III. LES DISPOSITIFS D'INGÉNIERIE DANS LES ESPACES PROTÉGÉS : UN FINANCEMENT MODESTE POUR DES OUTILS PRÉCIEUX

Le Sénat s'est récemment penché de manière approfondie sur la protection du patrimoine architectural et paysager, qui fait l'objet de l'action n° 2 du programme, au travers de la mission d'information relative aux architectes des bâtiments de France (ABF), présidée par Marie-Pierre Monier et dont les conclusions du rapporteur Pierre-Jean Verzelen ont été adoptées à l'unanimité le 26 septembre dernier. Comme précédemment la mission d'information relative au patrimoine religieux en péril de 2022, ces conclusions ont identifié le déficit d'ingénierie des communes comme un frein à la sauvegarde du bâti patrimonial des espaces protégés au moins aussi important que la problématique de leur financement.

Cet enjeu est bien identifié au niveau ministériel : le plan « Culture et ruralité » annoncé par la ministre comporte ainsi plusieurs mesures relatives au soutien de l'ingénierie architecturale et patrimoniale en milieu rural. La première vise à inciter les jeunes architectes à l'installation en milieu rural par le développement de l'accueil d'étudiants en alternance dans les départements ruraux et la création dans les écoles d'une filière de spécialisation en ingénierie rurale. La deuxième tend à augmenter jusqu'à 80 % la part du cofinancement de l'assistance à maîtrise d'ouvrage des communes rurales pour les travaux sur monuments historiques. Une troisième consiste à développer les vacations des architectes-conseil de l'État dans les Drac au bénéfice des petites communes. Surtout, conformément aux recommandations du rapport d'information sénatorial sur les ABF, un renforcement des effectifs des UDAP est prévu dans les départements ruraux en tension, avec l'objectif d'y disposer d'au moins deux ABF.

Pour autant, les crédits mobilisés en faveur de l'ingénierie dans les territoires, reconduits au même niveau qu'en 2024, demeurent relativement modestes au regard des besoins et des retombées positives que ces dispositifs entraînent sur le terrain. Les crédits destinés aux périmètres délimités des abords (PDA) et aux conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement (CAUE) en témoignent :

- lorsque le PDA n'est pas mis en place dans le cadre de l'adoption ou de la modification d'un document d'urbanisme (PLU ou PLUi), le coût de l'enquête publique nécessaire est pris en charge par la Drac, qui finance des marchés publics d'études préalables externalisées à des bureaux d'études spécialisés. Alors que près de 42 000 sites patrimoniaux sont encore susceptibles d'être couverts par un PDA, environ 2,5 millions d'euros sont prévus à ce titre. Dans ce contexte, le ministère évalue actuellement la piste d'une externalisation complète de la procédure par le biais de marchés régionaux ; une expérimentation est conduite en ce sens en Nouvelle-Aquitaine, où un marché régional a été passé en septembre 2024 en vue de la création de près de 250 PDA ;

- en ce qui concerne les CAUE, si les crédits dédiés ont été réhaussés à 2,9 millions d'euros en 2023 (soit + 43 % par rapport à 2019), des inquiétudes existent quant à la pérennité de leur modèle de financement du fait de la réduction constatée (en raison du ralentissement des chantiers de construction) et programmée (du fait des objectifs législatifs de sobriété foncière) de la taxe d'aménagement, qui constitue leur première ressource. Le Sénat a régulièrement l'occasion de rappeler son attachement à ce dispositif extrêmement précieux pour le conseil et l'accompagnement des élus dans l'objectif de garantir la qualité architecturale, urbaine et paysagère, notamment dans les petites communes dépourvues de moyens d'ingénierie.

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