INTRODUCTION :
D'UNE
LOI DE PROGRAMMATION MILITAIRE À L'AUTRE : UN DIAGNOSTIC
CONFIRMÉ, UNE MONTÉE EN PUISSANCE À AMPLIFIER
I. UN PROJET DE LOI DE PROGRAMMATION MILITAIRE QUI S'INSCRIT DANS UN CONTEXTE STRATÉGIQUE DONT LA GUERRE EN UKRAINE A CONFIRMÉ LA PROFONDE DÉGRADATION
L'invasion de l'Ukraine lancée par la Russie le 24 février 2022 et la guerre qui se poursuit depuis lors constituent un tournant stratégique majeur pour la sécurité en Europe.
Elle marque le retour de l'affrontement entre États souverains et de la guerre de haute intensité en Europe, avec un emploi désinhibé de la force. Elle se caractérise également par un changement d'échelle de la conflictualité, qui se déploie sur tous les champs, aussi bien sur les trois champs historiques (terre, mer, airs) que dans les champs cyber et informationnels. Le volume des unités de combat engagées est en effet sans commune mesure avec les combats des dernières décennies, avec près de 150 000 combattants mobilisés de part et d'autre sur le front ukrainien. À titre de comparaison, l'opération Barkhane au Sahel, principale opération extérieure menée par la France, mobilise moins de 5 000 militaires.
Ces évolutions s'inscrivent dans le prolongement des tendances géopolitiques identifiées depuis plusieurs années par les principaux documents stratégiques publiés par les armées françaises.
Dès 2017, la Revue nationale stratégique de défense et de sécurité nationale (RSDSN) faisait état d'un « durcissement des menaces » dont il résulte « un risque accru d'escalade et de montée aux extrêmes entre États, potentiellement jusqu'au franchissement du seuil nucléaire ».
La Revue nationale stratégique (RNS) présentée par le Président de la République le 9 novembre 2022 s'inscrit ainsi dans la continuité de la précédente : dans un contexte de cristallisation des principaux antagonismes internationaux, elle constate le « passage d'une compétition latente à une confrontation ouverte, de la part de la Russie et, de plus en plus, à une compétition exacerbée avec la République populaire de Chine ». Elle prend acte de « pratiques de contestation et de contournement de l'ordre international fondé sur le multilatéralisme et la règle de droit » de la part de ces États, par ailleurs engagés dans une « bataille de l'influence » destinée à contester et fragiliser les démocraties.
La RNS, tirant les premiers enseignements de la guerre en Ukraine, insiste sur la nécessité de se préparer à des conflits placés sous le triple signe du retour du fait nucléaire, de la haute intensité et de l'hybridité.
Pour faire face à « un engagement majeur sous la voûte nucléaire de l'agresseur », elle souligne explicitement « le besoin de masse et de densité de l'action interarmées ».
Elle rappelle également l'importance de renforcer notre capacité à nous défendre et à agir dans les champs hybrides, notamment cyber. À ce titre, elle érige l'influence en fonction stratégique à laquelle doivent contribuer les armées, aux côtés des traditionnelles fonctions de connaissance-compréhension-anticipation, de dissuasion, de protection-résilience, de prévention et d'intervention.
Affirmant que ce contexte dans lequel les atteintes à notre autonomie stratégique se multiplient « fait peser un risque sans précédent sur les intérêts de sécurité prioritaires de la France », la RNS fixe enfin 10 objectifs stratégiques pour la France (voir encadré), pour l'atteinte desquels les armées sont appelées à jouer un rôle essentiel.
Les 10 objectifs stratégiques fixés par la Revue nationale stratégique 2022
1° Une dissuasion nucléaire robuste et crédible ;
2° Une France unie et résiliente ;
3° Une économie concourant à l'esprit de défense ;
4° Une résilience cyber de premier rang ;
5° a France, allié exemplaire dans l'espace euro-atlantique ;
6° La France, un des moteurs de l'autonomie stratégique européenne ;
7° France, partenaire de souveraineté fiable et pourvoyeuse de sécurité crédible ;
8° Une autonomie d'appréciation et une souveraineté décisionnelle garanties ;
9° Une capacité à se défendre et à agir dans les champs hybrides ;
10° Une liberté d'action et une capacité à conduire des opérations militaires y compris de haute intensité en autonomie ou en coalition, dans tous les champs.
Source : RNS 2022
Le présent projet de loi de programmation militaire (PLPM) pour les années 2024 à 2030 - le 14ème sous la Vème République - s'inscrit directement, comme le précise son rapport annexé, dans le cadre de ces enjeux et défis posés par la RNS.
L'amendement COM-97 vise à préciser la rédaction du rapport sur ce point.