II. UNE ASPHYXIE BUDGÉTAIRE DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES QUI MENACE TOUT LE SYSTÈME DE FINANCEMENT ET DE GOUVERNANCE DE LA COMPÉTENCE CULTURELLE PARTAGÉE

Les politiques culturelles constituent une compétence partagée entre l'État et les collectivités territoriales. Comparativement à une répartition obligatoire des compétences entre les différents échelons territoriaux, la compétence partagée présente l'avantage :

 de garantir aux élus locaux, de tous niveaux de collectivités, une marge d'intervention - qui est fonction de leur degré de volonté politique - et une souplesse d'organisation permettant d'adapter l'action culturelle aux spécificités de chaque territoire ;

 d'inciter aux partenariats de projets et aux financements croisés, contribuant ainsi au dynamisme de la vie culturelle locale.

L'inconvénient d'un tel système partenarial réside dans le fait que si l'une des collectivités se désengage - pour raison budgétaire ou par choix politique -, elle entraîne dans son sillon toutes les autres.

La restriction budgétaire imposée par l'État va retomber en cascade sur l'ensemble des collectivités territoriales qui, confrontées à l'aggravation de l'effet de ciseau de leurs finances, seront tentées ou contraintes de se recentrer sur leurs compétences obligatoires.

La rapporteure lance une alerte : compte tenu de l'étau budgétaire qui se resserre sur les collectivités territoriales, l'ensemble des compétences partagées est en danger. En 2025, la culture pourrait être la première touchée, notamment en l'absence de volonté politique forte pour préserver ce secteur qui, rappelle-t-elle, est un puissant levier anti-crise.

D'ores et déjà, des collectivités de toutes tailles ont annoncé leur moindre engagement dans le domaine culturel, ce qui va se traduire par des réductions voire des suppressions de subventions aux opérateurs, des retraits de participation à des projets culturels locaux co-construits, des désengagements financiers d'équipements structurants, des renoncements à investir. Les montants concernés pourraient varier d'une dizaine de milliers d'euros à plusieurs millions d'euros, selon la taille des collectivités concernées. Cette fragilisation sans précédent de l'ensemble du tissu culturel à l'échelle des territoires pourrait entraîner la fermeture de lieux, l'annulation d'évènements, la disparition d'associations et de compagnies et, par conséquence, la suppression de milliers d'emplois.

Même si, à ce stade, aucune évaluation ni cartographie nationale de ce phénomène n'est disponible, tous les signaux émanant du terrain sont au rouge. L'ensemble des interlocuteurs auditionnés par la rapporteure, qu'il s'agisse des professionnels de la culture ou des représentants des collectivités territoriales, a unanimement souligné la menace qui pèse sur les budgets culturels. La DGCA, qui dit partager cette inquiétude générale, a indiqué à la rapporteure être en train de procéder à un exercice d'observation le plus précis possible de la situation.

Ces défections annoncées à tous les niveaux ébranlent l'ensemble de l'édifice de la compétence culturelle partagée, aussi bien dans sa dimension financière qu'institutionnelle. Ce faisant, ce sont tous les pans des politiques publiques culturelles (création artistique, enseignement supérieur artistique, éducation artistique et culturelle...) qui sont menacés et, plus largement, la place de la culture dans la société qui est remise en question.

Avec cette fragilisation sans précédent du socle financier et coopératif des politiques culturelles dans les territoires, la rapporteure estime qu'un point de rupture est atteint.

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