C. UN DISPOSITIF BIENVENU, DONT LES MODALITÉS D'APPLICATION RESTENT CEPENDANT À DÉTERMINER
Le rapporteur pour avis, qui avait déjà instruit ce dispositif en 2020 dans le cadre de l'examen de la proposition de loi constitutionnelle précitée 28 ( * ) , ne peut qu'y être favorable.
L'ensemble des associations d'élus auditionnées ont affirmé leur soutien appuyé à la mise en place d'un tel dispositif permettant une compensation financière évolutive dans le temps des transferts de compétences.
Lors de leur audition, les administrations centrales ont cependant émis d'importantes réserves quant à la mise en oeuvre opérationnelle d'un tel dispositif.
La première réserve, de nature politique et juridique, tient au respect du principe de libre administration . En effet, la logique d'attribution de ressources libres d'emploi au coût historique permettrait à la collectivité territoriale de décider, selon un arbitrage entre ses différentes compétences, d'y consacrer davantage ou au contraire moins de moyens, et la compensation financière des compétences transférées n'a donc pas vocation à évoluer en fonction de choix politiques opérés en responsabilité par les élus locaux.
Cet obstacle n'est pas dirimant dans la mesure où le texte de la proposition de loi constitutionnelle, en prévoyant un « réexamen » des ressources transférées donne la souplesse nécessaire pour neutraliser les évolutions de charges découlant de choix d'opportunité politique . Dans le texte de la proposition de loi constitutionnelle précitée adoptée en 2020, ce terme avait été privilégié, conformément à la recommandation du rapporteur pour avis, à celui de « réévaluation » figurant dans le texte initial et donc le caractère automatique était, en effet, mal adapté à l'exercice.
Un tel réexamen a justement vocation à permettre, dans le cadre de la nécessaire gouvernance refondée et renforcée que le rapporteur pour avis appelle de ses voeux (voir supra ) , dont les modalités de concertation (périodicité etc .) doivent être précisées en loi organique, de s'intéresser en particulier aux compétences pour lesquelles la charge évolue en fonction de facteurs exogènes s'imposant aux collectivités territoriales . Il en va notamment, comme évoqué, du nombre de bénéficiaires des AIS, corrélée à l'évolution de la pauvreté et de la dépendance, ou encore de la charge de gestion des établissements scolaires, corrélée aux évolutions démographiques. Cette nouvelle règle se borne à autoriser l'évolution régulière du DAC au coût historique selon une procédure concertée, sans l'imposer pour chaque compétence ni en fixer ex ante le niveau.
Dans son enquête « Le financement des collectivités territoriales : des scénarios d'évolution » réalisée à la demande de la commission des finances 29 ( * ) , la Cour des comptes préconise d'ailleurs également la mise en place d'« une instance pérenne de concertation » associant des représentants de l'État et des collectivités territoriales, qui se réunirait notamment en amont de l'examen des projets de loi de programmation des finances publiques (PLPFP) qui « pourraient fixer, pour la durée de la programmation, les règles (...) de compensation des transferts de compétences » .
Le second argument, d'ordre technique, tient à la difficulté à estimer de façon fiable la charge associée à l'exercice d'une compétence par une collectivité donnée et, partant, à l'ensemble des collectivités . Le problème se pose avec une acuité particulière pour le bloc communal, compte tenu du nombre d'entités concernées. Cette difficulté expliquerait notamment les lacunes en matière d' « évolution des charges résultant des transferts de compétences entre l'État et les collectivités territoriales et leurs groupements » dans le rapport relatif à la situation des finances publiques locales annexé au projet de loi de finances 2023, en dépit de la disposition figurant au 2° de l'article 52 de la loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) dans sa rédaction issue de la loi organique n° 2021-1836 du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques.
Le rapporteur pour avis tient cette difficulté pour sérieuse. Il paraît cependant indispensable de s'employer à la surmonter, en y mettant les moyens et la volonté politique nécessaire . Une nouvelle gouvernance mieux structurée doit notamment fournir le cadre méthodologique pour engager un tel travail de vérité des coûts des compétences transférées.
Au demeurant, le rapporteur pour avis souligne que l'intérêt d'un tel travail d'objectivation des charges dépasse le seul sujet de la compensation financière des collectivités territoriales . Il constitue en effet le prérequis indispensable à la mise en oeuvre d'un système de répartition des concours financiers de l'État et des fonds de péréquation reposant non plus sur des critères de richesse potentielle largement caducs dans un contexte marqué par une fiscalité locale largement érodée et assise sur des bases, les valeurs locatives, largement vétustes ou des indicateurs de charges indirects frustes (population, revenu moyen), mais sur des indicateurs reflétant les charges réelles directement liées à l'exercice de leurs compétences par les collectivités territoriales. Les rapporteurs spéciaux des crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » avaient notamment eu l'occasion de s'intéresser au cas des collectivités territoriales en Italie , où le système de péréquation fonctionne selon une méthode originale qui repose sur des indicateurs de « besoins de financement standards » , qui doivent permettre de mesurer précisément le coût de fourniture d'un service public local dans chaque collectivité afin de répartir en conséquence les fonds de péréquation et de financer un « niveau essentiel » de service public 30 ( * ) .
* 28 Avis n° 37 (2020-2021) de M. Charles Guené, fait au nom de la commission des finances du Sénat, déposé le 13 octobre 2020.
* 29 Cour des comptes, Le financement des collectivités territoriales : des scénarios d'évolution, 2022.
* 30 MM. Charles Guené et Claude Raynal, Rapport d'information fait au nom de la commission des finances sur la réforme des « besoins de financement standard » des collectivités italiennes, 20 novembre 2019.