TRAVAUX EN COMMISSION

Réunie le mercredi 17 novembre 2016, la commission a examiné le rapport pour avis sur les crédits « Transports routiers » du projet de loi de finances pour 2017.

M. Jean-Yves Roux, rapporteur . - Les crédits consacrés aux transports routiers comprennent des crédits gérés par l'État, inscrits dans le projet de loi de finances, et des crédits gérés par l'Agence de financement des infrastructures de transport de France, l'Afitf, dont le budget est adopté par son conseil d'administration en décembre.

En ce qui concerne l'Afitf, l'abandon de la taxe poids lourds avait été compensé, en 2015, par une augmentation de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) sur le carburant gazole, de 2 centimes pour les véhicules particuliers et de 4 centimes pour les transporteurs routiers de marchandises. L'intégralité du produit de cette augmentation, soit 1,14 milliard d'euros, avait alors été affecté à l'Afitf. L'agence avait ainsi pu bénéficier d'un budget d'intervention de 1,8 milliard d'euros, en plus des 528 millions d'euros qu'elle avait dû verser pour l'indemnisation d'Écomouv'.

Outre cette part de TICPE, l'Afitf a des recettes issues des concessions autoroutières : la taxe d'aménagement du territoire, la redevance domaniale, ou encore le versement exceptionnel de 100 millions d'euros négocié avec les sociétés d'autoroutes dans le cadre du plan de relance autoroutier de 2015.

En 2016, ce budget d'intervention a pu être porté à 2 milliards d'euros, malgré la réduction de la part de TICPE affectée à l'Afitf de 1,14 milliard d'euros à 715 millions d'euros. Pour 2017, le projet de loi de finances la fixe à 735 millions d'euros, et il est prévu que l'agence dispose d'un budget d'intervention de 2,2 milliards d'euros, soit une augmentation de 10 % par rapport à 2016.

Cette hausse est bienvenue, mais on peut regretter que l'Afitf ne bénéficie plus de la totalité de l'augmentation de la TICPE décidée en 2015, car elle fait face à des besoins de financement importants. D'après son président, Philippe Duron, comme d'après le directeur général des infrastructures, des transports et de la mer, François Poupard, il lui faudrait un budget d'intervention de 2,6 à 2,7 milliards d'euros pour 2017 et d'au moins 3 milliards d'euros à partir de 2018. L'agence doit en effet financer les engagements de l'État au titre des contrats de plan État-régions, les frais de régénération des réseaux, les premiers loyers des lignes à grande vitesse, le renouvellement du matériel roulant pour les trains d'équilibre du territoire, sans compter les premiers versements pour les grandes opérations que sont le tunnel Lyon-Turin et le canal Seine-Nord.

En l'absence de recettes supplémentaires en 2017, l'agence devra geler le financement de certains projets, ralentir leur mise en oeuvre, ou retarder encore le remboursement de la dette qu'elle a contractée auprès de SNCF Réseau. La question du financement des engagements de l'agence est donc une vraie préoccupation. Peut-être faudra-t-il envisager, en 2018, une nouvelle hausse d'un centime de la taxation sur le gazole.

Ces difficultés financières ont conduit la Cour des comptes à dresser, une nouvelle fois, un bilan très critique de l'Afitf dans un référé publié en juin 2016. La Cour des comptes a reproché au Gouvernement d'avoir fait de cette agence un instrument de débudgétisation et a souligné les incertitudes pesant sur sa soutenabilité financière.

Pour ma part, je suis convaincu que l'agence a permis de préserver les investissements relatifs aux infrastructures de transport, mais qu'elle doit effectivement bénéficier de ressources supplémentaires.

En ce qui concerne les crédits spécifiquement consacrés par l'Afitf aux transports routiers, je me félicite qu'ils aient augmenté ces dernières années : ils étaient de 664 millions d'euros en 2013, 704 millions en 2014, 747 millions en 2015 et 779 millions en 2016, soit une augmentation de 110 millions en trois ans, qui répond à un besoin important de régénération des routes.

J'en viens à présent aux crédits du projet de loi de finances lui-même, inscrits dans le programme 203 intitulé « Infrastructures et services de transport » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ».

Le développement des infrastructures routières a la particularité d'être exclusivement financé par des fonds de concours versés par l'Afitf et par les collectivités territoriales. Ils sont aujourd'hui évalués à 691,6 millions d'euros en crédits de paiement, dont 415,7 millions provenant de l'Afitf et 275,9 millions des collectivités territoriales, mais ce chiffre n'est qu'une estimation, car le budget de l'Afitf n'est pas encore arrêté. Cette somme servira notamment à financer les volets routiers des contrats de plan État-régions 2015-2020. Le financement des infrastructures routières a en effet été réintégré dans ces contrats, contrairement à la génération précédente des contrats de projets, ce qui est une bonne chose.

Pour l'entretien et l'exploitation du réseau routier national, une enveloppe de 321 millions d'euros en crédits de paiement est prévue, soit un montant quasiment identique à celui adopté en loi de finances initiale pour 2016. Elle devrait être complétée par 411 millions d'euros de fonds de concours et d'attributions de produits en crédits de paiement, dont 406 millions de l'Afitf.

Dans le cadre de cet avis budgétaire, je me suis particulièrement intéressé à la question de la préservation de la qualité de notre patrimoine routier. Je me suis en effet inquiété de certaines données traduisant un recul dans ce domaine : la note moyenne du réseau a baissé ces dernières années, tout comme la proportion du réseau en bon état structurel.

Cette dégradation résulte d'une baisse des dépenses d'entretien sur plusieurs années, qui s'explique par le contexte budgétaire contraint que nous connaissons. Le Gouvernement a néanmoins décidé d'enrayer ce phénomène en lançant, depuis 2015, plusieurs plans d'investissements routiers.

Ces efforts ne se traduisent pas encore dans les indicateurs de suivi de l'état du patrimoine routier, car ils doivent être poursuivis pour que la dégradation du réseau prenne effectivement fin. Dans l'idéal, il faudrait augmenter le montant des crédits en 2017 et les années suivantes pour que cette situation s'inverse.

Il existe par ailleurs un léger biais dans la méthode d'évaluation, car seul un tiers du réseau est examiné chaque année. C'est la raison pour laquelle cet indicateur va être remplacé, à partir de 2017, par une note moyenne calculée sur l'ensemble des trois parties du réseau routier, évaluées sur trois années.

Le Gouvernement a également mis en place une mission d'évaluation de la politique publique de gestion du réseau routier national non concédé en avril 2016. Cette mission n'a pas encore terminé ses travaux, mais nous devrons en tirer les conclusions, le moment venu.

Je vous signale par ailleurs la création, en janvier 2016, d'un observatoire national de la route, animé par l'Institut des routes, des rues et des infrastructures pour la mobilité (Idrrim). Cet observatoire vise à réunir les gestionnaires routiers - État, collectivités et profession - pour partager les connaissances relatives à la gestion du réseau routier, afin d'en améliorer l'efficience, et pour objectiver l'état du réseau routier en vue de faciliter la prise de décision.

Le Gouvernement s'est donc saisi de la question de l'état du patrimoine routier, mais il faudra rester vigilant au cours des prochaines années, car dans certains territoires, la route est le seul mode de transport possible. Elle doit rester praticable en toutes circonstances, y compris en période hivernale.

48 millions d'euros sont également prévus pour les actions de soutien et de régulation du secteur des transports terrestres, et 16 millions seront destinés aux dépenses de prospective et de logistique de la DGITM, des montants proches de ceux adoptés l'année dernière.

J'en viens au compte d'affectation spéciale intitulé « aides à l'acquisition de véhicules propres », qui sert à financer le bonus automobile et la prime à la conversion.

Du côté des recettes, l'article 23 du projet de loi de finances propose un nouveau barème pour le malus, qui le durcit afin de prendre en compte l'évolution des technologies. Il abaisse à 127 grammes de CO 2 par kilomètre le seuil d'application du malus, et augmente significativement son montant pour les véhicules les plus émetteurs. Il distingue également le niveau d'émissions de CO 2 par kilomètre au gramme près, et non par tranche de 5 grammes, pour éviter les effets de seuil.

Les prévisions de recettes correspondantes sont évaluées à 347 millions d'euros, ce qui représente une hausse de 30 % par rapport aux 266 millions retenus pour l'année 2016. Cette augmentation a été calibrée pour que le montant des recettes soit comparable à celui constaté en 2014.

Du côté des dépenses, le recentrage du bonus automobile sur les véhicules les plus propres entamé en 2015 se confirme, avec la suppression du bonus de 750 euros aujourd'hui proposé pour l'achat d'un véhicule hybride électrique. Les véhicules hybrides rechargeables continueront à bénéficier d'un bonus important, de 1 000 euros, auquel pourront s'ajouter 2 500 euros de prime à la conversion.

Celle-ci s'obtient lorsque l'achat d'un véhicule peu émetteur de CO 2 , s'accompagne du retrait de la circulation d'un véhicule ancien. Ses conditions d'obtention ont été assouplies en 2015, puisque le véhicule mis au rebut doit désormais avoir été immatriculé avant le 1 er janvier 2006 et non plus avant le 1 er janvier 2001. Il doit ainsi être âgé de plus de dix ans et non de plus de quinze ans.

Pour les véhicules électriques, le total du bonus et de la prime à la conversion restera inchangé, à 10 000 euros, mais il est envisagé de plafonner à 40 000 euros le prix d'achat des voitures particulières électriques ou hybrides rechargeables éligibles au bonus.

Une prime à la conversion spécifique peut être attribuée aux ménages modestes. Là aussi, le mécanisme s'adapte au fil du temps, et les conditions d'obtention ont été assouplies. Ces ménages peuvent désormais obtenir 1 000 euros pour l'acquisition d'un véhicule neuf ou d'occasion respectant la norme Euro 6 et émettant moins de 110 g de CO 2 par kilomètre et 500 euros lorsque le véhicule respecte la norme Euro 5 et émet moins de 110 g de CO 2 par kilomètre, à condition que le véhicule ne circule pas au gazole.

L'évolution du dispositif opérée depuis plusieurs années est positive, car elle répond aux anciennes critiques formulées à son égard.

Tout d'abord, le dispositif vise désormais aussi le parc automobile en circulation, grâce à la prime à la conversion. C'est l'enjeu le plus important pour la réduction des émissions de CO 2 . Ensuite, en se concentrant sur les véhicules électriques ou hybrides et en excluant les véhicules thermiques, ce dispositif agit aussi sur les émissions de polluants atmosphériques (oxydes d'azote, particules, etc.), alors que le précédent système était régulièrement accusé de favoriser la technologie diesel, dont les émissions de polluants atmosphériques ont été pointées du doigt. Il me semble en outre légitime de concentrer les efforts sur des technologies qui ne sont pas encore suffisamment développées, pour accompagner leur diffusion par des aides réellement incitatives.

Une autre bonne nouvelle est attendue pour 2017 : la création d'un bonus pour les véhicules de deux ou trois roues électriques, qui serait financé par le même compte d'affectation spéciale. Il s'agit là aussi d'un enjeu fort pour la réduction des émissions de CO 2 et de polluants atmosphériques. Comme l'avait déjà exposé notre collègue Louis Nègre dans sa communication sur les véhicules diesel récents, la mutation de ce parc vers des véhicules électriques est tout à fait pertinente. Les deux ou trois roues sont moins lourds que les voitures, ce qui facilite le recours à l'énergie électrique tant sur le plan technique qu'économique, et ils sont en général utilisés pour des trajets courts, ce qui simplifie les recharges.

Les évolutions du compte d'affectation spéciale confirment donc l'engagement de la France dans la réduction des émissions de CO 2 comme des polluants atmosphériques.

Vous l'aurez compris, malgré une inquiétude sur le financement de l'Afitf partagée par le ministère - surtout valable pour l'après-2017 d'ailleurs-, je vous proposerai d'émettre un avis favorable sur les crédits du projet de loi de finances pour 2017 consacrés aux transports routiers, compte tenu des efforts réalisés pour la préservation du patrimoine routier et de l'évolution positive du dispositif du bonus-malus écologique.

L'examen de ce budget, comme tous les autres, a nécessité des auditions et du travail. Il a donné lieu à des divergences politiques, ce qui est normal. Le budget est, plus généralement, un moment essentiel de la vie parlementaire et démocratique de notre pays. J'espère, pour toutes celles et ceux qui ont pris la peine d'être auditionnées et ont pris leur travail à coeur, mais aussi pour nos concitoyens, que nous aurons la possibilité d'exprimer nos points de vue, divergents ou non, de façon productive, dans l'hémicycle. La démocratie est un bien suffisamment précieux pour que nous en fassions bon usage.

M. Gérard Cornu . - Je félicite le rapporteur pour la qualité de son rapport, dont je partage en particulier la dernière conclusion. Nous pouvons nous rejoindre sur certains sujets, comme la nécessité de favoriser le développement des véhicules décarbonés. Le rapporteur a émis un avis favorable « malgré » une inquiétude sur l'Afitf, avec honnêteté et justesse. Mais, de notre côté, nous ne pouvons accepter le retard pris dans ce domaine, qui concerne des investissements. Notre groupe aura donc un avis défavorable sur ces crédits.

Mme Odette Herviaux . - Je salue à mon tour la qualité du travail du rapporteur. Dans un contexte difficile, l'essentiel a été préservé et les propositions faites par le rapporteur sont censées.

M. Benoît Huré . - Je félicite également le rapporteur. Nous sommes conscients que le contexte est difficile, mais il faut distinguer les dépenses d'investissement et de fonctionnement. Or, nous avons ici un budget essentiellement composé de dépenses d'investissement. Pour le président de conseil départemental que je suis, traumatisé par le RSA, 10 millions d'investissement public représentent du travail assuré pour au moins 270 personnes sur un an, soit autant de personnes qui n'auraient plus besoin du RSA. Ce sont en outre des équipements qui améliorent la qualité de vie et renforcent l'attractivité du territoire. Je ne voterai donc pas ces crédits, car on ne peut appliquer la même rigueur sur des dépenses d'investissement.

La commission émet un avis défavorable à l'adoption des crédits « Transports routiers » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » du projet de loi de finances pour 2017.

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