AVANT-PROPOS
Dans un contexte de restriction budgétaire affectant l'ensemble des secteurs de l'économie et de la société, la stabilisation des crédits consacrés par l'État à la création artistique, la transmission des savoirs et la démocratisation de la culture en 2025 suscite un soulagement tout relatif. En effet, ce statu quo budgétaire doit être mis en perspective des répercussions qu'aura la ponction pratiquée par l'État dans les recettes des collectivités territoriales : comme l'ensemble des autres compétences partagées, la culture risque d'en faire les frais.
Face au désengagement d'ores et déjà annoncé de collectivités de tous échelons, la rapporteure craint un choc budgétaire majeur pour le service public de la culture. Celui ci viendrait frapper un secteur déjà confronté depuis plusieurs années à une grave crise financière, devenue systémique. Alors qu'une politique publique structurante et porteuse d'une vision stratégique serait nécessaire pour répondre aux défis de la création artistique, le ministère de la Culture multiplie les plans et programmes, à l'instar de « Mieux produire, mieux diffuser » et de « Culture et ruralité », dont la pertinence interroge.
La situation de l'enseignement supérieur artistique ne prête guère plus à l'optimisme, les écoles d'art et les écoles d'architecture étant toujours confrontées à d'importantes difficultés structurelles, malgré les aides ponctuelles débloquées par l'État ces dernières années. Le « plan global » de réforme annoncé par la ministre en début d'année pour les écoles d'art territoriales tarde à voir le jour.
La commission accueille favorablement le projet de refonte du pass Culture qu'elle a toujours considéré comme un outil au service de la démocratisation culturelle et non comme une politique publique à part entière. Dans le cadre des travaux préparatoires à la réforme, elle entend faire valoir un redimensionnement stratégique et budgétaire du dispositif.
I. I. LA STABILISATION DES BUDGETS CONSACRÉS PAR L'ÉTAT À LA CRÉATION ARTISTIQUE, LA TRANSMISSION DES SAVOIRS ET LA DÉMOCRATISATION DE LA CULTURE : UN SOULAGEMENT VITE EFFACÉ PAR LE COUP DE RABOT ANNONCÉ DANS LES FINANCES DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
Après avoir dépassé le milliard d'euros en 2023 et continué de croître en 2024, les crédits du programme 131 « Création » se stabilisent en 2025 pour atteindre 1,06 Md€ en autorisations d'engagement (AE) et 1,04 Md€ en crédits de paiement (CP), soit respectivement une hausse de 3,2 % et une baisse de 0,14 % par rapport aux crédits votés en loi de finances initiale pour 2024.
Les crédits du programme 361 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » s'élèvent en 2025 à 857,7 M€ en AE et 807,5 M€ en CP, soit respectivement une hausse de 3,39 % et une baisse de 2,05 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2024.
Dans le contexte de maîtrise des finances publiques, la reconduction de la masse budgétaire de ces deux programmes à un niveau proche de celui de l'année dernière a été accueillie avec un certain soulagement par les acteurs de la culture qui redoutaient, après la coupe de 96 M€ en début d'année dans le programme « Création », une « seconde lame budgétaire » à l'automne.
Cette satisfaction, somme toute relative puisque le budget ne prend nullement en compte l'inflation qui percute largement le secteur culturel, a vite été ternie par l'annonce d'une ponction de 5 Md€ sur les recettes des collectivités territoriales, premiers financeurs des politiques culturelles. La direction générale de la création artistique (DGCA) reconnaît elle-même que le budget du programme « Création » a été construit sur l'hypothèse d'une participation financière stable, voire légèrement en baisse, des collectivités territoriales. Ce scénario n'est plus d'actualité, dès lors que tous les niveaux de collectivités seront affectés par les mesures d'économies demandées par l'État.
Prises dans leur globalité, les dépenses publiques culturelles sont aujourd'hui portées principalement par les communes et intercommunalités (80 %) et, dans une moindre mesure, par les régions (12 %) et les départements (9 %). Plus de la moitié de ces dépenses est consacrée au soutien à la création artistique et aux activités culturelles, tandis qu'un peu plus d'un tiers porte sur la conservation et la diffusion du patrimoine.
La création artistique, historiquement le pré carré du ministère de la culture, a vu une implication croissante des collectivités territoriales. Celles-ci apportent désormais près des trois quarts des financements du secteur, l'État n'étant plus qu'un financeur minoritaire.
Le soutien à la création artistique pâtit depuis plusieurs années de la fragilisation financière globale de ses contributeurs majoritaires.
Les réformes fiscales successives1(*), la non-indexation sur l'inflation de la dotation globale de fonctionnement (DGF) due par l'État et les transferts de compétences sans compensation de charges affaiblissent les recettes des collectivités et amputent les moyens nécessaires à la mise en oeuvre de leurs politiques de soutien et de développement à la culture. Voyant leurs marges budgétaires se restreindre, elles sont amenées à faire des arbitrages, au cours desquels la culture peut constituer une variable d'ajustement.
La coupe budgétaire dans les recettes des collectivités territoriales, qui serait selon certaines estimations d'une ampleur bien plus importante que les 5 milliards d'euros annoncés, change considérablement la donne budgétaire pour le secteur culturel.
* 1Suppression d'impôts locaux telle que la taxe d'habitation en 2023 et, progressivement, de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) entre 2024 et 2027.