EXAMENS EN COMMISSION

Examen en commission - Crédits « Transition énergétique et climat »
(Mercredi 23 novembre 2022)

Réunie le mercredi 23 novembre 2022, la commission a examiné le rapport pour avis sur les crédits « Transition énergétique et climat » de la mission « Écologie, développement et mobilité durable » et de la mission « Plan de relance » du projet de loi de finances pour 2023.

M. Jean-François Longeot , président . - Avant de commencer, je tiens à saluer Hervé Gillé et Philippe Tabarot qui, au-delà de leurs appartenances partisanes, ont fait front commun en séance publique pour défendre la position de la commission et les amendements que nous avions adoptés. Notre commission a montré qu'il était possible de dépasser les clivages politiques pour défendre l'intérêt général. On ne peut que s'en féliciter.

Nous commençons par l'examen des crédits relatifs à la transition énergétique et au climat.

M. François Calvet , rapporteur pour avis sur les crédits relatifs à la transition énergétique et au climat . - Pour la troisième année consécutive, j'ai le plaisir de vous présenter le fruit de mes travaux en ma qualité de rapporteur pour avis des crédits « Transition énergétique et climat ».

Cet avis portera, comme à l'accoutumée, sur les crédits relatifs au développement des énergies renouvelables et ceux relatifs à la rénovation énergétique des bâtiments.

Concernant les énergies renouvelables, je serai rapide, car ce sujet nous a beaucoup mobilisés lors du récent examen du projet de loi relatif à l'accélération de la production d'énergies renouvelables.

La France est le seul pays européen à ne pas avoir atteint l'objectif fixé à l'horizon 2020. Le déploiement des énergies renouvelables est pourtant doublement nécessaire à notre pays : il contribue, d'une part, à l'atteinte de nos objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre, et d'autre part, à la préservation de notre sécurité d'approvisionnement.

Ce retard est également dommageable d'un point de vue financier : fait exceptionnel dans un contexte budgétaire tendu, le développement des énergies renouvelables constitue, en 2022 et 2023, une politique publique à un coût négatif pour les finances de l'État !

Cette situation inédite s'explique par la forte hausse des coûts de l'électricité. L'État empoche en effet la différence entre le prix de marché, d'une part, et les tarifs de référence du complément de rémunération ou le tarif de l'obligation d'achat, d'autre part. Dans le cas des compléments de rémunération, cette dynamique est renforcée par le déplafonnement des contrats, permis par la loi de finances rectificative d'août 2022.

Ce sont ainsi 39,4 milliards d'euros qui entreront dans les caisses de l'État pour l'exercice budgétaire à venir !

En raison des fortes hausses des prix du gaz naturel, un phénomène analogue de baisse des charges de service public s'observe pour le gaz renouvelable : les crédits relatifs à l'injection de biométhane seront deux fois moindres que dans le PLF 2022. Cette évolution baissière est d'autant plus remarquable que 2023 devrait marquer une croissance très rapide de la production de biométhane : la production pourrait être, dans le meilleur des cas, multipliée par deux entre fin 2022 et fin 2023.

La situation est bien différente pour la chaleur renouvelable, qui accuse un retard de développement particulièrement criant. Les crédits actuels du fonds Chaleur - 520 millions d'euros en 2022 - sont déjà pleinement engagés et seront donc insuffisants pour financer l'ensemble des projets d'ici la fin de l'année. Cette situation est à déplorer, compte tenu du retard accumulé par notre pays et des besoins des acteurs, pour qui la chaleur renouvelable constitue aujourd'hui un filet de garantie face à l'instabilité du prix des énergies fossiles.

Je vous proposerai donc un amendement tendant à porter les montants du fonds Chaleur de 520 à 700 millions d'euros, une augmentation nécessaire à l'atteinte des objectifs de la programmation pluriannuelle de l'énergie, comme l'a d'ailleurs reconnu le ministère de la transition énergétique (DGEC), que j'ai auditionné.

J'en viens au deuxième thème de cet avis : la rénovation énergétique des bâtiments. Il sera essentiellement question du dispositif MaPrimeRénov', qui fait l'objet d'un indéniable plébiscite des Français : depuis ses débuts en 2020, près de 1,3 million de dossiers ont fait l'objet de financement par l'Agence nationale de l'habitat (l'Anah), pour un montant cumulé de plus de 5,6 milliards d'euros. La dernière enquête réalisée auprès des ménages ayant eu recours à MaPrimeRénov' atteste également d'un taux élevé de satisfaction.

On peut en outre saluer la réorientation opportune des aides du dispositif vers les ménages des premiers déciles de revenus, alors que le bénéfice fiscal du mécanisme antérieur, le crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE), était essentiellement capté par les ménages les plus aisés : 83 % des montants ont ainsi bénéficié aux ménages très modestes ou modestes. La prolongation du dispositif en 2023 pour tous les ménages, sans condition de ressources, proposée par l'Assemblée nationale dans la deuxième loi de finances rectificative pour 2022, n'en demeure pas moins bienvenue : elle permettra de poursuivre le soutien apporté par MaPrimeRénov' à des projets à fort potentiel énergétique, les aides aux revenus intermédiaires et élevés se limitant à des forfaits « rénovation globale » et à un soutien pour la rénovation de copropriétés.

Côté budgétaire, le PLF 2023 consacre une pérennisation bienvenue du dispositif, avec 2,45 milliards d'euros d'autorisations d'engagement (AE), en augmentation par rapport aux crédits ouverts en 2022, où les autorisations d'engagement s'élevaient à 2,1 milliards d'euros.

Voilà pour les points positifs. Toutefois quand on se penche sur le bilan énergétique du dispositif, le tableau est bien plus sombre.

Rappelons qu'une rénovation énergétique performante des bâtiments implique, en principe, des travaux d'amélioration et de décarbonation du vecteur énergétique et des travaux d'amélioration de l'isolation de l'enveloppe. Or, MaPrimeRénov' finance pour l'essentiel des travaux de rénovation portant sur le chauffage et l'eau chaude sanitaire, là où l'isolation des murs, toitures ou combles ne représente que 14 % des économies d'énergie permises en 2021 ! Le dispositif est également très largement utilisé pour financer des gestes individuels : les travaux mono-gestes représentent environ 75 % des dossiers... Cette situation n'est évidemment pas satisfaisante, compte tenu du caractère bien plus performant des rénovations globales ou pluri-gestes.

En 2021, les économies d'énergie associées à MaPrimeRénov' pour chaque logement aidé étaient en augmentation de 30 % par rapport au CITE en 2019. Nous avons toutefois pu calculer, en partant des données mises à notre disposition, que les économies d'énergie permises par MaPrimeRénov' ne représenteraient en 2021 que 0,45 % de la consommation totale du parc résidentiel. À ce rythme-là, nous y serons encore dans des décennies...

Par ailleurs, s'il n'existe pas de chiffres précis sur le nombre de rénovations performantes réalisées, en l'absence de contrôle systématique à l'issue des travaux, je constate que seuls 6 700 bonus pour l'atteinte du niveau « Bâtiment basse consommation » ont été accordés en 2021, soit 1 % de l'ensemble des dossiers : ce chiffre est assez révélateur...

Il me semble donc nécessaire de mieux évaluer et d'améliorer la performance environnementale du dispositif, en l'orientant plus massivement vers les rénovations globales ou multi-gestes : les aides délivrées pour ces rénovations devraient toujours être plus avantageuses que l'addition d'aides demandées individuellement. À moyens constants, les forfaits et bonus opportunément introduits depuis les débuts du dispositif devraient donc bénéficier d'un soutien accru, aux dépens des rénovations mono-gestes. Je pense notamment à « MaPrimeRénov' Sérénité », dispositif ciblé sur les rénovations performantes et orienté vers les ménages très modestes : « MaPrimeRénov' Sérénité », qui ne représentait en 2022 qu'environ 5 % des dossiers (pour 15 % des montants), permet des gains énergétiques de plus de 50 %  !

Le déploiement du service France Rénov', et à partir de 2023 d'un réseau d'accompagnateurs agréés doit également soutenir l'ambition des travaux. La massification de la rénovation énergétique passera parallèlement par la structuration des filières de rénovation et la montée en compétence des professionnels.

Il me reste enfin à aborder le « fonds vert » pour les collectivités territoriales, qui était initialement doté de 1,5 milliard d'euros et a été porté par l'Assemblée nationale à 2 milliards d'euros. Malheureusement, aucune estimation officielle de la part du fonds qui sera dédiée aux rénovations des bâtiments publics n'a été fournie au Parlement. Je le regrette évidemment. Le chiffre de 600 millions d'euros est parfois évoqué dans la presse, mais n'a pas été confirmé dans mes travaux préparatoires. En tout état de cause, ces montants ne devraient pas suffire à passer ce que de nombreux élus décrivent comme un « mur d'investissements ».

Des solutions innovantes de financement devront sans doute être mobilisées pour répondre aux besoins. Le Haut Conseil pour le climat avait par exemple évoqué la piste d'une dérogation à la séparation entre sections de fonctionnement et d'investissement pour les dépenses afférentes aux bâtiments publics, car cette séparation constitue aujourd'hui un frein à la réalisation de programmes de rénovation ambitieux. Cette piste mérite sans doute d'être creusée.

Vous l'aurez compris, mes réserves portent plus sur l'exécution que sur les montants retenus par le PLF.

J'émettrai donc un avis favorable à l'adoption des crédits relatifs à la transition énergétique et climatique, inscrits au projet de loi de finances pour 2023, sous réserve de l'adoption de l'amendement n°II-305, qui vise à porter les crédits du fonds Chaleur de 520 à 700 millions. Cet abondement est indispensable si l'on veut atteindre les objectifs de la programmation pluriannuelle de l'énergie, car les crédits actuels du fonds sont déjà pleinement engagés...

L'amendement n°II-305 est adopté.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits relatifs à la transition énergétique et au climat de la mission « Écologie, développement et mobilité durables », sous réserve de l'adoption de son amendement.

Examen en commission - Crédits « Recherche dans le domaine de l'énergie, du développement et de la mobilité durables »
(Mercredi 16 novembre 2022)

Réunie le mercredi 16 novembre 2022, la commission a examiné le rapport pour avis sur les crédits « Recherche dans le domaine de l'énergie, du développement et de la mobilité durables » de la mission « Recherche et enseignement supérieur » du projet de loi de finances pour 2023.

M. Jean-François Longeot , président . - Je cède maintenant la parole à Frédéric Marchand pour nous présenter, en sa qualité de rapporteur, son analyse sur les crédits relatifs à la recherche dans les domaines de l'énergie, du développement et de la mobilité durables dans le cadre de l'examen du PLF 2023.

M. Frédéric Marchand , rapporteur pour avis sur les crédits relatifs à la recherche dans les domaines de l'énergie, du développement et de la mobilité durables . - Comme l'an dernier, j'ai le plaisir de vous présenter les principales orientations de mon rapport sur les crédits alloués par le projet de loi de finances pour 2023 au programme 190 de la mission « Recherche et enseignement supérieur », qui contribue au financement de la recherche dans les domaines du développement durable, de l'énergie, des risques, des transports, de la construction et de l'aménagement.

Dans un contexte marqué par les conclusions des négociations de la COP 27 en Égypte, je souhaite rappeler avec force combien les travaux des opérateurs stratégiques concernés par ce programme constituent un levier essentiel au service de la transition écologique et énergétique.

Notre commission a pris ses responsabilités en la matière, avec l'adoption, pour ne citer que quelques exemples, de la proposition de loi sur l'empreinte environnementale du numérique, devenue une loi, d'origine sénatoriale, avec l'adoption en première lecture de la proposition de loi visant à permettre l'implantation de panneaux photovoltaïques sur les sites dégradés, ou encore, plus récemment, l'adoption en première lecture du projet de loi relatif à l'accélération de la production d'énergies renouvelables. Autant de sujets qui reposent sur des travaux de recherche approfondis et entraînent donc des besoins de financement à la hauteur des enjeux, ciblés et pérennes.

Par définition, la recherche s'inscrit dans le temps long. C'est pourquoi nous devons être vigilants sur la pérennité des moyens alloués au programme 190 dans une perspective pluriannuelle.

À l'instar des années précédentes, sept actions composent ce programme. La quasi-totalité des crédits affectés ont pour objet de financer des subventions pour charges de service public versées à sept opérateurs de l'État stratégiques pour la décarbonation de notre économie parmi lesquels notamment le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), l'Institut de radioprotection et de la sûreté nucléaire (IRSN), l'IFP Énergies nouvelles (IFPEN) ou encore l'Université Gustave Eiffel (UGE).

S'agissant du PLF pour 2023, je souhaiterais évoquer avec vous les deux principaux axes de mon rapport :

- d'une part, j'aimerais souligner l'augmentation des moyens budgétaires alloués à la recherche, qui est plus que nécessaire en raison du contexte actuel marqué par l'inflation ;

- d'autre part, je vous ferai part de la nécessité de pérenniser le soutien aux opérateurs afin de maintenir le niveau d'excellence de la recherche française.

S'agissant d'abord de la question de l'augmentation des montants affectés à la recherche prévue par le projet de budget pour 2023, je tiens à saluer l'augmentation des enveloppes allouées : il est, en effet, prévu d'affecter 72 millions d'euros supplémentaires au programme 190 par rapport à la loi de finances initiale pour 2022. Cette augmentation, de près de 4 % permet de rattraper la diminution des crédits qui avait été prévue par la loi de finances pour 2022. Ainsi, en comparaison avec l'année dernière, cinq des sept actions bénéficient d'une augmentation des crédits, dont en particulier l'action 15 « Charges nucléaires des installations du CEA » avec 40 millions d'euros supplémentaires accordés à ce dernier, soit l'augmentation la plus importante prévue pour l'année prochaine. L'action 12 « Recherche dans le domaine des transports, de la construction, de l'aménagement », connaît une légère diminution. Enfin, l'action 13 « Recherche partenariale dans le développement et l'aménagement durables » reste stable.

En outre, à l'instar de l'année précédente, plus des deux tiers des crédits sont concentrés au bénéfice du CEA au titre de l'action 15, que j'ai citée à l'instant et de l'action 16 « Recherche dans le domaine de l'énergie nucléaire ».

Au-delà des crédits budgétaires, certains opérateurs bénéficient d'une augmentation de leur schéma d'emplois, comme l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (Ineris), de l'IRSN ou encore du CEA pour lesquels le PLF 2023 prévoit des augmentations respectives de 2, 12 et 124 équivalents temps plein.

Je me félicite de cette revalorisation des moyens budgétaires et humains ; le programme 190 est en effet un levier déterminant à la transition écologique et énergétique. Il est donc fondamental d'accorder à nos opérateurs les moyens à la mesure de nos ambitions en matière de développement durable.

Par ailleurs, j'estime indispensable ce soutien financier apporté aux organismes de recherche dans le contexte actuel. Je ne vous apprends rien, en rappelant que celui-ci est marqué par une inflation grandissante des prix de l'énergie, les exposant ainsi à une explosion de leurs dépenses. À titre d'illustration, la facture énergétique du CEA va être triplée et ainsi augmenter de 60 millions d'euros, celle de l'IFPEN de 10 millions d'euros, celle de l'IRSN de 4 millions d'euros. Dans le cadre de mon cycle d'auditions, l'Université Gustave Eiffel a également manifesté son inquiétude en affirmant, qu'elle s'attendait, je cite, « à de nombreuses coupures d'électricité durant cet hiver ». Malheureusement, l'augmentation des crédits prévue pour 2023 ne permettra a priori pas de compenser les surcoûts auxquels devront faire face les opérateurs.

Je souhaite également appeler l'attention de la commission sur la situation fragile de l'Institut polaire français Paul-Émile Victor (IPEV). Il s'agit là d'une nouveauté au sein de mon avis budgétaire, puisque les crédits de l'IPEV relèvent du programme 172 « Recherches scientifiques et technologies pluridisciplinaires », qui figure au sein de la même mission « Recherche et enseignement supérieur » que le programme 190 que je viens d'évoquer. L'IPEV est un opérateur qui permet la mise en oeuvre de la recherche française dans des zones polaires en offrant les moyens humains, matériels, techniques financiers nécessaires. Pour le dire autrement, l'institut ne fait pas de la recherche, mais permet aux organismes publics de conduire des projets de recherche. Par exemple, la station franco-italienne Concordia , implantée en Antarctique, permet aux chercheurs de retracer le climat terrestre des années passées. Les recherches réalisées ont ainsi permis de lire le climat des 800 000 dernières années et les prochains carottages visent à dépasser le million d'années. Grâce à la compétence et à la technicité de l'IPEV la France rayonne à l'international dans le domaine polaire et promeut une recherche de haut niveau.

Pourtant, le budget de cet institut est aujourd'hui en déficit de 3,7 millions d'euros en raison du financement, sur son fonds de roulement, des surcoûts en matière d'hydrocarbures, de fret maritime, de transports aériens et les quatorzaines liés à la pandémie. La situation s'est révélé tellement critique que l'Institut a envisagé de réduire ses activités de recherche s'il n'était pas doté de fonds supplémentaires cette année. L'IPEV a tiré la sonnette d'alarme, et à bon escient, puisque le Gouvernement a annoncé le 27 octobre dernier qu'il allait amplifier son soutien - et celui d'autres opérateurs - afin de permettre aux organismes spécialisés dans le domaine de la recherche de faire face aux surcoûts énergétiques, et en créant au sein du projet de loi de finances rectificative pour 2022, un fonds de compensation de 275 millions d'euros. Ainsi, l'IPEV devrait bénéficier d'une rallonge budgétaire de 3 millions d'euros, ce qui lui permettra de compenser son déficit, ainsi que de cinq nouveaux équivalents temps plein. Ce nouveau positionnement de la part du gouvernement s'avère évidemment bienvenu et devrait permettre de répondre à la stratégie nationale polaire adoptée en avril dernier.

Je profite de cet exemple de l'IPEV pour soutenir qu'il est essentiel de veiller, d'une part, à ce que nos opérateurs bénéficient de moyens justes et cohérents afin de mener en toute sérénité la réalisation des travaux de recherche, et d'autre part, de compenser les fragilités financières auxquelles ils peuvent être confrontés.

Si nous parvenons à maintenir cet effort, et cela m'amène à mon deuxième point, nous préserverons la recherche française à un niveau d'excellence.

Les opérateurs du programme 190 sont, chacun dans leurs domaines respectifs, des pionniers en matière de recherche. Comme je l'avais déjà souligné l'année dernière, le nombre de demandes de brevets témoigne de ce dynamisme, et traduit une véritable reconnaissance de l'expertise française et la capacité d'opérateurs à investir sur de nouveaux sujets de recherche. Ainsi, le CEA et l'IFPEN occupent respectivement les 1 er et 4 e rangs mondiaux des organisations de recherche publique ayant déposé le plus de demandes de brevets internationales dans le domaine des technologies bas-carbone au cours de la période 2000-2019. Très concrètement, le CEA est à l'origine de 3,9 % des dépôts de brevets mondiaux dans le domaine de l'énergie nucléaire et l'IFPEN, à l'origine de 1,4 % des dépôts de brevets mondiaux dans le domaine de la capture de dioxyde de carbone, ce qui est très significatif.

D'autres exemples de projets déployés à l'échelle européenne ou internationale mettent en lumière la maturité de la recherche française. Je pourrais vous en citer des dizaines, mais en voici trois que je trouve révélateurs. Tout d'abord l'IFPEN est fortement impliqué au sein du programme de recherche et d'innovation de l'Union européenne : « Horizon Europe ». Dans ce cadre, il pilote le projet européen Modalis ( MODelling of Advanced LI Storage Systems ) qui a pour objectif de modéliser les futures générations de batteries pour véhicules électriques. Également dans le cadre de ce programme Horizon Europe, l'UGE participe au financement du projet Bison, qui vise à identifier les besoins futurs en matière de recherche et d'innovation pour une meilleure intégration de la biodiversité dans la planification, la construction, l'exploitation et le déclassement des infrastructures. Aussi, depuis 2017, le Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB) est investi dans la création de villes durables en Chine. Ainsi, une dizaine d'écocités bâties selon une approche française durable devraient voir le jour. Parmi elles, cinq villes chinoises ont reçu le prix Eco-cités. Enfin, la filière aéronautique française se mobilise fortement depuis 2019, aux côtés de l'État et au sein du conseil pour la recherche aéronautique civile (CORAC), pour faire émerger à l'horizon 2030 une nouvelle génération d'avions de ligne « bas carbone » capables de décarboner le transport aérien mondial. La position de la France à ce niveau est déterminante et son pouvoir d'orientation est considérable car son industrie, la plus complète en Europe, joue un rôle de leader au niveau continental.

Je terminerai mon propos en évoquant le double objectif auquel nous répondrons si nous parvenons à pérenniser, sur le long terme, le soutien accordé aux opérateurs.

Le premier objectif est celui de préserver notre position d'expert en matière de recherche dans les domaines de l'énergie, du développement et de la mobilité durables. Car oui, même si la France rayonne à l'international, nous ne devons pas oublier le risque d'une perte de leadership . En effet, à titre d'illustration, les moyens alloués à la recherche polaire en France demeurent bien inférieurs à ceux d'autres États, tels que l'Allemagne et le Royaume-Uni. Il en va de même pour des États dont le PIB est inférieur à celui de la France, tels que l'Italie et l'Australie. En conséquence, si la France figure aujourd'hui au 5 e rang mondial en matière de publications scientifiques en Antarctique, elle risque de rejoindre, à moyen terme, le club des États d'ambition moindre en matière de recherche dans les milieux polaires et plus particulièrement en Antarctique.

En outre, la France risque d'être confrontée à une perte d'attractivité et de souveraineté technologique en raison des difficultés récurrentes d'attractivité des emplois et des compétences. Les opérateurs que j'ai entendus m'ont alerté sur les difficultés de recrutement auxquelles ils sont confrontés, le domaine de la recherche étant soumis à une forte concurrence géographique et sectorielle. Ainsi, d'après l'IRSN, il est difficile d'attirer les chercheurs issus des entreprises privées compétentes dans le domaine du nucléaire. Force est de constater que les rémunérations proposées dans ces secteurs sont plus attractives que celles proposées dans le secteur public.

Notre deuxième objectif est celui d'éclairer les choix publics et privés pour, d'une part, améliorer notre compréhension et la connaissance du changement climatique et trouver des réponses plus efficaces à ses conséquences, et d'autre part, garantir une maîtrise des risques environnementaux, industriels et nucléaires. Sur ce point, j'aimerais évoquer l'Ineris qui a été mobilisé lors de l'incendie de Lubrizol en 2019, puis à la suite de l'explosion sur le port de Beyrouth en 2020 et également lors des feux extrêmes de Gironde en 2022. Pour sa part, le CEA produit des travaux de recherches sur les sources de production renouvelables, et notamment sur l'énergie photovoltaïque à haut rendement et bien intégrable au réseau.

En outre, les travaux de recherche en matière de développement durable ne se limitent pas seulement à informer les « décideurs », mais permettent également de sensibiliser l'ensemble de nos concitoyens. Selon le baromètre de 2022 de l'IRSN, le dérèglement climatique et la santé sont, à égalité, les deux préoccupations principales des Français. De même, 64 % des Français font confiance aux institutions scientifiques.

Pour mieux s'imprégner des enjeux en matière de recherche dans les domaines de l'énergie, du développement et de la mobilité durables, la commission pourrait d'ailleurs utilement se déplacer auprès des opérateurs pionniers qui font vivre et donnent chair à cette recherche par le biais de travaux plus innovants les uns que les autres. Cela permettra à la fois de mieux comprendre les enjeux auxquels ils font face et d'orienter nos prises de position en tant que législateur.

Compte tenu des moyens supplémentaires affectés, mais aussi de la résilience et de la mobilisation des opérateurs concernés, je vous propose d'émettre un avis favorable à l'adoption des crédits du programme 190.

M. Jean-Claude Anglars . - Tout d'abord, je salue la qualité du travail du rapporteur. La mission d'information de la commission au Costa Rica a été l'occasion d'en apprendre davantage sur le stockage de l'énergie électrique. Des crédits sont-ils affectés ? Cette question est également un élément du dossier de la mise en concession d'un certain nombre de barrages.

M. Frédéric Marchand , rapporteur pour avis . - Cette question n'a pas été abordée directement lors des auditions que j'ai menées, mais le CEA en a fait effectivement un de ses sujets de réflexion. Je répète une nouvelle fois que tous les organismes entendus sont demandeurs de rencontres avec les parlementaires afin de discuter des nombreux démonstrateurs extrêmement intéressants.

Mme Angèle Préville . - Merci pour ce rapport très exhaustif. Je voulais tout particulièrement, comme Monsieur le rapporteur, insister sur le rôle de l'IPEV face à l'enjeu scientifique et stratégique extrêmement important de la recherche polaire en France. Dans le passé, nous avions une place importante en la matière. L'année dernière, j'ai réalisé un rapport sur cette recherche polaire afin que nous puissions revenir dans la cour des grands, à l'initiative de l'ambassadeur des pôles Olivier Poivre d'Arvor. Il nous faut reconquérir une place que nous sommes en train de perdre. De grandes puissances, comme la Chine, investissent beaucoup en la matière, avec bien plus de moyens que nous. L'Antarctique est encore une terre de science et de paix mais les appétits s'aiguisent, compte tenu de la fonte des glaces et des ressources qui pourraient dès lors être englouties. Il nous faut être très vigilants et conserver un investissement important, car le poids que nous avons dans l'Antarctique est lié à l'investissement que nous avons dans la recherche.

M. Frédéric Marchand , rapporteur pour avis . - Avoir intégré l'IPEV au circuit d'auditions va nous permettre d'alimenter nos réflexions et les propositions futures pour pérenniser la qualité du travail qui est véritablement remarquable.

La commission a émis à l'unanimité un avis favorable à l'adoption des crédits relatifs à la recherche dans le domaine de l'énergie, du développement et de la mobilité durables de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».

Audition de M. Christophe Béchu,
ministre de transition écologique et de la cohésion des territoires
et de Mme Dominique Faure, secrétaire d'État chargée de la ruralité
(Mercredi 2 novembre 2022)

Le compte rendu de cette audition est publié dans l'avis budgétaire n° 119 tome 1 fascicule 1 Environnement - Biodiversité et expertise en matière de développement durable et consultable sur le site du Sénat 19 ( * ) .


* 19 http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20221031/atdd.html#toc6.

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