EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le mercredi 29 novembre 2023, la commission a examiné le rapport pour avis de Mme Micheline Jacques sur les crédits relatifs à la mission « Outre-mer » du projet de loi de finances pour 2024.
Mme Micheline Jacques, rapporteur pour avis sur la mission « Outre-mer ». - Il me revient de fermer le bal des avis budgétaires en vous exposant les grands axes de la mission « Outre-mer » pour ce budget 2024.
Les crédits dédiés au rattrapage économique et social des territoires ultramarins et à la compensation des handicaps naturels auxquels ils font face, tels que l'insularité, sont éparpillés au sein de 32 missions et 105 programmes budgétaires. Il n'est donc pas aisé d'apprécier, dans sa globalité, l'effort de l'État envers les territoires ultramarins.
Je me limiterai aux crédits de la mission « Outre-mer », qui s'élèvent à 2,9 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE), soit 11 % de l'ensemble des crédits à destination de l'outre-mer. Cette mission connaît cette année une hausse de 6,8 % en AE et de 4,5 % en crédits de paiement (CP) par rapport à 2023. Il faut naturellement se réjouir de cette hausse, bien qu'elle s'explique largement, comme l'année précédente, par la hausse mécanique du montant des crédits dédiés à la compensation des exonérations de cotisations sociales.
Dans cet avis, j'ai souhaité mettre l'accent sur deux thématiques très importantes à mes yeux et pour nos compatriotes d'outre-mer, et sur lesquelles la délégation sénatoriale aux outre-mer a d'ailleurs eu l'occasion de rendre des rapports très suivis, en 2021 et 2023. J'évoquerai ainsi tour à tour les problématiques du logement social et de la continuité territoriale.
Mais avant toute chose, je tiens à souligner que les crédits de la mission pour 2024 font écho à l'essentiel des recommandations de l'avis budgétaire que je vous avais présenté ici même il y a un an, et que nous avons voté ensemble. Ces crédits répondent aussi à nombre de recommandations des récents rapports de la délégation sénatoriale aux outre-mer, que j'ai désormais l'honneur de présider. Même si nous n'étions naturellement pas les seuls à formuler des recommandations de bon sens sur des thématiques comme le logement ou encore la mobilité - les élus locaux ultramarins étant évidemment les plus au fait des réalités concrètes et locales des territoires -, je pense que nous pouvons tous ici nous réjouir de l'impact de nos travaux sur des sujets aussi importants que ceux touchant à la vie quotidienne de 2,2 millions de nos compatriotes.
Je commence par la question du logement social. Si cette question est prégnante dans l'Hexagone, elle l'est encore davantage dans de nombreux territoires ultramarins. J'ai souhaité insister sur les trois grands enjeux que sont la construction, la réhabilitation et la lutte contre l'indignité. Je veux d'abord vous donner quelques ordres de grandeur.
En matière de construction, le parc social dans les départements et régions d'outre-mer (Drom) atteint presque 180 000 logements, avec un déficit estimé à 110 000 logements, alors que 80 % des Ultramarins sont éligibles au logement social.
En 2022, avec 2 729 logements livrés, nous avons atteint un point bas historique de la construction, soulignant que la crise du logement social n'est pas une crise soudaine issue de la covid-19 ou de l'inflation.
En ce qui concerne la réhabilitation, la situation n'est guère plus rassurante. Depuis 2011, le total annuel de réhabilitations plafonne autour de 2 000 logements, ce qui demeure très en deçà des besoins, notamment en raison du vieillissement de certaines populations, que l'on entend maintenir à domicile.
Quant au logement indigne, le nombre de logements concernés est évalué à près de 150 000, et la Fondation Abbé Pierre identifie 600 000 personnes en situation de mal-logement ou confrontées à l'absence de logement personnel, soit près de trois Ultramarins sur dix.
Face à ce constat préoccupant, la ligne budgétaire unique (LBU), principal outil d'intervention de l'État en faveur de la politique du logement en outre-mer, connaîtra un accroissement notable de ses crédits en 2024, ce dont on peut se réjouir. L'ensemble des sous-actions sont concernées, et je tiens à noter l'augmentation de 80 % des crédits dédiés à la lutte contre le logement insalubre, ce qui rejoint une recommandation de l'an passé ainsi qu'un amendement que j'avais défendu au nom de notre commission en séance publique.
Cet effort sur la LBU - quasiment 50 millions d'euros en AE - est à replacer dans le cadre des annonces issues du comité interministériel des outre-mer (Ciom) qui s'est tenu en juillet dernier et qui vise notamment à lever un certain nombre de freins au développement économique de ces territoires.
L'effort consiste aussi, plus prosaïquement, à compenser les effets de l'inflation sur les prix de la construction, que les professionnels estiment comprise entre 15 et 20 %.
Augmenter les crédits dédiés au logement social est indispensable, pour encourager la production et garantir un loyer compatible avec les moyens des bénéficiaires de ces logements. Cependant, en matière de logement social, tout ne se rapporte pas à une question de crédits budgétaires ; le défaut d'adaptation des normes hexagonales pèse encore énormément sur le secteur.
Dans l'exemple, bien connu, du marquage « régions ultrapériphériques » (RUP), l'obligation absurde d'importer à grands frais des matériaux estampillés « CE » depuis le continent européen, alors même que nos territoires pourraient s'approvisionner dans leur environnement régional et réduire les coûts d'importation ainsi que les émissions polluantes, est identifiée de longue date par les acteurs de terrain, comme par notre Haute Assemblée.
Le rapport de la délégation sénatoriale relatif à la politique du logement dans les outre-mer recommande de mener un travail actif de développement du marquage RUP, tout comme mon avis budgétaire de l'année précédente. Je note avec satisfaction que cette question a été soumise au Ciom, de même que mon appel à l'organisation d'assises de la construction en outre-mer. Celles-ci se dérouleront finalement en février 2024. Il convient désormais de maintenir une forte attention politique sur ce dossier de long terme, nécessitant un réel engagement au-delà des annonces.
Toujours au sujet de l'adaptation des normes, je signale que le Gouvernement a repoussé aux calendes grecques la question du diagnostic de performance énergétique (DPE) dans les outre-mer. Certes, les critères du DPE hexagonal ne sauraient s'appliquer tels quels aux climats ultramarins. Cependant, le retard pris par le Gouvernement emporte une conséquence très concrète, à savoir l'exclusion des territoires ultramarins du bénéfice de l'essentiel du dispositif MaPrimeRénov', qui permet de financer des travaux de rénovation globale. Le Gouvernement me répondra probablement que des dispositifs de soutien existent sur les crédits de la LBU. Sans doute, mais leurs montants sont bien plus faibles que ceux de MaPrimeRénov'. Ces derniers peuvent atteindre 63 000 euros de subvention pour les ménages les plus modestes.
Considérant les besoins colossaux de rénovation des logements en outre-mer, la question croissante du confort d'été, ou encore celle de la vacance des logements, j'estime que les Ultramarins devraient pouvoir prétendre à des niveaux de subvention similaires à ceux des hexagonaux pour leurs travaux de rénovation.
Enfin, je vous proposerai de porter, au nom de la commission, un amendement visant à abonder de 5 millions d'euros les crédits de l'action n° 01 « Logement », pour mettre en place une aide forfaitaire au traitement de l'amiante dans les logements. Cette question demeure cruciale dans les outre-mer, où le parc de logement est vieillissant et où les coûts du désamiantage peuvent atteindre des sommets. Avec cet amendement, il s'agit de mettre en oeuvre une mesure initialement envisagée par le Ciom, et finalement non retenue.
Au total, il est évident que la question du logement social en outre-mer ne se réglera pas en un jour. Elle nécessite un effort global, qu'il soit budgétaire ou normatif. Elle suppose aussi l'investissement de l'ensemble des acteurs, et je souligne ici la massification des investissements d'Action Logement dans nos territoires ultramarins. Le groupe s'est dernièrement engagé à produire 5 000 logements à Mayotte sur 10 ans, territoire où il était, jusqu'à récemment, absent. Une telle implication ne peut être qu'encouragée.
J'aborde maintenant la question de la continuité territoriale. Le Ciom entend mettre en oeuvre bon nombre des recommandations du rapport de mars 2023 de la délégation sénatoriale aux outre-mer sur le sujet, et je ne peux que m'en réjouir. Les crédits alloués à la continuité territoriale augmentent de plus de 41 % en AE pour 2024, de manière à financer les annonces du Gouvernement visant à soutenir davantage la mobilité des actifs, à renforcer les aides au déplacement des étudiants, ou encore à mieux accompagner les talents du monde de la culture et du sport. En accompagnement de ces évolutions, l'Agence de l'outre-mer pour la mobilité (Ladom) fait actuellement l'objet d'une réforme destinée à en faire le véritable point focal de la mobilité outre-mer.
Toutefois, je regrette que la question de la mobilité interne ne soit toujours pas traitée, alors même que, dans certains territoires, il ne suffit pas de prendre sa voiture, de conduire une demi-heure ou une heure, pour atteindre un aéroport international. Ainsi, en Guyane, territoire toujours très enclavé, pour se rendre à Cayenne, des compatriotes doivent prendre l'avion ou la pirogue, ce qui requiert un temps considérable et engendre des coûts importants que la collectivité doit prendre en charge pratiquement seule. De même, la Polynésie française maintient des dizaines de lignes aériennes non rentables par l'intermédiaire d'une délégation de service public (DSP), pour éviter que certains de nos compatriotes ne se retrouvent coupés du monde.
La Guyane comme la Polynésie française ont besoin que l'État prenne ses responsabilités et soutienne financièrement les mobilités vers les aéroports internationaux. Je proposerai en mon nom propre, les crédits concernés ne figurant pas au sein de la mission « Outre-mer », un amendement destiné à permettre à l'État de participer au financement des DSP guyanaise et polynésienne, de manière à soulager quelque peu ces collectivités.
Je rappelle que la Guyane investit 9 millions d'euros dans sa DSP, quand l'État ne l'abonde qu'à hauteur de 1 million. La Polynésie française emploie pour sa part 10 millions d'euros à la dotation de sa DSP, sans aucune aide de l'État.
En définitive, mes chers collègues, même si ce budget ne constitue pas un « grand soir » pour les outre-mer - je n'ai d'ailleurs pas mentionné les baisses de crédits de plusieurs actions -, nous pouvons nous réjouir que les territoires ultramarins et le Sénat aient été entendus sur certaines de leurs demandes et de leurs recommandations. Il reste naturellement beaucoup à faire, mais ce budget pour 2024 traduit en partie les annonces de ces derniers mois du Gouvernement. Je vous invite à en prendre acte et à voter en faveur des crédits de la mission.
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Merci pour ce rapport et mes félicitations pour votre élection en tant que présidente de la délégation aux outre-mer.
Mme Viviane Artigalas. - Je remercie et félicite également notre collègue. Elle a mis en place un système intéressant de référents outre-mer dans chacune des commissions. Un effort global évalué à 22 milliards d'euros bénéficierait en effet aux outre-mer via d'autres missions que celle, qui nous occupe.
Ce budget continue d'être en hausse, mais, encore une fois, il lui manque une stratégie, une vision globale. De plus, il est toujours empreint d'une méthode descendante, qui ne répond pas vraiment aux besoins des territoires concernés.
Le Gouvernement peine à anticiper, par la planification, les problèmes qui pourraient surgir. De nombreuses crises ont frappé les outre-mer. Le mal-logement, autrement dit l'habitat indigne, précaire, illégal, informel, dégradé, y est massif, particulièrement en Guyane et à Mayotte.
Nos données diffèrent quelque peu, mais l'Union sociale pour l'habitat (USH) évoque en effet un besoin de l'ordre de 100 000 logements sociaux dans ces territoires ultramarins. Or le plan Logement outre-mer 2019-2022 a permis de n'en livrer que 8 000 pendant son application : nous sommes vraiment loin du compte, et ce n'est pas le prochain budget qui corrigera la trajectoire.
Ce budget ne répond pas au besoin d'un nouveau modèle économique et de société en outre-mer. À cet égard, il faudrait tout remettre à plat.
On ne peut que mettre en rapport son montant de 2,9 milliards d'euros avec la somme de 22 milliards que, soi-disant, d'autres politiques publiques de l'État apporteraient aux outre-mer. Le problème est que nous n'avons ici aucune visibilité. Quand, enfin, saurons-nous de quels ministères ces différents crédits proviennent, à quelles actions précises ils se destinent, quels effets ils emportent sur la situation des territoires ultramarins ? L'évaluation de leurs résultats n'est jamais faite, et je rejoins Franck Montaugé sur la nécessité d'évaluer les politiques publiques.
C'est pourquoi je juge le projet de loi de finances (PLF) sur la mission « Outre-mer » comme n'étant globalement pas à la hauteur des attentes ; je n'en reconnais pas moins une augmentation importante des crédits, ce qui est un premier pas. J'attends aussi la mise en oeuvre concrète des promesses issues du Ciom.
Mme Antoinette Guhl. - Avec mon groupe politique, nous reconnaissons de même que le budget est en augmentation, mais il ne permet pas de faire face aux besoins dans de nombreux domaines : le mal-logement, l'habitat indigne, la vie chère, le chômage, l'accès aux soins, l'éducation. Il ne comporte aucune ligne spécifique sur une politique environnementale adaptée aux outre-mer, par exemple pour la biodiversité.
Nous vous soumettons quelques idées qui auraient pu être intégrées dans ce texte : l'augmentation du budget lié à l'habitat indigne, l'élaboration d'un plan pour l'accès à l'eau dans les outre-mer, avec les crédits correspondants, la mise en place du chèque alimentaire d'urgence à Mayotte, le renforcement des moyens alloués au plan Chlordécone IV 2021-2027, au plan Sargasses II 2022-2025 ou au plan Écophyto II+ - autant de plans déjà lancés, mais qui manquent de moyens. Ajoutons le renforcement du budget des observatoires des prix, des marges et des revenus (OPMR), nécessaire dans un contexte inflationniste.
Un problème concerne les bourses destinées aux étudiants ultramarins. Plusieurs d'entre eux, que nous avons reçus hier au Sénat, nous ont expliqué la nécessité d'une revalorisation de ces bourses.
Vous l'avez compris : nous ne sommes pas totalement favorables à ce texte. Nous nous abstiendrons.
Mme Anne-Catherine Loisier. - Je salue le travail de notre rapporteur.
Le budget de la mission « Outre-mer » manque d'une stratégie d'ensemble qui le sous-tende et dont l'élaboration gagnerait à impliquer les territoires ultramarins et leurs élus, et à soutenir leurs initiatives. Ceux-ci le réclament.
Il ressort néanmoins de nos rapports budgétaires successifs une forme de cohérence. Sur l'action n° 03 « Numérique » du programme 343 « Plan France Très haut débit » de la mission « Économie », nous avons voté une enveloppe complémentaire relative au très haut débit à Mayotte, compte tenu d'une situation désastreuse ; quant à l'action n° 26 « Gestion durable de la forêt et développement de la filière bois » du programme 149 « Compétitivité et durabilité de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt » de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales », elle intègre la demande des acteurs économiques du territoire guyanais de développer davantage cette filière, afin de répondre, notamment, aux besoins de logements. Il y a là une matière première disponible.
M. Stéphane Fouassin. - Je salue à mon tour la hausse notable des crédits de la mission « Outre-mer ». Elle surpasse l'inflation.
L'action n° 01 « Logement » du programme 123 « Conditions de vie en outre-mer » présente par exemple à elle seule une augmentation de 49 millions d'euros en AE et de 10 millions en CP. Il s'agit d'un niveau de financement historiquement élevé. Il ne satisfera cependant pas toute la demande des outre-mer, tant le retard pris est considérable. Les dernières années ont montré que la crise du logement est prégnante où que nous soyons en outre-mer.
Nous notons une augmentation, également historique, de 23 millions d'euros des crédits destinés à soutenir l'action n° 03 « Continuité territoriale » du même programme.
La mission « Outre-mer » du PLF pour 2024 va dans le bon sens en ce qu'elle met l'accent sur le soutien aux entreprises et sur la mobilité des travailleurs.
En ce qui concerne le soutien aux entreprises, le dispositif de la loi pour le développement économique des outre-mer (Lodéom) permet à des exonérations applicables en outre-mer de bénéficier d'une assiette élargie. Cette assiette comprend la contribution au Fonds national d'aide au logement (Fnal), la contribution de solidarité pour l'autonomie (CSA), une partie des cotisations accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP), ainsi que les cotisations patronales Agirc-Arrco.
En revanche, le montant des exonérations des cotisations de sécurité sociale a, en 2023, été sous-évalué de 244 millions d'euros en AE par l'Urssaf. L'évaluation des dispositifs de défiscalisation amorcée par le Gouvernement devrait permettre une meilleure quantification des besoins.
Le ministre Darmanin demande que le dispositif rénové, inscrit à l'article 55 du PLF, de mobilité professionnelle proposé par Ladom dans le cadre du Ciom soit retravaillé.
Par ailleurs, j'aurais aimé un fléchage financier territoire par territoire. Il a fait l'objet d'une demande, mais ne s'est pas concrétisé dans le PLF pour 2024. En l'état, nous analysons une masse commune, sans savoir quel territoire bénéficie de tel ou tel financement.
Enfin, je rejoins les intervenants précédents dans leurs remarques sur l'évaluation des politiques publiques.
Mme Evelyne Corbière Naminzo. - S'il est vrai que les budgets de la mission « Outre-mer » sont en augmentation, ils appellent certaines observations, notamment autour de la question de l'emploi.
Nous voyons que l'accent est mis sur la formation, spécialement avec le dispositif du service militaire adapté (SMA) : à l'occasion de leurs différentes visites dans l'île, les ministres se succèdent au régiment du service militaire adapté (RSMA) de La Réunion. Ce dispositif du SMA fonctionne, mais on ne saurait s'y limiter en matière de formation professionnelle. D'autres leviers sont à actionner, notamment pour La Réunion.
On nous annonce une diminution des crédits alloués aux parcours emploi compétences (PEC). Or le taux de chômage est important en outre-mer en général, à La Réunion en particulier, et les perspectives professionnelles y restent difficiles. Il importe donc de réfléchir à l'usage de ces crédits.
Ladom bénéficie d'une enveloppe en hausse, afin de viser des publics élargis - les personnes en formation professionnelle, celles qui sont en mobilité, les demandeurs d'emploi -, ce qui est intéressant. Cependant, une augmentation de 40 % suffira-t-elle à répondre à l'élargissement du champ de la mission de l'Agence, d'autant que le plafond de ressources des bénéficiaires est relevé de 11 991 euros à 18 000 euros ?
Un dispositif vient s'ajouter, qui permet aux étudiants de rentrer chez eux au cours de leur première année d'études. Les crédits sont donc insuffisants et le PLF n'est clairement pas au rendez-vous de l'objectif de continuité territoriale. Je rappelle que les prix des billets d'avion connaissent, eux, une forte augmentation. Or ce mode de transport constitue notre seul lien avec l'Hexagone.
Une aide d'urgence exceptionnelle de 10 millions d'euros peut en principe être accordée au fret, afin d'aider les agriculteurs et producteurs ultramarins à exporter leurs marchandises. La Réunion produit par exemple des ananas Victoria, mais les conditions d'octroi de cette aide ne coïncidant pas avec les spécificités locales, peu de ses agriculteurs parviennent finalement à en bénéficier. Il conviendrait de transformer ce dispositif en aide pérenne et de le considérer sous l'angle de la continuité territoriale, puisque les outre-mer ne se rapprocheront pas de l'Hexagone en 2024.
Je note que l'objectif de logements financés passe de 5 000 à 4 000, ce qui est regrettable.
Par ailleurs, il nous faudra être vigilant sur le devenir de l'article 55 du PLF. Augmenter le budget de Ladom en passant à côté du sujet central, c'est-à-dire l'aide au retour des Ultramarins dans les territoires dont ils sont natifs, serait dénué de sens.
Quoiqu'en progression, le budget de la mission « Outre-mer » ne me paraît pas répondre aux attentes de nos différents territoires ultramarins.
Mme Micheline Jacques, rapporteur pour avis. - Madame Artigalas, lors d'un échange avec les services fiscaux, j'avais demandé des précisions complémentaires sur la ventilation de tous les crédits relatifs à l'outre-mer, ministère par ministère. On m'a objecté que cela serait d'une mise en oeuvre trop complexe. Les documents qui accompagnent notre rapport contiennent une approximation de cette répartition, qui en donne une première vision d'ensemble.
Dans le cadre du contrôle de l'action du Gouvernement, le Ciom fera l'objet d'une attention particulière de la délégation sénatoriale aux outre-mer. L'innovation consistant à nommer un référent hexagonal et un référent ultramarin dans chacune des commissions du Sénat permettra une meilleure information de la délégation à partir de regards croisés. Le budget des outre-mer se répartit en 32 autres missions ; la commission des affaires économiques ne se prononce que sur les crédits des programmes 123 « Conditions de vie outre-mer » et 138 « Emploi outre-mer » formant la mission « Outre-mer ». Il reviendra aux référents présents dans les autres commissions d'attirer l'attention sur la situation des territoires ultramarins.
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Nous passons à la présentation de l'amendement sur les crédits de la mission.
Mme Micheline Jacques, rapporteur pour avis. - L'amendement n° II-704 vise à abonder de 5 millions d'euros les crédits en AE et en CP de l'action n° 01 « Logement » du programme 123 « Conditions de vie outre-mer », afin de mettre en place une aide forfaitaire au désamiantage des bâtiments, financée sur les crédits de la LBU.
Il s'agitrait d'une aide de 5 000 euros par logement. Elle contribuerait au financement du désamiantage de quelque 1 000 logements par an.
À titre d'exemple, le désamiantage des tours de la cité Floralies à Cayenne, en Guyane, a représenté 85 % du coût de leur démolition, qui s'élevait à pratiquement 10 millions d'euros. En l'absence de filière de conditionnement et de traitement sur place, tout devant être envoyé en Hexagone, les opérations de désamiantage des tours Gabarre du quartier Lauricisque de Pointe-à-Pitre à la Guadeloupe ont entraîné un surcoût de 82 % de la démolition.
Mme Antoinette Guhl. - Le montant de 5 millions d'euros de l'abondement paraît très peu élevé. L'objectif de désamianter 1 000 logements semble également modeste. J'imagine que vous avez pesé l'un et l'autre.
Mme Micheline Jacques, rapporteur pour avis. - Il s'agit en fait d'un amendement d'appel destiné à inciter le Gouvernement à prendre position sur la question du traitement de l'amiante dans les territoires ultramarins et, au-delà, à engager une réflexion beaucoup plus globale sur la question du logement.
Si les crédits augmentent, nous nous apercevons que peu de nouveaux logements sortent de terre, toujours pour des motifs extrêmement variés : des montages de dossiers qui prennent énormément de temps, des questions d'ingénierie ou de main-d'oeuvre disponible.
En 2022, nous avons travaillé à une proposition de loi qui partait du constat que nombre de logements réhabilités à La Réunion présentaient, après travaux, des défauts qui les rendaient impropres à l'usage d'habitation. Le budget n'est donc pas seul en cause.
L'objectif inscrit dans l'amendement s'en tient à peu près à la moitié du nombre de logements réhabilités par an.
M. Stéphane Fouassin. - N'oublions pas non plus le détermitage. Les termites posent plus que l'amiante un problème majeur dans nos cases créoles constituées de bois sous toit de tôle. L'amiante reste rare dans les habitations privées à La Réunion, où on la retrouve surtout dans les bâtiments publics.
L'amendement n° II 704 est adopté.
La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Outre-mer », sous réserve de l'adoption de son amendement.