EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

Le 7 juin 2017, le Premier ministre Édouard Philippe annonçait le souhait du Gouvernement de procéder au report d'un an, du 1 er janvier 2018 au 1 er janvier 2019, de l'entrée en vigueur du prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu.

L'article 9 du projet de loi d'habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social propose ainsi d'habiliter le Gouvernement à prendre par ordonnance les mesures nécessaires pour décaler d'un an l'entrée en vigueur de la réforme prévue par l'article 60 de la loi de finances pour 2017.

Cette proposition de report n'est guère surprenante au vu de l'extrême complexité de la réforme - déjà soulignée par votre rapporteur dans un rapport d'information de novembre 2016 - et du calendrier particulièrement exigeant fixé par le précédent Gouvernement. En-dépit de l'investissement des services de la direction générale des finances publiques, il existe nécessairement des délais incompressibles de déploiement des outils informatiques et d'adaptation des entreprises, des collectivités territoriales ou encore des caisses de retraite.

S'il eût été certainement préférable de faire figurer cette mesure dans un autre texte que le présent projet de loi d'habilitation, qui renvoie à un tout autre débat que le prélèvement à la source, force est de constater qu'une intervention rapide est nécessaire pour clarifier le traitement des revenus perçus en 2017, dont l'impôt afférent doit, théoriquement, être « effacé » dans le cadre de l'année de transition vers le prélèvement à la source.

Toutefois, ce report ne doit pas être synonyme d'une acceptation, sans modification, d'une réforme comportant de trop nombreux défauts. Au contraire, il est l'occasion d'explorer plus avant les voies alternatives pour améliorer la contemporanéité de l'impôt sur le revenu, et ce sans solliciter de tiers collecteurs. Un prélèvement mensualisé et contemporain, reposant sur un système d'acomptes modulables, constituerait certainement un compromis, alliant simplicité et meilleure synchronisation entre le paiement de l'impôt et la perception des revenus.

I. LE PRÉLÈVEMENT À LA SOURCE DE L'IMPÔT SUR LE REVENU :
UN SYSTÈME COMPLEXE, ADOPTÉ DANS LA PRÉCIPITATION

A. LES GRANDS PRINCIPES DU PRÉLÈVEMENT À LA SOURCE VOTÉ FIN 2016

Annoncé formellement par l'article 76 de la loi de finances pour 2016 1 ( * ) , le prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu a été adopté le 29 décembre 2016 2 ( * ) , en vue d'une entrée en vigueur le 1 er janvier 2018.

Cette réforme des modalités de recouvrement et de collecte de l'impôt sur le revenu, qui a pour objectif premier de rendre le paiement de l'impôt contemporain de la perception des revenus, a été analysée en détail par votre rapporteur dans un rapport d'information présenté à l'automne 2016 3 ( * ) .

Véritable « choc de complexité » pour les contribuables et les tiers collecteurs qu'il sollicite , le prélèvement à la source inscrit à l'article 60 de la loi de finances pour 2017 ne se contente pas de modifier la chronique de recouvrement de l'impôt mais institue, parallèlement aux modalités de calcul de l'impôt sur le revenu, qui demeurent inchangées, des assiettes et des taux spécifiques au prélèvement, qui peut prendre différentes formes selon la nature du revenu.

De façon très schématique, la réforme repose sur les trois principes suivants :

- le prélèvement à la source s'applique aux revenus de l'année de leur réalisation et s'impute sur l'impôt dû au titre de l'ensemble des revenus appréhendés cette même année . L'impôt sur le revenu total ne pouvant être connu de l'administration qu'une fois l'année achevée, sur la base de la déclaration de revenus effectuée par les contribuables, une régularisation intervient entre août et septembre de l'année suivante. En d'autres termes, alors que dans le système actuel les revenus de l'année n donnent lieu au paiement de l'impôt sur le revenu y afférent au cours de l'année n + 1 , dans le cadre du prélèvement à la source, l'impôt dû au titre des revenus de l'année n est payé au cours de l'année n par le biais des prélèvements opérés, une régularisation intervenant en n + 1 si le total des prélèvements diffère de l'impôt dû ;

- le prélèvement à la source prend une forme différente selon la nature des revenus concernés . Ainsi, les salaires, pensions et rentes viagères font l'objet d'une retenue à la source prélevée par un tiers collecteur , qu'il s'agisse d'un employeur ou d'une caisse de retraite. Les bénéfices industriels et commerciaux (BIC), agricoles (BA) et non commerciaux (BNC) ainsi que les revenus fonciers, les rentes viagères à titre onéreux et les pensions alimentaires donnent lieu au versement d'un acompte mensuel ou trimestriel par le contribuable. Les autres revenus sont exclus du champ du prélèvement à la source , notamment les plus-values immobilières et les revenus de capitaux mobiliers déjà soumis à un prélèvement à la source ou encore les plus-values de cession mobilières et les revenus de source étrangère.

- le montant du prélèvement est déterminé par l'application d'un taux synthétique , calculé par l'administration fiscale à partir des revenus de l'année n - 2 entre janvier et août et des revenus de l'année n - 1 entre septembre et décembre, à des assiettes spécifiques à la retenue à la source et aux différentes catégories de revenus donnant lieu au versement d'un acompte. Ces nouvelles règles de taux et d'assiette, particulièrement complexes, sont complétées par divers dispositifs de modification du taux en cas de changement de situation personnelle, d'option pour un taux « neutre » ou encore pour un taux « individualisé » au sein des couples.

Le schéma ci-après présente les catégories de revenus inclus dans le champ du prélèvement à la source et illustre les modalités de détermination du montant du prélèvement.

Modalités de détermination et de versement du prélèvement à la source
acquitté par un contribuable

La réforme du prélèvement à la source est assortie de dispositions transitoires, non moins complexes, visant à éviter une double imposition . L'article 60 de la loi de finances pour 2017 prévoit ainsi la suppression des acomptes provisionnels et des mensualités devant être versés au titre des revenus perçus ou réalisés en 2017 et instaure un crédit d'impôt de modernisation du recouvrement (CIMR) à raison des revenus « non exceptionnels » entrant dans le champ du prélèvement à la source . Le CIMR vient s'imputer sur l'impôt dû au titre des revenus perçus en 2017, après prise en compte des crédits d'impôt et des prélèvements ou retenues non libératoires.

Afin d'éviter les comportements d'optimisation de certains contribuables, consistant à « déplacer » artificiellement des revenus sur l'année 2017, le CIMR ne s'applique pas aux revenus considérés comme « exceptionnels » .


* 1 Loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016.

* 2 Article 60 de la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017.

* 3 Rapport d'information n° 98 (2016-2017) du sénateur Albéric de Montgolfier sur le projet d'instauration du prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu, 2 novembre 2016.

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