III. UN SECTEUR DE LA CRÉATION ARTISTIQUE DÉJÀ TRÈS FRAGILISÉ ET SOUFFRANT D'UNE POLITIQUE PUBLIQUE SANS VISION STRATÉGIQUE
A. LA CRISE SYSTÉMIQUE DU SECTEUR DE LA CRÉATION ARTISTIQUE
Cette conjonction budgétaire inédite intervient dans un contexte déjà très préoccupant pour le secteur de la création : le cumul de « chocs » qu'il a subi ces dernières années l'a progressivement plongé dans une grave crise financière, devenue aujourd'hui systémique car affectant toute son économie.
Sorties fragilisées de l'épisode sanitaire, en dépit du soutien financier de l'État et du retour des publics, les structures culturelles sont depuis trois ans très durement touchées par la crise inflationniste. La forte hausse de leurs dépenses énergétiques s'est répercutée sur d'autres postes budgétaires comme le transport, l'hébergement ou la maintenance des équipements. Leurs dépenses de personnels ont également progressé sous l'effet des mesures de revalorisation salariale. L'augmentation généralisée des coûts fixes, que le niveau des subventions publiques ne permet pas de compenser, a fait basculer un nombre croissant de structures dans une situation déficitaire. Pour les plus fragiles d'entre elles, l'enjeu aujourd'hui est leur survie financière.
Fin 2023, deux tiers des salles de musiques actuelles (SMAC), label dont l'économie est particulièrement fragile, étaient en déficit. À l'initiative de la rapporteure, leur ligne budgétaire a été spécifiquement augmentée l'année dernière (+ 3,68 M€ en LFI 2024), ce qui a permis de réduire le phénomène d'étranglement induit par l'inflation et le différentiel de subventionnement par rapport à d'autres labels. Le besoin de financement manquant est évalué à 2,72 M€.
Face à la détérioration de leurs finances, les établissements sont contraints de redimensionner leur programmation à la baisse, ce qui se traduit par la suppression d'un certain nombre de représentations, la réduction du nombre de nouvelles créations, l'accompagnement de projets artistiques de moindre envergure, la diminution du volume des actions artistiques et culturelles à destination des publics - autant d'arbitrages difficiles qui mettent à mal leurs missions en faveur de la diversité de l'offre artistique et de la démocratisation de la culture. Cette contraction de l'activité programmatique a aussi des répercussions sur l'emploi artistique et technique, marqué par des vagues de départs et des suppressions de postes.
La seule marge de manoeuvre des établissements repose sur les tarifs de billetterie, mais ce levier est limité, d'une part, parce qu'il ne permet pas de lever des sommes importantes - les recettes de billetterie ne couvrent en général que 20 à 30 % des recettes globales -, d'autre part, parce qu'il doit être actionné avec prudence - le maintien de tarifs modérés ou, à tout le moins, différenciés est nécessaire pour garantir l'accès de tous aux pratiques culturelles.
Certaines collectivités territoriales ont tenté d'amortir cet enchaînement récessif par des aides exceptionnelles aux structures culturelles. Dans la configuration budgétaire qui s'annonce, elles risquent de n'être plus en capacité de le faire.