LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
Jeudi 26 octobre 2023
- Ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire - Direction générale de l'enseignement et de la recherche : MM. Benoît BONAIME, directeur général de l'enseignement et de la recherche, Denis DEBAT, responsable de la cellule d'appui au pilotage, et Cédric MONTESINOS, sous-directeur des établissements, des dotations et des compétences.
- Conseil national de l'enseignement agricole privé : Mme Florence MACHEFER, secrétaire générale.
Jeudi 9 novembre 2023
Union nationale des maisons familiales rurales d'éducation et d'orientation : MM. Dominique RAVON, président, et Roland GRIMAULT, directeur.
Mercredi 15 novembre 2023
Table ronde des acteurs de l'enseignement agricole public
- SEA-UNSA : MM. Didier FLEURY, secrétaire général, Manuel DEVEAUD, secrétaire général adjoint,
- SGEN-CFDT : Mme Béatrice LAUGRAUD, secrétaire fédéral, et M. Jean-François LECLANCHE, secrétaire fédéral ;
- SNETAP-FSU : Mme Laurence DAUTRAIX, co-secrétaire générale, M. Frédéric CHASSAGNETTE, co-secrétaire général, Mme Claire PINAULT, secrétaire nationale en charge de la politique scolaire et de la laïcité, M. Olivier GAUTIE, secrétaire général adjoint en charge de la politique scolaire et de la laïcité.
- ANNEXE
Audition de M. Marc Fesneau,
ministre de l'agriculture
et de la souveraineté alimentaire
JEUDI 23 NOVEMBRE 2023
M. Laurent Lafon, président. - Monsieur le ministre, nous vous recevons aujourd'hui en vue de l'examen, par le Sénat, des crédits consacrés à l'enseignement agricole dans le projet de loi de finances pour 2024.
Votre présence parmi nous, au lendemain de l'examen du rapport de Jacques Grosperrin sur les crédits de l'enseignement scolaire, nous donne l'occasion de témoigner de l'attachement de notre commission à l'enseignement agricole, à sa diversité, à sa place dans notre système éducatif et aux moyens alloués à son fonctionnement. Cet attachement du Sénat en général et de notre commission en particulier à cette « spécificité française » que représente l'enseignement agricole n'est pas nouveau.
À l'occasion de l'examen du projet de loi de finances pour 2021, nous nous étions en effet fortement mobilisés pour alerter votre prédécesseur sur les risques encourus par cet enseignement si le schéma de rationalisation des moyens et la trajectoire budgétaire envisagés par le Gouvernement n'étaient pas amendés.
Par la voix de notre collègue Mme Nathalie Delattre, rapporteure à l'époque, une mission d'information sénatoriale avait élaboré l'année suivante pas moins de 45 recommandations destinées à préserver « un enseignement agricole de qualité, dans l'intérêt des filières agricoles et alimentaires, au nom de la cohésion des territoires ».
Vous aurez l'occasion de nous indiquer dans quelques instants si, deux ans après la publication de ce document, les recommandations relevant de votre compétence ont pu être mises en oeuvre et si les difficultés identifiées à l'époque demeurent d'actualité.
Je pense en particulier à la concurrence entre établissements de l'enseignement agricole entre eux sur certains territoires, ainsi qu'à la concurrence entre les formations dispensées par ces établissements et ceux de l'éducation nationale, voire avec les formations dispensées par certaines officines du secteur privé lucratif, pour reprendre le terme de Stéphane Piednoir, au moment où l'apprentissage connaît une progression spectaculaire.
Vous aurez sans doute également à coeur d'évoquer le pacte d'avenir qui devait accompagner le projet de loi d'orientation et d'avenir agricole, annoncé par le Président de la République le 9 septembre 2022, que vous aviez longuement détaillé devant nous l'an dernier et que nous avons perdu de vue depuis lors.
Ce pacte devait en particulier contenir un axe consacré à la formation et à l'orientation des futurs « professionnels du vivant ». Nous serions particulièrement intéressés par les éléments que vous pourriez nous apporter sur le résultat des différentes concertations lancées à ce sujet au cours de l'année 2023.
M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire. - Merci de votre invitation à faire un point sur l'enseignement agricole et les crédits qui lui sont consacrés. Je sais l'attachement du Sénat à ce système éducatif, souvent méconnu ou mal connu, alors que sa pédagogie, sa contribution à l'émancipation de nos jeunes, l'engagement de ses équipes éducatives et son rôle essentiel pour le renouvellement des générations en agriculture et globalement pour le secteur agricole et bien d'autres secteurs méritent d'être reconnus, soutenus et valorisés - ce sont aussi des établissements présents sur le territoire.
C'est un budget en hausse de 6,3 % que je viens vous présenter, hausse qui, une fois les transferts de la mission « Enseignement scolaire » réalisés, atteindra près de 10 %. Il s'agit d'une hausse historique.
Je tiens dès ce préambule à remercier la sénatrice Nathalie Delattre pour son engagement, durant plusieurs années, en tant que rapporteure de ce budget et à saluer votre nouveau rapporteur, M. Bernard Fialaire, pour la qualité des travaux qu'il a menés.
L'enseignement agricole est un appareil de formation moderne, porteur de sens, qu'il convient de consolider.
L'enseignement agricole prépare à une diversité de métiers - plus de 200 -, avec de multiples formations. Il s'agit : des métiers des filières agricole et agroalimentaire et de la filière forêt-bois ; de ceux liés à la préservation et à la mise en valeur des milieux naturels ; des vétérinaires ; des métiers de l'entretien et de la création d'aménagements paysagers ; et de ceux liés aux services aux personnes âgées ou à la petite enfance en milieu rural, aux services dans les territoires, au tourisme, à l'animation, à la communication, au commerce et à la vente. Autrement dit, de très nombreux métiers principalement localisés dans les territoires ruraux.
Avec 800 établissements présents sur l'ensemble du territoire métropolitain et ultramarin en 2023, l'enseignement agricole dispose donc d'un enracinement local et d'une capacité d'innovation et d'expérimentation dans nos territoires. Je tiens à souligner la qualité des relations avec les responsables de l'enseignement agricole, public comme privé, et l'implication de ceux-ci dans les grands enjeux de cet enseignement, chacun jouant un rôle singulier et complémentaire.
L'année scolaire 2023-2024 est marquée par la poursuite de l'augmentation globale du nombre de jeunes qui suivent une formation de l'enseignement agricole. Dans un contexte de démographie globale déclinante, c'est un des rares secteurs qui voit ainsi ses effectifs légèrement progresser. Cela montre l'intérêt des jeunes générations pour ce type d'enseignement.
Sur le long cours, les effectifs totaux de l'enseignement agricole augmentent de manière constante depuis 2018, avec une hausse de 4,6 % d'élèves, étudiants et apprentis entre 2019 et 2022. S'agissant spécifiquement de l'enseignement agricole technique, il comptait 196 000 élèves à la rentrée 2022, soit une augmentation de 0,3 % par rapport à l'année précédente et de 4 % depuis 2019. Une dynamique est ainsi enclenchée.
L'enseignement agricole veille au cheminement de chaque apprenant : à ceux qui ont déjà un projet assez défini, il propose la formation adaptée ; à ceux qui cherchent leur voie, il propose tout un éventail de possibilités et un accompagnement personnalisé. C'est une grande force.
Je voudrais souligner l'attention toute particulière que l'enseignement agricole porte aux plus modestes. Bien qu'accueillant des élèves au profil social globalement moins favorable que ceux de l'éducation nationale, les taux de réussite aux examens et les taux d'insertion professionnelle de ses élèves sont régulièrement supérieurs à ceux de l'éducation nationale, comme l'a souligné le rapport de 2021 de la Cour des comptes sur le coût et la performance de l'enseignement agricole technique.
Je voudrais également insister sur le fait que l'enseignement agricole veille à l'engagement des jeunes tant dans la classe que hors de la classe - c'est un accompagnement global -, avec la démarche d'écodélégués. Dans le cadre des associations des lycéens, étudiants, stagiaires et apprentis et des associations sportives, il propose un enseignement socioculturel et une ouverture sur l'international reconnus.
L'enseignement agricole technique dispose d'un budget 2024 qui lui permet de préparer l'avenir par l'innovation et la formation de nos jeunes, face aux défis majeurs de renouvellement des générations en agriculture et de l'adaptation au changement climatique.
En effet, le programme 143 dispose d'un budget de 1,7 milliard d'euros, en augmentation de 100 millions d'euros par rapport à la loi de finances initiale (LFI) pour 2023.
Le transfert de 76,8 millions d'euros additionnels au projet de loi de finances (PLF) pour 2024 depuis le programme 141 « Enseignement scolaire public du second degré » pour financer le « pacte enseignant » portera la hausse réelle à 176,8 millions d'euros, soit une augmentation de 10 %, marquant la priorité donnée par le Gouvernement à l'éducation.
La première priorité de ce budget, en forte hausse, est donc de renforcer l'attractivité du métier ; je sais qu'il s'agit d'une préoccupation qui sera exprimée par votre rapporteur.
Ce PLF permet notamment de financer plus de personnels, leur « CDIsation » et leur rémunération. Il tend à renforcer les équipes éducatives et les services de médecine scolaire, avec 20 équivalents temps plein (ETP) supplémentaires.
Une hausse des effectifs d'accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH) est prévue dans le PLF, ainsi que la revalorisation de leur rémunération. Elle comprend la « CDIsation » de 223 équivalents temps plein travaillés (ETPT) d'AESH et de 137 ETPT d'assistants d'éducation (AED), soit 360 ETPT au total.
La hausse du point d'indice de la fonction publique représente 10,6 millions d'euros et les mesures en faveur des bas salaires 6 millions d'euros.
S'ajoutent à cela les mesures du « pacte enseignant » ajoutées par transfert au PLF 2024. Un transfert à hauteur de 34 millions d'euros financera la partie « socle » du « pacte enseignant », soit l'augmentation des enseignants et conseillers principaux d'éducation (CPE) et les mesures d'amélioration de leurs carrières. Cela correspond à une augmentation de 100 à 230 euros nets de plus par mois pour les enseignants bénéficiant de l'indemnité de suivi et d'orientation des élèves (Isoe), sans condition. C'est une mesure inédite, effective depuis la rentrée 2023.
Un autre transfert de 42,8 millions d'euros financera la partie « briques » du pacte pour les enseignants volontaires. Or, dans l'enseignement agricole, l'adhésion à des missions de briques a été importante : 58 % des agents de l'enseignement agricole, 53 % dans le seul enseignement agricole public, ont souscrit au moins à une des missions du pacte. Chaque brique est rémunérée 1 250 euros brut annuels. Au total, 65 % des briques disponibles ont été attribuées, soit une moyenne de 2,6 briques, pour environ 240 euros mensuels en plus.
Je veux devant cette commission remercier les équipes de direction des établissements, qui ont accompagné la mise en oeuvre de ce pacte, et les enseignants qui s'y sont engagés résolument. Le versement prochain de la prime dédiée aux directions, prévue dans le « pacte enseignant », reconnaîtra ce nouvel engagement de leur part. Je redis ma détermination à améliorer leur statut d'emploi. Les discussions avec la direction générale de l'administration et de la fonction publique (DGAFP) sont en cours. Ce statut d'emploi amélioré sera un élément durable de l'attractivité des fonctions, parfois difficiles, de direction.
La deuxième priorité du budget est de renforcer la protection, la santé et l'inclusion de nos élèves. Ainsi, 3,8 millions d'euros sont alloués à la revalorisation des assistants d'éducation (AED) et au recrutement de 39 ETP d'AED. Le renforcement de nos équipes de médecine scolaire est prévu, de même que celui de la lutte contre le harcèlement scolaire. J'ai à ce propos lancé un plan dédié, conformément aux annonces de la Première ministre, en octobre 2023. Construit sur un engagement de longue date de l'enseignement agricole, ce nouveau plan renforce la prévention, la vigilance, le traitement des cas signalés, les sanctions, et généralise l'accès au 3018 pour tous dans l'enseignement agricole.
Par ailleurs, après une augmentation de 10,3 millions d'euros en 2023, notre politique d'école inclusive verra son budget augmenter de 3,5 millions d'euros en 2024, dont 0,7 million d'euros sont d'ores et déjà inscrits au PLF 2024 et 2,8 millions feront l'objet d'un transfert en gestion à partir du programme 230.
La troisième priorité est de renforcer l'attractivité de l'enseignement agricole pour les apprenants. Parmi les mesures prises, je souhaiterais en mettre trois en avant.
Tout d'abord, le budget de l'enseignement agricole augmente de 66,7 millions d'euros pour financer l'allocation des élèves de la voie professionnelle, comme annoncé par le Président de la République dans le cadre de la réforme de la voie professionnelle. Les semaines de stages réalisées permettront aux élèves de certificat d'aptitude professionnelle agricole (Capa) et de baccalauréat professionnel de bénéficier de cette allocation pour l'année 2023-2024. Le système sera opérant à partir de début 2024.
Le ministère de l'agriculture met en place la rénovation de ses baccalauréats professionnels. Je veux m'y attarder, car certains d'entre vous m'ont saisi à ce sujet, comme l'ont fait certains syndicats. Ce travail de rénovation pédagogique a été lancé dès 2020, soumis à nos instances à partir de 2021 et ces baccalauréats professionnels rénovés se mettent en place en classe de première en cette rentrée.
Sur le fond, cette rénovation poursuit un but pédagogique : renforcer les temps permettant aux élèves d'appréhender les compétences dans une approche globale et de manière concertée. Il s'agit en particulier des temps d'enseignement en pluridisciplinarité, c'est-à-dire avec l'intervention conjointe de deux enseignants, de deux disciplines différentes, face aux élèves, par exemple mathématiques et agronomie.
Cela se traduit concrètement par une semaine de plus de stage collectif, davantage d'enseignants invités à faire des cours en pluridisciplinarité, et une semaine dite blanche en plus pour que les équipes d'un établissement puissent adapter leurs modalités d'enseignement et d'accompagnement des élèves, ou préparer cette intervention et les projets qui vont avec.
L'évolution des grilles horaires et du décompte des heures de « pluri » entraîne des réactions de syndicats des personnels. Je veux d'ores et déjà vous indiquer que cette rénovation du baccalauréat professionnel ne se fait pas avec moins de dotations horaires pour les enseignants, mais, au contraire, légèrement plus. Il n'y a donc pas de recherche d'économies sur la rémunération des enseignants.
Nous assumons qu'il y ait des changements de grilles horaires et de l'organisation des semaines de cours, des semaines de stage et des semaines blanches. Certaines semaines font l'objet d'un décompte précis des horaires, d'autres non ; certaines fiches de services ont donc évolué.
Ce nouvel équilibre - conçu pour une seule raison : améliorer la formation, à moyens constants voire avec un peu plus - nécessite d'être mieux explicité et mieux accompagné. Je m'y emploierai, dans un souci de dialogue auprès des chefs d'établissements agricoles, que j'ai par ailleurs rencontré ce week-end.
Enfin, ce budget poursuit notre engagement en matière d'orientation et d'attractivité. Depuis le lancement de la campagne de communication « L'Aventure du vivant », je constate que l'attractivité des formations aux métiers de l'enseignement et du vivant est plus importante. Par ailleurs, l'agriculture, l'agroalimentaire et leurs métiers ont été mis au coeur des priorités de la convention-cadre relative à la découverte des métiers pour les collégiens des classes de 5e, 4e, 3e qui sera prochainement signée par les différents ministres concernés et régions de France.
La quatrième et dernière priorité concerne les transitions et le renouvellement des générations. Placée au coeur du pacte et de la loi d'orientation et d'avenir agricoles (Ploaa), elle a fait l'objet de sept mois de travail, d'un certain nombre de préconisations. Des annonces seront faites par la Première ministre et moi-même dans les semaines qui viennent.
Vous avez pu avoir une impression de silence à ce sujet, monsieur le président, mais je peux vous assurer que le travail continue, notamment sur l'orientation vers ces métiers et sur l'évolution pédagogique, avec un enjeu majeur : faciliter l'intégration dans toutes les formes de métiers et préparer les grandes transitions. Nous avons besoin de former des jeunes, comme exploitants agricoles ou comme salariés, au défi immense de la transition écologique, climatique, voire économique.
L'accélération des transitions qui s'imposent à l'agriculture nécessite des compétences nouvelles pour les futurs professionnels. Le pacte et la loi comporteront donc des mesures de découverte de l'agriculture, d'orientation au collège et au lycée, de création de contrats locaux autour des établissements pour relancer des formations, mais aussi la création d'un bachelor bac+ 3 agro, pour accompagner la montée en compétences, ainsi qu'un processus massif de formation continue des enseignants, formateurs et conseillers pour préparer et accompagner au mieux leurs apprenants et les futurs agriculteurs de France.
Ce budget est une étape importante pour reconnaître l'engagement des équipes éducatives, protéger et accompagner les apprenants et consolider un système qui marche. Il permet à l'enseignement agricole de se préparer à devenir un outil déterminant pour relever les grands défis de souveraineté de cette décennie que représentent le renouvellement des générations et les transitions écologique et climatique.
M. Bernard Fialaire, rapporteur pour avis des crédits de l'enseignement technique agricole. - Ma première question porte sur l'attractivité de l'enseignement technique agricole. À la rentrée 2023, le nombre d'élèves est certes en légère hausse, sous l'effet notamment du succès de l'apprentissage. Cette augmentation des effectifs d'environ 1 % par an depuis cinq ans est pourtant bien loin de la nécessité de 30 % d'élèves supplémentaires d'ici à 2030 pour répondre au défi du renouvellement des générations en agriculture. Pourriez-vous nous indiquer les actions mises en oeuvre pour renforcer l'attractivité des filières de l'enseignement technique agricole ?
Qui dit attractivité dit nécessité de recrutement. L'enseignement agricole, composé de petits effectifs, fait face aux mêmes difficultés que le secteur de l'enseignement général dans ce domaine. Quelles mesures envisagez-vous, au-delà du « pacte enseignant », pour répondre à cette crise d'attractivité ? Envisagez-vous, par exemple, pour certaines disciplines techniques et professionnelles, la mise en place d'une voie dérogatoire pour permettre le recrutement d'enseignants au niveau licence et non bac + 5, comme c'est le cas actuellement ?
Pourriez-vous faire un point sur les implications des travaux menés dans le cadre de la loi d'orientation et d'avenir agricoles ? Des crédits supplémentaires viendront-ils abonder le programme 143 en 2024 pour la mise en oeuvre de cette réforme ?
Enfin, vous annonciez la semaine dernière que les agriculteurs sinistrés en novembre par les tempêtes et les inondations en Bretagne, en Normandie et dans les Hauts-de-France pourraient bénéficier d'un fonds de 80 millions d'euros. Des établissements de l'enseignement agricole ont-ils été touchés par les intempéries ? Le cas échéant, sont-ils éligibles aux aides annoncées par le ministère ?
La direction générale de l'enseignement et de la recherche (DGER) nous a précisé le succès des échanges internationaux dans l'enseignement agricole, avec 9 % des étudiants qui bénéficient de crédits Erasmus.
Une coopération se pratique notamment avec des pays africains, qui nous envoient beaucoup d'étudiants désireux d'adapter leurs méthodes agroculturales aux nouvelles conditions climatiques qui frappent leur pays. Dans ce contexte, quel partenariat peut-on mettre en place avec eux pour leur enseigner les nouvelles techniques que nous maîtrisons ?
Les établissements sont très touchés par la hausse du coût de l'énergie - certains d'entre eux évoquent une augmentation de plus de 500 % de leurs frais ! Ce problème touche notamment les établissements privés catholiques, qui ne bénéficient pas partout de la participation des régions : ils sont obligés d'augmenter les frais de scolarité, alors que 45 % de leurs élèves sont boursiers.
Vous avez également évoqué les problèmes soulevés par l'école inclusive. Si dans le secteur public on parle d'AESH, dans le privé ce sont des auxiliaires de vie scolaire (AVS), dont le statut est moins attractif et pérenne. Peut-on envisager que ces établissements bénéficient d'AESH ?
Enfin, l'agronomie - ensemble de sciences exactes, naturelles, économiques et sociales nécessaires pour pratiquer et comprendre l'agriculture - n'est désormais plus qu'une option dans l'enseignement général de la filière agricole. Certaines voix parmi les syndicats de l'enseignement agricole s'en sont émues. Envisagez-vous de revenir sur cette suppression ?
M. Marc Fesneau, ministre. - Concernant la question de l'attractivité des métiers de l'enseignement agricole, vous dites qu'il faudrait former 30 % d'agriculteurs supplémentaires. Tous nos étudiants au sein des formations agricoles ne deviendront pas forcément chefs d'exploitation agricole. Nous devons les y encourager. Il faut améliorer le processus de découverte des différents métiers, ce que nos futurs loi et pacte permettront de faire au niveau national.
Il est central pour l'attractivité de ces métiers que leur découverte s'effectue au plus tôt, pourquoi pas dès l'école primaire. La découverte au collège me paraît un peu tardive. N'oublions pas que notre population vit aujourd'hui principalement dans les villes, loin de la campagne. Aussi, ce qui était par le passé une découverte du quotidien pour les enfants ne l'est plus de nos jours. Nous avons besoin de travailler dès le plus jeune âge sur ces questions.
Il faut d'ailleurs se dire, et c'est une révolution, que la plupart de nos futurs agriculteurs ne seront pas du tout issus du monde agricole. C'est en intégrant le fait que notre vivier est désormais urbain que nous arriverons à renouveler nos générations dans ces métiers.
C'est notamment la raison pour laquelle nous travaillons avec les chambres d'agriculture au déploiement massif de stages agricoles auprès des collèges, afin d'initier davantage les jeunes à ces métiers.
Après la crise d'attractivité des apprenants, j'en viens à la crise d'attractivité du métier d'enseignant agricole. Vous l'avez relevé, monsieur le rapporteur, la crise est assez globale, et cela fait partie des objectifs du « pacte enseignant » que de revaloriser ce secteur. Il s'agit d'insister sur le fait que le métier d'enseignant agricole est un métier d'avenir, porteur de sens - la rémunération n'est pas le seul levier. Nous essayons par ailleurs d'innover en recrutant au niveau licence et en formant en interne au niveau master pour avoir de nouveaux enseignants.
Une grande partie de ces mesures est déjà budgétée, grâce à une hausse de près de 20 % des crédits, ajoutée aux 600 ou 700 millions d'euros supplémentaires du budget précédent. Définissons déjà la façon de déployer ces moyens, avant d'estimer si des compléments financiers sont nécessaires.
Nous n'avons pas attendu la loi et le pacte pour présenter des éléments budgétaires. Ces deux outils permettront de dégager dans un second temps la cohérence d'ensemble de ce travail.
Sur l'école inclusive, effectivement, il s'agit d'AVS dans le privé et non d'AESH. Malheureusement, il est impossible d'avoir des contrats de droit public dans le privé, mais les améliorations apportées au statut d'AESH ont vocation à être étendues aux autres statuts. Le chantier est ouvert, mais il faut effectivement faire attention à ne pas léser les uns par rapport aux autres.
Concernant les intempéries, le fonds de 80 millions d'euros que j'ai annoncé est à destination du secteur agricole. Le bâti n'a en général pas beaucoup été touché par la tempête et il est en général bien assuré, même s'il est bien sûr important d'y veiller.
Sur la coopération avec les pays qui subissent encore plus que nous le dérèglement climatique, nos programmes sont nombreux, notamment auprès du Sénégal, de la Côte d'Ivoire ou encore de l'Angola. C'est une tradition de l'enseignement agricole qui a vocation à se poursuivre. Cela pourra faire l'objet d'un point plus précis.
Nous avons effectivement noté des difficultés relatives au coût énergétique supporté par certains établissements. Si le fonds de roulement a pu être une aide dans certains cas, ce n'est pas une solution pérenne. Nous essaierons en 2024 de trouver le dispositif le plus adéquat.
Sur l'agronomie qui n'est plus qu'une option, je vous indique que l'agroécologie fait partie de 72 % des programmes. L'agroécologie, c'est l'agronomie tournée vers la transition écologique. Je signale que l'agronomie figure également dans la filière du baccalauréat général, au sein de la spécialité « biologie-écologie ».
Mme Annick Billon. - En novembre 2023, une centaine d'enseignants ont signifié leur mécontentement d'avoir à « travailler plus pour gagner autant », selon leur slogan. Ils remettaient notamment en question la méthode de calcul mise en application sur 30 % des régions académiques, avant d'être généralisée. Que leur répondez-vous ? Comment expliquez-vous cette nouvelle méthode de calcul ?
Le harcèlement scolaire est-il abordé différemment dans l'enseignement agricole ? Les outils de l'enseignement scolaire classique doivent-ils être adaptés spécifiquement à ce secteur ? Le phénomène y est-il aussi massif ?
Les budgets sont en effet à la hausse, la nouvelle attractivité de ces filières auprès des jeunes est positive, mais sait-on précisément combien de personnes en situation de handicap y sont accueillies ? L'augmentation de postes affichés d'AVS dans les budgets ne nous dit pas toujours si un accueil qualitatif des élèves est bien assuré.
Je souhaiterais également revenir sur les maisons familiales rurales (MFR). La négociation en cours avec la DGER sur l'aide par élève à destination de ces maisons semble s'orienter vers un échec pour cette année. Pouvez-vous prendre l'engagement d'une aide revue pour 2025 ? C'est un réseau extrêmement développé sur mon territoire, qui répond à une demande importante.
J'évoquerai pour finir le camion de « L'aventure du vivant », auquel des millions d'euros sont consacrés, mais que les personnes auditionnées n'ont jamais vu. Nous sommes très sceptiques sur l'efficacité de ce dispositif compte tenu de son budget.
Mme Marie-Pierre Monier. - Je rebondis sur deux questions de mes collègues auxquelles vous avez partiellement répondu.
Comment se fait-il que les enseignants eux-mêmes nous interpellent sur la disparition de l'agronomie dans les programmes ? Il semble y avoir un vrai sujet sur ce point selon nos auditions.
Ensuite, l'évolution des fiches de services, évoquée par ma collègue Annick Billon, entraîne bien un changement, qui se traduit notamment pour les enseignants par des heures supplémentaires perdues ; leur slogan « travailler plus pour gagner autant » vise juste. On comprend donc que cette mesure soit mal perçue, d'autant que, vous l'avez vous-même souligné, un problème d'attractivité salariale persiste ; il concerne par ailleurs l'ensemble du secteur de l'enseignement, aussi bien général qu'agricole.
Ce nouveau mode de calcul qui concerne la pluridisciplinarité des baccalauréats professionnels a-t-il vocation à se généraliser dans l'enseignement agricole ?
Une autre question concerne spécifiquement les lycées maritimes. La loi n° 2022-1574 du 16 décembre 2022 visant à lutter contre la précarité des accompagnants d'élèves en situation de handicap et des assistants d'éducation prévoit de « CDIser » les AESH au bout de trois ans. Or le ministère de la transition écologique, dont dépendent les lycées maritimes, ne tire pas la même interprétation de la loi et préfère recruter de nouveaux CDD passé ce délai. Est-il prévu de remédier à cette iniquité de traitement entre enseignement agricole et enseignement maritime ?
Toujours au sujet des AESH, 300 d'entre eux ont été « CDisés » à la rentrée sur les près de 800 accompagnants que compte l'enseignement agricole. Ces personnes ne dépendent donc plus des établissements où elles exercent, mais du ministère de l'agriculture. Avez-vous suffisamment de ressources humaines pour répondre à cette évolution ?
Enfin, vous avez évoqué la création de 20 ETP supplémentaires destinés aux services de médecine scolaire et sociaux, alors que vous mentionnez un effectif d'élèves en augmentation et que 316 emplois ont été supprimés entre 2017 et 2022. Cela m'interroge.
M. Gérard Lahellec. - Merci, monsieur le ministre, d'avoir rappelé les enjeux de l'agriculture. Venant de Bretagne, ils me concernent de près.
D'emblée, je soulignerai la nécessité d'une très grande ambition publique, à la fois pour réussir les mutations en cours et pour améliorer les moyens de l'enseignement agricole public. Sans vouloir dresser une opposition entre les établissements privés et publics, j'observe que ces derniers ne bénéficient pas des mêmes moyens. Au-delà des réponses budgétaires à apporter, notre région a peut-être trouvé une solution en mettant en place un groupement d'intérêt public (GIP) regroupant l'ensemble des lycées publics des territoires.
Si le budget est en soi positif, son appréciation ne vaut qu'en le rapportant aux objectifs fixés. Son augmentation sensible et les efforts produits dans le secteur médico-social méritent certes d'être pointés : 20 ETP supplémentaires, ajoutés aux 10 ETP censés avoir été créés - est-ce bien le cas ? - dans le précédent budget.
Enfin, le réajustement du temps de travail suscite manifestement de l'émotion et des questionnements de la part de nos enseignants. Tout éclairage à ce sujet, qui participe par ailleurs à l'attractivité du métier, est bienvenu.
M. Martin Lévrier. - Le développement de l'apprentissage agricole se concentre-t-il plus sur le post-baccalauréat que sur le pré-baccalauréat, comme dans les autres filières ? Comment améliorer le niveau pré-baccalauréat, si c'est le cas ?
La loi sur l'apprentissage devait permettre de créer des unités de formation par apprentissage (UFA) ou des centres de formation d'apprentis (CFA) liés aux lycées professionnels. Se sont-ils développés dans le secteur de l'agriculture ? Est-ce une piste envisagée de développement de l'apprentissage au niveau pré-baccalauréat, qui aiderait notamment à la pluridisciplinarité ?
Comme vous l'avez noté, le vivier d'agriculteurs vient aujourd'hui plutôt du monde urbain. Dans cette logique, le budget prévoit-il de développer des internats destinés aux jeunes qui souhaiteraient se former aux métiers de la ruralité, sachant qu'il est difficile de créer des fermes au milieu de Paris ?
Dernier point, sous forme d'humour : plus de 52 % des enseignants du monde agricole se sont approprié les « briques » dans le pacte, ce qui est un grand succès compte tenu de la frilosité habituelle dans l'éducation nationale. Quelle est votre recette ? Est-ce à base de carottes ? (Sourires.)
Mme Monique de Marco. - Au regard de l'importance et des enjeux de la future loi d'orientation et d'avenir agricoles, comment allez-vous renforcer l'enseignement de l'agroécologie paysanne et de l'agriculture biologique dans les programmes de l'enseignement agricole, afin qu'ils ne soient pas relégués en une simple option ?
Mme Colombe Brossel. - On peut se réjouir de la création de postes médico-sociaux. Des créations de postes avaient déjà eu lieu l'année dernière. Quelle est la proportion de postes réellement occupés ? Les temps de trajet de ces professionnels de l'enseignement agricole sont en moyenne plus importants que dans l'enseignement public général. Une réorganisation ou une mutualisation est-elle à l'ordre du jour pour améliorer l'attractivité de ces postes ? Est-il farfelu d'imaginer des mutualisations avec l'éducation nationale ?
Enfin, comment expliquez-vous la baisse du budget des bourses sur critères sociaux, estimé à 44 millions d'euros, observée également dans l'enseignement général ? Le ministre de l'éducation nationale l'a pour sa part justifiée par la baisse démographique observée depuis quelques années, mais, en ce qui concerne votre budget, le nombre d'étudiants est au contraire à la hausse, avec des jeunes qui présentent des profils économiques moins favorisés que ceux de la filière générale.
Mme Catherine Morin-Desailly. - Vous avez souligné à quel point il était important de bien orienter nos jeunes vers ces métiers d'avenir. Comment coopérez-vous avec les régions, dont la compétence englobe le financement des infrastructures scolaires, mais aussi l'orientation professionnelle ?
Mme Karine Daniel. - J'élargirai la question des emplois dédiés mais pas forcément pourvus aux conseillers principaux d'éducation (CPE).
Concernant le volet relatif à l'enseignement supérieur et à la recherche de l'enseignement agricole, on constate ici aussi un décrochage entre les établissements publics et les établissements privés sur l'accueil réservé aux boursiers. Ils ne bénéficient pas toujours de l'aide à la mobilité internationale (AMI) pour accéder aux échanges à l'étranger. Dans un souci d'équité, il serait bien d'y remédier.
La loi relative à l'enseignement supérieur et la recherche a permis aux établissements privés d'ouvrir des formations vétérinaires. Une première école l'a mis en place, celle d'UniLaSalle à Beauvais. Avez-vous des retours sur les effets de cette ouverture ? Où en sont les accréditations européennes sur ce type de formation ? Le ministère de l'agriculture a-t-il l'intention d'évaluer et de consolider cette nouvelle possibilité ?
M. Michel Laugier. - Les établissements de l'enseignement agricole connaissent-ils les mêmes problèmes d'insécurité, d'incivilités, de non-respect des enseignants et des valeurs de la République et de tenues vestimentaires inappropriées que dans l'enseignement général ? Des moyens ont-ils été mis en place à cet effet ?
M. Marc Fesneau, ministre. - J'entends l'émotion que suscite la modification des fiches de service, mais j'insiste sur ce fait : le temps de travail des enseignants n'augmente d'aucune façon. Il y a, certes, une réorganisation du temps de travail, mais le volume horaire reste inchangé. Cela revient donc à « travailler autant et différemment pour gagner autant » et non « travailler plus pour gagner autant ». Aucune économie budgétaire n'est réalisée à ce niveau.
Je reconnais que l'évolution pédagogique peut être un chamboulement mal vécu par certains, mais il faut savoir faire preuve de souplesse ; le domaine de l'éducation n'est pas intangible. Cependant, même si le mouvement de contestation évoqué par Mme Billon n'est pas massif - il concerne cent à deux cents agents -, c'est notre devoir de mieux expliquer l'intérêt de cette mesure que j'assume. Elle est essentielle pour mettre en place la pluridisciplinarité, dont nos futurs exploitants agricoles ont plus que jamais besoin pour s'adapter aux défis de demain.
Concernant les MFR, l'échec des négociations n'est pas acté. La discussion est en cours et il se peut qu'on arrive à un terrain d'entente. L'enseignement agricole est formidable par la diversité de ses formations et de sa géographie, dont les MFR sont une composante importante sur nos territoires, notamment auprès des communes de petite taille. Ces maisons jouent un rôle essentiel auprès des familles, mais aussi en matière d'inclusivité. Le budget est resté égal alors qu'on observe une baisse constante des effectifs. Il est légitime de mettre les moyens en adéquation avec les besoins.
Sur le camion de « L'aventure du vivant », j'entends toujours la même chose : « Il est bien votre camion, mais on ne le voit pas ! » Il faut savoir qu'il n'en existe qu'un ou deux, le dispositif est donc limité pour couvrir toute la France. Pour ma part, je l'ai vu à Tours, aux côtés de 45 000 visiteurs, mais peut-être apparaît-il seulement lors de mes déplacements ! (Sourires.) J'entends la remarque, mais quoi qu'on en dise le concept « d'aller vers » est intéressant. Le format impliquant à la fois des enseignants et des apprenants est original et s'avère très utile pour susciter de nouvelles vocations auprès des jeunes.
Est-ce que l'on compte généraliser la pluridisciplinarité ? Non. Il faut en faire, mais ne pas faire que cela.
Concernant le statut des AESH dans les lycées maritimes, je prends l'engagement devant vous d'évoquer la question à mon collègue Hervé Berville. Cela ne relève pas de mes compétences.
Je ne suis pas d'accord avec votre remarque sur le budget, monsieur Lahellec. Rien n'est jamais parfait et je n'ai pas pour habitude de verser dans l'autosatisfaction, mais avec plus de 2 milliards d'euros déployés en deux ans, sur un budget de 5 milliards d'euros, il semble que nous soyons à la hauteur des ambitions fixées par les futurs loi et pacte et par la planification écologique.
M. Lévrier m'a interrogé sur l'essor de l'apprentissage dans l'enseignement agricole. Il y a en effet une culture d'engagement incontestable dans ce domaine. L'internat participe en effet fortement à l'intégration de ce nouveau public. L'enseignement agricole est composé à 60 % d'élèves en internat, ce qui favorise l'inclusivité sociale. Le pacte nous permettra d'attirer des élèves « urbains » vers les exploitations agricoles. Nous avons 400 000 exploitations agricoles en France : il faudrait augmenter le nombre d'exploitations qui pourraient accueillir des jeunes.
Près de 400 « CDIsations » d'AESH ont bien été reprises en gestion et en paye par le ministère de l'agriculture. Ce n'est pas un petit dossier ! Des moyens supplémentaires ont été prévus l'année dernière pour répondre à cette mission de ressources humaines. Nous essaierons de résoudre ce dossier en 2024, en toute transparence avec les agents concernés.
Madame Brossel, le taux de couverture des postes à la rentrée est de 99 %. Nous devons travailler sur l'attractivité, notamment par le biais du « pacte enseignant ». Ce n'est pas simple, nous oeuvrons à mieux faire connaître l'enseignement agricole, loin des caricatures. On n'y forme pas uniquement des exploitants agricoles, il y a plus de 200 métiers différents. Par ailleurs, seuls 10 % des jeunes de cette filière ont des parents agriculteurs. Contrairement aux idées reçues, c'est un enseignement quasiment paritaire, avec 46 % de femmes. En revanche, des différences demeurent dans les différentes professions : le milieu forestier n'est pas très féminin, par exemple.
Madame de Marco, en ce qui concerne les enseignements, regardez les référentiels : on enseigne tout ce que sera l'agriculture de demain, l'agroécologie notamment. Avec le dérèglement climatique, nos jeunes feront face à de nombreux enjeux, donc l'agroécologie est un principe de base. L'adaptation, la capacité, la mobilité, l'agilité sont fondamentales, car le monde a beaucoup changé et continue d'évoluer. Nous sommes entrés dans une ère d'incertitude, dans laquelle il faut apprendre à naviguer plutôt que de se réfugier dans la peur et le repli. Nous allons travailler sur l'acquisition de compétences « psycho-sociales » pour mieux préparer les jeunes à faire face à ce monde d'incertitudes.
Le monde agricole souffre déjà d'un grand mal-être. Pour attirer des jeunes, il est nécessaire de bien expliquer en quoi consistent ces métiers méconnus. Par exemple, l'image des forestiers, c'est la coupe rase et la tronçonneuse, ce qui n'attire pas beaucoup, alors que d'autres métiers existent, de plantation, d'observation, de conseil, qui doivent être valorisés. Aujourd'hui, des enfants n'osent pas dire que leurs parents travaillent dans des abattoirs ; pourtant, là aussi, nous avons besoin de recruter.
Par ailleurs, dans les lycées agricoles, nous travaillons beaucoup sur les objectifs d'Égalim, les écocitoyens, notamment parce que l'internat permet de disposer de temps dédiés. Nous sommes plutôt bien avancés sur ces questions.
Sur la question du recrutement de médecins, on est dans la trajectoire avec plus de 20 équivalents temps plein (ETP).
Concernant la mutualisation, j'essaie de respecter la biodiversité des écosystèmes d'enseignement qui fonctionnent plutôt bien. Le premier élément de mutualisation passe par le renforcement du dialogue entre les équipes de l'enseignement général et de l'enseignement agricole pour favoriser les passerelles entre ces deux mondes.
À propos de la nouvelle école vétérinaire, la deuxième promotion vient d'être accueillie, il est trop tôt pour faire un bilan. Pendant longtemps, nous avons négligé de former des vétérinaires en nombre suffisant ; beaucoup d'étudiants allaient se former en Belgique ou en Roumanie. Il était nécessaire d'inverser cette démographie désastreuse. Nous augmentons par conséquent les effectifs formés dans les établissements publics. La création d'une école privée en Normandie s'inscrit dans notre objectif de former 75 % de vétérinaires supplémentaires d'ici à 2030. Nous avons réussi à en former déjà 40 % de plus depuis 2017.
Ensuite, un autre défi à relever est celui de leur affectation : il faudrait qu'ils s'installent plus souvent en zone rurale, comme les médecins d'une manière générale, et qu'ils ne fassent pas que de « la canine ». L'enseignement agricole s'appuie de manière plutôt harmonieuse sur le public et le privé, les deux systèmes sont complémentaires et nous en avons besoin pour progresser.
La collaboration avec les régions, qui détiennent une part de la compétence agricole, est bonne, tant sur les questions immobilières que sur les ressources humaines, ou encore sur Égalim.
Les bourses fonctionnent comme un guichet : elles diminuent ou augmentent en fonction de la demande. Si les besoins s'accroissent, il y aura davantage d'argent.
La sécurité dans les lycées agricoles n'est pas différente de celle d'autres établissements, les incidents n'y sont pas plus nombreux et les mêmes règles s'appliquent. La vigilance est de mise sur les questions de respect du principe de laïcité, et la répression des faits signalés est identique à celle pratiquée dans les établissements d'enseignement général. Mais le fait qu'un grand nombre d'élèves soient en internat facilite le travail de pédagogie et d'explicitation et la relation avec les familles.
M. Martin Lévrier. - L'apprentissage est-il autant développé en pré-bac qu'en post-bac ?
M. Marc Fesneau, ministre. - Oui, jusqu'au niveau ingénieur.
M. Laurent Lafon, président. - Merci, monsieur le ministre, pour vos réponses très précises.