EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le mercredi 29 mars 2023 sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a examiné le rapport de M. Charles Guené, rapporteur pour avis, sur la proposition de loi constitutionnelle n° 869 rect. (2021-2022) visant à créer une loi de financement des collectivités territoriales et de leurs groupements et à garantir la compensation financière des transferts de compétences, présentée par M. Éric Kerrouche et plusieurs de ses collègues.
M. Claude Raynal , président . - Nous examinons à présent la proposition de loi constitutionnelle (PPLC) visant à créer une loi de financement des collectivités territoriales et de leurs groupements et à garantir la compensation financière des transferts de compétences, présentée par M. Éric Kerrouche et plusieurs de ses collègues, sur le rapport de notre collègue Charles Guené.
Cette proposition de loi étant de nature constitutionnelle, elle a été renvoyée au fond à la commission des lois, le rapporteur étant Mme Agnès Canayer mais son objet étant financier, il était naturel que notre commission des finances s'en saisisse pour avis.
M. Charles Guené , rapporteur pour avis . - Ce texte a deux objets distincts : premièrement, instituer une nouvelle catégorie de lois, à savoir les lois de financement des collectivités territoriales (LFCT) et de leurs groupements ; deuxièmement, renforcer le principe constitutionnel de compensation financière des transferts de compétences, notamment en prévoyant leur réexamen régulier.
Que penser d'un éventuel projet de loi de financement des collectivités territoriales (PLFCT) ? À première vue, l'idée semble séduisante. Il s'agirait de garantir un temps parlementaire dédié à l'examen des mesures intéressant les finances des collectivités territoriales afin de renforcer la lisibilité du système et la visibilité des élus sur l'évolution de leurs ressources, qui font aujourd'hui défaut. À chaque sous-secteur institutionnel - administrations publiques centrales (Apuc), administrations de sécurité sociale (Asso) et administrations publiques locales (Apul) - correspondrait donc un véhicule législatif financier : lois de finances, lois de financement de la sécurité sociale (LFSS) et LFCT. La boucle serait bouclée. Mais le sujet n'est pas si simple et, selon moi, l'institution d'une loi de financement des collectivités territoriales a tout d'une fausse bonne idée - même si beaucoup parmi nous, moi compris, l'ont probablement soutenue à un moment de leur vie parlementaire.
Avant tout, nous ferions face à des difficultés d'articulation majeures avec la loi de finances. Le texte de la PPLC ne permet pas de se prononcer avec précision sur le sujet, puisque ces modalités d'articulation seraient d'ordre organique ; mais la difficulté est évidente, compte tenu du poids des transferts financiers de l'État aux collectivités territoriales.
De deux choses l'une. Soit les transferts financiers de l'État relèvent du nouveau PLFCT, ce qui semble être l'orientation de l'auteur de ce texte : cela reviendrait à retirer du projet de loi de finances (PLF) un peu plus de 107 milliards d'euros. Or notre commission pourrait difficilement admettre, me semble-t-il, une telle atteinte au domaine des lois de finances. Soit les transferts financiers de l'État, qui représentent un peu moins de la moitié des ressources des collectivités territoriales, continueraient à relever des lois de finances : auquel cas l'intérêt des LFCT, dont la portée serait essentiellement programmatique, se révélerait très limité.
Je ne parle même pas des difficultés que cette articulation poserait pour le calendrier parlementaire de l'automne, dont nous savons mieux que quiconque à quel point il est chargé.
Une autre critique majeure peut être retenue à l'encontre de l'institution d'une telle loi de financement : le risque, d'ailleurs bien identifié par les associations d'élus et les universitaires que j'ai auditionnés, qu'elle ne se retourne contre les collectivités territoriales en donnant au Gouvernement un nouvel instrument de contrainte financière.
Rappelons-le : c'est dans une logique assumée de maîtrise des dépenses sociales que les LFSS ont été instituées en 1996. Prétextant la bonne santé financière des collectivités territoriales, sur la base de moyennes globales qui n'ont en réalité guère de sens, le Gouvernement ne manquerait pas d'y insérer des dispositifs de contrainte inspirés des contrats de Cahors. Il disposerait ensuite de tous les outils du parlementarisme rationalisé, que nous connaissons bien, applicables aux textes financiers pour les faire adopter : un calendrier contraint avec une possible mise en oeuvre par ordonnance au terme de celui-ci et, surtout, un recours illimité à l'article 49, alinéa 3. Par les temps qui courent, une telle proposition me semble pour le moins paradoxale.
Vous l'aurez compris, je ne crois pas qu'une LFCT apporte une réponse adéquate aux réels problèmes des collectivités territoriales. Je pense au contraire que nous pouvons beaucoup mieux faire à cadre constitutionnel constant, en mobilisant les outils existants.
Tout d'abord, nous devons nous emparer pleinement du débat relatif aux finances locales de début de PLF, issu de la récente réforme de la loi organique relative aux lois de finances (Lolf). Ce débat permet de remédier en partie au problème de l'éclatement, du fait de la bipartition des PLF, des mesures relatives aux finances locales.
Ensuite, les lois de programmation des finances publiques (LPFP) pourraient offrir le cadre d'un véritable exercice de visibilité sur l'évolution des ressources collectivités territoriales, au lieu d'être un instrument de contrainte.
Enfin, j'ai régulièrement l'occasion de le rappeler, une réforme de la gouvernance des finances locales me paraît indispensable pour que les collectivités puissent réellement être associées à la préparation des textes financiers qui les concernent, à plus forte raison dans un contexte de recours croissant à la fiscalité partagée. La Cour des comptes a d'ailleurs fait sienne cette analyse, dans le cadre de l'enquête sur les scénarios de financement des collectivités territoriales qu'elle a menée à la demande de notre commission. J'ai eu l'honneur de participer à ce travail aux côtés de notre président et de notre rapporteur général.
J'en viens au second objectif de cette PPLC, à savoir le renforcement des exigences de compensation financière des transferts de compétences.
Aujourd'hui, les transferts de compétences de l'État aux collectivités territoriales sont régis par un principe de compensation intégrale au coût historique. En vertu de l'article 72-2 de la Constitution, l'État attribue aux collectivités territoriales des ressources équivalentes à celles qui leur étaient consacrées au moment du transfert. Ce droit à compensation est ensuite fixé définitivement.
S'agissant des créations ou extensions de compétences, ou encore des transferts de compétences entre collectivités territoriales, la Constitution est moins stricte : elle se contente de prévoir la nécessité de transférer de nouvelles ressources sans exiger de compensation intégrale au coût historique. Le présent texte entend ainsi, au premier chef, aligner ces régimes sur celui des transferts de l'État.
En la matière, la proposition décisive consiste à remettre en cause le caractère définitif du droit à compensation en prévoyant son « réexamen régulier ». Ce dispositif a déjà été adopté par le Sénat dans le cadre de la proposition de loi constitutionnelle pour le plein exercice des libertés locales, présentée en 2020 par Philippe Bas, Jean-Marie Bockel et plusieurs de nos collègues. Notre commission, saisie pour avis, s'y était montrée favorable.
On a pu constater de très forts contrastes entre, d'une part, la fixité du droit à compensation et, de l'autre, le dynamisme des charges liées à l'exercice de la compétence. L'exemple emblématique est celui des allocations individuelles de solidarité (AIS), dont le financement incombe aux départements. Depuis 2017, le reste à charge a progressé de 16 %, pour s'établir à 11 milliards d'euros en 2021. Il représente ainsi 55 % des dépenses d'AIS. Dans ces conditions, les départements n'ont plus guère de marges de manoeuvre financières pour exercer leurs autres compétences et la portée de leur autonomie financière s'en trouve grandement affaiblie.
Certes, la question des modalités d'application d'un tel principe reste posée. Elle devra être définie par une loi organique, compte tenu du principe de libre administration des collectivités territoriales, lesquelles peuvent faire en responsabilité le choix d'accorder ou non davantage de moyens à telle compétence au détriment de telle autre.
Pour cette raison, un dispositif de réévaluation automatique ne saurait être envisagé. J'avais d'ailleurs proposé, dans mon rapport pour avis sur la PPLC Bas-Bockel, de lui substituer la notion plus souple de « réexamen », finalement retenue dans le texte adopté et reprise ici.
Pour donner corps à un tel dispositif, largement soutenu par les associations d'élus, une nouvelle gouvernance est nécessaire. C'est dans ce cadre que l'État et les collectivités territoriales pourront faire la part des choses et ajuster, si nécessaire, la compensation de compétences transférées pour lesquelles la charge associée a fortement augmenté du fait de facteurs exogènes - c'est le cas pour les AIS, qui sont corrélées à l'évolution de la pauvreté et de la dépendance.
Une seconde condition nécessaire à la mise en oeuvre du dispositif est la conduite d'un travail approfondi d'objectivation des charges assumées par les collectivités territoriales au titre de leurs diverses compétences. Mais, reconnaissons-le, les données nous manquent en la matière. C'est un chantier techniquement complexe, qui, pour être mené à bien, exige une volonté politique appuyée du Gouvernement et des élus locaux.
Il est pourtant indispensable de disposer de telles données pour envisager la réforme du système de financement des collectivités territoriales que j'appelle de mes voeux, fondée sur les charges réelles plutôt que sur des critères de richesse potentielle largement caducs. Nous avons également travaillé ce sujet avec le président Raynal, en nous penchant sur le système de péréquation des collectivités territoriales italiennes.
Ainsi, je vous propose de ne pas adopter cette PPLC. Si le dispositif de réexamen régulier de la compensation des compétences transférées nous convainc davantage que l'institution d'une LFCT, il n'est pas pour autant nécessaire d'adopter ces seules dispositions du texte. Non seulement ce choix risquerait de le détourner de son objectif premier, mais le dispositif de réexamen figure déjà dans la PPLC Bas-Bockel, qui est en navette.
M. Jean-François Husson , rapporteur général . - J'approuve pleinement les orientations exposées par M. Guené.
Nous sommes face à ce que la presse nomme un « marronnier ». Ce texte peut sembler séduisant, mais, très vite, il pourrait se révéler avant tout source de contrainte, d'autant que le Gouvernement persiste à affirmer que les collectivités territoriales sont en bonne santé financière.
Il s'agit d'un sujet éminemment complexe etla création d'une telle catégorie de loi pourrait finalement, en effet, avoir tout d'une fausse bonne idée.
M. Claude Raynal , président . - Sur ce sujet comme sur tant d'autres, les positions ont pu fluctuer : M. le rapporteur pour avis l'a souligné lui-même.
M. Roger Karoutchi . - Il y a quelque temps, j'ai déposé, sur ce sujet, une proposition de loi assez différente de M. Kerrouche. J'ai donc été appelé à me pencher sur la question.
Une révision constitutionnelle n'est jamais simple. Je suis bien placé pour le savoir, celle que j'ai conduite a été adoptée à une voix près. Quoi qu'il en soit, peut-on dire qu'aujourd'hui tout se passe bien pour les collectivités territoriales ? Ont-elles été associées à la suppression de la taxe professionnelle ? Aux fortes baisses de dotations décidées entre 2012 et 2018 ? À la suppression de la taxe d'habitation, annoncée lors d'une campagne électorale ? Voilà une quinzaine d'années qu'elles font office de variable d'ajustement, quels que soient les gouvernements. Face aux graves problèmes auxquels elles sont confrontées, l'exécutif s'enferme dans le déni.
Une telle PPLC peut-elle aboutir ? Rien n'est moins sûr, étant donné la situation politique dans laquelle le Parlement se trouve placé. Le texte de Philippe Bas est en souffrance à l'Assemblée nationale depuis trois ans et je doute fort que la navette nous permette un jour d'avancer. Non seulement nous sommes face à un vrai problème de majorité, mais, quelle que soit sa couleur politique, le Gouvernement ne tient pas à créer une telle loi de financement des collectivités territoriales. Ce texte lui imposerait un débat parlementaire qui n'a jamais lieu, étant donné que les crédits des collectivités territoriales sont examinés de manière éclatée et, en somme, noyés dans la masse.
Je m'abstiendrai aujourd'hui et je verrai dans quel sens je me prononcerai en séance. Quoi qu'il en soit, le cadre constitutionnel actuel n'a absolument pas protégé les collectivités territoriales. Même s'il ne va pas plus loin, le présent texte nous permettra au moins d'engager ce débat avec le Gouvernement : jusqu'où ira-t-on dans le déséquilibre ?
Une nouvelle étape de la décentralisation serait, à mon sens, la meilleure solution. Peut-être nous dispenserait-elle de créer une telle loi de financement, mais, pour l'heure, elle n'a pas eu lieu.
M. Albéric de Montgolfier . - Bercy rêve clairement de créer l'équivalent de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) pour les collectivités territoriales. En outre, un tel texte offrirait au Gouvernement une nouvelle possibilité de recourir à l'article 49, alinéa3, procédure que je n'aime pas. Ce texte a le mérite d'ouvrir un débat légitime, mais, compte tenu de ces deux pièges, je m'abstiendrai à ce stade.
M. Thierry Cozic . - Monsieur le rapporteur pour avis, vous êtes tout de même un peu sévère. Ce texte a au moins le mérite de rouvrir le débat. En ce sens, il répond à une demande forte des collectivités territoriales elles-mêmes. La proposition de loi de M. Bas est en navette depuis trois ans...
Monsieur Karoutchi, j'ai lu votre proposition de loi de janvier dernier et je n'ai pas le sentiment que nous soyons si éloignés de vous sur ce sujet. Il s'agit ni plus ni moins que de préserver l'autonomie financière des collectivités territoriales en apportant un certain nombre de clarifications.
Mme Sylvie Vermeillet . - Monsieur le rapporteur pour avis, j'approuve en tout point votre analyse et je suivrai votre avis.
Deux questions cependant : comment envisagez-vous l'évolution de la gouvernance des collectivités territoriales ? Vous expliquez en outre qu'il vaut mieux vaut se fonder sur leurs charges réelles que sur leur richesse potentielle : pourriez-vous nous en dire davantage ?
M. Stéphane Sautarel . - Si la question est bonne, il n'est pas certain que la réponse soit appropriée.
Un tel encadrement législatif serait sans doute un piège ; mais le fait est que les crédits des collectivités territoriales, éclatés en divers pans du budget, ne font pas l'objet d'un véritable débat. En ce sens, le présent texte a au moins un mérite : nous permettre d'interroger le Gouvernement.
Monsieur le rapporteur pour avis, je souhaiterais également, comme Sylvie Vermeillet, des précisions sur un système de répartition des dotations fondé sur les charges et non sur les ressources : l'écueil d'un tel système ne serait-il pas de créer un cadre normatif pour les dépenses des collectivités ?
M. Jean-Marie Mizzon . - Lorsque je suis entré au Sénat, il y a bientôt six ans, j'étais plutôt favorable à cette formule. Aujourd'hui, j'estime qu'elle satisfait davantage les besoins de Bercy que les besoins concrets des collectivités territoriales, lesquelles demandent avant tout des mesures de simplification.
Nous sommes face à des questions urgentes en matière d'équité, notamment entre les villes et les campagnes. Je pense en particulier au calcul de la dotation globale de fonctionnement (DGF), la progression logarithmique pénalisant fortement les petites communes rurales.
M. Jérôme Bascher . - Il n'est pas souhaitable de changer la Constitution au gré des humeurs : au contraire, comme l'écrivait Montesquieu, il ne faut toucher aux lois que d'une main tremblante. Je suis donc d'accord avec M. le rapporteur pour avis.
De surcroît, la création d'une nouvelle catégorie de textes étendrait encore le champ d'application de l'article 49, alinéa 3 : ce serait assez paradoxal.
La dette des collectivités territoriales est stable depuis vingt ans et c'est la seule parmi celles des administrations publiques ! Mieux vaut imposer la règle d'or à l'État plutôt que d'appliquer les méthodes de l'État aux collectivités territoriales.
M. Claude Raynal , président . - Le financement des collectivités territoriales peut déjà être voté via l'article 49, alinéa 3 puisqu'il fait partie du PLF : rien ne changerait à cet égard.
M. Marc Laménie . - Monsieur le rapporteur pour avis, je tiens à vous remercier de votre analyse.
Les auteurs de cette proposition de loi ont le mérite de poser un certain nombre de problèmes essentiels. Aujourd'hui, les collectivités territoriales sont entièrement dépendantes du budget de l'État, qui reste évidemment leur partenaire essentiel. Or la mission « Relations avec les collectivités territoriales » ne pèse que quelques milliards d'euros : comment améliorer l'examen des crédits des collectivités, notamment en séance publique ?
M. Jean-Baptiste Blanc . - Cette PPLC ressemble effectivement à un contrat de Cahors qui ne dit pas son nom.
Le Gouvernement est-il conscient du besoin de nouvelle gouvernance qu'éprouvent les collectivités territoriales et que le rapporteur pour avis appelle de ses voeux ?
M. Daniel Breuiller . - Lors de la dernière campagne présidentielle, Yannick Jadot a défendu des dispositions comparables.
Comme le souligne Roger Karoutchi, le cadre constitutionnel actuel ne protège en rien les collectivités territoriales. Le présent texte permet d'ouvrir le débat, à l'heure où Bruno Le Maire suggère que le trésor des collectivités territoriales pourrait combler le déficit de l'État. A minima , je le soutiendrai pour ces raisons tactiques.
M. Charles Guené , rapporteur pour avis . - J'ai moi aussi fluctué sur ce sujet - je l'ai admis en préambule - et je n'ai donc pas le sentiment d'avoir été spécialement dur.
Les problèmes que nous évoquons et dont nous partageons le constat n'appellent pas, à mon sens, une réponse constitutionnelle. La synthèse souhaitée récapitulant les transferts financiers de l'État figure dans un rapport annexé au PLF de l'année qui, depuis la réforme de la LOLF de 2021, donne lieu à un débat en amont de son examen dont nous pouvons mieux nous saisir. Les lois de programmation, que nous n'utilisons pas suffisamment, nous permettent en principe déjà de donner une vision pluriannuelle. Quant à ces nouvelles lois de financement, elles seraient avant tout source de contraintes.
L'examen en loi de finances des mesures relatives aux collectivités territoriales est certes quelque peu éclaté. La mission « Relations avec les collectivités territoriales » représente 4,4 des 107 milliards d'euros de financements destinés aux collectivités : à l'évidence, nous sommes un peu à l'étroit dans ce costume...Néanmoins, l'expérience montre que l'examen de cette mission dans notre assemblée permet déjà un débat assez large sur le sujet.
Ce dont nous avons besoin, c'est plutôt d'une nouvelle gouvernance.
L'État intervient directement, et assez fréquemment, auprès des collectivités par la voie de la contractualisation. Le Parlement a de facto perdu son pouvoir en la matière et se trouve trop souvent en position de valider les accords négociés bilatéralement sans vision d'ensemble. Nous avons donc besoin d'un nouvel espace de discussion entre le Gouvernement, les assemblées parlementaires et les associations d'élus : nombre de nos voisins ont déjà opté pour cette solution, même si ce sont souvent des États fédéraux. C'est d'autant plus important que le recours à la fiscalité partagée est désormais accru.
Car en effet, en parallèle, force est de constater que notre système de fiscalité locale est manifestement à bout de souffle et exige lui-même exige un vaste travail de refondation. Comme le suggère Marc Laménie, la notion d'autonomie financière a été conçue il y a une vingtaine d'années, dans un contexte totalement différent. Elle n'a plus le même sens aujourd'hui, dans un contexte où l'autonomie financière s'est considérablement érodée.
D'un point de vue intellectuel, les services de Bercy, la direction générale des collectivités locales (DGCL) comme les universitaires spécialistes du sujet que nous avons entendus admettent la nécessité d'une nouvelle gouvernance. Mais dans la pratique, sur le plan institutionnel, Bercy et, dans une moindre mesure, la DGCL se satisfont assez bien de la situation actuelle. C'est donc à nous de porter le fer.
Vous m'avez également interrogé sur l'enjeu du recours aux indicateurs de charges réelles dans la répartition des dotations et fonds de péréquation. Dans le cadre de nos fonctions de rapporteurs de la mission « Relations avec les collectivités territoriales », le président Raynal et moi avons, je le disais, examiné avec intérêt la notion de « standard de charges » appliquée en Italie. Certes, on ne saurait contraindre les collectivités territoriales en leur disant exactement ce qu'elles doivent dépenser : ce serait porter atteinte à leur libre administration.
Dans un contexte où le financement des collectivités repose désormais davantage sur les dotations et la fiscalité partagée, qui s'apparente de plus en plus à une dotation, se pose la question de la bonne répartition de ces ressources. Or aujourd'hui, le calcul de la dotation globale de fonctionnement repose beaucoup sur des montants de dotations historiques sédimentées devenues souvent sans rapport avec la réalité pratique des charges auxquelles font face les collectivités territoriales, qui dépendent pour beaucoup des caractéristiques de leur territoire.
En prenant pour base les charges réelles constatées sur le territoire objectivées, on pourrait, à l'inverse, imaginer une sorte de « Smic » par compétence pour les collectivités territoriales, lequel constituerait une base pour le calcul des dotations.
Le partage des compétences n'étant pas harmonieux dans l'ensemble du pays, une telle perspective imposerait de s'écarter de la répartition communale au profit de la notion de territoire. Mais, dès lors, une forme de transparence serait opérée sur le fait que la même compétence n'est pas exercée partout de la même manière et au même coût ; c'est sans doute pourquoi cette solution ne plaît pas à tout le monde.
Beaucoup pensent qu'un comité des finances locales (CFL) élargi, aux prérogatives accrues, serait à même d'exercer cette nouvelle gouvernance. Quant au « grand soir » de la fiscalité, beaucoup l'attendent ; d'autres sont un peu moins pressés, pour des raisons que l'on devine.
M. Claude Raynal , président . - Je vous remercie.
La commission a émis un avis défavorable à l'adoption de la proposition de loi constitutionnelle visant à créer une loi de financement des collectivités territoriales et de leurs groupements et à garantir la compensation financière des transferts de compétences.