- AVANT-PROPOS
- I. I. UN BUDGET EN AUGMENTATION DE PLUS DE
6 %
- II. UNE RENTRÉE 2023 SATISFAISANTE,
MAIS QUI PEUT MIEUX FAIRE
- III. FACE AU BESOIN URGENT DE RENOUVELLEMENT DES
GÉNÉRATIONS D'AGRICULTEURS, AGIR DÈS MAINTENANT POUR
RENFORCER L'ATTRACTIVITÉ DE L'ENSEIGNEMENT AGRICOLE
- A. ENTRE RENOUVELLEMENT DES
GÉNÉRATIONS ET TRANSITION CLIMATIQUE, UN ENSEIGNEMENT AU CoeUR
DES ENJEUX DE DEMAIN
- B. À QUAND LA MISE EN PLACE D'UN PLAN DE
COMMUNICATION PLURIANNUEL EFFICACE POUR PROMOUVOIR LES FORMATIONS DE
L'ENSEIGNEMENT AGRICOLE ?
- C. L'AUGMENTATION DU NOMBRE DE
DIPLÔMÉS DE L'ENSEIGNEMENT AGRICOLE NE POURRA ÊTRE
ASSURÉE SANS REMÉDIER AU DÉCLIN D'ATTRACTIVITÉ DU
MÉTIER D'ENSEIGNANT
- A. ENTRE RENOUVELLEMENT DES
GÉNÉRATIONS ET TRANSITION CLIMATIQUE, UN ENSEIGNEMENT AU CoeUR
DES ENJEUX DE DEMAIN
- I. I. UN BUDGET EN AUGMENTATION DE PLUS DE
6 %
- EXAMEN EN COMMISSION
- LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
- - ANNEXE
N° 133 SÉNAT SESSION ORDINAIRE DE 2023-2024 |
Enregistré à la Présidence du Sénat le 23 novembre 2023 |
AVIS PRÉSENTÉ au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication (1) sur le projet de loi de finances, considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, pour 2024, |
TOME III Fascicule 2 ENSEIGNEMENT SCOLAIRE Enseignement technique agricole |
Par M. Bernard FIALAIRE, Sénateur |
(1) Cette commission est composée de : M. Laurent Lafon, président ; MM. Jérémy Bacchi, Max Brisson, Yan Chantrel, Mme Laure Darcos, MM. Bernard Fialaire, Jacques Grosperrin, Martin Lévrier, Mmes Monique de Marco, Marie-Pierre Monier, M. Michel Savin, vice-présidents ; Mmes Colombe Brossel, Else Joseph, M. Pierre-Antoine Levi, Mme Anne Ventalon, secrétaires ; Mmes Catherine Belrhiti, Annick Billon, Alexandra Borchio Fontimp, MM. Yves Bouloux, Christian Bruyen, Mmes Samantha Cazebonne, Karine Daniel, Sabine Drexler, M. Aymeric Durox, Mmes Agnès Evren, Laurence Garnier, Annick Girardin, Béatrice Gosselin, MM. Jean Hingray, Patrick Kanner, Claude Kern, Mikaele Kulimoetoke, Mme Sonia de La Provôté, MM. Gérard Lahellec, Ahmed Laouedj, Michel Laugier, Jean-Jacques Lozach, Mmes Pauline Martin, Catherine Morin-Desailly, Mathilde Ollivier, MM. Pierre Ouzoulias, Jean-Gérard Paumier, Stéphane Piednoir, Bruno Retailleau, Mme Sylvie Robert, MM. David Ros, Pierre-Jean Verzelen, Cédric Vial, Adel Ziane. |
Voir les numéros : Assemblée nationale (16ème législ.) : 1680, 1715, 1719, 1723, 1745, 1778, 1781, 1805, 1808, 1820 et T.A. 178 Sénat : 127 et 128 à 134 (2023-2024) |
AVANT-PROPOS
Pour 2024, les crédits du programme 143 « Enseignement technique agricole » s'élèvent à 1,7 milliard d'euros, contre 1,59 milliard d'euros dans la loi de finances initiale pour 2023, soit une hausse de 100,16 millions d'euros (+ 6,28 %).
Cette augmentation bienvenue des moyens du programme, liée à la mise en oeuvre de la réforme des lycées professionnels, s'accompagne d'une hausse des équivalents temps plein (ETP) rassurante, qu'il conviendra toutefois de conforter dans les années à venir pour répondre aux défis auxquels est confronté l'enseignement agricole.
En effet, face aux enjeux de renouvellement des générations d'agriculteurs, de souveraineté alimentaire et de transition climatique, l'enseignement agricole doit plus que jamais se réinventer pour former des jeunes à une pluralité croissante de métiers, et atteindre la cible fixée par le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire de 30 % d'élèves supplémentaires à court terme.
Pour autant, si les effectifs scolarisés au sein de l'enseignement agricole sont à nouveau en progression à la rentrée 2023, cette évolution apparait comme étant encore bien insuffisante au regard des impératifs. Il est urgent d'octroyer à l'enseignement agricole les moyens financiers et humains nécessaires à la mise en oeuvre d'un plan de communication pluriannuel de grande ampleur pour valoriser davantage les formations proposées.
Plus encore, pour former davantage de jeunes tout en maintenant la qualité des formations et les petits effectifs qui caractérisent l'enseignement agricole, il est essentiel d'apporter de véritables réponses à la crise d'attractivité du métier d'enseignant. À ce titre, le rapporteur salue la mise en oeuvre du « pacte enseignant » dans l'enseignement agricole mais encourage le Gouvernement à agir davantage pour faciliter le recrutement d'enseignants, en permettant par exemple, pour certaines disciplines techniques et professionnelles, un recrutement à bac+ 3.
I. I. UN BUDGET EN AUGMENTATION DE PLUS DE 6 %
A. DES MOYENS DONT LA PROGRESSION PORTE SUR DES PRIORITÉS EN LIEN AVEC CELLES DE L'ÉDUCATION NATIONALE
Les crédits du programme 143 enregistrent une hausse de 6,28 % pour 2024, soit 100,16 millions d'euros supplémentaires par rapport à la loi de finances initiale pour 2023.
Cette variation globale est portée par :
ð une hausse des dépenses de personnel de 4,25 % avec 45,41 millions d'euros supplémentaires pour 2024, notamment pour financer la revalorisation du point d'indice, le glissement vieillesse technicité et les mesures bas salaires ;
ð une hausse des dépenses hors personnels de 10,41 % avec 54,75 millions d'euros supplémentaires pour 2024, sous l'effet de la mise en oeuvre de l'allocation pour les stagiaires de la voie professionnelle.
Il est à noter que la diminution des crédits de l'action n° 3 est due à une mesure de sincérisation budgétaire, le niveau de la dépense résultant d'une estimation du nombre d'élèves remplissant les conditions d'accès aux différents dispositifs d'aide proposés, au regard des crédits consommés en 2023.
Les crédits de l'action n° 4 voient quant à eux leur niveau baisser de 2,7 millions d'euros (-33,6 %) sous l'effet de deux phénomènes : le transfert des crédits relevant du dispositif national d'appui (DNA) vers l'action n° 5 « Moyens communs à l'enseignement technique agricole (public et privé) » pour un montant de 1,18 million d'euros et une anticipation du déploiement du pass Culture semblable à celui de 2023 (soit une baisse de 1,8 million d'euros sur le pass Culture).
1. Des conditions financières identiques à celles proposées aux élèves de l'Éducation nationale pour rémunérer les périodes de formation en milieu professionnel
Dès la rentrée scolaire 2023-2024, toutes les périodes de stage des lycéens professionnels donneront lieu au versement d'une allocation par l'État.
Cette mesure, qui s'inscrit dans le cadre de la réforme des lycées professionnels annoncée par le Président de la République début 2023, sera mise en oeuvre au bénéfice des élèves de l'enseignement agricole, dans les mêmes modalités et montants qu'à l'Éducation nationale, via la création d'une enveloppe de 66,66 millions d'euros pour 2024 au sein du programme 143.
Cette indemnité est destinée aux élèves de lycées professionnels qui préparent un diplôme professionnel de niveau 3 et 4 (bac professionnel et certificat d'aptitude professionnelle agricole) et qui ont signé une convention de stage avec l'organisme qui les accueille pendant leur période de formation en milieu professionnel. Le montant de la gratification varie en fonction du type de formation et du niveau d'enseignement : 50 euros par semaine de stage en classe de seconde professionnelle et en première année de CAP, 75 euros en classe de première professionnelle et deuxième année de CAP, et 100 euros par semaine en terminale professionnelle.
Si le premier versement n'aura lieu qu'en janvier 2024, les crédits prévus dans le projet de loi de finances intègrent bien la rétroactivité de septembre à décembre 2023, pour 16,67 millions d'euros.
Le rapporteur se félicite de la mise en oeuvre de cette gratification des périodes de stage dans l'enseignement agricole, qui rassemble 15 % des élèves en lycées professionnels.
Avec 96 % de réussite au CAP agricole, 87 % de réussite au bac professionnel et un taux d'insertion professionnelle de 87 % après une formation en lycée professionnel agricole, l'enseignement agricole professionnel est une voie de réussite reconnue qu'il faut davantage valoriser auprès des jeunes.
2. L'alignement bienvenu du niveau de rémunération des assistants d'éducation sur celui pratiqué par le ministère de l'Éducation nationale
Les assistants d'éducation assurent la surveillance des élèves en dehors du temps d'enseignement en classe. Leur rôle est d'autant plus important dans les établissements relevant de l'enseignement technique agricole qu'environ 60 % des élèves sont internes.
Les assistants d'éducation sont recrutés et rémunérés par les établissements publics via le programme 163, la sous-action « assistants d'éducation » bénéficiant pour 2024 d'une hausse de 3,8 millions d'euros, soit un budget total de 37,24 millions d'euros.
Cette hausse permettra, d'une part, d'aligner leur niveau sur celui pratiqué par le ministère de l'Éducation nationale et, d'autre part, de renforcer les moyens d'encadrement à hauteur de 39,5 ETP pour tenir compte notamment de la proportion significative d'élèves internes.
Le rapporteur se réjouit de cet alignement du niveau de rémunération des assistants d'éducation de l'enseignement agricole, qui répond à une demande formulée par la commission à plusieurs reprises ces dernières années. Il encourage toutefois le Gouvernement à intensifier ses efforts en augmentant les moyens en faveur des assistants d'éducation du ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, au vu du fort pourcentage d'internes et des contraintes propres aux établissements agricoles situés dans les territoires ruraux, notamment en termes d'accueil le week-end, que connait moins l'Éducation nationale.
Par ailleurs, le budget en faveur de l'école inclusive devrait également augmenter de 3,5 millions d'euros en 2024 dont 0,7 million est d'ores et déjà inscrit au sein du projet de loi de finances, les 2,8 millions d'euros restants devant faire l'objet d'un transfert en gestion à partir du programme 230 « Vie de l'élève ».
B. UNE ÉVOLUTION POSITIVE DU SCHÉMA D'EMPLOIS À CONSOLIDER
Pour 2024, le schéma d'emplois prévoit une hausse de 20 équivalents temps plein (ETP) sur le programme 143, destinés d'une part au renforcement des services de médecine scolaire et des services sociaux des établissements d'enseignement agricole, et d'autre part à l'accompagnement de la mise en oeuvre des mesures de la loi d'orientation et d'avenir agricoles.
Si le rapporteur se félicite de cette hausse des ETP après les réductions drastiques opérées sur la période 2019-2022, il s'interroge sur la répartition dans les faits de ces nouveaux emplois entre le renforcement des services de médecine scolaire et la mise en oeuvre des mesures de la loi d'orientation et d'avenir agricoles, et donc sur l'efficacité d'une telle augmentation pour répondre à la pénurie de médecins scolaires.
Le rôle du médecin scolaire et des services sociaux des établissements est particulièrement important dans l'enseignement agricole. Le médecin scolaire participe certes au suivi de la santé des apprenants de l'enseignement technique agricole et de promotion de la santé à l'école, mais il s'avère également indispensable pour faciliter la réalisation d'un certain nombre de stages pour les élèves, notamment lorsqu'ils sont mineurs. En effet, l'enseignement agricole comporte de nombreuses périodes de formation en entreprise, au cours desquelles les élèves peuvent être amenés à utiliser certains matériels réputés dangereux. Dans ce cas, ils doivent obtenir un avis médical préalable pour effectuer des travaux réglementés, sans lequel la réalisation de leur stage peut s'avérer compromise.
Le ministère semble conscient des problématiques liées au manque de médecins scolaires dans les établissements, comme en témoigne sa volonté de renforcer ses équipes avec le recrutement de médecins scolaires placés auprès des directions régionales de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt (DRAAF) pour animer des services médico-sociaux à l'échelle régionale. Toutefois, une telle ambition ne pourra être concrétisée sans des moyens humains et financiers à la hauteur des enjeux.
C. DES MOYENS EN FAVEUR DES ÉTABLISSEMENTS QUI STAGNENT MALGRÉ DES DIFFICULTÉS CONJONCTURELLES CROISSANTES
Les crédits hors personnels consacrés à la mise en oeuvre des enseignements dans les établissements publics et privés stagnent dans le projet de loi de finances pour 2024, la baisse de 1,4 million d'euros prévue pour les établissements publics correspondant au terme du contrat de convergence et de transformation qui a permis de réaménager l'EPN de Coconi à Mayotte.
Cette stagnation des moyens en faveur des établissements est particulièrement regrettable, alors même que les établissements ont déjà dû faire face l'année dernière aux effets de la crise énergétique, et à la forte hausse des coûts de fonctionnement des écoles et des fermes pédagogiques, particulièrement énergivores.
Or, l'augmentation des coûts qui s'est poursuivie tout au long de l'année 2023 est venue à nouveau mettre à mal la situation financière des établissements. Des choix budgétaires ont dû être faits par les équipes dirigeantes, avec des arbitrages douloureux pour compenser ces surcoûts, comme la suppression de certaines activités pédagogiques, culturelles, et sportives, ou encore la baisse de la température ambiante dans les bureaux, les internats et les salles de classe. Dans certains cas, les surcoûts ont même dû être reportés sur les familles, elles-mêmes étant pourtant confrontées parfois à de sérieuses difficultés en raison du contexte inflationniste global.
Face à ces difficultés persistantes qui fragilisent les conditions d'enseignement et à la stagnation des crédits, le rapporteur invite le Gouvernement à mettre en place une aide d'urgence à destination de l'ensemble des établissements de l'enseignement agricole.
II. UNE RENTRÉE 2023 SATISFAISANTE, MAIS QUI PEUT MIEUX FAIRE
A. UNE DIMINUTION DES EFFECTIFS DE LA VOIE SCOLAIRE COMPENSÉE PAR LE SUCCÈS DE L'APPRENTISSAGE
S'agissant de la rentrée 2023, les données provisoires dont dispose le ministère mettent en lumière une nouvelle progression des effectifs d'apprentis, toutefois moindre que celles des années précédentes (+ 40,4 % sur trois années scolaires depuis 2019) et une légère baisse de la voie scolaire (-0,6 %), soit une perte d'environ 650 élèves. Les effectifs du niveau collège (4e-3e) demeurent stables, tout comme ceux des baccalauréats professionnels et technologiques, là où ceux du CAP agricole augmentent de plus de 3 %. Le nombre d'élèves scolarisés en BTSA diminue quant à lui de près de 6,5 %.
Sur le long cours, les effectifs totaux de l'enseignement agricole technique (de la 4e au BTSA) ont connu une baisse de 5,5 % entre 2012 et 2018 puis ont augmenté de manière constante depuis, avec une hausse de 4 % du nombre d'élèves, étudiants et apprentis formés entre 2019 et 2022 dans les 804 établissements (220 publics et 584 privés) que compte l'enseignement technique agricole.
B. LE MANQUE D'ATTRACTIVITÉ DE LA FILIÈRE BTS AGRICOLE SE CONFIRME
Si la réforme de la semestrialisation du brevet de technicien supérieur agricole (BTSA) initiée en 2022 a permis de mieux inscrire ce diplôme dans l'architecture européenne LMD (licence, master, doctorat), la perte d'attractivité continue de ce niveau d'études depuis 2020 inquiète les acteurs du secteur.
Ce mouvement de déclin, constaté aussi à l'Éducation nationale, s'explique en partie, selon le ministère, par une bascule vers l'apprentissage et une difficulté de positionnement de ce diplôme en deux ans, qui peine à trouver sa place.
Au cours de son audition par la commission, Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, a indiqué réfléchir dans le cadre des travaux relatifs au pacte d'orientation et d'avenir agricoles à la création d'un bachelor agro pour attirer davantage de jeunes souhaitant bénéficier d'un système de spécialisation à bac+ 3.
Le rapporteur se félicite de cette annonce et sera attentif à ce qu'elle soit suivie d'effets dans les mois à venir. Il est indispensable de redonner au BTS agricole une perspective claire dans une dynamique bac+ 3 pour intégrer pleinement l'architecture LMD, devenue la norme, dans l'ADN de l'enseignement technique agricole.
C. LA SITUATION DES FILIÈRES « AGROALIMENTAIRE » ET « SERVICES » INQUIÈTE
L'éventail de formations offertes par l'enseignement agricole est aujourd'hui très varié, bien au-delà des secteurs agricoles, à l'instar des filières consacrées à l'aménagement de l'espace et à la protection de l'environnement, à la transformation alimentaire, ou encore à la vente. Cette pluralité de formations constitue une véritable richesse pour les établissements en attirant une diversité de profils remarquable parmi les élèves, étudiants et apprentis de l'enseignement agricole.
Parmi ces multiples filières, deux spécialités voient cependant leur nombre d'élèves fortement diminuer depuis plusieurs années : les filières du type « agroalimentaire » et « services ».
En effet, l'image des industries alimentaires s'est dégradée, et les écoles d'ingénieur en agroalimentaire tout comme les lycées agricoles peinent à remplir leurs classes. Il est urgent de mettre en lumière ce type de spécialités dans le cadre des campagnes de communication de l'enseignement agricole, de par leur importance au regard des enjeux de renouvellement des générations en agriculture.
À ce titre, le rapporteur regrette que l'« agronomie », auparavant obligatoire dans les filières générales de l'enseignement agricole, soit désormais une option, qui n'est plus proposée dans l'ensemble des lycées agricoles.
Les filières du type « services » souffrent quant à elles encore trop souvent de la concurrence des filières proposées par l'Éducation nationale. Dès lors, les élèves méconnaissent l'offre portée par l'enseignement agricole, et se dirigent par réflexe vers les formations proposées par l'Éducation nationale, dont ils sont issus. C'est pourquoi il est essentiel de renforcer la coopération entre l'enseignement agricole et l'Éducation nationale sur les enjeux d'orientation, pour faciliter la présentation des cursus offerts par l'enseignement agricole dans les établissements de l'Éducation nationale.
Le rapporteur salue la désignation d'un représentant de l'enseignement agricole ainsi qu'un suppléant par la DRAAF pour chaque département depuis la rentrée scolaire de septembre 2021. Toutefois, il regrette que ces représentants soient majoritairement des directeurs d'établissements agricoles publics missionnés par la DRAAF. Il encourage le Gouvernement à mettre en place des ETP pleinement dédiés à cette fonction, avec pour mission de s'assurer que les élèves étudiant sur le territoire aient accès à une bonne information sur les filières proposées tant au sein des établissements relevant de l'Éducation nationale que dans les établissements agricoles.
Par ailleurs, au cours de son audition par la commission, le ministre a évoqué la mise en oeuvre de modules de découverte de l'agriculture et de l'alimentation dès les classes de primaire dans le cadre du pacte d'orientation et d'avenir agricoles. Le rapporteur se réjouit de cette annonce et sera très attentif aux conditions de sa mise en oeuvre.
La lutte contre la désertification
vétérinaire en milieu rural
doit aussi passer par
l'enseignement agricole
Sur les 19 500 vétérinaires que compte la France, seuls 3 700 exercent encore auprès d'animaux de production, un nombre en baisse de 18,5 % en cinq ans. La conséquence de cette diminution inquiétante du nombre de vétérinaires spécialisés dans les animaux de ferme est la multiplication du nombre de déserts vétérinaires sur l'ensemble du territoire, notamment dans les régions les plus rurales.
Pour faire face à la pénurie de vétérinaires, le Gouvernement a initié un plan de renforcement des quatre écoles nationales vétérinaires (ENV) pour la période 2023-2025. Une nouvelle augmentation du nombre d'étudiants portera la taille des promotions de chaque ENV à 180 étudiants contre 160 actuellement. Cet accroissement s'accompagnera également de recrutement d'enseignants ou de cliniciens.
En parallèle, les études vétérinaires ont été réformées avec l'ouverture d'un concours post-bac (Parcoursup) des ENV. Il permet de devenir vétérinaire en six ans après le baccalauréat, contre sept à huit ans d'études par les autres voies de concours.
Pour autant, la véritable source d'inquiétude n'est pas tant le nombre de vétérinaires puisque, chaque année, le nombre de professionnels inscrits au tableau de l'ordre augmente, mais bien leur répartition sur le territoire et par type d'activité.
Si, désormais, les collectivités territoriales qui le souhaitent peuvent également distribuer des aides à l'installation et au maintien des vétérinaires « dans l'ensemble des territoires dès lors qu'elles contribuent à la protection de la santé publique et assurent la continuité et la permanence des soins aux animaux d'élevage », le manque de vétérinaires en élevage dans les zones rurales pourrait s'aggraver dans les années à venir, notamment en raison de l'attrait des jeunes générations pour les soins aux animaux de compagnie ou aux chevaux.
L'enseignement agricole a donc tout son rôle à jouer en la matière, pour revaloriser l'image des vétérinaires ruraux auprès des jeunes élèves, et redynamiser ces filières d'avenir.
III. FACE AU BESOIN URGENT DE RENOUVELLEMENT DES GÉNÉRATIONS D'AGRICULTEURS, AGIR DÈS MAINTENANT POUR RENFORCER L'ATTRACTIVITÉ DE L'ENSEIGNEMENT AGRICOLE
A. ENTRE RENOUVELLEMENT DES GÉNÉRATIONS ET TRANSITION CLIMATIQUE, UN ENSEIGNEMENT AU CoeUR DES ENJEUX DE DEMAIN
La perte de souveraineté alimentaire française est concrète : les seuls besoins nationaux ne sont plus couverts en matière de viande et de fruits et légumes. De plus, les fragilités du système alimentaire ont été accentuées par la crise sanitaire puis la guerre en Ukraine et sont ravivées par les évènements climatiques qui frappent notre agriculture. Consolider la souveraineté alimentaire de la France nécessite d'assurer un renouvellement considérable des générations d'actifs en agriculture et de les préparer au mieux aux transitions nécessaires pour affronter le défi climatique.
Le dernier recensement agricole opéré en 2020 dénombrait 496 000 exploitants agricoles pour 389 000 exploitations. La décrue de cette population a été très forte depuis 1970 : de 1,6 million à cette date, elle est passée à 1,1 million en 1988 et 764 000 en 2000.
Aujourd'hui, cette décroissance se poursuit et est source de nombreuses inquiétudes, puisque 166 000 exploitants agricoles seront partis à la retraite d'ici 10 ans en France, soit plus d'un tiers d'entre eux. Or, le taux de renouvellement actuel est de deux installations pour trois départs.
Pour mettre fin à cette hémorragie et répondre au défi du renouvellement des générations en agriculture à l'horizon 2040, l'enseignement agricole doit diplômer 30 % d'apprenants supplémentaires dans le domaine de la production agricole.
Le rapporteur alerte le Gouvernement sur l'urgence d'installer massivement des jeunes agriculteurs et agricultrices pour maintenir une production diversifiée et de qualité et préserver les terres agricoles.
Le pacte et la future loi d'orientation et d'avenir agricoles n'ont pas droit à l'erreur
Le renouvellement des générations en agriculture ne se réduit pas à des considérations démographiques mais engage l'évolution vers des modèles et des pratiques d'agriculture durable et résiliente sur un territoire bien aménagé.
Conscient de l'importance de ces enjeux, le Gouvernement avait annoncé en septembre 2022 la préparation d'un pacte et d'une future loi d'orientation et d'avenir agricoles très attendus, dont les contours en faveur de l'enseignement agricole commencent à se préciser.
Au cours de son audition devant la commission, le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, Marc Fesneau, a indiqué qu'il annoncerait très prochainement dans ce cadre des mesures :
- de découverte de l'agriculture et de l'alimentation dès la classe de primaire ;
- d'orientation au collège et au lycée, par un accès massifié aux stages en agriculture et agroalimentaire ;
- de création de contrats locaux autour des établissements pour relancer des formations par voie scolaire qui peinent à recruter alors que le territoire a besoin de professionnels pour produire ;
- de création d'un bachelor, bac+ 3 agro, pour attirer et permettre d'accompagner la montée en compétence ;
- de création d'un processus massif de formation continue des enseignants, formateurs et conseillers pour enrichir leurs compétences sur les leviers d'adaptation et d'atténuation du changement climatique de l'agriculture.
B. À QUAND LA MISE EN PLACE D'UN PLAN DE COMMUNICATION PLURIANNUEL EFFICACE POUR PROMOUVOIR LES FORMATIONS DE L'ENSEIGNEMENT AGRICOLE ?
Face aux défis à venir pour l'enseignement agricole, des réponses urgentes aux besoins d'un plus grand nombre de diplômés doivent être données. Dans cette perspective, le rapporteur regrette vivement la diminution des crédits en faveur de la promotion de l'enseignement agricole dans le projet de loi de finances pour 2024, passant de 1,98 million d'euros à 1,7 million d'euros. Ces crédits devraient au contraire être renforcés pour accroître l'attractivité des formations proposées et permettre d'augmenter véritablement le nombre d'élèves scolarisés dans l'enseignement agricole à très court terme.
En effet, l'enseignement agricole souffre encore trop souvent de représentations erronées voire caricaturales, y compris pour les acteurs de l'orientation de l'Éducation nationale. Malgré les efforts de l'ONISEP, les formations agricoles sont trop souvent perçues comme réservées aux élèves en difficulté alors que la plupart constituent de réelles voies d'excellence. Il est urgent de renseigner correctement les jeunes et les familles sur la richesse de l'offre de formations de l'enseignement agricole.
La campagne « l'aventure du vivant » existe maintenant depuis plusieurs années, et son ambition mérite d'être saluée. Toutefois, force est de constater qu'elle n'est pas suffisante pour augmenter durablement les effectifs scolarisés dans l'enseignement agricole. Pour atteindre la cible de 30 % d'élèves en plus d'ici 2030, l'enseignement agricole doit s'appuyer sur une politique de communication plus agressive, avec une vision sur le long terme, dans le cadre de campagnes dotées de fonds à la hauteur des enjeux.
Découverte des métiers au
collège :
l'enseignement agricole ne doit pas être
oublié !
Déployée dans les collèges à partir de la rentrée 2023, la découverte des métiers vise à développer les connaissances et les compétences nécessaires aux élèves pour construire progressivement un projet d'orientation scolaire et professionnelle. Alors que les choix d'orientation sont encore trop souvent déterminés par l'environnement social ou familial, il s'agit de donner aux jeunes le même niveau de connaissances sur les métiers, leurs évolutions et les formations qui y préparent.
Les activités de découverte des métiers s'adressent aux élèves de la 5e à la 3e et s'appuient prioritairement sur des rencontres avec les professionnels au collège ou dans leur environnement de travail. Elles s'articulent ainsi autour de trois axes d'égale importance : la connaissance des secteurs d'activité, des expériences d'immersion et la découverte des formations post-collège via des visites d'établissements de formation et des rencontres avec des lycéens et apprentis.
D'après le ministère de l'éducation nationale, une attention particulière doit être donnée aux secteurs porteurs d'insertion, aux métiers en tension et aux métiers d'avenir. La découverte des métiers doit ainsi permettre d'aborder les enjeux de transition écologique, de réindustrialisation comme ceux des souverainetés industrielle, numérique et alimentaire. L'enseignement agricole y a donc toute sa place et doit être un partenaire de choix des collèges dans l'organisation de ces rencontres et immersions.
Dans la lignée des propositions faites par la mission d'information sénatoriale sur l'enseignement agricole, le rapporteur préconise d'inclure un nombre significatif de métiers différents de l'agriculture et de l'alimentation dans les métiers découverts dès la 5e, de rendre obligatoire, en 5e et en 3e, la venue d'un proviseur de lycée agricole et d'un directeur de maison familiale et rurale devant les élèves des collèges relevant de l'Éducation nationale, et d'intégrer systématiquement les lycées agricoles dans les visites d'établissements proposées dans ce cadre.
C. L'AUGMENTATION DU NOMBRE DE DIPLÔMÉS DE L'ENSEIGNEMENT AGRICOLE NE POURRA ÊTRE ASSURÉE SANS REMÉDIER AU DÉCLIN D'ATTRACTIVITÉ DU MÉTIER D'ENSEIGNANT
Pour former davantage de jeunes dans ses filières qui perdent en attractivité, l'enseignement agricole doit impérativement maintenir de petits effectifs, ouvrir davantage de classes et élargir l'éventail d'options proposées dans les établissements. Pour cela, il est essentiel de bénéficier d'un vivier d'enseignants à la hauteur.
Or, si les difficultés de recrutement ont eu un impact limité sur la rentrée dans l'enseignement agricole dans la mesure où 98,7 % des postes étaient pourvus au 1er octobre 2023, le métier d'enseignant traverse aujourd'hui une crise d'attractivité sans précédent, à laquelle n'échappera pas l'enseignement technique agricole dans le cas d'une montée en charge du nombre de postes offerts. Pour tenter de répondre à cette crise structurelle, le Gouvernement a mis en place depuis la rentrée 2023/2024 un « pacte enseignant » à destination des enseignants et conseillers principaux d'éducation pour revaloriser leurs rémunérations.
1. Un transfert de 76,8 millions d'euros depuis le programme 141 pour mettre en oeuvre le « pacte enseignant » dans l'enseignement agricole
Le « pacte enseignant », annoncé en avril 2023 par le Président de la République, vise à revaloriser la rémunération de l'ensemble des professeurs et conseillers principaux d'éducation agricole par une augmentation de certaines indemnités, une fluidification du déroulement de carrière et l'exercice de missions complémentaires pour améliorer l'accompagnement des élèves, le fonctionnement des établissements et renforcer la capacité de l'enseignement agricole à accomplir ses missions.
Ces personnels volontaires s'engagent dans la réalisation de missions complémentaires sur la base du volontariat. Ces missions sont rémunérées à hauteur de 1 250 euros annuels. Chaque agent peut percevoir jusqu'à 3 parts (soit 3 750 euros) voire 6 parts lorsque les missions bénéficient à la voie professionnelle (soit 7 500 euros).
Le financement du « pacte enseignant » dans l'enseignement agricole
Un transfert de 76,8 millions d'euros additionnel au projet de loi de finances pour 2024 sera opéré depuis le programme 141 « Enseignement scolaire public du second degré » pour financer la mise en oeuvre du « pacte enseignant » dans l'enseignement agricole. Ce transfert portera la hausse réelle du programme 143 à 176,8 millions d'euros, soit une augmentation de 10 % des crédits.
Dans les détails, un transfert à hauteur de 34 millions d'euros permettra de financer la partie « socle » du « pacte enseignant », soit l'augmentation inconditionnelle des enseignants et CPE et les mesures d'amélioration de leurs carrières. Ceci correspond à une augmentation en fonction de l'ancienneté, entre 100 et 230 euros nets de plus par mois pour les enseignants bénéficiant de l'ISOE (indemnité de suivi et d'orientation des élèves), sans condition, effective depuis la rentrée 2023.
Un autre transfert de 42,8 millions sera opéré pour la partie « briques de pacte » pour les enseignants volontaires.
Les enseignants de l'enseignement agricole ont globalement adhéré au pacte, aussi bien dans l'enseignement public que privé : 58 % des agents éligibles y ont souscrit et 65 % des briques disponibles ont été attribuées, représentant en moyenne 2,6 briques par enseignant volontaire (soit environ 240 euros mensuels supplémentaires pour les personnels engagés).
Au 30 septembre 2023, les briques distribuées se répartissent entre les différentes missions de la manière suivante :
La mise en oeuvre des mesures comme le « pacte enseignant » et l'allocation à destination des élèves au cours de périodes de formation en milieu professionnel viennent cependant alourdir les charges de nombreux établissements qui alertent d'ores et déjà sur des situations particulièrement sensibles.
2. Un recrutement à bac+ 5 en décalage avec les spécificités de l'enseignement agricole
Depuis 2010, la réforme du recrutement et de la formation des personnels enseignants des premier et second degrés et des personnels d'éducation a élevé au master (bac+ 5) le niveau de recrutement par concours.
Or, l'enseignement agricole se distingue de l'enseignement dispensé par l'Éducation nationale de par l'existence de spécialités techniques et professionnelles comme l'agroéquipement, pour lesquelles le recrutement est particulièrement coûteux et difficile. Dans ces conditions, l'obligation de recrutement à un niveau de master 2 peut s'avérer particulièrement bloquante pour certains établissements.
Pour pallier ces difficultés et permettre à l'ensemble des apprenants de l'enseignement agricole de bénéficier d'un ensemble varié de spécialisations, le rapporteur invite le Gouvernement à réfléchir à la possibilité de mettre en place, pour certaines disciplines techniques et professionnelles, un recrutement au niveau licence. Pour éviter que les enseignements ne perdent en qualité, les enseignants nouvellement recrutés pourraient bénéficier d'une formation adaptée aux besoins au sein de l'École nationale supérieure de formation de l'enseignement agricole (ENSFEA). Ce type de dérogations pourrait également constituer une réponse intéressante à la crise d'attractivité du métier d'enseignant.
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La commission de la culture, de l'éducation et de la communication a émis, lors de sa réunion plénière du 29 novembre 2023, un avis favorable à l'adoption des crédits du programme 143 « Enseignement technique agricole » du projet de loi de finances pour 2024.
EXAMEN EN COMMISSION
MERCREDI 29 NOVEMBRE 2023
M. Bernard Fialaire, rapporteur pour avis des crédits de l'enseignement technique agricole. - C'est avec beaucoup d'enthousiasme que j'ai découvert cette matière, et que je vous propose cet avis.
Le programme 143 est doté, dans le PLF pour 2024, de 1,7 milliard d'euros. Les crédits connaissent une augmentation de plus de 100 millions d'euros, soit 6,2 %, par rapport à l'année dernière.
Cette hausse bienvenue des crédits s'explique principalement par 45 millions d'euros supplémentaires pour les personnels : il s'agit de la revalorisation du point d'indice, du financement du glissement vieillesse technicité et des mesures en faveur des bas salaires. La mise en oeuvre de la réforme des lycées professionnels bénéficie pour sa part d'une enveloppe dédiée de 66 millions d'euros.
En effet, depuis cette rentrée 2023, toutes les périodes de stage des lycéens professionnels donnent lieu au versement d'une allocation par l'État. Son montant varie en fonction du type de formation et du niveau d'enseignement. Nous pouvons nous réjouir de la mise en oeuvre de cette gratification des périodes de stage dans l'enseignement agricole, et ce dans les mêmes modalités et montants qu'à l'éducation nationale. En effet, 15 % des lycéens professionnels sont scolarisés dans l'enseignement agricole, et les excellents taux de réussite aux examens démontrent que l'enseignement agricole professionnel est une voie de réussite reconnue, mais qu'il faut davantage valoriser.
Deux autres postes de dépenses sont en augmentation dans le projet de loi de finances pour 2024.
Tout d'abord, 3,8 millions d'euros supplémentaires viennent abonder le budget en faveur des assistants d'éducation. Cette hausse permettra, d'une part, d'aligner le niveau de rémunération sur celui du ministère de l'éducation nationale et, d'autre part, de renforcer les moyens d'encadrement pour tenir compte notamment de la proportion significative d'élèves internes. Cet alignement répond à une demande formulée par notre commission depuis plusieurs années.
Par ailleurs, le budget en faveur de l'école inclusive devrait également augmenter de 3,5 millions d'euros en 2024 ; 0,7 million d'euros sont d'ores et déjà inscrits au sein du projet de loi de finances. Les 2,8 millions d'euros restants doivent faire l'objet d'un transfert en gestion à partir du programme 230 « Vie de l'élève ».
Nous pouvons toutefois regretter la stagnation des moyens en faveur des établissements publics et privés, alors même qu'ils ont déjà dû faire face l'année dernière à la forte hausse des coûts de fonctionnement des écoles et des fermes pédagogiques, particulièrement énergivores. L'augmentation des coûts qui s'est poursuivie tout au long de l'année 2023 est venue à nouveau mettre à mal la situation financière de ces établissements. Or aucun dispositif de soutien n'a été mis en place pour les aider.
L'augmentation générale des moyens du programme s'accompagne d'une hausse de 20 ETP, destinés, d'une part, à renforcer les services de médecine scolaire et des services sociaux des établissements d'enseignement agricole et, d'autre part, à accompagner la mise en oeuvre des mesures de la loi d'orientation et d'avenir agricoles.
Cette hausse des ETP est rassurante au vu des importantes suppressions d'emplois entre 2019 et 2022, mais elle devra impérativement être confortée dans les années à venir pour répondre aux défis auxquels est confronté l'enseignement agricole.
En effet, face aux enjeux de renouvellement des générations d'agriculteurs, de souveraineté alimentaire et de transition climatique, l'enseignement agricole doit plus que jamais se réinventer pour former davantage de jeunes à une pluralité croissante de métiers. La cible fixée par le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire est ambitieuse : accueillir 30 % d'élèves supplémentaires à court terme.
Or, si les effectifs scolarisés au sein de l'enseignement agricole sont de nouveau en progression à la rentrée 2023, cette hausse d'environ 1 % des élèves apparaît comme étant encore bien insuffisante au regard des impératifs.
Plus précisément, les données provisoires dont dispose le ministère mettent en lumière une nouvelle progression des effectifs d'apprentis, qui vient compenser une légère baisse de la voie scolaire. Les effectifs du niveau collège demeurent stables, tout comme ceux des baccalauréats professionnels et technologiques. Ceux du CAP (certificat d'aptitude professionnelle) agricole augmenteraient de plus de 3 %.
Un point de vigilance, néanmoins : le nombre d'élèves scolarisés en brevet de technicien supérieur agricole (BTSA) diminue de près de 6,5 %. La perte d'attractivité continue du BTSA depuis 2020 est particulièrement préoccupante. Ce déclin s'explique en partie, selon le ministère, par une bascule vers l'apprentissage et une difficulté de positionnement de ce diplôme en deux ans, qui peine à trouver sa place dans l'architecture licence-master-doctorat (LMD), devenue la norme.
Au cours de son audition par la commission, le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, Marc Fesneau, nous a indiqué réfléchir dans le cadre des travaux relatifs au pacte d'orientation et d'avenir agricoles à la création d'un « bachelor agro » pour attirer davantage de jeunes souhaitant bénéficier d'un système de spécialisation à bac+3. Nous serons attentifs à ce que cette annonce soit suivie d'effets dans les mois à venir.
Quelques inquiétudes persistent également s'agissant des filières « services » et « agroalimentaire ». Trop souvent encore, les élèves méconnaissent l'offre portée par l'enseignement agricole, et se dirigent par réflexe vers les formations proposées par l'éducation nationale, dont ils sont issus. Il est essentiel de renforcer la coopération entre l'enseignement agricole et l'éducation nationale sur les enjeux d'orientation pour faciliter la présentation des cursus offerts par l'enseignement agricole dans les établissements de l'éducation nationale.
La campagne « L'aventure du vivant » existe maintenant depuis plusieurs années, et doit être saluée de par son ambition. Toutefois, force est de constater qu'elle n'est pas suffisante pour augmenter durablement les effectifs scolarisés dans l'enseignement agricole. Ce dernier doit s'appuyer sur une politique de communication plus agressive, avec une vision sur le long terme, dans le cadre de campagnes dotées de fonds à la hauteur des enjeux.
Le taux de renouvellement actuel est de deux installations pour trois départs. Le désintérêt pour la filière agroalimentaire est d'autant plus inquiétant que 166 000 exploitants agricoles seront partis à la retraite d'ici à dix ans en France, soit plus d'un tiers d'entre eux.
C'est pourquoi nous devrons être particulièrement attentifs aux réponses qu'apportera la future loi d'avenir et d'orientation agricoles à ces problématiques.
Mais pour former davantage de jeunes tout en maintenant la qualité des formations et les petits effectifs qui caractérisent l'enseignement agricole, il est également essentiel d'apporter de véritables réponses à la crise d'attractivité du métier d'enseignant.
Les difficultés de recrutement ont eu un impact limité sur la rentrée dans l'enseignement agricole dans la mesure où 98,7 % des postes ont été pourvus au 1er octobre 2023. Toutefois, vous le savez, le métier d'enseignant traverse aujourd'hui une crise sans précédent d'attractivité, à laquelle n'échappera pas l'enseignement technique agricole.
L'enseignement agricole a globalement adhéré au pacte enseignant, aussi bien dans l'enseignement public que privé : 58 % des agents éligibles y ont souscrit et 65 % des briques disponibles ont été attribuées, représentant en moyenne 2,6 briques par enseignants volontaires, soit environ 240 euros mensuels supplémentaires pour les personnels engagés.
Ce pacte présente un intérêt certain, mais n'est pas suffisant face aux enjeux. D'autant plus que l'enseignement agricole se distingue de l'enseignement dispensé par l'éducation nationale de par l'existence de spécialités techniques et professionnelles comme l'agroéquipement, pour lesquelles le recrutement est d'autant plus coûteux et difficile. Dans ces conditions, l'obligation de recrutement à un niveau master 2, qui prévaut depuis 2010, peut s'avérer particulièrement bloquante pour certains établissements.
Pour pallier ces difficultés et permettre à l'ensemble des élèves, apprentis et étudiants de l'enseignement agricole de bénéficier d'un ensemble varié de spécialisations, il paraît essentiel de réfléchir à la possibilité de mettre en place, pour certaines disciplines techniques et professionnelles, un recrutement au niveau licence.
Pour éviter que les enseignements ne perdent en qualité, les enseignants nouvellement recrutés pourraient bénéficier d'une formation adaptée aux besoins au sein de l'École nationale supérieure de formation de l'enseignement agricole (ENSFEA).
En conclusion, et en raison d'une augmentation satisfaisante du budget consacré à l'enseignement technique agricole au sein du projet de loi de finances pour 2024, je vous propose de donner un avis favorable aux crédits du programme 143.
M. Christian Bruyen. - La synthèse de M. le rapporteur témoigne d'une réelle volonté du ministre concerné d'être à l'initiative. Cette volonté n'a pas échappé au rapporteur, mais lui comme moi restons inquiets sur un certain nombre de points.
La première de mes préoccupations concerne les maisons familiales rurales (MFR) et la reconnaissance de leur travail. Je considère que ce sujet est loin d'être anecdotique, bien au contraire, puisqu'il concerne 430 établissements répartis sur nos territoires mais ne bénéficient pas de l'accompagnement budgétaire adéquat. La contribution accordée par l'État est loin d'être au niveau de celle versée aux lycées publics. Cette situation est d'autant plus regrettable que les MFR recrutent des jeunes en difficulté, en souffrance, car inadaptés au système scolaire classique. Ce n'est pas la baisse des recrutements qui explique le manque d'aide de l'État, c'est au contraire le fait que l'État n'augmente pas ses contributions qui altère les conditions d'accueil et fait baisser les recrutements. Il est donc assez urgent d'agir, et toutes les pistes n'ont pas été évoquées.
Un autre sujet de préoccupation est celui de la dégradation de la démographie vétérinaire. Le ministère doit vite s'emparer de cette question et mettre en place des solutions durables.
Plus globalement, le nombre de jeunes formés reste un sujet de préoccupation. Certes, les effectifs sont en hausse, mais, de l'aveu même du ministre, ils restent insuffisants pour répondre aux besoins. Le sujet qui se pose est celui de l'attractivité des métiers, et c'est pourquoi il est essentiel de renforcer les liens entre collèges, lycées et établissements d'enseignement agricole. Il faudrait pour ce faire une mobilisation partenariale des deux ministères concernés, ce qui ne me semble pas être le cas aujourd'hui.
Comme le soulignent les représentants des exploitants agricoles, il ne faut pas oublier qu'il faut produire avant de commercialiser. Il me paraît important de garder cela à l'esprit au moment de définir les programmes de formation.
Pour conclure, malgré mes remarques et parce que ce budget est factuellement en hausse, mon groupe émettra un avis favorable.
Mme Marie-Pierre Monier. - Je souhaite saluer le travail du rapporteur, ainsi que les auditions menées pour rédiger le présent rapport.
Nous sommes nombreux, je pense, à tomber d'accord sur la nécessité de préserver l'enseignement technique agricole, qui est une véritable pépite de nos territoires, plus que jamais essentielle dans un contexte de transition agroécologique et de renouvellement des générations. Cet enseignement est une pépite aussi parce qu'il recourt souvent à des pédagogies innovantes. Il est de plus bien réparti sur notre territoire. Nous aurons d'ailleurs l'occasion d'en reparler prochainement, dans le cadre du projet de loi d'orientation et d'avenir agricoles, qui suscite beaucoup d'attentes. J'espère qu'il n'est pas qu'une simple Arlésienne !
Nous ne pouvons que constater que, malgré sa hausse, qui s'inscrit tout de même dans un contexte inflationniste, ce budget présente plusieurs carences. La première est fondamentale : l'absence de création de postes d'enseignants. Pour rappel, entre 2017 et 2022, 316 emplois ont été supprimés, soit l'équivalent de 10 000 postes dans l'éducation nationale. C'est énorme ! Les conditions d'apprentissage dans l'enseignement agricole ont été mises à mal par ces coupes successives. D'ailleurs, le rapport sénatorial intitulé Enseignement agricole : l'urgence d'une transition agropolitique de Nathalie Delattre en témoignait.
Nous ne pouvons pas nous réjouir de la progression des effectifs d'élèves constatée ces dernières années, et attendue puisque la baisse des effectifs avait été un sujet de préoccupation, sans appeler au rétablissement de postes d'enseignants pour accompagner cette hausse. Les suppressions de postes avaient déjà mis à mal certaines disciplines. Je pense en particulier aux travaux en groupe autour des gros animaux, qui mettaient les élèves en danger car ils étaient trop nombreux.
Certes, ce budget prévoit la création de 20 ETP. Vous avez néanmoins précisé que ces derniers sont destinés au renforcement de la médecine scolaire et des services sociaux des établissements d'enseignement agricole, ainsi qu'à l'accompagnement de la mise en oeuvre des mesures de la loi d'orientation et d'avenir agricoles. Tous les enseignants ne sont donc pas concernés, loin de là. Il faut toutefois nous poser la question, comme dans l'enseignement scolaire de manière générale, de l'attractivité de ces postes médico-sociaux, ces derniers n'étant pas toujours pourvus.
Je souhaite également vous alerter au sujet des MFR. Elles sont implantées en grande ruralité et font un travail remarquable auprès d'élèves pratiquement sortis du système scolaire. Vous étiez présents lors de leur audition, monsieur le rapporteur. Elles sont mises à mal, du moins pas assez considérées, dans ce projet de loi de finances (PLF).
Par ailleurs, dans le contexte économique et social qui est le nôtre, nous regrettons la nouvelle baisse, pour cet exercice budgétaire, des crédits des bourses sur critères sociaux, qui perdent 2,88 millions d'euros par rapport à l'an dernier. Colombe Brossel avait alerté le ministre lors de son audition par notre commission, lequel nous avait répondu que tous les élèves qui en faisaient la demande recevaient une bourse. Certes, mais le contexte économique est tel qu'il conviendrait peut-être de revoir les critères, c'est-à-dire d'allouer plus de moyens à ces élèves boursiers, car ils en ont bien besoin.
Enfin, je souhaite évoquer le pacte enseignant, mis en avant par le ministre lors de son audition comme étant l'une des pierres angulaires du renforcement de l'attractivité des postes de professeurs. Bien sûr, la logique reste celle de « travailler plus pour gagner plus ». Nous alertons cependant sur les inégalités territoriales engendrées par la mise en oeuvre de ce pacte. Vous l'avez souligné : 65 % des briques sont prises dans l'enseignement agricole, c'est-à-dire bien plus que dans l'enseignement scolaire. Cette donnée dit peut-être quelque chose du niveau des salaires des professeurs ! Peut-être prennent-ils plus de briques car leur salaire est moins élevé.
Le ministre a aussi été interrogé sur la situation des écoles vétérinaires. Une école privée a été créée, ce que nous regrettons ; nous aurions préféré la création d'une école publique supplémentaire pour former les futurs vétérinaires. Je répète que nous avons besoin de vétérinaires pour l'élevage en ruralité, afin de maintenir une activité agricole.
Pour toutes ces raisons, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain (SER) se prononcera contre l'adoption des crédits.
Mme Annick Billon. - Le budget du ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire est en hausse de plus de 1 milliard d'euros ; le nombre d'élèves qui s'orientent vers l'enseignement technique agricole augmente également. L'encadrement proposé est meilleur, et le budget alloué à l'école inclusive est lui aussi revu à la hausse. Malgré tout, ces éléments positifs ne doivent pas nous faire oublier un certain nombre de points de vigilance.
Je souhaite moi aussi revenir sur la situation des MFR. La dotation à l'élève y est très inférieure à celle observée dans le secteur public. Des négociations sont en cours à ce sujet et, à en croire le ministre Marc Fesneau, auditionné la semaine dernière, elles n'ont pas encore abouti et rien ne promet qu'elles aboutissent. En cas d'échec de ces négociations, il me semble que nous serions dans l'obligation de reprendre ce sujet pour le PLF 2025. Certes, le PLF 2024 n'est pas encore adopté, mais cette préoccupation persiste. En Vendée, par exemple, je sais que ce cycle de formation est très important pour pallier les départs à la retraite à venir.
Un deuxième point de vigilance est celui de l'orientation. Le rapport rédigé par Mme Delattre il y a quelques années contenait un certain nombre de propositions. Ces dernières sont toujours sur la table. L'orientation doit rester au coeur de la problématique de l'enseignement agricole si l'on souhaite que l'augmentation des effectifs s'inscrive dans la durée. Il est temps de s'emparer des propositions qui avaient été faites et de les mettre en application.
Si un bachelor pouvait permettre de remédier à la chute inquiétante du nombre d'étudiants en BTSA, il faudra nous pencher attentivement sur cette option.
Je partage les inquiétudes de Marie-Pierre Monier au sujet du pacte enseignant. Nous avons à notre disposition une boîte à outils, inégalement utilisée sur l'ensemble du territoire et qui crée des inégalités inacceptables.
Les différentes auditions nous ont permis de mesurer l'ampleur du mécontentement concernant les rémunérations. Nous resterons donc vigilants quant au devenir du calcul. La question a été posée au ministre ; les résultats du terrain ne rejoignent pas forcément sa position.
Enfin, le nombre de postes d'enseignants est certes en augmentation, mais il doit être relativisé compte tenu de la hausse des effectifs et de la tendance des dernières années.
Le groupe Union Centriste prend en compte l'augmentation des crédits et celle des élèves, mais conservera donc quelques points de vigilance.
M. Gérard Lahellec. - À mon tour, je veux remercier M. le rapporteur pour son excellent travail de synthèse et d'objectivation. Merci d'avoir rappelé que l'enseignement agricole ne fonctionne pas si mal, et que notre agriculture de production nourricière a grandement besoin de cet enseignement pour s'inscrire dans une logique de développement durable.
Vous avez rappelé les déclarations de M. le ministre, notamment la création éventuelle d'un « bachelor agro ». Celui-ci peut être un début de solution, mais nous sommes tout de même confrontés à la problématique fondamentale de l'attractivité des métiers. J'ai lu un article qui portait sur le prix de la brique de lait, en baisse de 4 % sur les vingt dernières années pour le producteur. L'industriel, quant à lui, a vu sa rémunération progresser de 64 %, de même pour le distributeur, dont les revenus ont augmenté de 164 %. Voilà qui annonce sans doute de futurs débats dans le cadre de la prochaine loi agricole !
Je souhaite m'attarder sur ce que le rapport et le ministre ne disent pas. Je partage l'idée selon laquelle certaines catégories d'élèves en difficulté ne trouveraient pas de débouchés si les MFR n'existaient pas. Les 316 suppressions d'emplois d'enseignants survenues entre 2019 et 2022 sont loin d'être compensées, tandis que l'effort en termes de masse salariale vise plutôt les métiers médico-sociaux et non les métiers de l'enseignement. J'insiste sur le fait que l'enseignement public agricole est en difficulté. Je ne veux pas raviver ici la guerre scolaire entre secteur public et secteur privé ; nous avons besoin des deux si nous voulons développer une agriculture durable. Malgré tout, l'enseignement agricole public est en souffrance, et des dispositions sont d'ores et déjà prises dans les territoires pour innover en termes d'organisation et de structuration d'un certain nombre d'instances. Dans ma région, par exemple, nous avons beaucoup d'établissements publics agricoles, et ils coopèrent pour créer un groupement d'intérêt public (GIP) et ainsi relever certains défis de notre temps. Ces cas de figure sont peu évoqués dans les orientations en cours.
On nous annonce 20 ETP qui viendraient s'ajouter aux 10 ETP de l'année dernière. Or ceux-ci n'ont toujours pas été créés. Le bilan est donc nettement à nuancer.
Enfin, j'estime que l'organisation du travail et des rémunérations continuent à poser problème. Il faut entendre ce message, qui a été transmis au ministre lors de son audition. Celui-ci nous a dit qu'il ne s'agissait pas de « travailler plus pour gagner plus », mais de « travailler autrement pour gagner autant ». Le sens n'est pas tout à fait le même, et est même quelque peu ambigu. Des éclairages sont donc nécessaires. Je pense que tant que cette question ne sera pas traitée, nous n'aurons pas la dynamique attendue.
Certes, 56 % des enseignants de l'enseignement agricole ont signé le pacte enseignant, mais l'effet de corps est énorme. Là où il n'a pas été signé, le rejet est parfois très massif. La protestation sociale est donc, elle aussi, massive et il faut l'entendre.
En somme, ces éléments me conduisent à conclure que la qualité des objectivations contenues dans le rapport n'est pas suffisante pour nous convaincre du bien-fondé de cette proposition de budget. Par conséquent, nous ne la voterons pas.
Mme Monique de Marco. - Lors son audition de la semaine dernière, le ministre de l'agriculture a affiché des ambitions concernant la future loi d'orientation et d'avenir agricoles, notamment pour accompagner une nécessaire hausse des effectifs des apprenants en agriculture. Je rappelle que cette dernière ne pourra se faire sans augmentation des moyens de l'enseignement technique agricole. Celle-ci est-elle suffisante ?
Pour rappel, l'enseignement agricole, en particulier dans le secteur public, a connu des baisses de budget importantes qui ont engendré des difficultés de fonctionnement dans les établissements concernés. Ce PLF maintient les moyens humains existants, mais ne permet pas de pallier le passif de ces baisses budgétaires.
Il est dit que l'enseignement agricole doit se réinventer et doit accueillir 30 % d'élèves supplémentaires. À mon sens, cela doit passer par une communication sur l'intérêt et l'attractivité des métiers de l'agriculture et des formations associées. Or le présent PLF prévoit un budget de communication pour l'enseignement technique agricole en baisse de 14 % par rapport à l'année 2023. J'y vois un manque d'ambition au regard de l'enjeu énoncé par la campagne sur la future loi, qui est de renouveler les 50 % de la population agricole qui partiront à la retraite au cours des dix prochaines années.
J'ai déjà averti M. le rapporteur que nous ne suivrons pas son avis et que nous voterons contre ces crédits.
M. Bernard Fialaire, rapporteur pour avis. - J'ai bien entendu la préoccupation exprimée au sujet des MFR. Néanmoins, nous votons aujourd'hui le budget 2024, et les MFR nous ont affirmé, durant leur audition, que le budget pour l'année à venir était suffisant. En revanche, il faudra nous montrer vigilants pour 2025, puisque les négociations sont en cours. Reste qu'on ne peut pas voter contre un budget 2024 par simple précaution pour des discussions qui n'ont pas encore abouti pour 2025.
Vous avez tous souligné la pépite que représente l'enseignement agricole. Alors que le nombre global d'élèves baisse, celui de cette branche augmente de 1 %. Le nombre d'enseignants est quant à lui maintenu. Il faut savoir que cet enseignement s'organise autour de très petits effectifs ; une augmentation de 1 % des élèves ne requiert donc pas forcément une hausse significative du nombre d'enseignants.
Je ne sais pas si tous les enseignants vont, dans le cadre du pacte, « travailler plus pour gagner plus ». Beaucoup vont simplement être rémunérés pour un travail qu'ils faisaient déjà, ce qui est une bonne chose. Les briques choisies ont aussi leur importance. Aller faire de la promotion et de l'information au sein d'autres établissements pour recruter de futurs élèves est par exemple une bonne orientation.
On parle beaucoup des déserts médicaux, mais on sait que les déserts vétérinaires sont encore plus désertiques. Il faudra donc se confronter à cette problématique, qui relève d'ailleurs d'une réflexion complexe sur l'orientation et la sélection. Des vétérinaires sont effectivement diplômés chaque année ; le problème est que peu d'entre eux vont exercer en milieu rural. Cette désaffection s'explique peut-être par la sélection de notre enseignement supérieur, qui choisit plutôt des enfants issus des catégories socioprofessionnelles les plus favorisées dans des zones très urbaines, des enfants que l'on ne retrouve pas par la suite sur des terrains d'exercice ruraux. Il faudra donc s'interroger sur ce décalage, qui touche les vétérinaires comme les autres professions.
Augmentation du nombre d'élèves, budget en hausse... J'encourage tous ceux qui souhaitent voir le verre à moitié plein à voter ces crédits.
La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits du programme 143 « Enseignement technique agricole ».
LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
Jeudi 26 octobre 2023
- Ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire - Direction générale de l'enseignement et de la recherche : MM. Benoît BONAIME, directeur général de l'enseignement et de la recherche, Denis DEBAT, responsable de la cellule d'appui au pilotage, et Cédric MONTESINOS, sous-directeur des établissements, des dotations et des compétences.
- Conseil national de l'enseignement agricole privé : Mme Florence MACHEFER, secrétaire générale.
Jeudi 9 novembre 2023
Union nationale des maisons familiales rurales d'éducation et d'orientation : MM. Dominique RAVON, président, et Roland GRIMAULT, directeur.
Mercredi 15 novembre 2023
Table ronde des acteurs de l'enseignement agricole public
- SEA-UNSA : MM. Didier FLEURY, secrétaire général, Manuel DEVEAUD, secrétaire général adjoint,
- SGEN-CFDT : Mme Béatrice LAUGRAUD, secrétaire fédéral, et M. Jean-François LECLANCHE, secrétaire fédéral ;
- SNETAP-FSU : Mme Laurence DAUTRAIX, co-secrétaire générale, M. Frédéric CHASSAGNETTE, co-secrétaire général, Mme Claire PINAULT, secrétaire nationale en charge de la politique scolaire et de la laïcité, M. Olivier GAUTIE, secrétaire général adjoint en charge de la politique scolaire et de la laïcité.
- ANNEXE
Audition de M. Marc Fesneau,
ministre de l'agriculture
et de la souveraineté alimentaire
JEUDI 23 NOVEMBRE 2023
M. Laurent Lafon, président. - Monsieur le ministre, nous vous recevons aujourd'hui en vue de l'examen, par le Sénat, des crédits consacrés à l'enseignement agricole dans le projet de loi de finances pour 2024.
Votre présence parmi nous, au lendemain de l'examen du rapport de Jacques Grosperrin sur les crédits de l'enseignement scolaire, nous donne l'occasion de témoigner de l'attachement de notre commission à l'enseignement agricole, à sa diversité, à sa place dans notre système éducatif et aux moyens alloués à son fonctionnement. Cet attachement du Sénat en général et de notre commission en particulier à cette « spécificité française » que représente l'enseignement agricole n'est pas nouveau.
À l'occasion de l'examen du projet de loi de finances pour 2021, nous nous étions en effet fortement mobilisés pour alerter votre prédécesseur sur les risques encourus par cet enseignement si le schéma de rationalisation des moyens et la trajectoire budgétaire envisagés par le Gouvernement n'étaient pas amendés.
Par la voix de notre collègue Mme Nathalie Delattre, rapporteure à l'époque, une mission d'information sénatoriale avait élaboré l'année suivante pas moins de 45 recommandations destinées à préserver « un enseignement agricole de qualité, dans l'intérêt des filières agricoles et alimentaires, au nom de la cohésion des territoires ».
Vous aurez l'occasion de nous indiquer dans quelques instants si, deux ans après la publication de ce document, les recommandations relevant de votre compétence ont pu être mises en oeuvre et si les difficultés identifiées à l'époque demeurent d'actualité.
Je pense en particulier à la concurrence entre établissements de l'enseignement agricole entre eux sur certains territoires, ainsi qu'à la concurrence entre les formations dispensées par ces établissements et ceux de l'éducation nationale, voire avec les formations dispensées par certaines officines du secteur privé lucratif, pour reprendre le terme de Stéphane Piednoir, au moment où l'apprentissage connaît une progression spectaculaire.
Vous aurez sans doute également à coeur d'évoquer le pacte d'avenir qui devait accompagner le projet de loi d'orientation et d'avenir agricole, annoncé par le Président de la République le 9 septembre 2022, que vous aviez longuement détaillé devant nous l'an dernier et que nous avons perdu de vue depuis lors.
Ce pacte devait en particulier contenir un axe consacré à la formation et à l'orientation des futurs « professionnels du vivant ». Nous serions particulièrement intéressés par les éléments que vous pourriez nous apporter sur le résultat des différentes concertations lancées à ce sujet au cours de l'année 2023.
M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire. - Merci de votre invitation à faire un point sur l'enseignement agricole et les crédits qui lui sont consacrés. Je sais l'attachement du Sénat à ce système éducatif, souvent méconnu ou mal connu, alors que sa pédagogie, sa contribution à l'émancipation de nos jeunes, l'engagement de ses équipes éducatives et son rôle essentiel pour le renouvellement des générations en agriculture et globalement pour le secteur agricole et bien d'autres secteurs méritent d'être reconnus, soutenus et valorisés - ce sont aussi des établissements présents sur le territoire.
C'est un budget en hausse de 6,3 % que je viens vous présenter, hausse qui, une fois les transferts de la mission « Enseignement scolaire » réalisés, atteindra près de 10 %. Il s'agit d'une hausse historique.
Je tiens dès ce préambule à remercier la sénatrice Nathalie Delattre pour son engagement, durant plusieurs années, en tant que rapporteure de ce budget et à saluer votre nouveau rapporteur, M. Bernard Fialaire, pour la qualité des travaux qu'il a menés.
L'enseignement agricole est un appareil de formation moderne, porteur de sens, qu'il convient de consolider.
L'enseignement agricole prépare à une diversité de métiers - plus de 200 -, avec de multiples formations. Il s'agit : des métiers des filières agricole et agroalimentaire et de la filière forêt-bois ; de ceux liés à la préservation et à la mise en valeur des milieux naturels ; des vétérinaires ; des métiers de l'entretien et de la création d'aménagements paysagers ; et de ceux liés aux services aux personnes âgées ou à la petite enfance en milieu rural, aux services dans les territoires, au tourisme, à l'animation, à la communication, au commerce et à la vente. Autrement dit, de très nombreux métiers principalement localisés dans les territoires ruraux.
Avec 800 établissements présents sur l'ensemble du territoire métropolitain et ultramarin en 2023, l'enseignement agricole dispose donc d'un enracinement local et d'une capacité d'innovation et d'expérimentation dans nos territoires. Je tiens à souligner la qualité des relations avec les responsables de l'enseignement agricole, public comme privé, et l'implication de ceux-ci dans les grands enjeux de cet enseignement, chacun jouant un rôle singulier et complémentaire.
L'année scolaire 2023-2024 est marquée par la poursuite de l'augmentation globale du nombre de jeunes qui suivent une formation de l'enseignement agricole. Dans un contexte de démographie globale déclinante, c'est un des rares secteurs qui voit ainsi ses effectifs légèrement progresser. Cela montre l'intérêt des jeunes générations pour ce type d'enseignement.
Sur le long cours, les effectifs totaux de l'enseignement agricole augmentent de manière constante depuis 2018, avec une hausse de 4,6 % d'élèves, étudiants et apprentis entre 2019 et 2022. S'agissant spécifiquement de l'enseignement agricole technique, il comptait 196 000 élèves à la rentrée 2022, soit une augmentation de 0,3 % par rapport à l'année précédente et de 4 % depuis 2019. Une dynamique est ainsi enclenchée.
L'enseignement agricole veille au cheminement de chaque apprenant : à ceux qui ont déjà un projet assez défini, il propose la formation adaptée ; à ceux qui cherchent leur voie, il propose tout un éventail de possibilités et un accompagnement personnalisé. C'est une grande force.
Je voudrais souligner l'attention toute particulière que l'enseignement agricole porte aux plus modestes. Bien qu'accueillant des élèves au profil social globalement moins favorable que ceux de l'éducation nationale, les taux de réussite aux examens et les taux d'insertion professionnelle de ses élèves sont régulièrement supérieurs à ceux de l'éducation nationale, comme l'a souligné le rapport de 2021 de la Cour des comptes sur le coût et la performance de l'enseignement agricole technique.
Je voudrais également insister sur le fait que l'enseignement agricole veille à l'engagement des jeunes tant dans la classe que hors de la classe - c'est un accompagnement global -, avec la démarche d'écodélégués. Dans le cadre des associations des lycéens, étudiants, stagiaires et apprentis et des associations sportives, il propose un enseignement socioculturel et une ouverture sur l'international reconnus.
L'enseignement agricole technique dispose d'un budget 2024 qui lui permet de préparer l'avenir par l'innovation et la formation de nos jeunes, face aux défis majeurs de renouvellement des générations en agriculture et de l'adaptation au changement climatique.
En effet, le programme 143 dispose d'un budget de 1,7 milliard d'euros, en augmentation de 100 millions d'euros par rapport à la loi de finances initiale (LFI) pour 2023.
Le transfert de 76,8 millions d'euros additionnels au projet de loi de finances (PLF) pour 2024 depuis le programme 141 « Enseignement scolaire public du second degré » pour financer le « pacte enseignant » portera la hausse réelle à 176,8 millions d'euros, soit une augmentation de 10 %, marquant la priorité donnée par le Gouvernement à l'éducation.
La première priorité de ce budget, en forte hausse, est donc de renforcer l'attractivité du métier ; je sais qu'il s'agit d'une préoccupation qui sera exprimée par votre rapporteur.
Ce PLF permet notamment de financer plus de personnels, leur « CDIsation » et leur rémunération. Il tend à renforcer les équipes éducatives et les services de médecine scolaire, avec 20 équivalents temps plein (ETP) supplémentaires.
Une hausse des effectifs d'accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH) est prévue dans le PLF, ainsi que la revalorisation de leur rémunération. Elle comprend la « CDIsation » de 223 équivalents temps plein travaillés (ETPT) d'AESH et de 137 ETPT d'assistants d'éducation (AED), soit 360 ETPT au total.
La hausse du point d'indice de la fonction publique représente 10,6 millions d'euros et les mesures en faveur des bas salaires 6 millions d'euros.
S'ajoutent à cela les mesures du « pacte enseignant » ajoutées par transfert au PLF 2024. Un transfert à hauteur de 34 millions d'euros financera la partie « socle » du « pacte enseignant », soit l'augmentation des enseignants et conseillers principaux d'éducation (CPE) et les mesures d'amélioration de leurs carrières. Cela correspond à une augmentation de 100 à 230 euros nets de plus par mois pour les enseignants bénéficiant de l'indemnité de suivi et d'orientation des élèves (Isoe), sans condition. C'est une mesure inédite, effective depuis la rentrée 2023.
Un autre transfert de 42,8 millions d'euros financera la partie « briques » du pacte pour les enseignants volontaires. Or, dans l'enseignement agricole, l'adhésion à des missions de briques a été importante : 58 % des agents de l'enseignement agricole, 53 % dans le seul enseignement agricole public, ont souscrit au moins à une des missions du pacte. Chaque brique est rémunérée 1 250 euros brut annuels. Au total, 65 % des briques disponibles ont été attribuées, soit une moyenne de 2,6 briques, pour environ 240 euros mensuels en plus.
Je veux devant cette commission remercier les équipes de direction des établissements, qui ont accompagné la mise en oeuvre de ce pacte, et les enseignants qui s'y sont engagés résolument. Le versement prochain de la prime dédiée aux directions, prévue dans le « pacte enseignant », reconnaîtra ce nouvel engagement de leur part. Je redis ma détermination à améliorer leur statut d'emploi. Les discussions avec la direction générale de l'administration et de la fonction publique (DGAFP) sont en cours. Ce statut d'emploi amélioré sera un élément durable de l'attractivité des fonctions, parfois difficiles, de direction.
La deuxième priorité du budget est de renforcer la protection, la santé et l'inclusion de nos élèves. Ainsi, 3,8 millions d'euros sont alloués à la revalorisation des assistants d'éducation (AED) et au recrutement de 39 ETP d'AED. Le renforcement de nos équipes de médecine scolaire est prévu, de même que celui de la lutte contre le harcèlement scolaire. J'ai à ce propos lancé un plan dédié, conformément aux annonces de la Première ministre, en octobre 2023. Construit sur un engagement de longue date de l'enseignement agricole, ce nouveau plan renforce la prévention, la vigilance, le traitement des cas signalés, les sanctions, et généralise l'accès au 3018 pour tous dans l'enseignement agricole.
Par ailleurs, après une augmentation de 10,3 millions d'euros en 2023, notre politique d'école inclusive verra son budget augmenter de 3,5 millions d'euros en 2024, dont 0,7 million d'euros sont d'ores et déjà inscrits au PLF 2024 et 2,8 millions feront l'objet d'un transfert en gestion à partir du programme 230.
La troisième priorité est de renforcer l'attractivité de l'enseignement agricole pour les apprenants. Parmi les mesures prises, je souhaiterais en mettre trois en avant.
Tout d'abord, le budget de l'enseignement agricole augmente de 66,7 millions d'euros pour financer l'allocation des élèves de la voie professionnelle, comme annoncé par le Président de la République dans le cadre de la réforme de la voie professionnelle. Les semaines de stages réalisées permettront aux élèves de certificat d'aptitude professionnelle agricole (Capa) et de baccalauréat professionnel de bénéficier de cette allocation pour l'année 2023-2024. Le système sera opérant à partir de début 2024.
Le ministère de l'agriculture met en place la rénovation de ses baccalauréats professionnels. Je veux m'y attarder, car certains d'entre vous m'ont saisi à ce sujet, comme l'ont fait certains syndicats. Ce travail de rénovation pédagogique a été lancé dès 2020, soumis à nos instances à partir de 2021 et ces baccalauréats professionnels rénovés se mettent en place en classe de première en cette rentrée.
Sur le fond, cette rénovation poursuit un but pédagogique : renforcer les temps permettant aux élèves d'appréhender les compétences dans une approche globale et de manière concertée. Il s'agit en particulier des temps d'enseignement en pluridisciplinarité, c'est-à-dire avec l'intervention conjointe de deux enseignants, de deux disciplines différentes, face aux élèves, par exemple mathématiques et agronomie.
Cela se traduit concrètement par une semaine de plus de stage collectif, davantage d'enseignants invités à faire des cours en pluridisciplinarité, et une semaine dite blanche en plus pour que les équipes d'un établissement puissent adapter leurs modalités d'enseignement et d'accompagnement des élèves, ou préparer cette intervention et les projets qui vont avec.
L'évolution des grilles horaires et du décompte des heures de « pluri » entraîne des réactions de syndicats des personnels. Je veux d'ores et déjà vous indiquer que cette rénovation du baccalauréat professionnel ne se fait pas avec moins de dotations horaires pour les enseignants, mais, au contraire, légèrement plus. Il n'y a donc pas de recherche d'économies sur la rémunération des enseignants.
Nous assumons qu'il y ait des changements de grilles horaires et de l'organisation des semaines de cours, des semaines de stage et des semaines blanches. Certaines semaines font l'objet d'un décompte précis des horaires, d'autres non ; certaines fiches de services ont donc évolué.
Ce nouvel équilibre - conçu pour une seule raison : améliorer la formation, à moyens constants voire avec un peu plus - nécessite d'être mieux explicité et mieux accompagné. Je m'y emploierai, dans un souci de dialogue auprès des chefs d'établissements agricoles, que j'ai par ailleurs rencontré ce week-end.
Enfin, ce budget poursuit notre engagement en matière d'orientation et d'attractivité. Depuis le lancement de la campagne de communication « L'Aventure du vivant », je constate que l'attractivité des formations aux métiers de l'enseignement et du vivant est plus importante. Par ailleurs, l'agriculture, l'agroalimentaire et leurs métiers ont été mis au coeur des priorités de la convention-cadre relative à la découverte des métiers pour les collégiens des classes de 5e, 4e, 3e qui sera prochainement signée par les différents ministres concernés et régions de France.
La quatrième et dernière priorité concerne les transitions et le renouvellement des générations. Placée au coeur du pacte et de la loi d'orientation et d'avenir agricoles (Ploaa), elle a fait l'objet de sept mois de travail, d'un certain nombre de préconisations. Des annonces seront faites par la Première ministre et moi-même dans les semaines qui viennent.
Vous avez pu avoir une impression de silence à ce sujet, monsieur le président, mais je peux vous assurer que le travail continue, notamment sur l'orientation vers ces métiers et sur l'évolution pédagogique, avec un enjeu majeur : faciliter l'intégration dans toutes les formes de métiers et préparer les grandes transitions. Nous avons besoin de former des jeunes, comme exploitants agricoles ou comme salariés, au défi immense de la transition écologique, climatique, voire économique.
L'accélération des transitions qui s'imposent à l'agriculture nécessite des compétences nouvelles pour les futurs professionnels. Le pacte et la loi comporteront donc des mesures de découverte de l'agriculture, d'orientation au collège et au lycée, de création de contrats locaux autour des établissements pour relancer des formations, mais aussi la création d'un bachelor bac+ 3 agro, pour accompagner la montée en compétences, ainsi qu'un processus massif de formation continue des enseignants, formateurs et conseillers pour préparer et accompagner au mieux leurs apprenants et les futurs agriculteurs de France.
Ce budget est une étape importante pour reconnaître l'engagement des équipes éducatives, protéger et accompagner les apprenants et consolider un système qui marche. Il permet à l'enseignement agricole de se préparer à devenir un outil déterminant pour relever les grands défis de souveraineté de cette décennie que représentent le renouvellement des générations et les transitions écologique et climatique.
M. Bernard Fialaire, rapporteur pour avis des crédits de l'enseignement technique agricole. - Ma première question porte sur l'attractivité de l'enseignement technique agricole. À la rentrée 2023, le nombre d'élèves est certes en légère hausse, sous l'effet notamment du succès de l'apprentissage. Cette augmentation des effectifs d'environ 1 % par an depuis cinq ans est pourtant bien loin de la nécessité de 30 % d'élèves supplémentaires d'ici à 2030 pour répondre au défi du renouvellement des générations en agriculture. Pourriez-vous nous indiquer les actions mises en oeuvre pour renforcer l'attractivité des filières de l'enseignement technique agricole ?
Qui dit attractivité dit nécessité de recrutement. L'enseignement agricole, composé de petits effectifs, fait face aux mêmes difficultés que le secteur de l'enseignement général dans ce domaine. Quelles mesures envisagez-vous, au-delà du « pacte enseignant », pour répondre à cette crise d'attractivité ? Envisagez-vous, par exemple, pour certaines disciplines techniques et professionnelles, la mise en place d'une voie dérogatoire pour permettre le recrutement d'enseignants au niveau licence et non bac + 5, comme c'est le cas actuellement ?
Pourriez-vous faire un point sur les implications des travaux menés dans le cadre de la loi d'orientation et d'avenir agricoles ? Des crédits supplémentaires viendront-ils abonder le programme 143 en 2024 pour la mise en oeuvre de cette réforme ?
Enfin, vous annonciez la semaine dernière que les agriculteurs sinistrés en novembre par les tempêtes et les inondations en Bretagne, en Normandie et dans les Hauts-de-France pourraient bénéficier d'un fonds de 80 millions d'euros. Des établissements de l'enseignement agricole ont-ils été touchés par les intempéries ? Le cas échéant, sont-ils éligibles aux aides annoncées par le ministère ?
La direction générale de l'enseignement et de la recherche (DGER) nous a précisé le succès des échanges internationaux dans l'enseignement agricole, avec 9 % des étudiants qui bénéficient de crédits Erasmus.
Une coopération se pratique notamment avec des pays africains, qui nous envoient beaucoup d'étudiants désireux d'adapter leurs méthodes agroculturales aux nouvelles conditions climatiques qui frappent leur pays. Dans ce contexte, quel partenariat peut-on mettre en place avec eux pour leur enseigner les nouvelles techniques que nous maîtrisons ?
Les établissements sont très touchés par la hausse du coût de l'énergie - certains d'entre eux évoquent une augmentation de plus de 500 % de leurs frais ! Ce problème touche notamment les établissements privés catholiques, qui ne bénéficient pas partout de la participation des régions : ils sont obligés d'augmenter les frais de scolarité, alors que 45 % de leurs élèves sont boursiers.
Vous avez également évoqué les problèmes soulevés par l'école inclusive. Si dans le secteur public on parle d'AESH, dans le privé ce sont des auxiliaires de vie scolaire (AVS), dont le statut est moins attractif et pérenne. Peut-on envisager que ces établissements bénéficient d'AESH ?
Enfin, l'agronomie - ensemble de sciences exactes, naturelles, économiques et sociales nécessaires pour pratiquer et comprendre l'agriculture - n'est désormais plus qu'une option dans l'enseignement général de la filière agricole. Certaines voix parmi les syndicats de l'enseignement agricole s'en sont émues. Envisagez-vous de revenir sur cette suppression ?
M. Marc Fesneau, ministre. - Concernant la question de l'attractivité des métiers de l'enseignement agricole, vous dites qu'il faudrait former 30 % d'agriculteurs supplémentaires. Tous nos étudiants au sein des formations agricoles ne deviendront pas forcément chefs d'exploitation agricole. Nous devons les y encourager. Il faut améliorer le processus de découverte des différents métiers, ce que nos futurs loi et pacte permettront de faire au niveau national.
Il est central pour l'attractivité de ces métiers que leur découverte s'effectue au plus tôt, pourquoi pas dès l'école primaire. La découverte au collège me paraît un peu tardive. N'oublions pas que notre population vit aujourd'hui principalement dans les villes, loin de la campagne. Aussi, ce qui était par le passé une découverte du quotidien pour les enfants ne l'est plus de nos jours. Nous avons besoin de travailler dès le plus jeune âge sur ces questions.
Il faut d'ailleurs se dire, et c'est une révolution, que la plupart de nos futurs agriculteurs ne seront pas du tout issus du monde agricole. C'est en intégrant le fait que notre vivier est désormais urbain que nous arriverons à renouveler nos générations dans ces métiers.
C'est notamment la raison pour laquelle nous travaillons avec les chambres d'agriculture au déploiement massif de stages agricoles auprès des collèges, afin d'initier davantage les jeunes à ces métiers.
Après la crise d'attractivité des apprenants, j'en viens à la crise d'attractivité du métier d'enseignant agricole. Vous l'avez relevé, monsieur le rapporteur, la crise est assez globale, et cela fait partie des objectifs du « pacte enseignant » que de revaloriser ce secteur. Il s'agit d'insister sur le fait que le métier d'enseignant agricole est un métier d'avenir, porteur de sens - la rémunération n'est pas le seul levier. Nous essayons par ailleurs d'innover en recrutant au niveau licence et en formant en interne au niveau master pour avoir de nouveaux enseignants.
Une grande partie de ces mesures est déjà budgétée, grâce à une hausse de près de 20 % des crédits, ajoutée aux 600 ou 700 millions d'euros supplémentaires du budget précédent. Définissons déjà la façon de déployer ces moyens, avant d'estimer si des compléments financiers sont nécessaires.
Nous n'avons pas attendu la loi et le pacte pour présenter des éléments budgétaires. Ces deux outils permettront de dégager dans un second temps la cohérence d'ensemble de ce travail.
Sur l'école inclusive, effectivement, il s'agit d'AVS dans le privé et non d'AESH. Malheureusement, il est impossible d'avoir des contrats de droit public dans le privé, mais les améliorations apportées au statut d'AESH ont vocation à être étendues aux autres statuts. Le chantier est ouvert, mais il faut effectivement faire attention à ne pas léser les uns par rapport aux autres.
Concernant les intempéries, le fonds de 80 millions d'euros que j'ai annoncé est à destination du secteur agricole. Le bâti n'a en général pas beaucoup été touché par la tempête et il est en général bien assuré, même s'il est bien sûr important d'y veiller.
Sur la coopération avec les pays qui subissent encore plus que nous le dérèglement climatique, nos programmes sont nombreux, notamment auprès du Sénégal, de la Côte d'Ivoire ou encore de l'Angola. C'est une tradition de l'enseignement agricole qui a vocation à se poursuivre. Cela pourra faire l'objet d'un point plus précis.
Nous avons effectivement noté des difficultés relatives au coût énergétique supporté par certains établissements. Si le fonds de roulement a pu être une aide dans certains cas, ce n'est pas une solution pérenne. Nous essaierons en 2024 de trouver le dispositif le plus adéquat.
Sur l'agronomie qui n'est plus qu'une option, je vous indique que l'agroécologie fait partie de 72 % des programmes. L'agroécologie, c'est l'agronomie tournée vers la transition écologique. Je signale que l'agronomie figure également dans la filière du baccalauréat général, au sein de la spécialité « biologie-écologie ».
Mme Annick Billon. - En novembre 2023, une centaine d'enseignants ont signifié leur mécontentement d'avoir à « travailler plus pour gagner autant », selon leur slogan. Ils remettaient notamment en question la méthode de calcul mise en application sur 30 % des régions académiques, avant d'être généralisée. Que leur répondez-vous ? Comment expliquez-vous cette nouvelle méthode de calcul ?
Le harcèlement scolaire est-il abordé différemment dans l'enseignement agricole ? Les outils de l'enseignement scolaire classique doivent-ils être adaptés spécifiquement à ce secteur ? Le phénomène y est-il aussi massif ?
Les budgets sont en effet à la hausse, la nouvelle attractivité de ces filières auprès des jeunes est positive, mais sait-on précisément combien de personnes en situation de handicap y sont accueillies ? L'augmentation de postes affichés d'AVS dans les budgets ne nous dit pas toujours si un accueil qualitatif des élèves est bien assuré.
Je souhaiterais également revenir sur les maisons familiales rurales (MFR). La négociation en cours avec la DGER sur l'aide par élève à destination de ces maisons semble s'orienter vers un échec pour cette année. Pouvez-vous prendre l'engagement d'une aide revue pour 2025 ? C'est un réseau extrêmement développé sur mon territoire, qui répond à une demande importante.
J'évoquerai pour finir le camion de « L'aventure du vivant », auquel des millions d'euros sont consacrés, mais que les personnes auditionnées n'ont jamais vu. Nous sommes très sceptiques sur l'efficacité de ce dispositif compte tenu de son budget.
Mme Marie-Pierre Monier. - Je rebondis sur deux questions de mes collègues auxquelles vous avez partiellement répondu.
Comment se fait-il que les enseignants eux-mêmes nous interpellent sur la disparition de l'agronomie dans les programmes ? Il semble y avoir un vrai sujet sur ce point selon nos auditions.
Ensuite, l'évolution des fiches de services, évoquée par ma collègue Annick Billon, entraîne bien un changement, qui se traduit notamment pour les enseignants par des heures supplémentaires perdues ; leur slogan « travailler plus pour gagner autant » vise juste. On comprend donc que cette mesure soit mal perçue, d'autant que, vous l'avez vous-même souligné, un problème d'attractivité salariale persiste ; il concerne par ailleurs l'ensemble du secteur de l'enseignement, aussi bien général qu'agricole.
Ce nouveau mode de calcul qui concerne la pluridisciplinarité des baccalauréats professionnels a-t-il vocation à se généraliser dans l'enseignement agricole ?
Une autre question concerne spécifiquement les lycées maritimes. La loi n° 2022-1574 du 16 décembre 2022 visant à lutter contre la précarité des accompagnants d'élèves en situation de handicap et des assistants d'éducation prévoit de « CDIser » les AESH au bout de trois ans. Or le ministère de la transition écologique, dont dépendent les lycées maritimes, ne tire pas la même interprétation de la loi et préfère recruter de nouveaux CDD passé ce délai. Est-il prévu de remédier à cette iniquité de traitement entre enseignement agricole et enseignement maritime ?
Toujours au sujet des AESH, 300 d'entre eux ont été « CDisés » à la rentrée sur les près de 800 accompagnants que compte l'enseignement agricole. Ces personnes ne dépendent donc plus des établissements où elles exercent, mais du ministère de l'agriculture. Avez-vous suffisamment de ressources humaines pour répondre à cette évolution ?
Enfin, vous avez évoqué la création de 20 ETP supplémentaires destinés aux services de médecine scolaire et sociaux, alors que vous mentionnez un effectif d'élèves en augmentation et que 316 emplois ont été supprimés entre 2017 et 2022. Cela m'interroge.
M. Gérard Lahellec. - Merci, monsieur le ministre, d'avoir rappelé les enjeux de l'agriculture. Venant de Bretagne, ils me concernent de près.
D'emblée, je soulignerai la nécessité d'une très grande ambition publique, à la fois pour réussir les mutations en cours et pour améliorer les moyens de l'enseignement agricole public. Sans vouloir dresser une opposition entre les établissements privés et publics, j'observe que ces derniers ne bénéficient pas des mêmes moyens. Au-delà des réponses budgétaires à apporter, notre région a peut-être trouvé une solution en mettant en place un groupement d'intérêt public (GIP) regroupant l'ensemble des lycées publics des territoires.
Si le budget est en soi positif, son appréciation ne vaut qu'en le rapportant aux objectifs fixés. Son augmentation sensible et les efforts produits dans le secteur médico-social méritent certes d'être pointés : 20 ETP supplémentaires, ajoutés aux 10 ETP censés avoir été créés - est-ce bien le cas ? - dans le précédent budget.
Enfin, le réajustement du temps de travail suscite manifestement de l'émotion et des questionnements de la part de nos enseignants. Tout éclairage à ce sujet, qui participe par ailleurs à l'attractivité du métier, est bienvenu.
M. Martin Lévrier. - Le développement de l'apprentissage agricole se concentre-t-il plus sur le post-baccalauréat que sur le pré-baccalauréat, comme dans les autres filières ? Comment améliorer le niveau pré-baccalauréat, si c'est le cas ?
La loi sur l'apprentissage devait permettre de créer des unités de formation par apprentissage (UFA) ou des centres de formation d'apprentis (CFA) liés aux lycées professionnels. Se sont-ils développés dans le secteur de l'agriculture ? Est-ce une piste envisagée de développement de l'apprentissage au niveau pré-baccalauréat, qui aiderait notamment à la pluridisciplinarité ?
Comme vous l'avez noté, le vivier d'agriculteurs vient aujourd'hui plutôt du monde urbain. Dans cette logique, le budget prévoit-il de développer des internats destinés aux jeunes qui souhaiteraient se former aux métiers de la ruralité, sachant qu'il est difficile de créer des fermes au milieu de Paris ?
Dernier point, sous forme d'humour : plus de 52 % des enseignants du monde agricole se sont approprié les « briques » dans le pacte, ce qui est un grand succès compte tenu de la frilosité habituelle dans l'éducation nationale. Quelle est votre recette ? Est-ce à base de carottes ? (Sourires.)
Mme Monique de Marco. - Au regard de l'importance et des enjeux de la future loi d'orientation et d'avenir agricoles, comment allez-vous renforcer l'enseignement de l'agroécologie paysanne et de l'agriculture biologique dans les programmes de l'enseignement agricole, afin qu'ils ne soient pas relégués en une simple option ?
Mme Colombe Brossel. - On peut se réjouir de la création de postes médico-sociaux. Des créations de postes avaient déjà eu lieu l'année dernière. Quelle est la proportion de postes réellement occupés ? Les temps de trajet de ces professionnels de l'enseignement agricole sont en moyenne plus importants que dans l'enseignement public général. Une réorganisation ou une mutualisation est-elle à l'ordre du jour pour améliorer l'attractivité de ces postes ? Est-il farfelu d'imaginer des mutualisations avec l'éducation nationale ?
Enfin, comment expliquez-vous la baisse du budget des bourses sur critères sociaux, estimé à 44 millions d'euros, observée également dans l'enseignement général ? Le ministre de l'éducation nationale l'a pour sa part justifiée par la baisse démographique observée depuis quelques années, mais, en ce qui concerne votre budget, le nombre d'étudiants est au contraire à la hausse, avec des jeunes qui présentent des profils économiques moins favorisés que ceux de la filière générale.
Mme Catherine Morin-Desailly. - Vous avez souligné à quel point il était important de bien orienter nos jeunes vers ces métiers d'avenir. Comment coopérez-vous avec les régions, dont la compétence englobe le financement des infrastructures scolaires, mais aussi l'orientation professionnelle ?
Mme Karine Daniel. - J'élargirai la question des emplois dédiés mais pas forcément pourvus aux conseillers principaux d'éducation (CPE).
Concernant le volet relatif à l'enseignement supérieur et à la recherche de l'enseignement agricole, on constate ici aussi un décrochage entre les établissements publics et les établissements privés sur l'accueil réservé aux boursiers. Ils ne bénéficient pas toujours de l'aide à la mobilité internationale (AMI) pour accéder aux échanges à l'étranger. Dans un souci d'équité, il serait bien d'y remédier.
La loi relative à l'enseignement supérieur et la recherche a permis aux établissements privés d'ouvrir des formations vétérinaires. Une première école l'a mis en place, celle d'UniLaSalle à Beauvais. Avez-vous des retours sur les effets de cette ouverture ? Où en sont les accréditations européennes sur ce type de formation ? Le ministère de l'agriculture a-t-il l'intention d'évaluer et de consolider cette nouvelle possibilité ?
M. Michel Laugier. - Les établissements de l'enseignement agricole connaissent-ils les mêmes problèmes d'insécurité, d'incivilités, de non-respect des enseignants et des valeurs de la République et de tenues vestimentaires inappropriées que dans l'enseignement général ? Des moyens ont-ils été mis en place à cet effet ?
M. Marc Fesneau, ministre. - J'entends l'émotion que suscite la modification des fiches de service, mais j'insiste sur ce fait : le temps de travail des enseignants n'augmente d'aucune façon. Il y a, certes, une réorganisation du temps de travail, mais le volume horaire reste inchangé. Cela revient donc à « travailler autant et différemment pour gagner autant » et non « travailler plus pour gagner autant ». Aucune économie budgétaire n'est réalisée à ce niveau.
Je reconnais que l'évolution pédagogique peut être un chamboulement mal vécu par certains, mais il faut savoir faire preuve de souplesse ; le domaine de l'éducation n'est pas intangible. Cependant, même si le mouvement de contestation évoqué par Mme Billon n'est pas massif - il concerne cent à deux cents agents -, c'est notre devoir de mieux expliquer l'intérêt de cette mesure que j'assume. Elle est essentielle pour mettre en place la pluridisciplinarité, dont nos futurs exploitants agricoles ont plus que jamais besoin pour s'adapter aux défis de demain.
Concernant les MFR, l'échec des négociations n'est pas acté. La discussion est en cours et il se peut qu'on arrive à un terrain d'entente. L'enseignement agricole est formidable par la diversité de ses formations et de sa géographie, dont les MFR sont une composante importante sur nos territoires, notamment auprès des communes de petite taille. Ces maisons jouent un rôle essentiel auprès des familles, mais aussi en matière d'inclusivité. Le budget est resté égal alors qu'on observe une baisse constante des effectifs. Il est légitime de mettre les moyens en adéquation avec les besoins.
Sur le camion de « L'aventure du vivant », j'entends toujours la même chose : « Il est bien votre camion, mais on ne le voit pas ! » Il faut savoir qu'il n'en existe qu'un ou deux, le dispositif est donc limité pour couvrir toute la France. Pour ma part, je l'ai vu à Tours, aux côtés de 45 000 visiteurs, mais peut-être apparaît-il seulement lors de mes déplacements ! (Sourires.) J'entends la remarque, mais quoi qu'on en dise le concept « d'aller vers » est intéressant. Le format impliquant à la fois des enseignants et des apprenants est original et s'avère très utile pour susciter de nouvelles vocations auprès des jeunes.
Est-ce que l'on compte généraliser la pluridisciplinarité ? Non. Il faut en faire, mais ne pas faire que cela.
Concernant le statut des AESH dans les lycées maritimes, je prends l'engagement devant vous d'évoquer la question à mon collègue Hervé Berville. Cela ne relève pas de mes compétences.
Je ne suis pas d'accord avec votre remarque sur le budget, monsieur Lahellec. Rien n'est jamais parfait et je n'ai pas pour habitude de verser dans l'autosatisfaction, mais avec plus de 2 milliards d'euros déployés en deux ans, sur un budget de 5 milliards d'euros, il semble que nous soyons à la hauteur des ambitions fixées par les futurs loi et pacte et par la planification écologique.
M. Lévrier m'a interrogé sur l'essor de l'apprentissage dans l'enseignement agricole. Il y a en effet une culture d'engagement incontestable dans ce domaine. L'internat participe en effet fortement à l'intégration de ce nouveau public. L'enseignement agricole est composé à 60 % d'élèves en internat, ce qui favorise l'inclusivité sociale. Le pacte nous permettra d'attirer des élèves « urbains » vers les exploitations agricoles. Nous avons 400 000 exploitations agricoles en France : il faudrait augmenter le nombre d'exploitations qui pourraient accueillir des jeunes.
Près de 400 « CDIsations » d'AESH ont bien été reprises en gestion et en paye par le ministère de l'agriculture. Ce n'est pas un petit dossier ! Des moyens supplémentaires ont été prévus l'année dernière pour répondre à cette mission de ressources humaines. Nous essaierons de résoudre ce dossier en 2024, en toute transparence avec les agents concernés.
Madame Brossel, le taux de couverture des postes à la rentrée est de 99 %. Nous devons travailler sur l'attractivité, notamment par le biais du « pacte enseignant ». Ce n'est pas simple, nous oeuvrons à mieux faire connaître l'enseignement agricole, loin des caricatures. On n'y forme pas uniquement des exploitants agricoles, il y a plus de 200 métiers différents. Par ailleurs, seuls 10 % des jeunes de cette filière ont des parents agriculteurs. Contrairement aux idées reçues, c'est un enseignement quasiment paritaire, avec 46 % de femmes. En revanche, des différences demeurent dans les différentes professions : le milieu forestier n'est pas très féminin, par exemple.
Madame de Marco, en ce qui concerne les enseignements, regardez les référentiels : on enseigne tout ce que sera l'agriculture de demain, l'agroécologie notamment. Avec le dérèglement climatique, nos jeunes feront face à de nombreux enjeux, donc l'agroécologie est un principe de base. L'adaptation, la capacité, la mobilité, l'agilité sont fondamentales, car le monde a beaucoup changé et continue d'évoluer. Nous sommes entrés dans une ère d'incertitude, dans laquelle il faut apprendre à naviguer plutôt que de se réfugier dans la peur et le repli. Nous allons travailler sur l'acquisition de compétences « psycho-sociales » pour mieux préparer les jeunes à faire face à ce monde d'incertitudes.
Le monde agricole souffre déjà d'un grand mal-être. Pour attirer des jeunes, il est nécessaire de bien expliquer en quoi consistent ces métiers méconnus. Par exemple, l'image des forestiers, c'est la coupe rase et la tronçonneuse, ce qui n'attire pas beaucoup, alors que d'autres métiers existent, de plantation, d'observation, de conseil, qui doivent être valorisés. Aujourd'hui, des enfants n'osent pas dire que leurs parents travaillent dans des abattoirs ; pourtant, là aussi, nous avons besoin de recruter.
Par ailleurs, dans les lycées agricoles, nous travaillons beaucoup sur les objectifs d'Égalim, les écocitoyens, notamment parce que l'internat permet de disposer de temps dédiés. Nous sommes plutôt bien avancés sur ces questions.
Sur la question du recrutement de médecins, on est dans la trajectoire avec plus de 20 équivalents temps plein (ETP).
Concernant la mutualisation, j'essaie de respecter la biodiversité des écosystèmes d'enseignement qui fonctionnent plutôt bien. Le premier élément de mutualisation passe par le renforcement du dialogue entre les équipes de l'enseignement général et de l'enseignement agricole pour favoriser les passerelles entre ces deux mondes.
À propos de la nouvelle école vétérinaire, la deuxième promotion vient d'être accueillie, il est trop tôt pour faire un bilan. Pendant longtemps, nous avons négligé de former des vétérinaires en nombre suffisant ; beaucoup d'étudiants allaient se former en Belgique ou en Roumanie. Il était nécessaire d'inverser cette démographie désastreuse. Nous augmentons par conséquent les effectifs formés dans les établissements publics. La création d'une école privée en Normandie s'inscrit dans notre objectif de former 75 % de vétérinaires supplémentaires d'ici à 2030. Nous avons réussi à en former déjà 40 % de plus depuis 2017.
Ensuite, un autre défi à relever est celui de leur affectation : il faudrait qu'ils s'installent plus souvent en zone rurale, comme les médecins d'une manière générale, et qu'ils ne fassent pas que de « la canine ». L'enseignement agricole s'appuie de manière plutôt harmonieuse sur le public et le privé, les deux systèmes sont complémentaires et nous en avons besoin pour progresser.
La collaboration avec les régions, qui détiennent une part de la compétence agricole, est bonne, tant sur les questions immobilières que sur les ressources humaines, ou encore sur Égalim.
Les bourses fonctionnent comme un guichet : elles diminuent ou augmentent en fonction de la demande. Si les besoins s'accroissent, il y aura davantage d'argent.
La sécurité dans les lycées agricoles n'est pas différente de celle d'autres établissements, les incidents n'y sont pas plus nombreux et les mêmes règles s'appliquent. La vigilance est de mise sur les questions de respect du principe de laïcité, et la répression des faits signalés est identique à celle pratiquée dans les établissements d'enseignement général. Mais le fait qu'un grand nombre d'élèves soient en internat facilite le travail de pédagogie et d'explicitation et la relation avec les familles.
M. Martin Lévrier. - L'apprentissage est-il autant développé en pré-bac qu'en post-bac ?
M. Marc Fesneau, ministre. - Oui, jusqu'au niveau ingénieur.
M. Laurent Lafon, président. - Merci, monsieur le ministre, pour vos réponses très précises.