TRAVAUX EN COMMISSION

Désignation d'un rapporteur
(Mercredi 17 janvier 2024)

M. Jean-François Longeot, président. - Mes chers collègues, nous en venons à présent au quatrième point inscrit à l'ordre du jour de notre réunion, relatif à la saisine pour avis de notre commission sur la proposition de loi déposée le 28 décembre dernier par notre collègue Philippe Tabarot, relative au renforcement de la sûreté dans les transports.

Comme vous le savez, notre commission, au titre de sa compétence en matière de mobilités, a investi à plusieurs reprises ces dernières années la question de la sécurité et de la sûreté dans les transports. À titre d'exemple, notre commission avait constitué dès 2016, avec la commission des lois, une mission d'information sur le renforcement de la sécurité des transports terrestres face à la menace terroriste, avant de se pencher, dans le cadre d'une saisine pour avis, sur la loi du 22 mars 2016 relative à la prévention et à la lutte contre les incivilités, contre les atteintes à la sécurité publique et contre les actes terroristes dans les transports collectifs de voyageurs.

Plus récemment, notre commission a eu l'occasion de travailler, dans le cadre de l'examen de la loi d'orientation des mobilités, dont Didier Mandelli était rapporteur, sur de nombreuses dispositions relatives à la sûreté et à la sécurité dans les transports dont elle était saisie au fond.

En 2021 enfin, nous nous étions saisis pour avis de la proposition de loi relative à la sécurité globale, dont l'un des titres portait spécifiquement sur la sécurité dans les transports et la sécurité routière.

En cohérence avec nos travaux conduits sur ce sujet ces dernières années et compte tenu de notre expertise en la matière, il est tout à fait souhaitable que notre commission se saisisse pour avis de la proposition de loi de Philippe Tabarot relative au renforcement de la sûreté dans les transports.

Ce texte survient à quelques mois à peine des jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024, qui induiront un afflux inédit de voyageurs, et dans un contexte de menace terroriste persistante. Composée de dix-neuf articles répartis en sept chapitres, cette proposition de loi vise notamment à renforcer les prérogatives des agents des services de sécurité interne de la SNCF et de la RATP que sont respectivement la surveillance générale de la SNCF (Suge) et le groupe de protection et de sécurité des réseaux de la RATP (GPSR), à améliorer le continuum de sécurité en coordonnant davantage les interventions des différentes forces de sûreté intervenant dans les emprises de transport, à sécuriser l'offre de transport grâce à la technologie, par exemple par l'utilisation de caméras-piétons et de systèmes de captation du son dans les véhicules et dans les gares, ainsi qu'à mieux réprimer les délits relatifs au transport, comme les oublis de bagage ou les incivilités.

Sous réserve de la décision de la conférence des présidents, ce texte, qui a été renvoyé au fond à la commission des lois, devrait être examiné en commission des lois le 7 février prochain et la semaine du 12 février en séance publique. Notre commission, saisie pour avis, pourrait quant à elle se réunir le 6 février prochain, dans l'après-midi, pour examiner les amendements du rapporteur pour avis.

Je vous propose de désigner notre collègue Philippe Tabarot en qualité de rapporteur pour avis.

La commission demande à être saisie pour avis sur la proposition de loi n° 235 (2023-2024) relative au renforcement de la sûreté dans les transports et désigne M. Philippe Tabarot rapporteur pour avis.

Examen du rapport pour avis
(Mardi 6 février 2024)

M. Jean-François Longeot, président. - Mes chers collègues, nous sommes réunis pour examiner la proposition de loi relative au renforcement de la sûreté dans les transports, déposée le 28 décembre dernier par Philippe Tabarot et plusieurs de ses collègues. Son examen a été renvoyé au fond à la commission des lois. Cependant, notre commission a jugé opportun de se saisir pour avis de ce texte essentiel pour renforcer l'exigence de sécurité qui doit être assurée à nos concitoyens, et pour garantir une sûreté de haut niveau dans le prolongement de la loi Savary - Le Roux de 2016 et, plus récemment, de la loi de 2021 pour une sécurité globale préservant les libertés.

Je tiens à remercier notre excellent collègue Philippe Tabarot qui, en plus d'être l'auteur et le rapporteur pour avis de cette proposition de loi, a été l'interprète des attentes de nos concitoyens, qu'ils soient usagers des transports ou personnels des opérateurs de transport.

Ces attentes sont d'autant plus fortes que le contexte sécuritaire s'est profondément dégradé : est-il besoin de rappeler l'attaque de samedi matin gare de Lyon, qui fait écho à celle de la gare du Nord qui a eu lieu il y a un an, ou le terrible attentat de la gare Saint-Charles en 2017 ?

Ces attentes sont d'autant plus fortes que nous allons devoir relever, dans ce contexte, le défi inédit de l'accueil, cet été, des jeux Olympiques et Paralympiques.

Je vous rappelle que l'examen du rapport par la commission des lois aura lieu demain et que le délai limite pour le dépôt des amendements de séance est fixé au lundi 12 février à 12 heures. L'examen en séance publique aura lieu mardi 13 février après-midi et soir, après les explications de vote des groupes, puis le scrutin public solennel sur le projet de loi et le projet de loi organique relatifs à la sûreté nucléaire.

M. Philippe Tabarot, rapporteur pour avis. - Je suis heureux de présenter les principaux axes de mon rapport pour avis sur la proposition de loi relative au renforcement de la sûreté dans les transports. Comme vous le savez, j'en suis non seulement le rapporteur pour avis, mais également l'auteur. J'ai déposé cette proposition de loi sur le Bureau du Sénat le 28 décembre dernier et je me félicite que près de 140 de nos collègues, issus de quatre groupes différents, l'aient cosignée. J'y vois un signe de l'importance majeure du sujet et de son acuité. L'actualité nous rattrape malheureusement : il y a quelques jours, une attaque au couteau et au marteau a fait plusieurs blessés à la gare de Lyon. C'est notamment grâce à l'intervention d'un agent du service de surveillance générale de la SNCF (la Suge) que l'individu a pu être maîtrisé et remis aux forces de l'ordre. Je tiens à saluer son courage.

Avant toute chose, je souhaiterais partager avec vous plusieurs constats sur l'insécurité dans nos réseaux de transport qui nécessitent, selon moi, de façon urgente, des évolutions législatives.

En premier lieu, comme vous le savez, les emprises et véhicules de transports collectifs sont des espaces singuliers dont la configuration peut favoriser l'insécurité, compte tenu de leur caractère exigu, parfois confiné, des nombreuses interconnexions entre les réseaux souterrains et de surface, et des flux importants d'usagers qui les fréquentent. À titre d'exemple, le RER B transporte un million de voyageurs par jour.

Aussi, compte tenu de ces spécificités, les réseaux de transport concentrent un grand nombre d'agressions et d'actes violents. Pour la seule année 2023, plus de 90 000 personnes ont fait l'objet de vols sans violence dans les transports en commun en France, plus de 6 000 personnes ont été victimes de vols avec violence et plus de 7 000 personnes ont été victimes de coups et blessures volontaires. Certains types d'agressions sont en hausse. Ainsi, le nombre de victimes de violences sexuelles a augmenté de 4 % entre 2022 et 2023. Comme l'a relevé la dernière enquête « Victimation et sentiment d'insécurité en Île-de-France », les transports en commun restent en tête des espaces les plus criminogènes, concentrant 38 % des agressions sexuelles.

Ces chiffres doivent nous interpeller. Ils alimentent le sentiment d'insécurité qui prédomine chez un certain nombre de nos concitoyens, notamment chez certains publics et à certaines heures du jour ou de la nuit.

Outre les agressions commises à l'encontre des usagers des transports collectifs, on observe également une hausse de l'agressivité dirigée à l'endroit des agents des entreprises de transport.

Ainsi, l'Union des transports publics et ferroviaires (UTP) observe, dans son dernier rapport relatif à la sûreté dans les transports, une hausse du nombre d'agressions sur le personnel ayant donné lieu à un arrêt de travail, de 14 % entre 2021 et 2022. La RATP constate, quant à elle, une augmentation en 2023 du nombre d'atteintes physiques portées aux agents de contrôle du réseau de surface et aux machinistes. Nous gardons tous en mémoire le tragique décès d'un conducteur à Bayonne en 2020 à la suite d'une agression d'une grande violence. Rappelons que les conducteurs d'autobus sont particulièrement exposés à la violence tant verbale que physique dans le cadre de leurs missions.

En parallèle de ces constats préoccupants, la SNCF nous alerte sur une croissance exponentielle du nombre d'objets dangereux introduits dans les espaces de transport. En 2023, l'introduction de plus de 4 000 objets dangereux - pour ne citer que quelques exemples : hachoir de boucher, pic à glace, couteaux, batte de baseball, bonbonne de gaz, etc. - a été constatée dans les emprises ferroviaires.

En deuxième lieu, en pratique, l'efficacité de la réponse des forces de sûreté en présence se heurte à de nombreux obstacles. Une multitude d'acteurs peuvent intervenir en la matière, avec des prérogatives différentes : police nationale et municipale, gendarmerie, services internes de sûreté des opérateurs de transport, agents de sécurité privée. Ainsi, pour reprendre l'exemple de la gare du Nord, neuf acteurs de la sûreté sont amenés à y exercer leurs missions.

Si les forces de sécurité intérieure disposent des prérogatives les plus larges, elles ne peuvent, en pratique, assurer une présence quotidienne dans tous les réseaux de transport. Partant de ce constat, les agents des services de sécurité internes de la SNCF et de la RATP - respectivement la Suge et le groupe de protection et de sécurité des réseaux (GPSR) - sont le plus souvent en première ligne face aux diverses menaces qui pèsent sur nos réseaux de transport.

Pour cette raison, ces agents disposent d'un régime juridique particulier prévu par le code des transports qui leur permet notamment d'effectuer, dans certaines conditions, des palpations de sécurité, des inspections visuelles et des fouilles de bagages, mais aussi de constater certaines infractions et de contraindre une personne à sortir d'un espace ou d'un véhicule de transport.

Pour autant, leur action se voit limitée du fait d'un champ de compétences trop restreint et d'une articulation imparfaite avec les compétences des officiers de police judiciaire (OPJ). Cela se traduit par des situations parfois ubuesques. Ainsi, les agents de la Suge et du GPSR ne peuvent intervenir hors des véhicules et espaces de transport. Certains contrevenants tirent parti de cette limite et se retranchent parfois au seuil des emprises pour échapper à l'interpellation. Ces mêmes agents peuvent enjoindre à une personne ayant commis une infraction de sortir d'un véhicule ou d'une gare, mais ils ne peuvent pas lui interdire d'y rentrer de nouveau, de telle sorte qu'il faut attendre qu'elle commette une deuxième infraction pour le contraindre à en sortir de nouveau.

Cette situation n'est pas acceptable, d'autant plus dans un contexte de menace terroriste prégnante et a fortiori alors que nous nous apprêtons à accueillir plusieurs millions de voyageurs supplémentaires lors des jeux Olympiques et Paralympiques.

En troisième lieu, l'ancien rapporteur de la loi « Climat et résilience » que je suis ne peut pas ne pas évoquer l'enjeu majeur du report modal vers les transports collectifs. La sécurité dans les transports est une dimension essentielle de la qualité de l'offre de transport, aux côtés de la « quantité d'offre » et de son coût. Tant que certains et certaines de nos concitoyens éviteront les transports en commun pour des raisons d'insécurité, tous les dispositifs que nous, législateurs, mettons en place en faveur du report modal ne pourront être pleinement efficaces.

Sur la base de ces trois constats, la proposition de loi présente dix-neuf mesures visant à renforcer la sûreté dans nos transports. Elles s'articulent autour de sept chapitres, qui visent tout d'abord à renforcer les prérogatives des services internes de sécurité des opérateurs de transport que sont la Suge et le GPSR, en leur donnant la possibilité d'intervenir aux abords immédiats des gares et des stations, et d'interdire l'accès en gare de certaines personnes sous certaines conditions ou encore en assouplissant les conditions dans lesquelles ils peuvent procéder à des palpations de sécurité.

L'enjeu est ensuite d'améliorer le continuum de sécurité dans les transports, en permettant aux agents de police municipale d'accéder librement aux véhicules et aux espaces de transport, et en autorisant certains agents d'Île-de-France Mobilités (IDFM) à accéder au centre de coordination opérationnelle de la sécurité dans les transports d'Île-de-France, dans le contexte de l'ouverture à la concurrence du réseau de surface francilien.

L'idée est également de recourir davantage à la technologie pour sécuriser les réseaux de transport, en pérennisant le recours par les contrôleurs aux caméras-piétons dans l'exercice de leurs missions, ou encore en autorisant la captation du son dans les véhicules en cas de déclenchement d'une alarme.

Le but est aussi de mieux réprimer certains délits. Cela peut vous paraître anecdotique, mais les abandons de bagages ont de lourdes répercussions sur les plans de transport. En 2023, selon la RATP, les objets délaissés ont induit un total de 512 heures d'interruption de trafic. Mis bout à bout, ces oublis correspondraient, d'après Jean Castex, que nous avons auditionné, à une interruption de la ligne 8 - la deuxième plus longue de Paris - pendant un mois chaque année. C'est pourquoi l'article 14 vise à sanctionner plus durement ces oublis. En complément, l'article 12 crée un « délit d'habitude » en cas d'infractions répétées au code des transports, tandis que l'article 13 crée une peine complémentaire d'interdiction de paraître dans un ou plusieurs réseaux de transport pour un certain nombre de délits prévus par le code pénal.

J'en viens aux orientations que je vous proposerai par voie d'amendements en tant que rapporteur pour avis. Si vous les adoptez, je les présenterai demain en commission des lois, au nom de notre commission.

Au fil des auditions conduites en commun avec la rapporteure de la commission des lois, Nadine Bellurot, et des discussions avec d'autres collègues, notamment Hervé Reynaud, plusieurs pistes se sont dessinées, et il me semble opportun de consolider les dispositions de ce texte selon trois objectifs.

D'abord, je vous présenterai deux amendements visant à mieux protéger les agents des entreprises de transport, qui font face au quotidien à des situations d'agressivité, voire de violence. Les différentes expérimentations qui ont été menées sur l'utilisation des caméras-piétons ont apporté des résultats positifs, notamment pour apaiser les situations de conflit. C'est pourquoi je vous proposerai un amendement visant à expérimenter l'emploi de cet outil pour les chauffeurs d'autobus et d'autocars, particulièrement exposés. Pour les agents de la police ferroviaire, la loi d'orientation des mobilités avait prévu une expérimentation de quatre ans qui se terminera au 1er octobre 2024.

Un autre amendement que je vous soumettrai, et que ma collègue rapporteure au fond, Nadine Bellurot, a également déposé, vise à ajuster le périmètre d'utilisation des caméras-piétons pour les agents de la Suge et du GPSR, compte tenu de l'extension de leur champ d'intervention aux abords des emprises prévue à l'article 2. Ces amendements me semblent de nature à mieux protéger ces conducteurs et ces agents, tout en facilitant la collecte de preuves en cas d'infraction ou d'agression et une intervention rapide des forces de sûreté.

Ensuite, deux amendements visent à renforcer l'efficacité du continuum de sécurité. L'un d'entre eux a pour objet d'unifier les signalements des voyageurs lorsque leur sécurité ou celle des autres usagers est en jeu. Comme vous le savez, la SNCF a mis en place un numéro unique d'appel ou d'envoi de SMS, le 31 17. Or on constate que certains nouveaux entrants ne recourent pas à ce dispositif. Cette situation est de nature à morceler le traitement des alertes et conduit in fine à une perte d'efficacité de la réponse apportée. À l'heure de l'ouverture à la concurrence du transport ferroviaire, une réponse unifiée aux signalements de sûreté est indispensable.

Un autre amendement vise, par sa réécriture de l'article 16, à assurer le contrôle des futures interdictions de paraître dans les transports, instaurées en application de l'article 13, dans le respect des règles en matière de traitement des données personnelles. Il prévoit, pour ce faire, une transmission systématique des procès-verbaux dressés par des agents assermentés, y compris de la Suge et du GPSR, à des officiers de police judiciaire, afin que ces derniers vérifient le respect des interdictions de paraître dans les transports.

Enfin, je vous proposerai deux amendements en commun avec ma collègue, rapporteur au fond, Nadine Bellurot, visant à réprimer de manière plus efficace les dispositifs pénaux dont la proposition de loi prévoit la création. Il s'agit, d'une part, de sanctionner davantage les abandons intentionnels de bagages que les oublis involontaires et, d'autre part, d'étendre le délit de trainsurfing au transport routier, ce que ne permettait pas la rédaction initiale.

Sous le bénéfice de l'adoption de ces amendements, je vous proposerai d'émettre un avis favorable à l'adoption de cette proposition de loi. Ce texte permettra, en vue des jeux Olympiques et Paralympiques, et surtout bien au-delà, de lever certains blocages opérationnels et de répondre enfin à une demande forte des usagers et des agents qui se trouvent en première ligne.

M. Stéphane Demilly. - Ce texte, que j'ai cosigné, s'avère nécessaire à l'approche des jeux Olympiques et Paralympiques. L'article 12, créant un délit d'habitude visant à sanctionner plus sévèrement les contrevenants réguliers aux règles tarifaires et de comportement, est particulièrement important.

Selon un sondage réalisé par Transilien SNCF, huit Français sur dix sont gênés par des actes d'incivilités dans les transports en commun. Or ces incivilités sont le point de départ de dérapages comportementaux. Il est interdit depuis plusieurs années de fumer sur le quai des gares ; pourtant, de nombreuses personnes le font et jettent leurs mégots sur les voies ferrées. D'autres personnes encore regardent des films sans faire attention au volume sonore. Il en va de même pour les personnes qui téléphonent dans les transports. D'autres poussent des gens pour entrer dans la rame, mettent leurs pieds sur la banquette, etc. La liste est longue.

Comment cet article s'appliquera-t-il alors que certains contrôleurs baissent les bras devant cette situation ? Une sorte de fatalisme, ou d'abandon, semble en effet prédominer devant des comportements inciviques qui, s'ils ne sont pas dramatiques individuellement, peuvent poser problème lorsqu'ils se multiplient et constituent surtout le prélude à des actes plus graves.

M. Jacques Fernique. - Merci à l'auteur et rapporteur pour son travail et pour sa volonté d'améliorer la qualité des transports publics, et donc leur sécurité.

Après la loi Savary et Le Roux de 2016 et la loi pour une sécurité globale plus récemment, l'ouvrage revient sur le métier. Améliore-t-on progressivement les choses, ou bien les textes précédents n'ont-ils pas produit les effets escomptés ? L'exposé des motifs du présent texte pointe plusieurs manquements. L'idée est de franchir une étape décisive dans le renforcement des prérogatives des forces de sécurité, mesure nécessaire à la garantie d'une sécurité de haut niveau.

Toutefois, si l'ambition est sérieuse, comme il s'agit d'une proposition de loi, il manque un diagnostic précis ainsi qu'une évaluation détaillée des dispositions existantes et de l'impact des mesures proposées. Le périmètre des mesures, concentré sur le renforcement des prérogatives du GPSR et de la Suge, paraît déséquilibré, alors que la sécurité publique nécessite la prise en compte du triptyque « prévention, dissuasion et répression ».

Le texte reprend plusieurs dispositions de la loi pour une sécurité globale préservant les libertés sur lesquelles le Conseil constitutionnel avait soulevé des réserves d'interprétation dans sa décision de mai 2021 : palpations de sécurité, fouilles de bagages, notamment. Le Conseil constitutionnel jugeait que ces vérifications ne sauraient s'opérer que sur la base de critères excluant toute discrimination. Il avait souligné également que le motif permettant le recours aux caméras-piétons excluait un usage généralisé et discrétionnaire. En quoi les rédactions nouvelles de la présente proposition de loi prennent-elles davantage en compte les réserves du Conseil constitutionnel ?

Ce dernier a également rappelé, dans sa décision, l'obligation de définir les crimes et délits en termes suffisamment clairs et précis pour exclure l'arbitraire. Je crains que le délit d'incivilité d'habitude ne soit confus sur le plan juridique. De même, le délit de bus- et trainsurfing paraît imprécis. Ces comportements ne peuvent-ils pas d'ailleurs être déjà sanctionnés en l'état actuel du droit ?

Plusieurs articles procèdent à des ajustements en réponse à des insuffisances des textes en vigueur, par exemple pour accélérer l'intervention des chiens des équipes cynotechniques sur les bagages suspects, ou pour donner à la Suge l'autorisation d'intervenir dans les bus de substitution ou les cars express en cas d'interconnexion avec les services ferroviaires. Les articles 17, 18 et 19 vont également dans ce sens.

En revanche, je suis assez perplexe concernant l'article 11, qui cadre la captation du son dans les voitures et les rames des transports publics. Nous voyons mal quelle portée cela pourrait avoir dans les conditions strictes qui l'encadrent : captation non permanente, message sonore annonçant le déclenchement de l'enregistrement, etc. Cette disposition ne précède-t-elle pas des aménagements ultérieurs potentiellement problématiques au regard des libertés ?

Enfin l'article 14 pour lutter contre la plaie des bagages oubliés sera-t-il vraiment efficace ? Les 3 750 euros d'amende ne sont pas une nouveauté. L'article 2242-4 du code des transports permet déjà aux procureurs d'infliger cette amende aux cas extrêmes. Le décret n° 2004-1022 applique les contraventions de première classe - environ 200 euros, frais de dossier compris - en cas d'oubli ou de négligence qui pose problème.

La proposition de loi prévoit une somme comprise entre 250 et 600 euros, sous forme d'amende forfaitaire. En quoi cela changerait-il vraiment la donne ? De telles menaces disproportionnées - pour des négligences par nature non volontaires - ne risquent-elles pas de s'avérer contre-productives en dissuadant le passager distrait de récupérer vite son bagage sans étiquette, ce qui éviterait l'évacuation de la gare et l'arrêt des circulations ?

Si le texte comporte de bonnes intentions, il contient aussi des mesures problématiques ou parfois peu convaincantes.

M. Hervé Gillé. - Merci pour ce travail qui ouvre un débat intéressant dans la perspective des jeux Olympiques et Paralympiques. Si nous souhaitons vivement renforcer la protection des usagers dans les transports, ce texte soulève plusieurs questions.

Les travaux de MM. Savary et Le Roux comportaient des propositions pertinentes, sur l'installation de portiques notamment, ou sur la présence humaine, dont plusieurs moyens de transport sont aujourd'hui insuffisamment dotés.

Olivier Jacquin n'a pu être présent, mais suit ce sujet avec attention.

Cette proposition de loi nous laisse perplexes et soulève de nombreuses questions au regard du droit et du respect des libertés.

Les agents de sécurité disposent-ils des moyens adéquats pour assumer l'extension du champ de leurs missions prévue dans la première partie du texte ? Des réflexions ont-elles été menées sur leur formation, leur déontologie, leurs capacités d'adaptation à de telles évolutions ?

L'article 1er prévoit d'élargir les pouvoirs des agents de sécurité de la SNCF et de la RATP en matière de palpations de sécurité en allégeant les conditions qui permettent d'y recourir. Ces palpations seraient désormais possibles « en l'absence de circonstances particulières liées à l'existence de menaces graves pour la sécurité publique ou de périmètres de protection, dès lors que des éléments objectifs laissent à penser qu'une personne pourrait détenir des objets susceptibles de présenter un risque pour la sécurité des personnes et des biens. » En 2021, ce sujet avait déjà été discuté par le biais d'un amendement à la proposition de loi pour une sécurité globale. Or le rapporteur Loïc Hervé et le ministre de l'intérieur Gérald Darmanin s'y étaient opposés. L'amendement avait été rejeté. Cet article serait donc contraire à la position exprimée par la commission des lois de l'époque. Loïc Hervé, alors rapporteur, indiquait : « Une telle extension des prérogatives des agents de la RATP et de la SNCF ne nous semble pas opportune, d'autant plus qu'aucune garantie aux conditions d'exercice de ces missions n'est prévue dans cet amendement. Les prérogatives des agents de la Suge et du GPSR doivent être restreintes dans le temps et dans l'espace. Ces propositions nous semblent aller beaucoup trop loin : avis défavorable. »

Par ailleurs, la sécurisation par la technologie serait de nature à limiter les libertés publiques. Peut-on envisager sérieusement d'enregistrer les conversations dans le métro ? Il y a encore loin de la coupe aux lèvres et les problèmes que pose cette proposition sont considérables et nous interrogent.

Sur le plan répressif, les mesures présentées n'ont fait l'objet d'aucune étude d'impact. La complémentarité des propositions et leur adaptation à la nature du risque, notamment juridique, n'ont pas été plus étudiées.

Nos interrogations sont donc majeures, en particulier en ce qui concerne la création d'un délit non intentionnel d'oubli ou d'inattention, qu'il sera bien difficile de caractériser. Ce dernier, surtout, a vocation à réprimer n'importe qui, sans aucune distinction.

Pour toutes ces raisons, nous exprimons nos vives inquiétudes. Ce texte mériterait une étude d'impact approfondie.

M. Philippe Tabarot, rapporteur pour avis. - Mes inquiétudes vont avant tout vers les victimes dans les transports en commun.

M. Hervé Gillé. - Les nôtres aussi !

M. Philippe Tabarot, rapporteur pour avis. - Les événements de la gare de Lyon de ce samedi ont été relatés par les médias, mais personne ne sait que, dès le lendemain, la station Stalingrad a été le théâtre d'une bagarre au couteau. Si cette proposition de loi leur est antérieure, ces événements m'inquiètent.

Je rappelle que les palpations sont très encadrées : elles nécessitent un arrêté préfectoral et ne peuvent être faites qu'avec le consentement de la personne. Dans ces conditions, la violation des libertés individuelles ne me paraît pas évidente.

Mes chers collègues, vous êtes pour la plupart des juristes ; vous savez combien il est compliqué de maintenir un arrêté préfectoral qui s'applique à l'ensemble du territoire en permanence. Nous demandons simplement la suppression de cette condition. Un agent qui se sentirait en difficulté ou qui constaterait qu'un individu détient manifestement un objet dangereux devrait pouvoir effectuer une palpation, avec l'accord de la personne, sans devoir téléphoner au préfet pour savoir si le périmètre concerné - telle gare ou telle station de métro - est bien couvert par un arrêté.

En l'état actuel des choses, un agent du GPSR ou de la Suge qui serait amené, à la suite d'une palpation, à procéder à une saisie doit attendre l'arrivée d'un officier de police judiciaire dans l'heure qui suit, faute de quoi il doit laisser le « matériel » à son propriétaire. Je veux parler ici de couteaux, de marteaux ou autres battes de base-ball. Si vous pensez que cette situation n'exige pas de faire évoluer la législation...

M. Hervé Gillé. - Ne nous faites pas dire ce que nous n'avons pas dit !

M. Philippe Tabarot, rapporteur pour avis. - Vous avez pourtant exprimé vos plus grandes réserves et vos plus grandes inquiétudes.

Le droit sera respecté. La commission des lois se prononcera sur un certain nombre d'articles et la portée du texte sera probablement réduite. Pour autant, j'estime que cette proposition de loi répond, dans un cadre légal, à un besoin. Elle vise surtout à protéger les agents qui sont en première ligne. Ce n'est pas le cas des officiers de police judiciaire, qui sont certes indispensables, mais très loin de l'action.

Je voudrais à présent préciser le cadre dans lequel s'effectuerait la captation du son. Nous parlons ici de situations d'urgence : un chauffeur ou un machiniste qui se sentirait en difficulté pourrait appuyer discrètement sur un bouton. Les personnes qui écouteraient la conversation apprécieraient alors la dangerosité de la situation et enverraient des équipes pour lui porter secours au prochain arrêt. Si cet article pose problème, je proposerai un amendement visant à généraliser les caméras-piétons sur les machinistes. Cela ne me paraît pas non plus attentatoire aux libertés.

Sur la question des bagages, je n'ai pas de solution idéale. Nous avons essayé de distinguer l'oubli, involontaire, de l'abandon, volontaire. Mes chers collègues, vous êtes tous des défenseurs des transports en commun. Vous avez vu les chiffres : il faut traiter ce fléau, qui occasionne des retards considérables. Une meilleure information couplée à une répression plus forte et plus efficace pourrait faire évoluer les choses.

Monsieur Demilly, je partage votre constat : le sentiment d'insécurité est particulièrement désagréable lorsque l'on se trouve en présence de personnes qui fument, mettent les pieds sur les fauteuils ou dégradent le matériel. C'est pourquoi l'article 12 prévoit la création d'un délit pour ces comportements.

Monsieur Gillé, cela fait cinq ans que j'échange avec Gilles Savary. Lui-même considère que sa loi arrive en bout de course, qu'elle présente des manques et qu'il faut à nouveau légiférer. J'ai travaillé en parfaite harmonie avec lui sur des dispositions complémentaires.

De son côté, Loïc Hervé est dans son rôle, en tant que membre de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil). Il considère risqué de procéder à des palpations en présence d'un arrêté préfectoral et du consentement des personnes concernées. Je ne suis pas de son avis.

Certes, le cadre juridique est fondamental, mais vous réclamez régulièrement des moyens pour les transports en commun. Nous n'atteindrons pas nos objectifs en matière de report modal si nous ne sécurisons pas les transports.

Si vous avez des mesures efficaces à proposer, n'hésitez pas à déposer des amendements en vue de la séance publique. Je suis ouvert à toutes les propositions. Mais s'il vous plaît, accompagnez ce mouvement ! Les usagers et, plus que quiconque, les agents qui sont en première ligne en ont besoin.

M. Jean-François Longeot, président. - Notre commission a entendu deux personnalités importantes : Jean Castex, président-directeur général de la RATP, et Jean-Pierre Farandou, président-directeur général de la SNCF. Il était très intéressant de les entendre, eux qui sont confrontés au quotidien à ces problèmes. Jean-Pierre Farandou nous a notamment expliqué que l'oubli d'un bagage non identifié entraînait l'évacuation complète de la gare et l'arrêt total de la circulation des trains.

Ces situations ne font que renforcer le mécontentement de nos concitoyens. Si nous voulons favoriser l'usage des transports en commun, notre priorité doit être de leur apporter - ils la réclament - une plus grande sécurité.

J'ai été frappé notamment d'apprendre que lorsqu'un agent de sécurité poursuit un individu à l'origine d'un problème dans une gare, il doit le rattraper avant qu'il ne sorte de la gare, faute de quoi il doit le laisser partir !

J'entends constamment des commentaires arguant que tel ou tel aurait dû agir ainsi. Mais on réfléchit toujours en aval et jamais en amont ! À défaut d'une étude d'impact, les auditions de Jean-Pierre Farandou et de Jean Castex nous ont apporté suffisamment d'éléments.

Monsieur Demilly a raison, on parle beaucoup des grands drames comme celui de samedi dernier, mais trop peu de la délinquance et des agressions quotidiennes dont sont victimes les chauffeurs de bus et nos concitoyens.

Si nous ne prenons pas la mesure de l'enjeu, nous mettrons un frein à toutes nos politiques de développement des transports en commun. De nombreuses personnes renoncent à prendre les transports en commun parce qu'elles ont peur. Nous devons a minima essayer d'agir.

M. Philippe Tabarot, rapporteur pour avis. - Les oublis de bagages peuvent coûter plusieurs dizaines de milliers d'euros à la SNCF compte tenu des interruptions de TGV.

J'aurais rêvé de faire une étude d'impact, mais cela n'était pas possible. Je me suis donc efforcé de faire un travail sérieux, en me rendant sur le terrain et en rencontrant des personnes aussi compétentes que M. Savary.

Alors que la situation s'est détériorée, vous ne pouvez pas ne pas vouloir ce qu'ont voulu Gilles Savary ou Alain Vidalies, sous la présidence de François Hollande !

M. Pierre Barros. - Nous sommes tous d'accord sur un point : nous ne verrons pas de sitôt le report modal si nous n'améliorons pas les conditions de sécurité et de tranquillité publiques à l'intérieur des transports en commun.

Il est clair également que les difficultés que l'on rencontre à l'extérieur des gares se retrouvent à l'intérieur. Devons-nous développer dans les gares et dans les trains des moyens spécifiques, alors que nous peinons à conduire une politique cohérente dans le reste de l'espace public ? La question se pose.

Cela fait trente-cinq ans que je prends le RER. Il y a quelques décennies, nous étions huit à neuf millions d'habitants en Île-de-France. Nous sommes aujourd'hui près de douze millions. Or le réseau ferré n'a pas évolué depuis, pas plus que le niveau de service. Il y a donc une tension entre l'offre et le besoin. Aujourd'hui, les trains sont bondés et sales, et l'état épouvantable du réseau explique un certain nombre de retards. Cette ambiance désagréable, et le seul fait d'imposer aux gens de voyager dans de telles conditions, augmente le risque d'incivilités.

Soyons également attentifs au respect que nous nous devons les uns et les autres. Pour le vivre au quotidien, il suffit souvent d'aller vers les gens, de leur demander gentiment d'éteindre leur téléphone ou de parler un peu moins fort pour qu'ils s'exécutent, même si des dérapages, parfois très graves, sont toujours possibles.

J'ai constaté un autre phénomène, qui s'est encore accentué ces dernières années : il n'y a plus personne dans les gares. Autrefois, des agents de quai, des chefs de gare, le personnel de guichet assuraient une présence physique, offraient un service, orientaient les gens. Ils occupaient le terrain et contribuaient à une ambiance positive. C'est une volonté politique de la région que d'avoir remplacé ces postes qualifiés par des maîtres-chiens, qui, malheureusement, font ce qu'ils peuvent sans assurer les mêmes services.

Dans la gare RER de ma ville, j'ai eu à gérer en direct une émeute, en coopération avec la Suge, la gendarmerie et un ensemble de partenaires. Or ce texte ne traite pas de la capacité des acteurs à travailler ensemble. À cette occasion, j'ai vu des gens qui se connaissaient, capables de se coordonner pour faire du bon travail.

Soyons attentifs à ne pas rendre plus flou le périmètre d'intervention des uns et des autres. La question de la sécurité est basique : chacun son travail, chacun son périmètre et ses compétences. Il peut certes y avoir des porosités acceptables - permettre aux intervenants d'interpeller un individu à la sortie de la gare relève du bon sens -, mais veillons, par exemple, à ne pas envoyer des agents de police municipaux dans des endroits où ils ne devraient pas mettre les pieds. Évitons la confusion des genres. Le flou crée l'insécurité.

En conclusion, je salue le travail réalisé, mais reste très interrogatif sur les dysfonctionnements que ce texte pourrait entraîner.

M. Philippe Tabarot, rapporteur pour avis. - L'idée, je le redis, est de créer un continuum de sécurité favorisant la coordination des acteurs. Pas moins de neuf acteurs différents interviennent aujourd'hui à l'intérieur de la gare du Nord !

Les agents de la Suge et du GPSR ont été rigoureusement sélectionnés. Ils ont suivi des mois de formation et acquis une connaissance approfondie de la procédure pénale. C'est pourquoi je souhaite leur donner des prérogatives supplémentaires. Je veux aussi pouvoir mieux protéger les agents de sécurité privée, même si je ne traite pas cette question directement dans mon texte, car il s'agit d'un autre métier.

La présence de nouveaux intervenants s'explique aussi par la réduction des effectifs de la police nationale, laquelle n'est plus en mesure d'assurer la sécurité sur l'ensemble du territoire. Donnons-leur les pouvoirs nécessaires et cessons de les considérer comme des sous-traitants qui seraient incapables de procéder à une interpellation et d'effectuer des palpations ou des saisies. Ces acteurs connaissent leur métier. Ils sont courageux et font très bien leur travail.

Enfin, je précise que ce sont les syndicats - ils sont proches de vos partis politiques - qui demandent ces évolutions. Sortons des dogmes politiciens et retrouvons-nous sur ce sujet transpartisan !

M. Hervé Reynaud. - Je salue l'engagement et la force de conviction de Philippe Tabarot. Ce texte a le mérite de mettre la sûreté dans les transports au coeur du débat.

L'actualité nous a rattrapés le week-end dernier. Je suis, moi aussi, attentif aux restrictions de liberté qui pourraient émerger de nos échanges. Mais n'est-ce pas une restriction de liberté que de ne pas pouvoir prendre le train ou les transports en commun à n'importe quel moment de la journée et sur n'importe quelle ligne ?

Cette proposition de loi s'appuie sur un principe de réalité ainsi que sur des éléments factuels. J'ai trouvé assez édifiants les éléments factuels évoqués lors des auditions de Jean Castex et de Jean-Pierre Farandou. Le milieu a radicalement évolué pour devenir bien plus hostile. Lorsqu'on entend que la détention d'armes blanches est en hausse de 150 %, il est normal de s'interroger.

Cette proposition de loi assure également une continuité du socle juridique. Dans la Gazette des communes, Gilles Savary dressait lui-même récemment un constat mitigé de la loi de 2016, considérant qu'il fallait aller plus loin. Je partage cet avis, au risque de nous heurter parfois à nos collègues de la commission des lois.

Avec ce texte, qui prévoit des mesures pérennes, nous allons au-delà de l'émotion suscitée par les dernières attaques. Nous dépassons également le contexte des jeux Olympiques. C'est au quotidien que nous devons oeuvrer à l'attractivité de nos transports en commun. Au fond, cette proposition de loi précise et conforte un certain nombre de modalités en matière de sécurité. Pour reprendre les mots de Jean-Pierre Farandou, elle apporte un « supplément d'efficacité dans l'action ».

M. Didier Mandelli. - Dans cette commission, nous avons pour habitude de travailler sur des sujets sensibles en évitant les approches manichéennes ou binaires. Aussi, je ne voudrais pas que le débat se réduise à une confrontation entre les défenseurs à tout prix des libertés individuelles, d'un côté, et les tenants du tout sécuritaire dans les transports en commun, de l'autre.

Cette proposition de loi s'appuie sur les grandes connaissances de Philippe Tabarot en matière de sécurité et de transports. En 2019, j'avais été rapporteur du projet de loi d'orientation des mobilités et nous avions trouvé sur ces sujets, avec Françoise Gatel, rapporteur pour la commission des lois, des compromis qui n'allaient pas aussi loin que nous l'espérions. Auparavant, en 2016, un rapport d'information Fouché-Bonhomme commun à notre commission et à la commission des lois n'avait pas débouché sur une proposition de loi.

Cette proposition arrive, finalement, dans un contexte compliqué. Les jeux Olympiques sont un élément déclencheur, mais ils ne devraient pas être l'alpha et l'oméga de notre politique. Le texte répond aux besoins exprimés par les opérateurs comme à ceux des usagers. Je pense au grand nombre de femmes qui ont subi des attouchements de la part de frotteurs, à ces jeunes femmes qui n'osent plus prendre les transports en commun, à toutes ces personnes qui le font avec la peur au ventre ou qui préfèrent prendre leur voiture.

Il ne faut pas se voiler la face, c'est une réalité et, si nous, parlementaires, ne sommes pas capables d'aborder ces sujets en toute transparence, ne nous étonnons pas ensuite que les extrêmes gagnent du terrain dans notre pays ; n'abandonnons pas ces sujets, ne laissons pas à d'autres le soin de les traiter en jouant sur les peurs, sur l'irrationalité. Ayons le courage de traiter ces sujets, soyons responsables !

Le travail se poursuivra en commission et en séance publique, et j'ai toute confiance en notre rapporteur pour avis pour le mener à bien.

M. Pierre Jean Rochette. - Je félicite notre collègue Philippe Tabarot pour cette proposition de loi, qui est excellente. Comment peut-on vouloir développer le transport public si celui-ci ne peut fonctionner dans des conditions normales de sécurité ? Ce problème de sécurité entraîne non seulement un manque à gagner pour les collectivités, car les transports publics sont désertés à partir d'une certaine heure, mais il contraint, en outre, une partie de notre population, souvent la moins favorisée, à subir cette situation. Je suis donc très favorable à cette proposition de loi et les amendements de séance que je déposerai viseront à procéder à des ajustements.

Je signale que la pratique des écoutes discrètes existe déjà dans certains réseaux urbains, donc n'en ayons pas peur. C'est très efficace, il faut l'encourager.

Je suis peut-être le seul sénateur à avoir le permis D, pour autocar, et la certification SNCF. Avant mon élection, je conduisais des autocars et il m'arrivait de faire des remplacements de nuit, notamment entre Lyon et Saint-Étienne. Sur cette ligne, dans les autocars partant à 23 heures et à minuit et demi, il n'y a plus de femmes seules, parce qu'elles ont peur de l'emprunter. Une fois que le car a démarré, le conducteur se retrouve seul avec les passagers qu'il a embarqués, qui n'ont pas forcément de billet, et, s'il procède au contrôle, il a une chance sur deux de déclencher une altercation physique. Quant aux agents de la Sûreté ferroviaire, de la Suge, ils ont besoin de cette proposition de loi parce qu'ils ne sont pas toujours couverts, notamment dans les gares routières. La mesure proposée à cet égard est donc excellente.

Si l'on ne règle pas ce problème, ce que fait d'ailleurs largement cette proposition de loi, nous ne dépasserons pas le stade des déclarations d'intention sur la promotion du transport public et nous passerons à côté d'un facteur important de détournement du public des transports en commun. Quand on s'est retrouvé dans une situation de confrontation sur le terrain, on se rend compte que ces articles ne sont pas trop sévères, ils correspondent exactement à ce qui est requis. C'est du vécu...

M. Ronan Dantec. - Il y a sans doute des trous dans la raquette et il peut être en effet pertinent, dans certains cas, d'essayer de les combler.

Néanmoins, il convient également de se pencher sur les aberrations auxquelles nous conduisent certaines procédures de sécurité. Prenons un exemple, celui d'un colis oublié dans un TER en gare de Quimper, qui bloque la circulation de tous les trains jusqu'à l'arrivée des démineurs de Brest. Quel pourrait bien être l'intérêt pour un terroriste de faire sauter un TER vide en gare de Quimper ? L'impact médiatique serait minime...

M. Jean-François Longeot, président. - Si l'on n'intervient pas et que le colis saute, c'est là que l'impact médiatique sera important...

M. Ronan Dantec. - Justement, à force de rechercher une sécurité absolue, qui est illusoire, on en arrive à prendre des mesures dont le coût social est supérieur au gain. Il y a peu de chances que cela se produise. Nous ne parlons que de colis oubliés ! Cela n'a pas de sens.

Nous devons nous demander si tout cela est bien raisonnable. Le risque zéro n'existe pas, comme dans beaucoup d'autres domaines, et la procédure applicable en cas de colis oublié est aberrante. Il vaudrait mieux consacrer ces moyens à l'accroissement du nombre d'agents présents dans les rames et au renforcement de l'accompagnement psychiatrique, puisque nombre de problèmes proviennent de son effondrement. Sans doute certaines évolutions juridiques sont-elles nécessaires pour combler des trous dans la raquette, mais un travail doit également être mené dans l'autre sens.

M. Philippe Tabarot, rapporteur pour avis. - Parier sur l'intelligence des terroristes, c'est prendre des risques importants...

M. Ronan Dantec. - Sans doute, mais il faut tirer ce fil, car on en arrive à des situations aberrantes.

M. Jean-François Longeot, président. - Ce n'est pas pour cela qu'il ne faut rien faire...

M. Daniel Gueret. - Ce débat est très intéressant, car nous sommes tous concernés, quelle que soit notre appartenance politique.

Quand on a un projet long à conduire sur le terrain, on s'aperçoit que la délinquance a évolué, qu'elle n'est plus la même qu'il y a vingt ans. J'apprécie la notion de « continuum de sécurité » introduite par Philippe Tabarot, car il y a un véritable problème en la matière : quand la Suge poursuit un délinquant qui sort d'une gare, dès que celui-ci pénètre sur le territoire de la municipalité, elle n'est plus compétente et, si la police municipale n'est pas présente sur l'instant, lorsqu'elle arrive sur les lieux, il est trop tard et le délinquant est parti en marchant. Cela exaspère nos concitoyens.

J'ai été élu d'une région pendant quatre mandats, dont trois dans l'opposition. Le président socialiste de mon conseil régional s'était opposé à ma proposition d'équiper toutes les gares et tous les lycées de caméras de surveillance ; aujourd'hui, cette région, toujours dirigée par un socialiste, a équipé ces établissements de caméras de vidéosurveillance. La vision de chacun évolue donc sur ces questions.

Nous souhaitons tous qu'il y ait plus de services et d'usagers de transport en commun, mais les problèmes auxquels nous sommes confrontés vont perdurer. J'adhère au triptyque « Prévention, sécurité, répression », mais les agents de la Suge sont confrontés à une délinquance très différente de celle que nous connaissions jadis. Au-delà de cette évolution, les comportements sont différents : en Europe du Nord, on trouve autour de chaque gare des milliers de vélos sans cadenas qui ne sont ni volés ni détériorés, chose inimaginable chez nous ; mais on n'y peut rien changer, les populations sont différentes, sans parler des problèmes psychiatriques déjà mentionnés.

Par ailleurs, on a sans doute dégarni excessivement le volet humain de certains services. À Bruxelles, il y a davantage de postes d'accompagnateur.

De même, monsieur Dantec, sans doute faut-il revoir certaines procédures, mais je pense qu'il faut agir avec précaution en matière de sécurité, sans verser néanmoins dans les excès du principe de précaution. Il est difficile de décider de traiter différemment un colis oublié à Quimper et un bagage abandonné à Marseille, car celui qui prend la responsabilité de le faire joue gros : les agressions au couteau ne sont plus l'apanage des grandes villes...

Cette proposition de loi va dans le bon sens, j'espère qu'elle ne sera pas trop modifiée par la commission des lois. Notre intérêt à tous est que de plus en plus de personnes empruntent les transports en commun sans avoir l'impression de prendre un risque. Si l'on ne peut pas améliorer la situation, on n'atteindra pas cet objectif. Le pire serait de ne rien faire.

Ce sujet mérite un échange transversal et objectif. Quand j'ai été confronté à la question de la vidéoprotection, j'ai visité dix-sept mairies de France tenues par la gauche, et je me suis beaucoup inspiré des pratiques du maire de Tours, par exemple, sans me préoccuper des étiquettes politiques.

M. Jacques Fernique. - Je développerai mon argumentation en séance publique, mais je ne comprends pas la rédaction actuelle de l'article 11. Il y a un décalage avec ce qui a été dit sur l'écoute discrète, et le caractère très général de l'alinéa 5 qui indique, « La captation et l'enregistrement du son [...] sont accompagnés d'une annonce sonore annonçant le début de la captation et de l'enregistrement du son ».

M. Philippe Tabarot, rapporteur pour avis. - Cet article va être réécrit par la commission des lois et je vous proposerai un amendement pour le compléter.

M. Jacques Fernique. - Je veux dire un mot des colis abandonnés, dont le nombre a considérablement augmenté au cours des dernières années. Il existe une règle pour répondre à ce problème, mais on n'a pas les moyens humains de la faire respecter : c'est l'étiquetage obligatoire, qui permet de contacter le propriétaire du bagage quasi immédiatement. Si l'on n'accroît pas radicalement les sanctions, on ne changera rien à ce problème.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 8

M. Philippe Tabarot, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-28 vise à tirer les conséquences de l'article 2 de la proposition de loi, lequel étend le périmètre d'intervention des agents de la Suge et du GPSR aux abords immédiats des emprises de transport. Cet amendement, que la rapporteure Nadine Bellurot et moi-même portons en commun, a pour objet de permettre à ces agents, dans ce cadre uniquement, de poursuivre l'enregistrement de leur intervention par leurs caméras-piétons.

L'amendement COM-28 est adopté.

Après l'article 8

M. Philippe Tabarot, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-29 vise à permettre, à titre expérimental, l'utilisation de caméras-piétons par les conducteurs d'autobus et d'autocar. La loi Savary avait déjà autorisé l'emploi de caméras-piétons via une expérimentation pour les agents de la Suge et du GPSR. En 2019, la loi d'orientation des mobilités a instauré un dispositif similaire pour les contrôleurs, que l'article 8 de la présente proposition de loi entend d'ailleurs pérenniser. Les caméras sont un outil dont l'usage a fait ses preuves : les remontées de terrain montrent que le déclenchement de la caméra par un agent permet bien souvent d'apaiser des situations conflictuelles. Je propose d'en étendre l'usage aux conducteurs d'autobus et d'autocar.

L'amendement COM-29 portant article additionnel est adopté.

M. Philippe Tabarot, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-30 a pour objet de garantir, dans le cadre de l'ouverture à la concurrence du transport ferroviaire de voyageurs, le recours à une plateforme unique de signalement par les voyageurs, afin de renforcer l'efficacité du continuum de sécurité. Il s'agit d'étendre l'usage du 31 17 de la SNCF à tous les autres opérateurs, aux nouveaux entrants sur les services librement organisés (SLO), les TER et les trains d'équilibre du territoire (TET).

L'amendement COM-30 portant article additionnel est adopté.

Article 14

M. Philippe Tabarot, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-31, que Nadine Bellurot et moi portons ensemble, vise à rendre le dispositif de l'article 14 plus opérant, en clarifiant la distinction entre les cas où l'abandon de bagage est délibéré et ceux où il est involontaire. Il tend en particulier à rendre l'échelle des peines plus cohérente, en sanctionnant les abandons de bagages de manière plus sévère lorsqu'ils sont délibérés que lorsqu'ils sont involontaires.

L'amendement COM-31 est adopté.

Article 15

M. Philippe Tabarot, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-32, soutenu également par Nadine Bellurot, a pour objet d'étendre le délit de trainsurfing au bussurfing, qui touche les bus et les métros. Cela peut faire sourire, mais il y a eu 5 morts depuis 2015 et 70 signalements l'année dernière sur le réseau RATP ; si les opérateurs demandent une telle mesure, c'est parce que les faits se multiplient.

M. Jacques Fernique. - L'arsenal existant permet déjà de réprimer ces comportements. Je m'abstiens.

L'amendement COM-32 est adopté.

Article 16

M. Philippe Tabarot, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-33 vise à remplacer la création d'un fichier répertoriant l'identité des personnes soumises à une interdiction de paraître dans les transports par une transmission d'informations des agents assermentés des opérateurs de transports vers les officiers de police judiciaire. L'objectif est de faciliter le constat, par les OPJ, des violations de la peine complémentaire d'interdiction de paraître dans les transports, instituée à l'article 13, et, ainsi, d'en assurer l'effectivité.

L'amendement COM-33 est adopté.

La commission émet un avis favorable à l'adoption de la proposition de loi, sous réserve de l'adoption de ses amendements.

Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

Article 8

Auteur

N° 

Objet

Sort de l'amendement

M. TABAROT

COM-28

Autorisation sous condition du recours aux caméras-piétons dans le cadre d'interventions aux abords immédiats des emprises de transports pour les agents de sûreté de la SNCF et de la RATP

Adopté

Article additionnel après Article 8

M. TABAROT

COM-29

Expérimentation de l'usage des caméras-piétons pour les conducteurs d'autobus et d'autocars

Adopté

M. TABAROT

COM-30

Mise en place d'un numéro unique d'alerte pour les usagers des transports

Adopté

Article 14

M. TABAROT

COM-31

Amélioration de la cohérence juridique du dispositif visant à réprimer plus sévèrement les oublis de bagages sur les réseaux de transports

Adopté

Article 15

M. TABAROT

COM-32

Amélioration de l'effectivité du dispositif instituant un délit de bus et trainsurfing

Adopté

Article 16

M. TABAROT

COM-33

Transmission d'informations au ministère public pour faciliter le constat de la violation d'une interdiction de paraître dans les réseaux de transport

Adopté

Les thèmes associés à ce dossier

Partager cette page