B. ...ALORS QUE LES DIFFICULTÉS PERSISTENT, EN DÉPIT D'UNE COMMUNICATION GOUVERNEMENTALE QUI SE VEUT RASSURANTE

Lors de l'audition du ministre des armées et des anciens combattants devant la commission, M. Jean-Louis Thiériot, ministre délégué auprès du ministre des armées et des anciens combattants, a indiqué10(*) : « Chacun sait désormais que la défense est la condition de tout le reste, et la situation s'améliore. Dans ce contexte, notre réflexion doit porter sur les financements bancaires - bien que les entreprises aient moins de mal à obtenir un prêt qu'il y a deux ans -, mais surtout sur le financement en capital. Nous devons essayer de dupliquer les réussites de fonds privés tels que Tikehau ou Weinberg Capital Partners, à l'échelle tant nationale qu'européenne, notamment au travers de la Banque européenne d'investissement (BEI) ».

Au cours des auditions, un tableau nettement moins favorable a cependant été présenté. Des exemples ont ainsi été cités d'entreprises s'étant vu refuser des financements du seul fait de leur activité dans le secteur de la défense ou ne parvenant pas à obtenir des garanties bancaires pour des opérations d'export.

Dans ses réponses au questionnaire de vos rapporteurs, la DGA indique qu'une vingtaine de cas ont fait l'objet d'un traitement spécifique par la médiatrice des banques. Si ce chiffre peut sembler faible, il ne représente que la partie émergée de l'iceberg. Des motifs liés à la situation de l'entreprise ou à la solidité projet pour lequel elles sollicitent un financement sont souvent avancés pour justifier un refus. Par ailleurs, les entreprises sont peu enclines à faire remonter les difficultés qu'elles rencontrent avec des établissements avec lesquels elles entretiennent une relation parfois ancienne. Enfin, les entreprises concernées peuvent avoir des réticences à attirer l'attention de leur donneur d'ordre (AID ou DGA) sur leurs difficultés financières.

Les difficultés d'accès aux financements peuvent en outre être plus pénalisantes pour les entreprises de la BITD que pour celles d'autres secteurs compte-tenu de leurs spécificités. En audition, la DGA a présenté les conclusions d'une étude sur la situation financière des PME et ETI du secteur de la défense réalisée au 2e trimestre 2024 par la direction générale du Trésor et le ministère des armées. Portant sur la période 2016-2021, elle confirme que ces entreprises disposent d'une structure financière plus risquée que leurs équivalentes civiles, du fait d'un endettement supérieur et d'une capacité moindre à dégager des marges et à les intégrer à leurs capitaux propres. Elle pointe également des délais de paiements plus importants de la part des donneurs d'ordre, dans la chaîne de valeur, par rapport aux secteurs civils équivalents.

Ces handicaps structurels peuvent en outre être renforcés par l'effort demandé par le ministère des armées en matière d'autofinancement (cf. supra) et par la remontée en puissance engagée depuis 2022 qui s'accompagne de nouveaux besoins d'investissement que la commande publique ne peut satisfaire à elle-seule.

Les rapporteurs ne peuvent par conséquent qu'appeler à des initiatives gouvernementales rapides sur ce sujet, le cas échéant sous la forme d'une reprise des propositions de loi dont l'examen avait été interrompu à la suite de la dissolution de l'Assemblée nationale (cf. supra).

S'agissant des points de vigilance identifiés au niveau européen, si certaines avancées, concernant par exemple les projets de taxonomie, sont à noter, tout danger n'est pas définitivement écarté.

Ainsi, la BEI devrait prochainement revoir sa doctrine d'investissement, ce qui répond à une demande de notre commission. Si les critères ne sont pas encore définitivement arrêtés, il semble acté que le seuil de 50 % de chiffre d'affaires provenant d'activités civiles sera supprimé. La BEI sera donc susceptible d'investir dans une entreprise faiblement duale. En revanche, le financement des entreprises produisant de l'armement létal devrait être exclu (avec une distinction possible entre le létal offensif et défensif). Cette situation n'est pas satisfaisante dans la mesure où elle reviendrait à exclure de facto une partie significative des matériels et équipements militaires.

L'exclusion envisagée par la BEI du financement des entreprises produisant de l'armement létal n'est pas satisfaisante dans la mesure où elle reviendrait à exclure de facto une partie significative des matériels et équipements et matériels militaires.

Par ailleurs, certaines initiatives prises par d'autres instances européennes sont à surveiller. L'Autorité européenne des marchés financiers a ainsi publié des lignes directrices sur la dénomination des fonds en matière environnementale, sociale et de gouvernance (ESG), qui étend la définition des armes controversées au nucléaire. En audition, la DGA s'est voulue rassurante, indiquant : « La DG Trésor est alignée avec la position du ministère des armées, donc il est probable qu'une solution satisfaisante soit trouvée », mais ce sujet devra faire l'objet d'une surveillance attentive.

L'Autorité européenne des marchés financiers a publié des lignes directrices sur la dénomination des fonds ESG, qui étend la définition des armes controversées au nucléaire.


* 10 Audition du 15 octobre 2024.

Partager cette page