B. DE NOUVEAUX MODES DE FINANCEMENT POUR LE PATRIMOINE DES PETITES COLLECTIVITÉS
1. De faibles marges de manoeuvre sur les crédits déconcentrés
En dépit de l'objectif affiché depuis plusieurs années d'un soutien renforcé à la restauration du patrimoine des petites communes, qui concentrent la majorité des monuments historiques sans disposer des moyens suffisants pour en assurer la conservation, les crédits affectés aux services déconcentrés seront en recul en AE comme en CP (respectivement -13 M€ et -4 M€). En priorité destinés au patrimoine classé, ces crédits sont attribués par les Drac à des collectivités territoriales ou à des particuliers pour les travaux réalisés sur les monuments dont ils sont propriétaires ; ils peuvent également être utilisés pour soutenir des chantiers de bénévoles.
De fortes inquiétudes remontent en conséquence quant à la disponibilité de ces fonds dans les territoires. Il semble en effet que plusieurs Drac aient déjà épuisé leurs possibilités de soutien non seulement pour 2025, mais également pour 2026. Ces préoccupations sont exacerbées par le contexte de sortie du plan de relance, qui a généré un grand nombre de nouveaux projets dont seules les premières tranches ont pu être financées.
Ces préoccupations se doublent d'interrogations quant aux critères d'attribution des crédits disponibles. En ce qui concerne le taux de subvention retenu, le code de patrimoine n'impose pas de taux fixe, ce qui permet aux Drac de s'adapter aux spécificités des projets et des territoires. Cette souplesse a pour corollaire une certaine opacité dans la dévolution des crédits. La rapporteure a dès lors souhaité être éclairée quant au taux de subvention moyen des projets soutenus ainsi qu'aux critères présidant à leur choix. Dans le contexte de pénurie de moyens budgétaires, elle n'estime pas nécessaire de renforcer les conditions de dévolution de ces crédits, mais insiste sur la nécessité de renforcer leur transparence.
2. Le FIP, un outil vertueux aux moyens limités
Dans ce contexte de raréfaction des ressources déconcentrées, le fonds incitatif partenarial (FIP) permet depuis 2018 de renforcer le soutien aux petites communes à faibles moyens en relevant le taux de soutien par l'État des projets financés au niveau déconcentré, qui peut être porté jusqu'à 80 %, à la condition d'un financement régional de 15 % au minimum.
850 opérations ont été accompagnées par ce biais depuis 2018, dont les trois quarts ont bénéficié à des communes de moins de 2 000 habitants, en majorité pour des édifices religieux. Les demandes présentées au titre du FIP ont en outre connu une hausse de 30 % sur les trois dernières années, pour atteindre 21,7 M€ en 2022. Depuis la décision de la Normandie d'y participer en 2024, l'ensemble des régions sont associées à ce dispositif ; son succès est cependant moindre dans les outre-mer, en dépit d'un taux aménagé de participation minimale de la région à hauteur de 5 %. Le PLF propose pour 2025 une reconduction de ses crédits à hauteur de 20 M€, soit 6 % du budget des Drac dédié aux monuments historiques.
À l'heure de la mise en oeuvre du plan « Culture et ruralité », la rapporteure rappelle que le patrimoine monumental des petites communes constitue le premier vecteur d'accès à la culture pour nombre de nos concitoyens. Elle souligne en conséquence son attachement à cet outil partenarial vertueux, qui permet de renforcer par le dialogue le co-financement des projets à l'échelon territorial, et qui mériterait à l'avenir de recevoir une plus large part des crédits déconcentrés.
La commission salue la préservation des crédits dédiés au patrimoine monumental, mais s'inquiète de leur décorrélation récurrente avec les besoins d'intervention. Elle rappelle son attachement à la protection des monuments des petites communes, qui s'inscrit pleinement dans les ambitions du plan en faveur de la ruralité porté par la ministre.
3. La collecte nationale en faveur du patrimoine religieux très loin des résultats attendus
Plusieurs autres outils destinés à orienter des financements complémentaires vers le patrimoine des petites collectivités ont été mis en place au cours des dernières années sous une forme participative, via des appels publics à la générosité qui permettent de recueillir des moyens en même temps que d'accroître la visibilité des enjeux patrimoniaux. La mission Patrimoine en péril constitue à ce titre, au travers du Loto du patrimoine, un outil puissant et bien identifié par nos concitoyens. Cette opération se double depuis l'année dernière d'une collecte nationale visant à lever des dons pour financer la restauration et la conservation du patrimoine religieux.
Un premier anniversaire en demi-teinte pour la
collecte
en faveur du patrimoine religieux
La collecte en faveur du patrimoine religieux a été mise en place par l'article 30 de la LFI pour 2024, qui a instauré, pour la période allant du 15 septembre 2023 au 31 décembre 2025, un taux exceptionnel de 75 % de réduction d'impôt sur le revenu des personnes physiques pour les dons en faveur de la conservation et de la restauration du patrimoine religieux immobilier.
Les dons effectués à ce titre doivent concerner, dans la limite de 1 000 euros annuels, des biens appartenant à des personnes publiques et situés dans des communes de moins de 10 000 habitants ; ils doivent être effectués au profit de la Fondation du patrimoine, ainsi désignée comme collecteur unique de l'opération. L'intérêt du dispositif réside dans le fait qu'il permet de financer l'entretien du patrimoine religieux qui n'est ni classé ni inscrit au titre des monuments historiques, et qui ne bénéficie donc d'aucune subvention.
L'opération a été mise en oeuvre sous la forme d'une double collecte : une pluralité de collectes locales en faveur de projets précis, assortie d'une collecte nationale affectée au soutien de projets sélectionnés selon plusieurs critères - parmi lesquels, outre l'intérêt patrimonial et culturel des sites, la maturité du projet de conservation, la capacité d'autofinancement des porteurs de projet, le degré de protection des édifices (le patrimoine non protégé étant privilégié), la recherche d'un équilibre géographique et d'une représentation de l'ensemble des cultes, l'existence d'un projet d'ouverture du lieu et d'une diversification de ses usages.
La liste des cent édifices bénéficiaires, dévoilée le 25 avril 2024, tient effectivement compte de ces orientations : 61 % des édifices retenus ne font l'objet d'aucune protection au titre des MH, plus d'un sur trois se situent dans des communes de moins de 500 habitants et, si le culte catholique est de loin le plus représenté, quatre temples protestants ainsi que deux synagogues ont également été retenus. Ces cent projets représentent au total 57 millions d'euros de travaux, dont 13 millions de besoin de financement.
Un an après son lancement, les résultats de l'opération sont très en deçà des attentes : alors que 10 millions d'euros annuels de dons étaient attendus au titre de la collecte nationale, 2,9 millions d'euros seulement, émanant de 15 851 donateurs, avaient été recueillis au 24 septembre 2024. Les collectes locales ont bien mieux mobilisé les donateurs, avec, à la même date, 9 millions d'euros versés par 22 162 participants.
Deux enseignements peuvent être tirés de ces premiers résultats :
- l'absence de fléchage a priori des financements vers des projets précis ne permet pas de mobiliser efficacement les donateurs, qui préfèrent choisir les édifices auxquels ils apportent leur soutien financier. Le succès des souscriptions pour la reconstruction de Notre-Dame de Paris, ou pour les projets soutenus au titre de la mission Patrimoine en péril, en témoignent ;
- le choix d'un collecteur unique, s'il offre l'avantage de la simplicité opérationnelle et de la lisibilité, ne permet sans doute pas de toucher tous les citoyens qui pourraient se mobiliser.
La rapporteure estime en conséquence nécessaire d'élargir le socle des opérateurs de la collecte en faveur du patrimoine religieux au-delà de la seule Fondation du patrimoine, afin d'y intégrer d'autres fondations reconnues d'utilité publique.
4. Vers une nouvelle donne pour le financement du patrimoine religieux ?
Le financement du patrimoine religieux a récemment suscité des propositions audacieuses de la part de la ministre, qui a suggéré la mise en place d'un droit d'entrée pour la visite de la cathédrale Notre-Dame de Paris ; les fonds ainsi recueillis pourraient être en partie reversés au diocèse de Paris, le solde permettant de financer la restauration des édifices religieux de l'ensemble du territoire.
La rapporteure, qui n'a pas d'opposition de principe à cette mesure, souligne la nécessité de trouver une voie de passage entre la loi du 9 décembre 1905, dont l'article 17 qui dispose que « la visite des édifices [du culte] et l'exposition des objets mobiliers classés seront publiques : elles ne pourront donner lieu à aucune taxe ni redevance », et l'article L.2124-31 du CG3P, qui y déroge en prévoyant que « lorsque la visite de parties d'édifices affectés au culte, notamment de celles où sont exposés des objets mobiliers classés ou inscrits, justifie des modalités particulières d'organisation (...) cet accès (...) donne lieu, le cas échéant, au versement d'une redevance domaniale dont le produit peut être partagé entre la collectivité propriétaire et l'affectataire ». Elle souligne que la nécessité d'organiser à l'avenir, pour des raisons de sécurité et de confort de visite, les flux de visiteurs qui seront probablement nombreux à visiter la cathédrale après sa réouverture au public le 8 décembre, peut être constitutive de ces « modalités particulières d'organisation ».