II. UN APPEL AUX DONS DANS UN CONTEXTE FISCAL DÉFAVORABLE
Le souhait de recourir au don, affirmé dans l'exposé des motifs du projet de loi au travers du lancement d'une souscription nationale et de l'association de la communauté nationale au chantier, n'est pas sans susciter des interrogations dans un contexte marqué par un recul de la générosité des Français en raison des réformes fiscales menées par le Gouvernement (augmentation de la CSG, transformation de l'impôt de solidarité sur la fortune en impôt sur la fortune immobilière, introduction du prélèvement à la source...).
Montant de la dépense fiscale
Le montant des réductions d'impôts sur le revenu pour les particuliers à raison des dons versés aux associations (1 de l'article 200 du Code général des impôts) est aujourd'hui estimé à 1 495 millions d'euros pour l'année 2018. La déduction fiscale s'élève en moyenne à 259,86 euros par ménage. S'agissant des déductions obtenues par les entreprises au titre de l'article 238 bis du code général des impôts, le montant arrêté en 2017 sur l'impôt sur le revenu ou l'impôt sur les sociétés s'élève à 902 millions d'euros. Le montant de la réduction d'impôt atteint en moyenne 15 343,53 euros. 97 % des entreprises mécènes sont des TPE-PME. La moitié seulement des entreprises utiliserait le dispositif de déduction fiscale. |
La transformation de l'ISF en IFI a, en revanche, conduit à une baisse du montant des dons déductibles : 65 millions d'euros étaient prévus dans la loi de finances pour 2019, en application de l'article 978 du code général des impôts. Ce montant était de l'ordre de 192 millions d'euros en 2017. Source : commission des finances du Sénat, d'après les rapports annuels de performance |
Une hausse de 70 % du volume de dons déductibles de l'impôt sur le revenu a été enregistrée entre 2006 et 2015, les montants moyens déclarés ayant progressé de 44 %. Le nombre d'entreprises mécènes a, quant à lui, doublé, passant de moins de 30 000 en 2010 à plus de 60 000 en 2015. Le montant de la générosité française est aujourd'hui estimé à 7,5 milliards d'euros par an.
Reste que cette dynamique tend à s'essouffler comme le souligne l'étude Recherches & Solidarités, publiée en novembre 2018 par France générosités, syndicat professionnel des associations et fondations faisant appel public à la générosité 5 ( * ) . Le document met en avant une diminution de 4,2 % du nombre de foyers fiscaux déclarant un don au titre des oeuvres pour leur impôt sur le revenu. France générosités observe, par ailleurs, en 2018, une baisse des montants des dons de 4,2 %. Les inquiétudes, pour partie levées, liées à la mise en place du prélèvement à la source, à l'augmentation de la contribution sociale généralisée (CSG) ou à la suppression de l'ISF ont contribué à susciter des interrogations sur l'avenir du don.
Le cas de l'ISF est particulièrement éloquent : le nombre de contributeurs a été divisé par trois, avec une conséquence directe pour les dons, réduits de plus de la moitié.
Par ailleurs, interrogés par France générosités, 18 % des donateurs retraités ont réduit leurs dons en raison de la hausse de la CSG et 20 % ont indiqué vouloir réduire leurs versements.
Montants perçus par les fondations
dédiées au patrimoine
citées à l'article 3 du
projet de loi
(en euros et en pourcentage)
Montant perçu
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Évolution par rapport
|
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Fondation du patrimoine |
20 213 547 euros |
- 3,39 % |
Fondation Notre Dame |
21 241 376 euros |
- 0,3 % |
Source : commission des finances du Sénat
On observe ainsi une stagnation voire un recul des versements aux organismes qui seront les plus associés à la reconstruction de la cathédrale. Seules quatre fondations en large partie dédiées aux questions patrimoniales ont par ailleurs bénéficié d'une des soixante plus grosses collectes de fonds auprès des particuliers en 2017 : Fondation Notre-Dame (23 e ), Aide à l'église en détresse (28 e ), Fondation des monastères (29 e ) et Fondation du patrimoine (33 e ).
L'appel aux dons n'est pas accompagné, dans le présent projet de loi, de mesures fiscales novatrices. Le dispositif proposé par le Gouvernement ne concerne, en effet, que les particuliers, dans la limite d'un plafond somme toute modeste : 1 000 euros. La majoration du taux de réduction d'impôt est également limitée, les dons étant désormais déductibles à hauteur de 75 % contre 66 % dans le droit en vigueur. Le taux de 75 % est celui retenu depuis 1989 pour les versements destinés à l'aide aux personnes en difficulté financière et sociale (1 ter de l'article 200 du code général des impôts). Le projet de loi ne prévoit pas, par ailleurs, d'incitation pour les entreprises.
* 5 La Générosité des français, Recherches & Solidarité, 23 ème édition - Novembre 2018.