II. UNE RENTRÉE 2023 SATISFAISANTE, MAIS QUI PEUT MIEUX FAIRE
A. UNE DIMINUTION DES EFFECTIFS DE LA VOIE SCOLAIRE COMPENSÉE PAR LE SUCCÈS DE L'APPRENTISSAGE
S'agissant de la rentrée 2023, les données provisoires dont dispose le ministère mettent en lumière une nouvelle progression des effectifs d'apprentis, toutefois moindre que celles des années précédentes (+ 40,4 % sur trois années scolaires depuis 2019) et une légère baisse de la voie scolaire (-0,6 %), soit une perte d'environ 650 élèves. Les effectifs du niveau collège (4e-3e) demeurent stables, tout comme ceux des baccalauréats professionnels et technologiques, là où ceux du CAP agricole augmentent de plus de 3 %. Le nombre d'élèves scolarisés en BTSA diminue quant à lui de près de 6,5 %.
Sur le long cours, les effectifs totaux de l'enseignement agricole technique (de la 4e au BTSA) ont connu une baisse de 5,5 % entre 2012 et 2018 puis ont augmenté de manière constante depuis, avec une hausse de 4 % du nombre d'élèves, étudiants et apprentis formés entre 2019 et 2022 dans les 804 établissements (220 publics et 584 privés) que compte l'enseignement technique agricole.
B. LE MANQUE D'ATTRACTIVITÉ DE LA FILIÈRE BTS AGRICOLE SE CONFIRME
Si la réforme de la semestrialisation du brevet de technicien supérieur agricole (BTSA) initiée en 2022 a permis de mieux inscrire ce diplôme dans l'architecture européenne LMD (licence, master, doctorat), la perte d'attractivité continue de ce niveau d'études depuis 2020 inquiète les acteurs du secteur.
Ce mouvement de déclin, constaté aussi à l'Éducation nationale, s'explique en partie, selon le ministère, par une bascule vers l'apprentissage et une difficulté de positionnement de ce diplôme en deux ans, qui peine à trouver sa place.
Au cours de son audition par la commission, Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, a indiqué réfléchir dans le cadre des travaux relatifs au pacte d'orientation et d'avenir agricoles à la création d'un bachelor agro pour attirer davantage de jeunes souhaitant bénéficier d'un système de spécialisation à bac+ 3.
Le rapporteur se félicite de cette annonce et sera attentif à ce qu'elle soit suivie d'effets dans les mois à venir. Il est indispensable de redonner au BTS agricole une perspective claire dans une dynamique bac+ 3 pour intégrer pleinement l'architecture LMD, devenue la norme, dans l'ADN de l'enseignement technique agricole.
C. LA SITUATION DES FILIÈRES « AGROALIMENTAIRE » ET « SERVICES » INQUIÈTE
L'éventail de formations offertes par l'enseignement agricole est aujourd'hui très varié, bien au-delà des secteurs agricoles, à l'instar des filières consacrées à l'aménagement de l'espace et à la protection de l'environnement, à la transformation alimentaire, ou encore à la vente. Cette pluralité de formations constitue une véritable richesse pour les établissements en attirant une diversité de profils remarquable parmi les élèves, étudiants et apprentis de l'enseignement agricole.
Parmi ces multiples filières, deux spécialités voient cependant leur nombre d'élèves fortement diminuer depuis plusieurs années : les filières du type « agroalimentaire » et « services ».
En effet, l'image des industries alimentaires s'est dégradée, et les écoles d'ingénieur en agroalimentaire tout comme les lycées agricoles peinent à remplir leurs classes. Il est urgent de mettre en lumière ce type de spécialités dans le cadre des campagnes de communication de l'enseignement agricole, de par leur importance au regard des enjeux de renouvellement des générations en agriculture.
À ce titre, le rapporteur regrette que l'« agronomie », auparavant obligatoire dans les filières générales de l'enseignement agricole, soit désormais une option, qui n'est plus proposée dans l'ensemble des lycées agricoles.
Les filières du type « services » souffrent quant à elles encore trop souvent de la concurrence des filières proposées par l'Éducation nationale. Dès lors, les élèves méconnaissent l'offre portée par l'enseignement agricole, et se dirigent par réflexe vers les formations proposées par l'Éducation nationale, dont ils sont issus. C'est pourquoi il est essentiel de renforcer la coopération entre l'enseignement agricole et l'Éducation nationale sur les enjeux d'orientation, pour faciliter la présentation des cursus offerts par l'enseignement agricole dans les établissements de l'Éducation nationale.
Le rapporteur salue la désignation d'un représentant de l'enseignement agricole ainsi qu'un suppléant par la DRAAF pour chaque département depuis la rentrée scolaire de septembre 2021. Toutefois, il regrette que ces représentants soient majoritairement des directeurs d'établissements agricoles publics missionnés par la DRAAF. Il encourage le Gouvernement à mettre en place des ETP pleinement dédiés à cette fonction, avec pour mission de s'assurer que les élèves étudiant sur le territoire aient accès à une bonne information sur les filières proposées tant au sein des établissements relevant de l'Éducation nationale que dans les établissements agricoles.
Par ailleurs, au cours de son audition par la commission, le ministre a évoqué la mise en oeuvre de modules de découverte de l'agriculture et de l'alimentation dès les classes de primaire dans le cadre du pacte d'orientation et d'avenir agricoles. Le rapporteur se réjouit de cette annonce et sera très attentif aux conditions de sa mise en oeuvre.
La lutte contre la désertification
vétérinaire en milieu rural
doit aussi passer par
l'enseignement agricole
Sur les 19 500 vétérinaires que compte la France, seuls 3 700 exercent encore auprès d'animaux de production, un nombre en baisse de 18,5 % en cinq ans. La conséquence de cette diminution inquiétante du nombre de vétérinaires spécialisés dans les animaux de ferme est la multiplication du nombre de déserts vétérinaires sur l'ensemble du territoire, notamment dans les régions les plus rurales.
Pour faire face à la pénurie de vétérinaires, le Gouvernement a initié un plan de renforcement des quatre écoles nationales vétérinaires (ENV) pour la période 2023-2025. Une nouvelle augmentation du nombre d'étudiants portera la taille des promotions de chaque ENV à 180 étudiants contre 160 actuellement. Cet accroissement s'accompagnera également de recrutement d'enseignants ou de cliniciens.
En parallèle, les études vétérinaires ont été réformées avec l'ouverture d'un concours post-bac (Parcoursup) des ENV. Il permet de devenir vétérinaire en six ans après le baccalauréat, contre sept à huit ans d'études par les autres voies de concours.
Pour autant, la véritable source d'inquiétude n'est pas tant le nombre de vétérinaires puisque, chaque année, le nombre de professionnels inscrits au tableau de l'ordre augmente, mais bien leur répartition sur le territoire et par type d'activité.
Si, désormais, les collectivités territoriales qui le souhaitent peuvent également distribuer des aides à l'installation et au maintien des vétérinaires « dans l'ensemble des territoires dès lors qu'elles contribuent à la protection de la santé publique et assurent la continuité et la permanence des soins aux animaux d'élevage », le manque de vétérinaires en élevage dans les zones rurales pourrait s'aggraver dans les années à venir, notamment en raison de l'attrait des jeunes générations pour les soins aux animaux de compagnie ou aux chevaux.
L'enseignement agricole a donc tout son rôle à jouer en la matière, pour revaloriser l'image des vétérinaires ruraux auprès des jeunes élèves, et redynamiser ces filières d'avenir.