N° 165

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2021-2022

Enregistré à la Présidence du Sénat le 18 novembre 2021

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi de finances , adopté par l'Assemblée nationale, pour 2022 ,

TOME II

ACTION EXTÉRIEURE DE L'ÉTAT

Diplomatie culturelle et d'influence (Programme 185)

Par MM. Ronan LE GLEUT et André VALLINI,

Sénateurs

(1) Cette commission est composée de : M. Christian Cambon, président ; MM. Pascal Allizard, Olivier Cadic, Olivier Cigolotti, André Gattolin, Guillaume Gontard, Jean-Noël Guérini, Joël Guerriau, Pierre Laurent, Philippe Paul, Cédric Perrin, Gilbert Roger, Jean-Marc Todeschini, vice-présidents ; Mmes Hélène Conway-Mouret, Joëlle Garriaud-Maylam, Isabelle Raimond-Pavero, M. Hugues Saury, secrétaires ; MM. François Bonneau, Gilbert Bouchet, Mme Marie-Arlette Carlotti, MM. Alain Cazabonne, Pierre Charon, Édouard Courtial, Yves Détraigne, Mmes Catherine Dumas, Nicole Duranton, MM. Philippe Folliot, Bernard Fournier, Mme Sylvie Goy-Chavent, M. Jean-Pierre Grand, Mme Michelle Gréaume, MM. André Guiol, Abdallah Hassani, Alain Houpert, Mme Gisèle Jourda, MM. Alain Joyandet, Jean-Louis Lagourgue, Ronan Le Gleut, Jacques Le Nay, Mme Vivette Lopez, MM. Jean-Jacques Panunzi, François Patriat, Gérard Poadja, Stéphane Ravier, Bruno Sido, Rachid Temal, Mickaël Vallet, André Vallini, Yannick Vaugrenard.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 15 ème législ.) : 4482 , 4502 , 4524 , 4525, 4526 , 4527 , 4597 , 4598 , 4601 , 4614 et T.A. 687

Sénat : 162 et 163 à 169 (2021-2022)

L'ESSENTIEL

Les luttes d'influence sont devenues un enjeu majeur au plan international. La mondialisation, la transformation des médias à l'ère du numérique ont engendré l'apparition d'une opinion publique internationale versatile. Dans ce contexte, il est nécessaire que la diplomatie culturelle et d'influence de la France monte rapidement en puissance dans ses différentes dimensions, afin de soutenir un réseau historique universel, qui n'a pas d'équivalent dans le monde, et dont le rôle est crucial pour promouvoir l'image de la France et ses valeurs.

D'un montant de 731 M€, le budget du programme 185 augmente de 2 %. Cette stabilisation est bienvenue. Le contexte actuel milite toutefois pour une véritable relance du « soft power » français.

Les préconisations de la commission sont les suivantes :

1. Le doublement des effectifs de l'enseignement français à l'étranger (EFE) à l'horizon 2030 nécessite d'autoriser l'AEFE à emprunter à moyen et long terme pour financer ses opérations immobilières ;

2. Le réseau de l'EFE au Liban est en danger : ce réseau doit continuer de bénéficier d'une aide budgétaire spécifique. Le soutien aux écoles chrétiennes francophones, qui scolarisent 20 % des élèves libanais, doit être poursuivi et renforcé.

3. Le contrat d'objectifs et de moyens (COM) de l'AEFE est expiré depuis trois ans, ce qui met à mal le droit de regard du Parlement sur la stratégie mise en oeuvre par l'opérateur. En application de la loi de 2010 sur l'action extérieure de l'Etat, le nouveau projet de COM doit être transmis sans délai au Parlement. Ce COM devra garantir à l'opérateur des moyens suffisants dans la durée pour parvenir aux objectifs fixés.

4. Le réseau culturel doit remonter en puissance. Certains pays ont bien compris l'atout que constituent les réseaux culturels, qui sont de puissants outils diplomatiques et économiques. La création d'un institut français à Erevan (Arménie) serait particulièrement bienvenue. Les alliances françaises, très impactées par la crise, doivent également être soutenues.

5. La France a rétrogradé de la 3 ème à la 7 ème place s'agissant de l'accueil des étudiants étrangers. La politique d'accueil et de bourses doit devenir plus visible, répondre à des critères unifiés dans le cadre d'une gouvernance transformée pour s'adapter à une concurrence internationale croissante.

6. Enfin, les moyens de l'agence Atout France doivent être confortés et rendus plus prévisibles, dans un cadre pluriannuel, afin de ne pas rater le tournant de la relance touristique. Cette relance doit être quantitative mais aussi qualitative pour s'adapter aux nouvelles pratiques et permettre à la France de conserver son rang dans ce secteur économique dont l'importance est majeure.

I. L'ENSEIGNEMENT FRANÇAIS À L'ÉTRANGER : UNE DYNAMIQUE À RENFORCER

Une subvention de

Un réseau en croissance

À ce rythme, un doublement des effectifs en l'an

2 053

stable (+0 %)

élèves supplémentaires à la rentrée 2021 (+ 2 %)

Le réseau de l'enseignement français à l'étranger (EFE) est un véritable fleuron de notre diplomatie culturelle et d'influence. En 2021, ce réseau compte :

ü 543 établissements (+5)

ü 376 000 élèves (+2 %). Le nombre d'élèves a augmenté d'environ 8 000, dont 3 000 en raison de nouvelles homologations d'établissements. La proportion d'élèves étrangers dans le réseau s'accroît, en raison d'une baisse de 1 % du nombre d'élèves français.

Le réseau de l'EFE a été identifié, à juste titre, comme un domaine d'action prioritaire par le Président de la République dans son discours du 20 mars 2018 à l'Institut de France sur l'ambition pour la langue française et le plurilinguisme.

ü Doubler les effectifs à l'horizon 2030 : telle est l'ambition. Au rythme actuel, toutefois, ce doublement n'interviendrait qu'en 2053.

A. UN BUDGET STABILISÉ MAIS UNE POLITIQUE IMMOBILIÈRE ENTRAVÉE

La subvention à l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) est stable, ce qui signifie que l'augmentation allouée en LFI 2020 (24,6 M€) pour mettre en oeuvre l'objectif présidentiel est pérennisée. Toutefois :

ü La trésorerie de l'AEFE sera très sollicitée : 10 M€ seront prélevés en 2022 pour abonder les crédits de l'aide à la scolarité (P 151) ; 10 M€ seront mobilisés en faveur des établissements français au Liban. L'AEFE anticipe une diminution substantielle de sa trésorerie, qui sert aussi à venir en aide aux établissements en difficulté. C'est un facteur de fragilité.

ü Ces ponctions sont d'autant plus préjudiciables à l'Agence qu'elle ne peut pas emprunter. Elle ne peut avoir recours qu'aux avances de l'Agence France Trésor, de courte durée (un an). L'atteinte de l'objectif présidentiel passe nécessairement par des opérations immobilières pour développer les capacités d'accueil des établissements en gestion directe (EGD). L'Agence a besoin d'un mécanisme de financement compatible avec les exigences d'un investissement immobilier. Il serait légitime de la sortir de la liste des organismes divers d'administration centrale , auxquels l'emprunt est interdit (au titre de la loi de finances pour 2011), dans la mesure où l'EFE n'est pas majoritairement financé par l'État mais par les familles (à hauteur de 59 % pour les EGD et les établissements conventionnés).

ü Par ailleurs, il est regrettable que le dispositif qui se substitue à l'Association nationale des écoles françaises de l'étranger (ANEFE) soit moins favorable que celui qui pré-existait. Mis en place par l'article 198 de la loi de finances pour 2021 et par un arrêté du 2 avril 2021, ce nouveau mécanisme prévoit en particulier une rémunération de la garantie par une commission variable en fonction des risques encourus, alors que cette commission était auparavant unique et mutualisée. Une première réunion de la commission interministérielle d'octroi doit se tenir début 2022.

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