EXAMEN EN COMMISSION
MERCREDI 29 NOVEMBRE 2023
M. Bernard Fialaire, rapporteur pour avis des crédits de l'enseignement technique agricole. - C'est avec beaucoup d'enthousiasme que j'ai découvert cette matière, et que je vous propose cet avis.
Le programme 143 est doté, dans le PLF pour 2024, de 1,7 milliard d'euros. Les crédits connaissent une augmentation de plus de 100 millions d'euros, soit 6,2 %, par rapport à l'année dernière.
Cette hausse bienvenue des crédits s'explique principalement par 45 millions d'euros supplémentaires pour les personnels : il s'agit de la revalorisation du point d'indice, du financement du glissement vieillesse technicité et des mesures en faveur des bas salaires. La mise en oeuvre de la réforme des lycées professionnels bénéficie pour sa part d'une enveloppe dédiée de 66 millions d'euros.
En effet, depuis cette rentrée 2023, toutes les périodes de stage des lycéens professionnels donnent lieu au versement d'une allocation par l'État. Son montant varie en fonction du type de formation et du niveau d'enseignement. Nous pouvons nous réjouir de la mise en oeuvre de cette gratification des périodes de stage dans l'enseignement agricole, et ce dans les mêmes modalités et montants qu'à l'éducation nationale. En effet, 15 % des lycéens professionnels sont scolarisés dans l'enseignement agricole, et les excellents taux de réussite aux examens démontrent que l'enseignement agricole professionnel est une voie de réussite reconnue, mais qu'il faut davantage valoriser.
Deux autres postes de dépenses sont en augmentation dans le projet de loi de finances pour 2024.
Tout d'abord, 3,8 millions d'euros supplémentaires viennent abonder le budget en faveur des assistants d'éducation. Cette hausse permettra, d'une part, d'aligner le niveau de rémunération sur celui du ministère de l'éducation nationale et, d'autre part, de renforcer les moyens d'encadrement pour tenir compte notamment de la proportion significative d'élèves internes. Cet alignement répond à une demande formulée par notre commission depuis plusieurs années.
Par ailleurs, le budget en faveur de l'école inclusive devrait également augmenter de 3,5 millions d'euros en 2024 ; 0,7 million d'euros sont d'ores et déjà inscrits au sein du projet de loi de finances. Les 2,8 millions d'euros restants doivent faire l'objet d'un transfert en gestion à partir du programme 230 « Vie de l'élève ».
Nous pouvons toutefois regretter la stagnation des moyens en faveur des établissements publics et privés, alors même qu'ils ont déjà dû faire face l'année dernière à la forte hausse des coûts de fonctionnement des écoles et des fermes pédagogiques, particulièrement énergivores. L'augmentation des coûts qui s'est poursuivie tout au long de l'année 2023 est venue à nouveau mettre à mal la situation financière de ces établissements. Or aucun dispositif de soutien n'a été mis en place pour les aider.
L'augmentation générale des moyens du programme s'accompagne d'une hausse de 20 ETP, destinés, d'une part, à renforcer les services de médecine scolaire et des services sociaux des établissements d'enseignement agricole et, d'autre part, à accompagner la mise en oeuvre des mesures de la loi d'orientation et d'avenir agricoles.
Cette hausse des ETP est rassurante au vu des importantes suppressions d'emplois entre 2019 et 2022, mais elle devra impérativement être confortée dans les années à venir pour répondre aux défis auxquels est confronté l'enseignement agricole.
En effet, face aux enjeux de renouvellement des générations d'agriculteurs, de souveraineté alimentaire et de transition climatique, l'enseignement agricole doit plus que jamais se réinventer pour former davantage de jeunes à une pluralité croissante de métiers. La cible fixée par le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire est ambitieuse : accueillir 30 % d'élèves supplémentaires à court terme.
Or, si les effectifs scolarisés au sein de l'enseignement agricole sont de nouveau en progression à la rentrée 2023, cette hausse d'environ 1 % des élèves apparaît comme étant encore bien insuffisante au regard des impératifs.
Plus précisément, les données provisoires dont dispose le ministère mettent en lumière une nouvelle progression des effectifs d'apprentis, qui vient compenser une légère baisse de la voie scolaire. Les effectifs du niveau collège demeurent stables, tout comme ceux des baccalauréats professionnels et technologiques. Ceux du CAP (certificat d'aptitude professionnelle) agricole augmenteraient de plus de 3 %.
Un point de vigilance, néanmoins : le nombre d'élèves scolarisés en brevet de technicien supérieur agricole (BTSA) diminue de près de 6,5 %. La perte d'attractivité continue du BTSA depuis 2020 est particulièrement préoccupante. Ce déclin s'explique en partie, selon le ministère, par une bascule vers l'apprentissage et une difficulté de positionnement de ce diplôme en deux ans, qui peine à trouver sa place dans l'architecture licence-master-doctorat (LMD), devenue la norme.
Au cours de son audition par la commission, le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, Marc Fesneau, nous a indiqué réfléchir dans le cadre des travaux relatifs au pacte d'orientation et d'avenir agricoles à la création d'un « bachelor agro » pour attirer davantage de jeunes souhaitant bénéficier d'un système de spécialisation à bac+3. Nous serons attentifs à ce que cette annonce soit suivie d'effets dans les mois à venir.
Quelques inquiétudes persistent également s'agissant des filières « services » et « agroalimentaire ». Trop souvent encore, les élèves méconnaissent l'offre portée par l'enseignement agricole, et se dirigent par réflexe vers les formations proposées par l'éducation nationale, dont ils sont issus. Il est essentiel de renforcer la coopération entre l'enseignement agricole et l'éducation nationale sur les enjeux d'orientation pour faciliter la présentation des cursus offerts par l'enseignement agricole dans les établissements de l'éducation nationale.
La campagne « L'aventure du vivant » existe maintenant depuis plusieurs années, et doit être saluée de par son ambition. Toutefois, force est de constater qu'elle n'est pas suffisante pour augmenter durablement les effectifs scolarisés dans l'enseignement agricole. Ce dernier doit s'appuyer sur une politique de communication plus agressive, avec une vision sur le long terme, dans le cadre de campagnes dotées de fonds à la hauteur des enjeux.
Le taux de renouvellement actuel est de deux installations pour trois départs. Le désintérêt pour la filière agroalimentaire est d'autant plus inquiétant que 166 000 exploitants agricoles seront partis à la retraite d'ici à dix ans en France, soit plus d'un tiers d'entre eux.
C'est pourquoi nous devrons être particulièrement attentifs aux réponses qu'apportera la future loi d'avenir et d'orientation agricoles à ces problématiques.
Mais pour former davantage de jeunes tout en maintenant la qualité des formations et les petits effectifs qui caractérisent l'enseignement agricole, il est également essentiel d'apporter de véritables réponses à la crise d'attractivité du métier d'enseignant.
Les difficultés de recrutement ont eu un impact limité sur la rentrée dans l'enseignement agricole dans la mesure où 98,7 % des postes ont été pourvus au 1er octobre 2023. Toutefois, vous le savez, le métier d'enseignant traverse aujourd'hui une crise sans précédent d'attractivité, à laquelle n'échappera pas l'enseignement technique agricole.
L'enseignement agricole a globalement adhéré au pacte enseignant, aussi bien dans l'enseignement public que privé : 58 % des agents éligibles y ont souscrit et 65 % des briques disponibles ont été attribuées, représentant en moyenne 2,6 briques par enseignants volontaires, soit environ 240 euros mensuels supplémentaires pour les personnels engagés.
Ce pacte présente un intérêt certain, mais n'est pas suffisant face aux enjeux. D'autant plus que l'enseignement agricole se distingue de l'enseignement dispensé par l'éducation nationale de par l'existence de spécialités techniques et professionnelles comme l'agroéquipement, pour lesquelles le recrutement est d'autant plus coûteux et difficile. Dans ces conditions, l'obligation de recrutement à un niveau master 2, qui prévaut depuis 2010, peut s'avérer particulièrement bloquante pour certains établissements.
Pour pallier ces difficultés et permettre à l'ensemble des élèves, apprentis et étudiants de l'enseignement agricole de bénéficier d'un ensemble varié de spécialisations, il paraît essentiel de réfléchir à la possibilité de mettre en place, pour certaines disciplines techniques et professionnelles, un recrutement au niveau licence.
Pour éviter que les enseignements ne perdent en qualité, les enseignants nouvellement recrutés pourraient bénéficier d'une formation adaptée aux besoins au sein de l'École nationale supérieure de formation de l'enseignement agricole (ENSFEA).
En conclusion, et en raison d'une augmentation satisfaisante du budget consacré à l'enseignement technique agricole au sein du projet de loi de finances pour 2024, je vous propose de donner un avis favorable aux crédits du programme 143.
M. Christian Bruyen. - La synthèse de M. le rapporteur témoigne d'une réelle volonté du ministre concerné d'être à l'initiative. Cette volonté n'a pas échappé au rapporteur, mais lui comme moi restons inquiets sur un certain nombre de points.
La première de mes préoccupations concerne les maisons familiales rurales (MFR) et la reconnaissance de leur travail. Je considère que ce sujet est loin d'être anecdotique, bien au contraire, puisqu'il concerne 430 établissements répartis sur nos territoires mais ne bénéficient pas de l'accompagnement budgétaire adéquat. La contribution accordée par l'État est loin d'être au niveau de celle versée aux lycées publics. Cette situation est d'autant plus regrettable que les MFR recrutent des jeunes en difficulté, en souffrance, car inadaptés au système scolaire classique. Ce n'est pas la baisse des recrutements qui explique le manque d'aide de l'État, c'est au contraire le fait que l'État n'augmente pas ses contributions qui altère les conditions d'accueil et fait baisser les recrutements. Il est donc assez urgent d'agir, et toutes les pistes n'ont pas été évoquées.
Un autre sujet de préoccupation est celui de la dégradation de la démographie vétérinaire. Le ministère doit vite s'emparer de cette question et mettre en place des solutions durables.
Plus globalement, le nombre de jeunes formés reste un sujet de préoccupation. Certes, les effectifs sont en hausse, mais, de l'aveu même du ministre, ils restent insuffisants pour répondre aux besoins. Le sujet qui se pose est celui de l'attractivité des métiers, et c'est pourquoi il est essentiel de renforcer les liens entre collèges, lycées et établissements d'enseignement agricole. Il faudrait pour ce faire une mobilisation partenariale des deux ministères concernés, ce qui ne me semble pas être le cas aujourd'hui.
Comme le soulignent les représentants des exploitants agricoles, il ne faut pas oublier qu'il faut produire avant de commercialiser. Il me paraît important de garder cela à l'esprit au moment de définir les programmes de formation.
Pour conclure, malgré mes remarques et parce que ce budget est factuellement en hausse, mon groupe émettra un avis favorable.
Mme Marie-Pierre Monier. - Je souhaite saluer le travail du rapporteur, ainsi que les auditions menées pour rédiger le présent rapport.
Nous sommes nombreux, je pense, à tomber d'accord sur la nécessité de préserver l'enseignement technique agricole, qui est une véritable pépite de nos territoires, plus que jamais essentielle dans un contexte de transition agroécologique et de renouvellement des générations. Cet enseignement est une pépite aussi parce qu'il recourt souvent à des pédagogies innovantes. Il est de plus bien réparti sur notre territoire. Nous aurons d'ailleurs l'occasion d'en reparler prochainement, dans le cadre du projet de loi d'orientation et d'avenir agricoles, qui suscite beaucoup d'attentes. J'espère qu'il n'est pas qu'une simple Arlésienne !
Nous ne pouvons que constater que, malgré sa hausse, qui s'inscrit tout de même dans un contexte inflationniste, ce budget présente plusieurs carences. La première est fondamentale : l'absence de création de postes d'enseignants. Pour rappel, entre 2017 et 2022, 316 emplois ont été supprimés, soit l'équivalent de 10 000 postes dans l'éducation nationale. C'est énorme ! Les conditions d'apprentissage dans l'enseignement agricole ont été mises à mal par ces coupes successives. D'ailleurs, le rapport sénatorial intitulé Enseignement agricole : l'urgence d'une transition agropolitique de Nathalie Delattre en témoignait.
Nous ne pouvons pas nous réjouir de la progression des effectifs d'élèves constatée ces dernières années, et attendue puisque la baisse des effectifs avait été un sujet de préoccupation, sans appeler au rétablissement de postes d'enseignants pour accompagner cette hausse. Les suppressions de postes avaient déjà mis à mal certaines disciplines. Je pense en particulier aux travaux en groupe autour des gros animaux, qui mettaient les élèves en danger car ils étaient trop nombreux.
Certes, ce budget prévoit la création de 20 ETP. Vous avez néanmoins précisé que ces derniers sont destinés au renforcement de la médecine scolaire et des services sociaux des établissements d'enseignement agricole, ainsi qu'à l'accompagnement de la mise en oeuvre des mesures de la loi d'orientation et d'avenir agricoles. Tous les enseignants ne sont donc pas concernés, loin de là. Il faut toutefois nous poser la question, comme dans l'enseignement scolaire de manière générale, de l'attractivité de ces postes médico-sociaux, ces derniers n'étant pas toujours pourvus.
Je souhaite également vous alerter au sujet des MFR. Elles sont implantées en grande ruralité et font un travail remarquable auprès d'élèves pratiquement sortis du système scolaire. Vous étiez présents lors de leur audition, monsieur le rapporteur. Elles sont mises à mal, du moins pas assez considérées, dans ce projet de loi de finances (PLF).
Par ailleurs, dans le contexte économique et social qui est le nôtre, nous regrettons la nouvelle baisse, pour cet exercice budgétaire, des crédits des bourses sur critères sociaux, qui perdent 2,88 millions d'euros par rapport à l'an dernier. Colombe Brossel avait alerté le ministre lors de son audition par notre commission, lequel nous avait répondu que tous les élèves qui en faisaient la demande recevaient une bourse. Certes, mais le contexte économique est tel qu'il conviendrait peut-être de revoir les critères, c'est-à-dire d'allouer plus de moyens à ces élèves boursiers, car ils en ont bien besoin.
Enfin, je souhaite évoquer le pacte enseignant, mis en avant par le ministre lors de son audition comme étant l'une des pierres angulaires du renforcement de l'attractivité des postes de professeurs. Bien sûr, la logique reste celle de « travailler plus pour gagner plus ». Nous alertons cependant sur les inégalités territoriales engendrées par la mise en oeuvre de ce pacte. Vous l'avez souligné : 65 % des briques sont prises dans l'enseignement agricole, c'est-à-dire bien plus que dans l'enseignement scolaire. Cette donnée dit peut-être quelque chose du niveau des salaires des professeurs ! Peut-être prennent-ils plus de briques car leur salaire est moins élevé.
Le ministre a aussi été interrogé sur la situation des écoles vétérinaires. Une école privée a été créée, ce que nous regrettons ; nous aurions préféré la création d'une école publique supplémentaire pour former les futurs vétérinaires. Je répète que nous avons besoin de vétérinaires pour l'élevage en ruralité, afin de maintenir une activité agricole.
Pour toutes ces raisons, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain (SER) se prononcera contre l'adoption des crédits.
Mme Annick Billon. - Le budget du ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire est en hausse de plus de 1 milliard d'euros ; le nombre d'élèves qui s'orientent vers l'enseignement technique agricole augmente également. L'encadrement proposé est meilleur, et le budget alloué à l'école inclusive est lui aussi revu à la hausse. Malgré tout, ces éléments positifs ne doivent pas nous faire oublier un certain nombre de points de vigilance.
Je souhaite moi aussi revenir sur la situation des MFR. La dotation à l'élève y est très inférieure à celle observée dans le secteur public. Des négociations sont en cours à ce sujet et, à en croire le ministre Marc Fesneau, auditionné la semaine dernière, elles n'ont pas encore abouti et rien ne promet qu'elles aboutissent. En cas d'échec de ces négociations, il me semble que nous serions dans l'obligation de reprendre ce sujet pour le PLF 2025. Certes, le PLF 2024 n'est pas encore adopté, mais cette préoccupation persiste. En Vendée, par exemple, je sais que ce cycle de formation est très important pour pallier les départs à la retraite à venir.
Un deuxième point de vigilance est celui de l'orientation. Le rapport rédigé par Mme Delattre il y a quelques années contenait un certain nombre de propositions. Ces dernières sont toujours sur la table. L'orientation doit rester au coeur de la problématique de l'enseignement agricole si l'on souhaite que l'augmentation des effectifs s'inscrive dans la durée. Il est temps de s'emparer des propositions qui avaient été faites et de les mettre en application.
Si un bachelor pouvait permettre de remédier à la chute inquiétante du nombre d'étudiants en BTSA, il faudra nous pencher attentivement sur cette option.
Je partage les inquiétudes de Marie-Pierre Monier au sujet du pacte enseignant. Nous avons à notre disposition une boîte à outils, inégalement utilisée sur l'ensemble du territoire et qui crée des inégalités inacceptables.
Les différentes auditions nous ont permis de mesurer l'ampleur du mécontentement concernant les rémunérations. Nous resterons donc vigilants quant au devenir du calcul. La question a été posée au ministre ; les résultats du terrain ne rejoignent pas forcément sa position.
Enfin, le nombre de postes d'enseignants est certes en augmentation, mais il doit être relativisé compte tenu de la hausse des effectifs et de la tendance des dernières années.
Le groupe Union Centriste prend en compte l'augmentation des crédits et celle des élèves, mais conservera donc quelques points de vigilance.
M. Gérard Lahellec. - À mon tour, je veux remercier M. le rapporteur pour son excellent travail de synthèse et d'objectivation. Merci d'avoir rappelé que l'enseignement agricole ne fonctionne pas si mal, et que notre agriculture de production nourricière a grandement besoin de cet enseignement pour s'inscrire dans une logique de développement durable.
Vous avez rappelé les déclarations de M. le ministre, notamment la création éventuelle d'un « bachelor agro ». Celui-ci peut être un début de solution, mais nous sommes tout de même confrontés à la problématique fondamentale de l'attractivité des métiers. J'ai lu un article qui portait sur le prix de la brique de lait, en baisse de 4 % sur les vingt dernières années pour le producteur. L'industriel, quant à lui, a vu sa rémunération progresser de 64 %, de même pour le distributeur, dont les revenus ont augmenté de 164 %. Voilà qui annonce sans doute de futurs débats dans le cadre de la prochaine loi agricole !
Je souhaite m'attarder sur ce que le rapport et le ministre ne disent pas. Je partage l'idée selon laquelle certaines catégories d'élèves en difficulté ne trouveraient pas de débouchés si les MFR n'existaient pas. Les 316 suppressions d'emplois d'enseignants survenues entre 2019 et 2022 sont loin d'être compensées, tandis que l'effort en termes de masse salariale vise plutôt les métiers médico-sociaux et non les métiers de l'enseignement. J'insiste sur le fait que l'enseignement public agricole est en difficulté. Je ne veux pas raviver ici la guerre scolaire entre secteur public et secteur privé ; nous avons besoin des deux si nous voulons développer une agriculture durable. Malgré tout, l'enseignement agricole public est en souffrance, et des dispositions sont d'ores et déjà prises dans les territoires pour innover en termes d'organisation et de structuration d'un certain nombre d'instances. Dans ma région, par exemple, nous avons beaucoup d'établissements publics agricoles, et ils coopèrent pour créer un groupement d'intérêt public (GIP) et ainsi relever certains défis de notre temps. Ces cas de figure sont peu évoqués dans les orientations en cours.
On nous annonce 20 ETP qui viendraient s'ajouter aux 10 ETP de l'année dernière. Or ceux-ci n'ont toujours pas été créés. Le bilan est donc nettement à nuancer.
Enfin, j'estime que l'organisation du travail et des rémunérations continuent à poser problème. Il faut entendre ce message, qui a été transmis au ministre lors de son audition. Celui-ci nous a dit qu'il ne s'agissait pas de « travailler plus pour gagner plus », mais de « travailler autrement pour gagner autant ». Le sens n'est pas tout à fait le même, et est même quelque peu ambigu. Des éclairages sont donc nécessaires. Je pense que tant que cette question ne sera pas traitée, nous n'aurons pas la dynamique attendue.
Certes, 56 % des enseignants de l'enseignement agricole ont signé le pacte enseignant, mais l'effet de corps est énorme. Là où il n'a pas été signé, le rejet est parfois très massif. La protestation sociale est donc, elle aussi, massive et il faut l'entendre.
En somme, ces éléments me conduisent à conclure que la qualité des objectivations contenues dans le rapport n'est pas suffisante pour nous convaincre du bien-fondé de cette proposition de budget. Par conséquent, nous ne la voterons pas.
Mme Monique de Marco. - Lors son audition de la semaine dernière, le ministre de l'agriculture a affiché des ambitions concernant la future loi d'orientation et d'avenir agricoles, notamment pour accompagner une nécessaire hausse des effectifs des apprenants en agriculture. Je rappelle que cette dernière ne pourra se faire sans augmentation des moyens de l'enseignement technique agricole. Celle-ci est-elle suffisante ?
Pour rappel, l'enseignement agricole, en particulier dans le secteur public, a connu des baisses de budget importantes qui ont engendré des difficultés de fonctionnement dans les établissements concernés. Ce PLF maintient les moyens humains existants, mais ne permet pas de pallier le passif de ces baisses budgétaires.
Il est dit que l'enseignement agricole doit se réinventer et doit accueillir 30 % d'élèves supplémentaires. À mon sens, cela doit passer par une communication sur l'intérêt et l'attractivité des métiers de l'agriculture et des formations associées. Or le présent PLF prévoit un budget de communication pour l'enseignement technique agricole en baisse de 14 % par rapport à l'année 2023. J'y vois un manque d'ambition au regard de l'enjeu énoncé par la campagne sur la future loi, qui est de renouveler les 50 % de la population agricole qui partiront à la retraite au cours des dix prochaines années.
J'ai déjà averti M. le rapporteur que nous ne suivrons pas son avis et que nous voterons contre ces crédits.
M. Bernard Fialaire, rapporteur pour avis. - J'ai bien entendu la préoccupation exprimée au sujet des MFR. Néanmoins, nous votons aujourd'hui le budget 2024, et les MFR nous ont affirmé, durant leur audition, que le budget pour l'année à venir était suffisant. En revanche, il faudra nous montrer vigilants pour 2025, puisque les négociations sont en cours. Reste qu'on ne peut pas voter contre un budget 2024 par simple précaution pour des discussions qui n'ont pas encore abouti pour 2025.
Vous avez tous souligné la pépite que représente l'enseignement agricole. Alors que le nombre global d'élèves baisse, celui de cette branche augmente de 1 %. Le nombre d'enseignants est quant à lui maintenu. Il faut savoir que cet enseignement s'organise autour de très petits effectifs ; une augmentation de 1 % des élèves ne requiert donc pas forcément une hausse significative du nombre d'enseignants.
Je ne sais pas si tous les enseignants vont, dans le cadre du pacte, « travailler plus pour gagner plus ». Beaucoup vont simplement être rémunérés pour un travail qu'ils faisaient déjà, ce qui est une bonne chose. Les briques choisies ont aussi leur importance. Aller faire de la promotion et de l'information au sein d'autres établissements pour recruter de futurs élèves est par exemple une bonne orientation.
On parle beaucoup des déserts médicaux, mais on sait que les déserts vétérinaires sont encore plus désertiques. Il faudra donc se confronter à cette problématique, qui relève d'ailleurs d'une réflexion complexe sur l'orientation et la sélection. Des vétérinaires sont effectivement diplômés chaque année ; le problème est que peu d'entre eux vont exercer en milieu rural. Cette désaffection s'explique peut-être par la sélection de notre enseignement supérieur, qui choisit plutôt des enfants issus des catégories socioprofessionnelles les plus favorisées dans des zones très urbaines, des enfants que l'on ne retrouve pas par la suite sur des terrains d'exercice ruraux. Il faudra donc s'interroger sur ce décalage, qui touche les vétérinaires comme les autres professions.
Augmentation du nombre d'élèves, budget en hausse... J'encourage tous ceux qui souhaitent voir le verre à moitié plein à voter ces crédits.
La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits du programme 143 « Enseignement technique agricole ».