 « Aide sociale aux élèves et santé scolaire (enseignement public et privé) ». Pour les seuls crédits destinés aux bourses sur critères sociaux, la perte s'élève à 1,7 million d'euros. Alors que l'inflation perdure et qu'un nombre significatif d'élèves de l'enseignement agricole sont boursiers, est-il envisageable de revenir sur cette trajectoire ?
M. Jacques Grosperrin. - Madame la ministre, je vous remercie de votre engagement, de vos propos très forts sur l'agriculture et l'enseignement agricole. Je connais votre attachement à ce sujet.
Vous avez souligné l'importance de ce budget, qui ne varie pas. L'action de votre ministère est cohérente puisque les remplacements de courte durée dans l'éducation nationale seront prioritaires à hauteur de 50 %.
Vous avez évoqué l'enseignement agricole comme un enseignement de la réussite. Comment le PLOA, adopté le 28 mai 2024 en première lecture à l'Assemblée nationale, et qui sera examiné en séance publique au Sénat à partir du 14 janvier prochain, répondra-t-il en partie à l'enjeu de la formation agricole ?
Mme Annick Billon. - Madame la ministre, je vous remercie de vos réponses.
En tant que sénatrice de la Vendée, je suis convaincue de la nécessité de disposer d'un maillage important d'établissements d'enseignement agricole et de la qualité de ces établissements.
La qualité et l'agilité dont le réseau MFR fait preuve pour accueillir un public particulier et en difficulté sont bien connues. Ses effectifs augmentent, comme cela était souhaité, mais ses moyens restent stables. La demande du réseau, dont nous avons auditionné le directeur, est de disposer de 230 millions d'euros - et non pas de 210 millions d'euros - pour accueillir les élèves dans les meilleures conditions.
Une cinquantaine de MFR sont d'ores et déjà en difficulté, et certains établissements de l'enseignement agricole le sont également. Il était question, cet après-midi, de la fermeture d'établissements de l'enseignement agricole dans le Doubs et dans le Grand Est. Madame la ministre, vous y serez forcément sensible ! Nous devons éviter ces fermetures sèches. Le maillage du territoire est une garantie pour la filière tout entière.
Il est question de baisser l'aide pour les entreprises et les exploitations qui embauchent des apprentis. Ne pourrions-nous pas imaginer que cette aide soit versée de manière étalée le temps du contrat plutôt que lors de la première année d'apprentissage seulement ? Cela permettrait que le montant à verser soit moins important en 2025.
Il semble qu'une majorité des exploitations agricoles qui sont adossées aux établissements scolaires soient en grande difficulté. Or, même si elles sont souvent gérées par des budgets totalement différents, elles participent à la qualité de l'enseignement !
Le pacte enseignant est un succès, mais tous les enseignants n'y sont pas éligibles. Sur le terrain, les établissements scolaires me parlent d'un contrôle difficile, voire absent. Certains sont rémunérés sans que les heures aient été effectuées. En outre, il faudrait « 3 500 clics » pour enregistrer des opérations ... La charge administrative explique peut-être le manque d'attractivité du métier de chef d'établissement.
Mme Laure Darcos. - Je veux reprendre la question de Marie-Pierre Monier concernant les auxiliaires de vie (AVS) dans l'enseignement agricole. Au-delà même de la question du référent, ces derniers n'ont pas le même statut que les AESH. La situation est très compliquée pour eux. On ne peut faire que des contrats de bout de ficelle de quelques heures par élève, alors que les établissements sont de plus en plus nombreux à accueillir des jeunes en situation de handicap.
M. David Ros. - Merci, madame la ministre, de votre présence et de votre écoute.
Je regrette moi aussi la baisse des moyens au regard de l'ambition affichée, et notamment de l'objectif de 30 % d'apprenants à terme. Dans le contexte européen particulier qui est le nôtre, nous soutenons tous la valorisation de l'ensemble des filières agricoles, depuis les lycées techniques jusqu'aux filières d'innovation et de recherche, qui me tiennent particulièrement à coeur. Il y va de l'attractivité de ces filières. Je pense que les contraintes budgétaires doivent aussi être analysées à l'aune des enjeux, essentiels, que nous avons évoqués. Cela soulève les questions de l'utilité et de l'interdisciplinarité - je pense évidemment à l'agriculture et à l'enseignement supérieur et à la recherche, mais aussi à la santé.
Les établissements d'enseignement supérieur jouent un rôle clé dans le développement de la recherche et de l'innovation, en lien avec les enjeux agricoles, alimentaires et environnementaux. À cet égard, il est légitime de s'interroger sur le développement d'écoles vétérinaires dans le domaine public, compte tenu des besoins, extrêmement importants.
Autre point qui me tient particulièrement à coeur : la possibilité d'engranger des recettes pour les politiques agricoles grâce à la recherche. Les études montrent que de plus en plus d'industriels utilisent des éléments sucrés dans des produits salés : on pourrait très bien, à partir d'une étude de santé menée avec les chercheurs du domaine de l'agriculture, imaginer des taxes vertueuses sur ce genre de pratiques, permettant de financer d'autres politiques publiques dans le domaine de la santé.
Enfin, je m'interroge sur l'avenir des sites d'AgroParisTech situés dans l'Essonne. La cession du site de Massy est sans cesse repoussée, ce qui pèse sur les comptes d'AgroParisTech, le privant de sa mission principale d'enseignement supérieur et de recherche. Dans les Yvelines, nous avons l'occasion unique de faire du domaine de Grignon, lieu important pour l'agriculture, qui concerne aussi l'université Paris-Saclay, un centre d'innovation dédié aux transitions agricoles en cours. Les attentes sont fortes, à l'égard notamment de votre ministère.
Mme Annie Genevard, ministre. - Madame la sénatrice Marie-Pierre Monier, je vous ai dit, dans mon propos liminaire, à quel point l'apprentissage avait contribué à augmenter les effectifs dans l'enseignement privé. Je ne vous cache pas que nous nous interrogeons également sur l'effet que pourrait produire la diminution du nombre d'apprentis dans le secteur de l'enseignement agricole. C'est le ministère du travail qui instruit ce dossier ; nous aurons évidemment un échange nourri avec lui.
Il est remarquable que les apprentis du secteur agricole trouvent une insertion professionnelle aisément. C'est une école de la réussite ; c'est une école de l'insertion ; c'est une école de la confiance en soi. Je suis frappée par l'enthousiasme et l'autonomie des jeunes dans les MFR. Les fermes d'apprentissage jouent un rôle très important. D'ailleurs, le PLOA contient une disposition à leur sujet. J'avais déposé un amendement qui les rendait obligatoires, mais le ministre de l'époque a estimé que cela devait rester une simple possibilité.
Vous avez évoqué la question du remplacement ; j'en ai parlé.
Mmes les sénatrices Darcos et Monier m'ont interrogée sur l'insertion et l'inclusion. Il y a là aussi une particularité de l'enseignement agricole, qui inclut énormément d'enfants porteurs de handicap, dans des proportions, parfois, à la limite de la faisabilité. Pour inclure, il faut bien inclure ! Or, quand une classe comprend 50 % d'enfants porteurs de handicap, comme on a pu le voir dans certains établissements, cela pose la question de l'équilibre, pour les enfants porteurs de handicap, pour les enseignants comme pour l'ensemble des jeunes. Bien évidemment, la question du statut, que l'enseignement général résout progressivement, se pose également dans l'enseignement privé - peut-être même davantage, dans la mesure où il est plus inclusif encore.
Il faut veiller à ce que l'orientation en milieu agricole ne soit pas une orientation par défaut. Il faut avoir le courage de le dire : cela doit demeurer un choix dans tous les cas de figure. Cela pose la question de l'accompagnement... Il faut y consentir des moyens considérables ! Plus on inclut, plus il faut accompagner l'inclusion.
La baisse des aides sociales constatée sur le budget 2025 est liée au fait que certains apprenants quittent le statut d'élève en cours d'année. Elle résulte d'une objectivation des coûts réels.
Je tiens à vous préciser que tous les remplacements sont financés. J'ai d'ailleurs renforcé le budget dédié au suivi des besoins en octobre 2024.
C'est vrai, nous n'avons pas de référent handicap par établissement. C'est un réseau national qui accompagne.
Monsieur le sénateur Grosperrin, vous avez demandé comment la LOA pouvait répondre à l'enjeu de la formation agricole. Ce texte pose une ambition certaine. Vous-même semblez douter de la possibilité d'atteindre le taux de 30 %. Je vous rappelle que, voilà quatre ans encore, l'évolution des effectifs était négative. Elle est redevenue positive et même, cette année, un peu supérieure à celle de l'année précédente. Il y a donc une dynamique, qu'il convient d'amplifier.
Il faut monter en compétences dans la formation dispensée à nos futurs agriculteurs. Il faut attirer plus. J'ai parlé du plan national de découverte : je pense que c'est une chose importante.
Nous avons beaucoup, à l'Assemblée nationale, débattu du nom du bachelor agro, certains considérant que le concept est un peu trop américain, ou regrettant que l'on use d'un mot anglais. Il se trouve que le bachelor plaît. Pour être littéraire de formation, je sais qu'un mot peut suggérer l'idée d'un renouvellement. Au-delà du marketing, on verra ce que le bachelor donne à l'usage s'il attire et s'il répond aux besoins du secteur, en offrant la possibilité à des jeunes de développer des compétences d'excellence.
Les professeurs eux-mêmes seront davantage formés. Nous avons beaucoup insisté sur la nécessité de compétences multiples. Pour former un agriculteur ou un chef d'exploitation, il faut le former à l'économie, à l'agronomie, à la recherche, à l'agroécologie ou encore à la transition.
Il faut le former aussi à la dimension sociale de l'agriculture. De fait, un chef d'exploitation, c'est possiblement un membre de groupement agricole d'exploitation en commun (Gaec) ! Je fréquente les agriculteurs depuis longtemps ; je connais leurs difficultés. Monsieur le rapporteur, l'agrandissement des exploitations est une tendance assez forte, mais elle a ses limites, dont la capacité à se sentir bien au sein d'un Gaec. C'est ainsi que l'on voit des « déconjugalisations de Gaec », si je puis dire.
Pour former nos jeunes, il faut former nos enseignants à tout cela. La mission de renouvellement des générations et des transitions impliquera évidemment que les établissements eux-mêmes développent des actions pour se rendre attractifs. Et l'ensemble des acteurs devront, dans le cadre d'un contrat territorial, s'engager à augmenter le nombre d'élèves accueillis dans une classe si celle-ci n'a pas suffisamment d'effectifs.
Madame la sénatrice Billon, vous évoquez les fermetures d'établissements. Je connais bien la situation de celui du Doubs - il se trouve que j'ai eu au téléphone, à son sujet, le président de son conseil d'administration hier soir et Michel Dantin tout à l'heure. Le lycée des Fontenelles dispose de très gros locaux : or il accueille, cette année, un peu plus de 70 élèves. Le rapport coût-enseignement ne fonctionne plus du tout. Il n'est plus attractif. Pour autant, si nous fermons cet établissement, ce que nous ne ferons naturellement pas avant la fin de l'année scolaire, cela ne veut pas dire que le contrat qui lie le lycée des Fontenelles au ministère de l'agriculture sur le volet de l'enseignement s'éteindra. Il pourra être utilisé dans d'autres territoires, au profit d'autres établissements qui ont besoin de moyens supplémentaires, parce qu'ils ont plus d'élèves, plus de demandes. Certes, ce n'est pas un jeu à somme nulle territorialement, mais, pour l'enseignement agricole, l'un compense l'autre.
Certains établissements sont en difficulté, mais sont sauvables ; nous voulons les aider dans le cadre des dispositifs budgétaires que je vous ai exposés tout à l'heure. D'autres, comme celui des Fontenelles, montrent les limites de l'exercice.
Les MFR exercent un rôle formidable en matière de remédiation : elles accueillent des élèves qui y trouvent un deuxième souffle, une raison d'étudier. Leur dotation a été augmentée en 2024. La hausse du nombre d'élèves en cette rentrée entraînera mécaniquement une nouvelle augmentation. C'est déjà prévu dans notre protocole.
Toutes les briques non mises en oeuvre du pacte enseignant seront recouvrées par le budget du ministère de l'agriculture, ce qui est bien normal. Le chiffre est de quelques centaines depuis septembre 2024.
Madame la sénatrice Darcos, nous avons déjà évoqué la question des AVS et des AESH.
Monsieur le sénateur David Ros, vous évoquez la question de la filière innovation et recherche des établissements supérieurs. Un rapport du Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) va m'être présenté pour savoir s'il est opportun ou non de créer une nouvelle école supérieure, notamment vétérinaire. Nous serons attentifs à ses analyses. Je sais que ce sujet fait l'objet de vifs débats. J'ai été très alertée sur ce point.
En matière d'institut de recherche, l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae) est déjà l'un des établissements de recherche de référence au niveau mondial, notamment sur les sujets alimentaires et de nutrition.
On m'a parlé du site de Grignon d'AgroParisTech. J'ai découvert que le ministère de l'agriculture était propriétaire de ce domaine extraordinaire. Une mission interministérielle sur le sujet a été conduite à la demande du précédent gouvernement. Ses conclusions nous orientent vers une société universitaire locale immobilière (Suli). Je dois évidemment évoquer de nouveau le sujet avec les autres ministères concernés. Les travaux vont reprendre rapidement. Il ne faudrait pas que ce site ne soit pas utilisé à sa juste valeur.
Enfin, je ne suis pas étonnée que vous m'interrogiez sur le rapport sur la fiscalité comportementale en santé, sur lequel je me suis exprimée à plusieurs reprises. Même si nous sortons un peu du champ de l'enseignement agricole, nous sommes pleinement dans celui du ministère de l'agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt. Je ne crois pas que les taxes comportementales suffisent à régler les défaillances de comportement. Je pense que c'est du côté de l'éducation à la santé et de l'alimentation familiale qu'il nous faut continuer à prospérer, l'alimentation collective étant déjà marquée, dans nos établissements scolaires, par le recours aux circuits courts, aux produits de qualité, issus de l'agriculture bio ou raisonnée. Nous devons inviter les parents à être vigilants sur les sodas, sur les bonbons.
Je veux rappeler que, derrière une taxe, il y a une production, et que, derrière une production, il y a une entreprise, une exploitation, une souveraineté alimentaire. Dès que vous touchez à une taxe, vous diminuez les capacités d'innovation, de recherche, d'investissement, de promotion. Cela dit, je pense que l'industrie agroalimentaire est prête à débattre avec nous sur la teneur en sucre et en sel des produits transformés et ultratransformés, dont je rappelle, du reste, qu'ils sortent en vert dans le Nutri-score, ce qui montre les limites de l'exercice. D'ailleurs, les industriels sont déjà engagés en ce sens.
On s'imagine que l'industrie agroalimentaire, ce ne sont que des entreprises énormes, qui réalisent des chiffres d'affaires considérables. Ceux d'entre vous qui sont allés au Salon international de l'alimentation (Sial) - je m'y suis rendue - savent qu'il y a, parmi les entreprises françaises du secteur, de toutes petites entreprises.
Monsieur le sénateur, il est question, par exemple, d'alourdir la taxe soda, de l'élargir à tous les segments. Pour ma part, je pense à mon petit limonadier de Morteau. Il n'est pas si petit, du reste, puisqu'il exporte sa limonade peu sucrée jusqu'aux États-Unis, mais ce n'est pas une multinationale de sodas : c'est une entreprise patrimoniale, familiale, identitaire remarquable. Comment vivra-t-elle la taxe soda ? Je l'ignore, mais je ne suis pas très optimiste.
Je préfère, pour ma part, parler de « secteur agroalimentaire », compte tenu de la diversité des entreprises. Je pense encore à une célèbre maison de Dijon qui fabrique du pain d'épices. Nous pouvons tous, dans nos secteurs, multiplier les exemples de production qui utilisent du sucre, notamment toute la filière pâtissière et boulangère - ce n'est pas rien ! Il faut être prudent, mais il y a des progrès à faire, notamment dans le secteur que vous évoquiez, monsieur le sénateur.
Au demeurant, je pense qu'il y a des choses à faire en matière d'innovation. Je ne voudrais pas que le sucre soit remplacé par des édulcorants de synthèse, parce que cela poserait d'autres questions de santé publique.
Pour terminer sur ce sujet, j'ai la conviction très profonde que la recherche, l'innovation, la technologie apporteront des réponses à ce que nous considérons aujourd'hui comme des impasses. Je leur fais vraiment confiance pour nous apporter les solutions qui nous font défaut pour le moment. C'est ainsi qu'il existe aujourd'hui des réponses techniques, mécaniques, qui permettent de traiter avec beaucoup moins d'intrants phytosanitaires des indésirables dans les cultures.
C'est sur cette note d'optimisme que je conclus, monsieur le président.
M. Laurent Lafon, président. - Merci beaucoup, madame la ministre, pour vos réponses.
Les membres de cette commission vous ont démontré à quel point ils étaient attachés à la question de l'enseignement agricole. Nous ne manquerons pas de poursuivre le dialogue avec vous sur ce sujet.
Mme Annie Genevard, ministre. - Monsieur le président, messieurs les rapporteurs pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie.
* 1 22,33 millions d'euros au titre de la revalorisation socle et 33,19 millions d'euros pour les briques fonctionnelles.
* 2 Pour rappel, depuis le 1er janvier 2023, l'enveloppe budgétaire relative aux bourses sur critères sociaux pour l'enseignement supérieur court n'est plus portée par le programme 143 mais par le programme 142.
* 3 Le programme 142 relatif à l'enseignement agricole supérieur serait concerné à hauteur de 8 millions d'euros.
* 4 Elles étaient 51 % en 2022.
* 5 Réponse au questionnaire budgétaire.