III. UNE LOI D'EXCEPTION QUI N'EST PAS SANS SUSCITER QUELQUES INQUIÉTUDES
A. UN RISQUE D'ALLER À L'ENCONTRE DES INTENTIONS DES DONATEURS
La volonté du Président de la République et du Gouvernement de faciliter une restauration dans les cinq ans de la cathédrale Notre-Dame de Paris s'est traduite dans un projet de loi non dénué d'ambiguïtés en faisant de l'exception une règle, qu'il s'agisse de la gestion des dons collectés par des fondations de droit privé, de la désignation du maître d'ouvrage ou des dérogations possibles avec plusieurs branches de notre droit : code de l'urbanisme, code des marchés publics, code du patrimoine, code de l'environnement... L'exposé des motifs, qui ne tranche pas la question d'une reconstruction respectant pleinement les critères de la charte de Venise, ou la communication du Gouvernement, qui envisage un concours d'architecte pour la reconstruction de la flèche, n'est pas non plus sans susciter certaines inquiétudes quant à l'avenir du site en tant que tel.
Le projet de loi, dans sa rédaction actuelle - son examen par l'Assemblée nationale n'ayant pas levé toutes les réserves contenues dans le dispositif initial - ne fait pas l'objet d'un consensus, ce qui contraste avec la force du mouvement de générosité nationale, qui s'est traduit, dès le soir de l'incendie, par un afflux de dons des particuliers sur les sites internet de la Fondation Notre Dame et de la Fondation du patrimoine et l'annonce de promesses de versements importants de la part de grands donateurs. Selon certaines estimations, 72 % des Français ne souhaitent pas un texte d'exception dérogeant aux règles de protection du patrimoine et de passation de marchés publics 6 ( * ) .
De fait, ce projet de loi, censé permettre une utilisation optimale des dons et promesses de dons enregistrés, peut aussi apparaître parfois à rebours des souhaits des donateurs, au risque de susciter un mouvement inédit de renonciation voire de révocation des dons. L'annonce par la Fondation du Patrimoine, le 13 mai dernier, de l'arrêt de sa collecte s'inscrit pour partie dans ce contexte.
Cette annonce traduit aussi plusieurs inquiétudes, en large partie compréhensibles. En premier lieu figure le risque réel d'éviction de la générosité des Français et des grands donateurs au profit de la seule cathédrale Notre-Dame et au détriment d'autres sites. Le Centre des monuments nationaux a d'ailleurs constaté que plusieurs grands mécènes réorientaient leurs versements vers ce seul site. La Fondation du patrimoine exprime, en outre, la crainte, pour partie légitime à la lecture du projet de loi, d'une captation des dons par l'État sans association ultérieure, alors même que cet organisme dispose d'une réelle compétence en matière de gestion des dons et d'information des donateurs.
* 6 Sondage Odoxa pour Le Figaro et France info sur la base d'un échantillon de 1 003 Français interrogés par internet du 7 au 9 mai 2019.