IV. LA PROBLÉMATIQUE DE L'ACCÈS AU FINANCEMENT PRIVÉ DES ENTREPRISES DE LA BITD : QUOUSQUE TANDEM ABUTERE PATIENTIA NOSTRA ?

A. UNE ACTION PARLEMENTAIRE QUI NE DOIT PAS RESTER LETTRE MORTE...

Les difficultés d'accès au financement privé des entreprises de la base industrielle et technologique de défense (BITD) étaient un sujet peu abordé avant la crise du Covid, qui a mis en exergue les fragilités spécifiques de ces entreprises.

Une première alerte a été lancée par notre commission dans un rapport de juillet 2020 « L'industrie de défense dans l'oeil du cyclone »8(*). Par la suite, le Délégué général pour l'armement d'alors, Joël Barre, avait admis, au Sénat, l'existence d'une « frilosité bancaire », ouvrant la voie à différents travaux parlementaires rappelés ci-après.

Source : commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat

Les personnes entendues en auditions - industriels comme DGA ou AID - ont toutes salué le rôle positif joué par le Parlement dans l'amélioration de la visibilité de ce sujet.

Pour autant, en dépit d'avancées incontestables, grâce notamment à une action volontariste de la DGA (cf. encadré ci-après), les entreprises de la BITD continuent de rencontrer des difficultés de financement émanant des banques, des investisseurs mais également de certains assureurs (cf. infra).

Actions mises en oeuvre par la DGA pour lever les freins à l'accès au financement privé des entreprises de la BITD

Depuis 2023, la DGA a pris une série de mesures visant à lever un certain nombre de freins qui se sont articulées autour de trois axes :

Accès au crédit

- Mise en place d'un réseau de référents défense dès 2023 au sein des grandes banques françaises et installation, en miroir, d'une « médiatrice des banques » à la DGA ;

- Renforcement du prêt DEF'FI : dédié aux entreprises de la sphère « défense » et opéré par Bpifrance, ce prêt a fait l'objet d'une promotion renforcée auprès des entreprises. La mise en oeuvre d'un taux bonifié de 50 pdb sera effective dès janvier 2025 afin de soutenir la BITD dans un contexte de taux bancaires toujours élevés.

Accès aux fonds propres

Début 2024, la DGA a entrepris la constitution d'un réseau de partenaires financiers de confiance - pour l'essentiel, des fonds français de private equity, mais aussi des fintechs comme Kriptown qui ambitionne de faciliter l'introduction en bourse des PME. Ce dispositif, qui compte désormais plusieurs dizaines de sociétés de gestion, permettra de faciliter l'accès des entreprises de défense à des capitaux compatibles avec les impératifs de la BITD (provenance des fonds, durée de détention du capital, crédibilité des investisseurs). Il vient s'ajouter aux deux véhicules d'investissement publics existants, Definvest (100 M€) et le Fonds Innovation Défense (200 M€).

Actions d'influence

La DGA conduit des échanges récurrents avec les acteurs privés (Fédération bancaire française, banques commerciales, fonds d'investissement...) et publics (direction générale du Trésor, Bpifrance, Banque européenne d'investissement...). Ces actions permettent de veiller à la bonne prise en compte, par les parties prenantes, de la nécessité pour la BITD française et européenne de disposer de financements suffisants, en particulier dans le contexte de la guerre en Ukraine. Ainsi, la DGA a mené une veille active sur les politiques d'exclusion défense et est désormais consultée par les acteurs concernés, dont certains ont mis à jour leur doctrine afin notamment d'éviter l'emploi du terme d'« armes controversées ».

C'est pourquoi il est regrettable qu'en dépit d'un accord transpartisan et entre les deux chambres, les initiatives parlementaires de nature législative, qui prévoyaient le fléchage d'une partie de l'encours du livret A et de livret de développement durable et solidaire (LDDS), non destiné au financement du logement social, vers la BITD n'aient pas abouti du fait d'une censure des dispositifs inscrits dans la LPM 24-30 et dans le PLF 2024 par le Conseil constitutionnel ou de la non-inscription des propositions de loi9(*) qui reprenaient ces dispositifs à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale.


* 8 L'industrie de défense dans l'oeil du cyclone, rapport d'information n° 605 (2019-2020) de MM. Pascal ALLIZARD et Michel BOUTANT, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, déposé le 8 juillet 2020.

* 9 Proposition de loi relative au financement des entreprises de la base industrielle et technologique de défense française, texte n° 191 (2023-2024) de M. Pascal ALLIZARD et plusieurs de ses collègues, déposé au Sénat le 11 décembre 2023 et proposition de loi visant à flécher l'épargne non centralisée des livrets réglementés vers les entreprises du secteur de la défense nationale, n° 2094 de M. Christophe PLASSARD et plusieurs de ses collègues, déposée à l'Assemblée nationale le mardi 23 janvier 2024.

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