AVANT-PROPOS
Mesdames, Messieurs,
Au regard des effets de ce projet de loi de financement sur nos finances publiques, la commission des finances a souhaité se saisir pour avis de ce texte.
Le rapporteur a limité le champ de son avis à l'examen des articles 1 er , 7, 19, 20 (tableaux d'équilibre pour 2020, 2021 et 2022), 8 et 56 (montant de l'objectif national de dépenses d'assurance-maladie pour 2021 et 2022), 6 (ajustement des recettes perçues par la branche autonomie), 11 (contemporanéisation du crédit d'impôt sur les services d'aide à la personne), 15 (lutte contre la fraude sociale), 17 (transferts entre branches et organismes de sécurité sociale), 22 (objectif d'amortissement de la dette sociale pour 2021), 23 (trajectoire pluriannuelle des comptes sociaux), 29 (extension du complément de traitement indiciaire) et 30 (mesures diverses pour l'autonomie).
I. LA CRISE SANITAIRE A CONDUIT À UN DÉTÉRIORATION SANS PRÉCÉDENT DU SOLDE DES COMPTES DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
A. L'EXERCICE 2020 A CONNU UN EFFONDREMENT DES COMPTES SOCIAUX
1. Des prévisions de la loi de financement pour 2020 rendues caduques en raison de la crise sanitaire
L'exercice 2020 a été marqué par la crise de la Covid, qui a conduit à une dégradation inédite des comptes sociaux .
Le déficit cumulé des régimes obligatoires de base de sécurité sociale (ROBSS) et du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) a connu une très forte dégradation, passant de 1,7 milliard d'euros en 2019 à 39,7 milliards d'euros en 2020, soit une augmentation de 38,0 milliards . En comparaison, lors de la crise économique précédente, le déficit agrégé du régime général et du FSV avait atteint les 28 milliards d'euros en 2010, en augmentation de 13,9 milliards d'euros par rapport à 2009.
La crise a mis un terme à la tendance à la consolidation qui avait été observée en 2017 (2,2 milliards d'euros) et en 2018 (3,3 milliards d'euros), cette année ayant, pour la première fois depuis 2001, connu un solde du régime général excédentaire (0,5 milliard d'euros) 1 ( * ) .
Le déficit agrégé du régime général et du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) connaît également une aggravation, atteignant - 38,7 milliards d'euros en 2020, soit une augmentation de 26,8 milliards.
Le déficit du FSV enregistré en 2020, est de 2,5 milliards d'euros, soit une augmentation de 0,9 milliard d'euros par rapport à 2019. Ce montant reste inférieur au déficit enregistré en 2017 (- 2,9 milliards d'euros), mais supérieur à celui de 2018 (- 1,8 milliard d'euros). Il s'agit de la première fois depuis 2015 que le déficit du FSV s'aggrave.
Soldes du régime général et du FSV 2016-2020
(en milliards d'euros)
Note de lecture : la somme des arrondis peut différer de l'arrondi de la somme.
Source : commission des finances du Sénat
Comparaison de la prévision et de l'exécution pour 2020
(en milliards d'euros)
Prévision PLFSS 2020 |
Exécution
|
Écart |
|
Maladie |
- 3,3 |
- 30,4 |
- 27,1 |
AT-MP |
1,4 |
- 0,2 |
- 1,6 |
Vieillesse |
- 2,7 |
- 3,7 |
- 1 |
Famille |
0,7 |
- 1,8 |
- 1,1 |
Régime général |
- 4,1 |
- 36,2 |
- 32,1 |
FSV |
- 1,4 |
- 2,5 |
- 1,1 |
Régime général et FSV |
- 5,4 |
- 38,7 |
- 33,3 |
Note de lecture : la somme des arrondis peut différer de l'arrondi de la somme.
Source : commission des finances du Sénat, d'après les données du rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale, septembre 2021
2. Des recettes en chute en raison de la contraction de la masse salariale
En 2020, les recettes de l'ensemble des régimes obligatoires de base ont diminué de 1,9 %, passant de 509,1 milliards à 499,2 milliards d'euros . Cette diminution marque une rupture avec la progression des recettes de 2018 à 2019, qui fut de 1,9 %, et celle entre 2017 et 2018, de 3,0 %. Cette diminution des recettes s'explique majoritairement par la contraction de la masse salariale, à la suite de la crise sanitaire.
En effet, l'augmentation du chômage et le recours à l'activité partielle ont conduit à une diminution de 5,7 % de la masse salariale du secteur privé. Celle-ci explique à hauteur de 2,2 points la baisse des recettes. Les cotisations sociales ont notamment diminué de 4,6 % .
Évolution des recettes par branche
(en milliards d'euros)
2019 |
2020 |
Évolution (en %) |
|
Branche maladie |
216,6 |
209,8 |
- 3,2 % |
AT/MP |
14,7 |
13,5 |
- 8,1 % |
Branche vieillesse |
240,0 |
241,2 |
+ 0,5 % |
Branche famille |
51,4 |
48,1 |
- 6,3 % |
Total |
509,1 |
499,2 |
- 1,9 % |
Source : commission des finances du Sénat d'après la commission des comptes de la sécurité sociale
Cette contraction des recettes a été tempérée par :
- le versement de la soulte des employeurs du régime spécial des industries électriques et gazières (IEG), conformément à l'article 4 de la loi du 7 août 2020 relative à la dette sociale et à l'autonomie, soit 5 milliards d'euros ;
- la création d'une contribution exceptionnelle des organismes complémentaires en santé aux dépenses liées à la gestion de l'épidémie, soit 1 milliard d'euros. Ce montant tient compte de la forte diminution des soins de ville constatée depuis le début de la crise sanitaire et de la prise en charge par l'assurance maladie de l'intégralité de certaines dépenses, à l'image des tests de dépistage et des téléconsultations. ;
- la majoration des revenus en 2020 des professionnels de santé concernés par les accords dits de Ségur (0,3 milliard d'euros).
3. Une progression forte des dépenses d'assurance maladie
Les dépenses de prestations légales de l'ensemble des régimes de base et du FSV ont progressé de 4,6 % en 2020, atteignant 505,3 milliards d'euros .
Répartition des prestations légales par branche
(en milliards d'euros)
2019 |
2020 |
Évolution (en %) |
|
Branche maladie |
204,2 |
221,2 |
+ 8,4 % |
AT/MP |
11,0 |
10,9 |
- 0,3 % |
Branche vieillesse |
236,8 |
242,0 |
+ 2,2 % |
Branche famille |
31,1 |
31,1 |
+ 0,1 % |
Total |
483,1 |
505,3 |
+ 4,6 % |
Source : commission des finances du Sénat d'après la commission des comptes de la sécurité sociale
Avec une progression de 8,4 % entre 2019 et 2020, les dépenses de la branche maladie sont la principale cause de l'augmentation des prestations légales.
Une grande part de la majoration de l'Ondam en 2020 est bien évidemment liée aux coûts induits par la crise sanitaire. 15 milliards d'euros de dépenses supplémentaires ont ainsi été intégrés dans la construction de l'objectif pour 2020 :
• 4,8 milliards d'euros de crédits supplémentaires, dont 4,6 milliards d'euros à Santé publique France et 0,2 milliard d'euros au fonds d'intervention régional aux fins d'acquisition de matériel médical ;
• 4,7 milliards d'euros fléchés vers les établissements hospitaliers et les établissements et services médico-sociaux, en vue du versement de primes et de l'indemnisation des heures supplémentaires (2,3 milliards d'euros) mais aussi de la couverture des dépenses exceptionnelles (1,8 milliard d'euros) ;
• 2 milliards d'euros appelés à financer le versement des indemnités journalières d'arrêt de travail ;
• 2 milliards d'euros destinés au financement des tests effectués dans les laboratoires de biologie médicale de ville (1,5 milliard d'euros) et au règlement d'autres dépenses, à l'instar de la distribution de masques dans les pharmacies ou de la prise en charge à 100 % des téléconsultations (0,5 milliard d'euros) ;
• 1,4 milliard d'euros dédié à l'aide aux professionnels de santé en vue de leur permettre de faire face à une baisse d'activité.
Avec une progression de 2,2 %, l'évolution des dépenses de la branche vieillesse est dans la moyenne de ce qui a été constaté les années précédentes (2,5 % en 2018 et 2 %). La décision de ne pas revaloriser les pensions du privé à hauteur de l'inflation en 2020 (0,5 %) explique cette limitation de la progression de ces dépenses. Il faut néanmoins relever qu'au regard des montants des dépenses vieillesse, une progression de 2,2 % correspond à une augmentation de 5 milliards d'euros.
La légère diminution des dépenses de la branche AT-MP (- 0,3 %) entre 2019 et 2020 s'explique par les mesures de confinement.
* 1 Cette dynamique avait déjà été remise en cause en 2019, en raison principalement de l'absence de compensation par l'Etat des mesures prises dans le cadre de la crise des « gilets jaunes ».