LA CRÉATION
PREMIÈRE PARTIE - LE PROGRAMME 131 « CRÉATION »
I. BUDGET REVALORISÉ ET CADRE LÉGISLATIF MODERNISÉ : UNE BONNE CONJUGAISON
A. ENFIN !
1. Un budget engagé
Après une première revalorisation l'an dernier, les crédits du programme 131 « création » enregistrent une hausse plus marquée encore que celle qui avait été proposée en 2016. Ils augmentent de près de 8 % en autorisations d'engagement (AE) et de 4 % en crédits de paiement (CP) pour s'établir à 795,5 millions d'euros en AE et 777,2 millions d'euros CP.
Malgré les baisses de crédits enregistrées en 2013 et 2014, les hausses de 2016 et de 2017 auront finalement permis de renouer avec les niveaux de 2012 et dépassent largement ceux de 2011, pour lesquels la comparaison apparaît d'autant plus significative qu'aucun CP n'était inscrit cette année-là pour les travaux d'investissement de la Philharmonie de Paris, tandis que 45 millions d'euros des crédits de paiement y étaient destinés sur le budget pour 2012. Les chiffres font apparaître que les crédits consacrés à la création ont augmenté de 4,7 % en 2012 et 2017, hors investissements dans la Philharmonie .
Les crédits du programme 131 en 2011, 2012 et 2017 |
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(en euros) |
LFI 2011 |
LFI 2012 |
PLF 2017 |
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Autorisations d'engagement |
action 1 Spectacle vivant |
682 030 001 |
665 233 001 |
705 207 524 |
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action 2 Arts plastiques |
71 089 597 |
70 431 585 |
90 448 440 |
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Total |
753 119 598 |
735 664 586 |
795 655 964 |
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Crédits de paiement |
action 1 Spectacle vivant |
663 930 001 |
718 893 001 |
700 192 830 |
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action 2 Arts plastiques |
72 877 905 |
69 001 585 |
77 096 541 |
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Total |
736 807 906 |
787 894 586 |
777 289 371 |
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Source : Commission de la culture, de l'éducation et de la communication d'après les annexes aux lois de finances initiales pour 2011 et 2012 et le projet annuel de performances pour 2017 |
Votre rapporteur pour avis se félicite de ce budget, qui traduit clairement l'engagement du Gouvernement en faveur de la création et de leurs artisans, les créateurs , acteurs indispensables de notre identité et cohésion nationales. Il ne pouvait en être autrement après une année marquée par le vote de la loi du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine, qui a affirmé vigoureusement les principes de la liberté de création et de la liberté de diffusion artistique, deux biens communs de notre modèle culturel, et posé les bases d'un pacte culturel modernisé. Il n'en demeure pas moins que ce budget revalorisé était absolument nécessaire pour préserver la place de la culture , sujette ces dernières années à de nombreuses attaques, frontales comme insidieuses, et garantir qu'elle demeure, selon les mots de la ministre de la culture et de la communication, Audrey Azoulay, « un fondement du pacte républicain ». À l'heure où les incertitudes sont toujours plus fortes, le ministère de la culture et de la communication voulait un budget tourné vers l'avenir : il l'est résolument.
Le tableau ci-dessous présente l'évolution entre 2016 et 2017 des crédits consacrés au programme, ainsi qu'à chacune des deux actions :
Votre rapporteur pour avis note que les représentants du secteur qu'il a rencontrés ont systématiquement dénoncé un manque de lisibilité des documents budgétaires . Si le projet annuel de performances met bien en évidence les crédits qui correspondent à des mesures nouvelles, il ne permet pas aux établissements de connaître précisément les crédits qui leur seront alloués et les critères qui fondent la répartition de chacune des enveloppes. Nombreux sont ceux qui ont exprimé la crainte que l'augmentation des crédits ne profite qu'à un faible nombre de structures ou au développement de structures nouvelles ou de projets précis, sans rejaillir sur l'ensemble des acteurs du secteur.
Tout en comprenant que les informations contenues dans les documents budgétaires, par nature agrégées, ne permettent pas toujours aux structures de lever les incertitudes quant au niveau exact des financements pour l'année à venir, votre rapporteur relève que, pour un certain nombre de dépenses d'intervention, sont précisés les montants plancher et plafond de la subvention , apportant ainsi une garantie d'un certain niveau de financement. Il ajoute, par ailleurs, que la mise à disposition des crédits doit laisser une marge de manoeuvre aux choix politiques, comme à la gestion des imprévus qu'un projet de budget est bien évidemment incapable de prendre en compte.
2. Un budget attendu
Ces nouvelles hausses de crédit étaient particulièrement attendues par le secteur de la création, après le repli de l'État constaté en 2013 et 2014 et dans un contexte marqué par un mouvement global de désengagement des collectivités territoriales en faveur de la culture. Comme votre rapporteur pour avis l'a constaté, la tendance à la baisse des financements croisés est un sujet majeur de préoccupation pour les professionnels des secteurs du spectacle vivant et des arts plastiques.
Une enquête réalisée par le Syndicat des entreprises culturelles et artistiques subventionnées (SYNDEAC) auprès de 331 structures, parue en juin dernier, fait apparaître un recul du soutien des collectivités territoriales que ne permettrait pas de compenser la stabilité des financements de l'État, et qui conduirait à enregistrer, pour la première fois en 2016, une baisse globale des aides publiques . La baisse continue des dotations de l'État n'est évidemment pas étrangère à cette nouvelle donne. Mais, la mise en oeuvre progressive de la réforme territoriale exacerbe également les inquiétudes, avec de nombreuses interrogations formulées par les personnes que votre rapporteur pour avis a auditionnées autour de la capacité des directions régionales des affaires culturelles (DRAC) dans les régions fusionnées à faire correctement face à leurs charges dans les premières années, ce qui aurait un impact sur la distribution des crédits déconcentrés, qui fondent la majeure partie des crédits d'intervention prévue au titre du programme 131.
Évolution des financements publics entre 2013 et 2016
(Base 100 en 2013)
Source : Commission de la culture, de
l'éducation et de la communication du Sénat,
d'après
l'enquête réalisée par le SYNDEAC
D'après l'enquête, le repli serait particulièrement marqué du côté des départements (- 3 % après une première baisse de -1 % en 2015), beaucoup ayant fait le choix de se concentrer sur leurs compétences obligatoires en matière sociale, quitte pour certains d'entre eux à abandonner toute politique de soutien à la culture. Le désengagement des départements se traduirait par une baisse du nombre de structures aidées, alors que le montant des subventions octroyées se maintiendrait.
Le repli serait également perceptible au niveau des régions (- 0,6 %), dans un contexte marqué par la mise en oeuvre de la réforme territoriale, et en particulier la fusion de certaines régions. Il se traduirait par une stabilité du nombre de structures aidées, mais par une baisse du montant de la subvention allouée à chaque bénéficiaire.
Le financement des villes et des intercommunalités, qui constituent les principaux financeurs avec une prise en charge moyenne de 41 % du montant des subventions, demeurerait stable. Mais une analyse plus fine révèlerait de fortes disparités, avec des coupes brutales décidées par certaines villes cette année, à l'image de la baisse de 6 %de la subvention accordée à la maison de la culture de Grenoble par la ville, qui ont conduit à la fermeture de plusieurs structures, dont la fermeture du centre d'art conventionné Le Quartier à Quimper cet été n'est qu'un exemple.
Origine des subventions publiques allouées en 2016
Source : Commission de la culture, de l'éducation et de la communication, d'après l'enquête réalisée par le SYNDEAC
Cette évolution fait craindre, à terme, une recentralisation des moyens de la culture autour des métropoles et l'apparition de nouvelles zones blanches de la culture . Jusqu'à présent, les compagnies et ensembles indépendants en seraient les premières victimes, les crédits publics s'orientant d'abord vers les théâtres et les scènes labellisés. Quand on sait que les collectivités territoriales ont contribué, à hauteur de 1,12 milliard d'euros, au fonctionnement des labels et réseaux, des équipes artistiques et des festivals dédiés au spectacle vivant en 2014, représentant alors 74 % des financements publics (dont 35 % pour les villes, 16 % pour les intercommunalités, 14 % pour les régions et 9 % pour les départements), on comprend l'inquiétude des professionnels.
Dans ce contexte, la décision de l'État d'augmenter l'enveloppe qu'il consacre à la création et de diriger prioritairement son action vers la création indépendante et les territoires les plus éloignées de la culture constitue une réponse appropriée pour tenter d'enrayer, tant qu'il en est encore temps, une évolution inquiétante mais encore naissante.
La poursuite de la labellisation et de la contractualisation est essentielle pour assurer la pérennité des financements . À cet égard, votre rapporteur pour avis souligne l'urgence de conclure, dans les tous prochains mois, des contrats de développement culturel dans le contexte des nouvelles régions pour obtenir des engagements sur la poursuite des politiques culturelles et de leur financement. Un effort particulier devra être consenti pour développer l'élaboration des schémas d'orientation et de développement, qu'il s'agisse des schémas d'orientation des lieux de musiques actuelles (SOLIMA) ou des schémas d'orientation et de développement pour les arts visuels (SODAVI). Ceux-ci constituent de précieux outils de co-construction favorables au financement de la création, sans négliger l'appui direct aux associations d'artistes et de créateurs, qui jouent un rôle important pour préserver le maillage territorial et devraient être mieux associés à l'élaboration des politiques culturelles locales.