II. UNE RÉPONSE ENCORE INCERTAINE DU SECTEUR AÉRIEN AUX CHANGEMENTS ENVIRONNEMENTAUX

A. LA DÉCARBONATION : DES OBJECTIFS PRÉCIS

1. Une ambition mondiale de neutralité carbone en 2050 partagée par les principaux acteurs du secteur et les États

En octobre 2021, l'Association du transport aérien international (IATA) a adopté un objectif de « zéro émission nette » en 2050, qui repose sur le cumul d'une réduction des émissions du secteur et des mesures de compensation carbone1(*). Un an plus tard, en octobre 2022, l'Assemblée de l'Organisation de l'Aviation civile internationale (OACI) a adopté un objectif de neutralité carbone en 2050 pour l'aviation civile internationale2(*).

Trois leviers principaux de décarbonation sont aujourd'hui identifiés :

- l'utilisation de carburants d'aviation durable (CAD) ;

- l'efficacité énergétique des aéronefs ;

- la maîtrise du trafic.

2. Des objectifs nationaux et européens volontaristes
a) Les objectifs de décarbonation

Les objectifs de planification écologique3(*) déterminés par le Secrétariat général à la planification écologique (SGPE) ont été déclinés de façon ambitieuse pour le secteur aérien. Celui-ci devrait réaliser une économie de 9 millions de tonnes équivalent CO2 (Mt Eq CO2) d'ici 2030 en s'appuyant sur les trois leviers précités :

- les carburants d'aviation durable (2,4 Mt Eq CO2) ;

- l'efficacité énergétique des aéronefs (3,4 Mt Eq CO2) ;

- la maîtrise de la demande (3,1 Mt Eq CO2).

Ces mesures seront toutefois contrebalancées par l'augmentation tendancielle du trafic, qui aurait un impact de 6 Mt Eq CO2. Par conséquent, les émissions de gaz à effet de serre du secteur aérien passeraient in fine de 24 à 21,5  Mt Eq COentre 2019 et 2030.

À l'horizon 2050, les émissions de gaz à effet de serre du secteur doivent être ramenées à 2,9  Mt Eq COselon la trajectoire identifiée par le SGPE.

Cette trajectoire sera précisée par la prochaine Stratégie nationale bas carbone (SNBC), qui devrait être réalisée au cours de l'année 2024.

La prochaine SNBC définira des budgets carbone par secteur, et notamment pour le secteur aérien. Elle fixera ainsi la trajectoire de réduction des émissions de gaz à effet de serre afin, par la suite, d'identifier avec précision les leviers pour la satisfaire.

La commission sera donc particulièrement vigilante sur la trajectoire de décarbonation du secteur définie dans la prochaine SNBC.

Cette trajectoire française doit être cohérente avec la trajectoire de décarbonation élaborée à l'échelle de l'Union européenne, le paquet « Ajustement à l'objectif 55 », qui vise une réduction de 55 % des émissions de gaz à effet de serre d'ici 2030 par rapport au niveau de 1990.

b) Des objectifs spécifiques d'incorporation des carburants aériens durables (CAD)

La France a joué un rôle pionnier dans la mise en oeuvre d'une fiscalité incitative afin de favoriser l'utilisation des carburants durables. C'est le rôle de la taxe incitative relative à l'utilisation d'énergie renouvelable dans le transport ou Tiruert.

Cette taxe définit un objectif d'utilisation d'énergie renouvelable dans les différents modes de transport, qui prend la forme d'un pourcentage de carburant durable sur le total du carburant utilisé. Si un metteur à la consommation de carburants incorpore le pourcentage cible ou un montant supérieur, il n'a pas à s'acquitter de la taxe. Si, toutefois, il ne respecte pas la cible, il paie un montant proportionnel à son écart par rapport à la cible. Ce montant correspond au produit de la quantité de carburant durable qu'il aurait dû utiliser pour atteindre la cible exprimée en hectolitres et d'un prix fixé par l'hectolitre.

L'article 13 du projet de loi de finances (PLF) prévoit que l'objectif cible d'incorporation de carburants aériens durables, qui est de 1 % en 2023, passe de 1,5 % en 2024 à 2 % en 2025.

En outre, le PLF prévoit une augmentation du tarif payé à l'hectolitre en 2025, qui passe de 168 € à 280 €.

Les dispositions relatives à la Tiruert pour 2025 seront rendues inopérantes par l'application du règlement (UE) 2023/2405 du Parlement européen et du Conseil du 18 octobre 2023 relatif à l'instauration d'une égalité des conditions de concurrence pour un secteur du transport aérien durable (ReFuelEU Aviation). En effet, ce règlement fixe des objectifs d'incorporation de CAD et disposera de dispositifs d'application propres. Le ministre chargé des transports a d'ailleurs souligné devant la commission ne pas souhaiter une superposition des deux dispositifs.

La commission s'interroge donc sur l'opportunité de tels changements pour 2025 qui n'ont pas vocation à être appliqués. Le montant de la taxe pour 2024 est également très élevé et, compte tenu de l'insuffisante structuration de la filière des CAD en France, a un effet inflationniste sur leur prix.

Elle a donc adopté un amendement ( I-299) tendant à faire passer le tarif de la Tiruert à l'hectolitre en 2024 de 168 € à 125 €, et à supprimer sa majoration à 280 € pour 2025. Ce tarif de 125 €, correspondant à celui applicable en 2022, est suffisamment incitatif : le pourcentage cible d'incorporation de CAD pour l'aviation a été atteint à 98 % cette année-là.

Le règlement ReFuelEU Aviation fixe en effet au secteur des objectifs d'incorporation de CAD très ambitieux :

 

2025-2030

2030-2031

2032-2034

2035-2039

2040-2044

2045-2049

2050

Proportion minimale de carburants aériens durables

2 %

6 %

6 %

20 %

34 %

42 %

70 %

dont proportion minimale de carburants de synthèse

/

1,2 % (possibilité de 0,7 % en 2030 si compensé en 2031)

2 % (possibilité de 1,2 % en 2032-33 si compensé en 2034-35)

5 %

10 %

15 %

35 %

Ces pourcentages cibles sont en cohérence avec les objectifs de décarbonation du secteur d'ici 2050 et soutenus de façon consensuelle par ses différents acteurs.

Il est en outre prévu au niveau européen une extinction progressive des quotas gratuits perçus par le secteur aérien au titre des émissions liées aux vols intracommunautaires dans le cadre du système européen d'échange de quotas d'émissions (SEQE). Toutefois, compagnies aériennes pourront continuer à bénéficier de quotas gratuits pour l'utilisation de CAD.

Une distinction est faite entre les vols intracommunautaires, pour lesquels est appliqué le SEQE et les vols extracommunautaires. Ces derniers se voient appliquer le mécanisme de compensation des émissions CORSIA de l'Organisation de l'Aviation civile internationale (OACI).


* 1 IATA, 2021, Resolution on the industry's commitment to reach net zero carbon emissions by 2050

* 2 OACI, Assemblée générale, 7 octobre 2022, Résolution A41-21, point 8.

* 3 Tels que décrits dans le document support de la réunion du 31 mai 2023 du Conseil national de la refondation relative à la planification écologique dans les transports.

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