D. LA DÉPENSE FISCALE CONTINUE DE CONSTITUER LE PREMIER OUTIL DE LA POLITIQUE DE L'ETAT EN FAVEUR DES TERRITOIRES ULTRAMARINS

Les dépenses fiscales spécifiques aux outre-mer, c'est-à-dire l'ensemble des mesures d'exonération d'impôt hors cotisations sociales, sont estimées à 4,1 milliards d'euros en 2016 . Ce montant vient après 3,927 milliards d'euros pour 2016 et 3,905 milliards pour 2015.

Plus de la moitié de la dépense fiscale réalisée dans les Dom résulte des dispositifs relatifs à la TVA : en particulier, 1,3 milliard d'euros de dépenses sont imputables aux taux minorés de TVA 7 ( * ) .

Les dispositifs d'incitation fiscale à l'investissement dans les outre-mer, s'agissant en particulier de l'investissement productif et du logement social, représentent également une part importante des dépenses fiscales.

En revanche, les exonérations directement applicables aux ménages (qui recouvrent essentiellement les exonérations d'impôt sur le revenu) représentent moins de 10 % des dépenses fiscales.

Votre rapporteur rappelle cette année encore cette évidence qui doit cependant, semble-t-il, être régulièrement réaffirmée : l'économie des territoires ultramarins est devenue, au fil des années, largement dépendante de la dépense fiscale. Il ne s'agit pas là d'une largesse qui serait consentie à ces territoires, mais du résultat d'une préférence historique pour la défiscalisation, au détriment de la dépense budgétaire . Si la nécessité d'un rééquilibrage en faveur de la deuxième est régulièrement rappelée par des responsables politiques de tous bords comme par des rapports ou études divers, les derniers budgets qui nous ont été présentés ne semblent pas s'engager dans cette direction.

Au total, les dépenses fiscales continuent aujourd'hui de constituer le premier outil de la politique de l'Etat en faveur des territoires ultramarins, et le principal dispositif d'aide aux investissements en outre-mer. Indispensables à la survie des économies ultramarines, ils constituent un levier de croissance dont il apparaît à l'heure actuelle impossible de se priver brutalement sans conduire à une asphyxie immédiate des économies ultramarines.

Votre rapporteur relève toutefois que ces dépenses font l'objet de modifications législatives régulières : la loi du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer 8 ( * ) , dite Lodeom, puis toutes les lois de finances depuis 2011 ont ainsi prévu des aménagements plus ou moins substantiels, touchant au principe, au périmètre ou encore au taux de ces différents dispositifs.

Dans sa version issue de la première lecture à l'Assemblée nationale, le présent projet de loi comportait ainsi pas moins de huit aménagements aux divers dispositifs de défiscalisation applicables outre-mer, allant de la prorogation du dispositif des zones franches outre-mer (article 36 bis) à la suppression de l'agrément fiscal préalable pour les exonérations d'impôt sur les sociétés et sur le revenu auxquelles donnent droit les programmes d'accession sociale prévus par l'article 244 quater W du code des impôts.

Principales modifications législatives intervenues
en matière de dépenses fiscales depuis 2009

Loi

Articles du CGI visés

Modification apportée

2009-594 du 27/05/2009

295-A du CGI

Limitation du dispositif de la TVA NPR aux seuls biens d'investissement neufs

2010-1657 du 29/12/2010

199 undecies B et 217 undecies du CGI: aide fiscale à l'investissement productif outre-mer

Exclusion des installations de production d'électricité utilisant l'énergie radiative du soleil du champ d'application du dispositif d'aide à l'investissement productif

2010-1657 du 29/12/2010

199 undecies B du CGI

Diminution du taux de réduction d'impôt accordé au contribuable dans le cadre de l'aide à l'investissement productif, avec une augmentation du taux de rétrocession, et une diminution du montant plafond d'avantage fiscal à l'impôt sur le revenu

2010-1657 du 29/12/2010

199 undecies A du CGI

Diminution du taux d'avantage pour le dispositif d'aide à l'investissement dans le secteur du logement (hors social)

2011-1977 du 28/12/2011

217 bis du CGI (abattement du tiers à l'impôt sur les sociétés)

Suppression du dispositif d'abattement

2011-1977 du 28/12/2011

199 undecies B du CGI

Diminution du taux de réduction d'impôt accordé au contribuable dans le cadre de l'aide à l'investissement productif, et du montant plafond de l'avantage fiscal à l'impôt sur le revenu, sans modification du taux de rétrocession

2011-1977 du 28/12/2011

199 undecies A du CGI

Diminution du taux d'avantage pour le dispositif d'aide à l'investissement dans le secteur du logement (hors social)

2010-1657 du 29/12/2010

199 undecies D du CGI

Diminution (« rabot ») du plafond annuel d'imputation des réductions d'impôt dans le cadre d'investissements relevant du logement (hors social), du secteur productif et du logement locatif social

2011-1977 du 28/12/2011

199 undecies D du CGI

Diminution (« rabot ») du plafond annuel d'imputation des réductions d'impôt dans le cadre d'investissements relevant du logement (hors social) et du secteur productif

2012-1509 du 29/12/12

200-OA du CGI

Diminution (« rabot ») du plafond global des avantages fiscaux

2013-1278 du 29/12/2013

(article 21)

199 undecies B, 199 undecies C, 217 undecies, 217 duodecies, 244 quater W et 244 quater X du CGI

-Suppression de la défiscalisation en matière productif pour les entreprises avec un CA > 20 millions d'euros et création d'un crédit d'impôt

-Création d'un crédit d'impôt optionnel pour le logement social

-Augmentation des taux de rétrocession (investissement productif et logement social)

-Obligation de financement des logements sociaux par une subvention publique à hauteur d'une fraction minimale de 5%

-Programmation pluri-annuelle par territoire de la construction de logements sociaux

-Restriction de l'aide fiscale dans le secteur des concessions de services publics aux seuls biens immobilisés plus de 5 ans

-encadrement des investissements de renouvellement (déduction de la base éligible de la valeur du bien remplacé)

-Exclusion des véhicules soumis à la taxe sur les véhicules de sociétés non strictement indispensables à l'exploitation

Source : Réponses aux questionnaires budgétaires

Ces réformes répétées et rapprochées posent la question de la lisibilité et de la prévisibilité de l'évolution de ces dispositifs pour les investisseurs , qui conditionne largement leur efficacité. Si l'on ne peut que souscrire à la volonté de procéder à une rationalisation de mécanismes souvent complexes, ainsi que de participer à l'effort de rétablissement des comptes publics, cela ne peut se faire au prix de la dégradation de l'attractivité des territoires ultramarins.

Principales dépenses fiscales de la mission « Outre-mer »

(en millions d'euros)

2015

2016

2017

Dépenses fiscales sur impôts d'Etat contribuant au programme « Emploi outre-mer »

345

328

318

dont exonération de TVA de certains produits et matières premières ainsi que des produits pétroliers dans les départements de la Guadeloupe, de la Martinique et de La Réunion

158

158

158

dont régime particulier de TVA dans les départements de la Guadeloupe, de la Martinique et de La Réunion

100

100

100

dont abattement d'impôt sur le revenu et d'impôt sur les sociétés applicable aux bénéfices des entreprises provenant d'exploitations situées dans les Dom

87

70

60

Dépenses fiscales sur impôts d'Etat contribuant au programme
« Conditions de vie outre-mer »

3 508

3 590

3 670

dont régime spécifique de TVA dans les départements de la Guadeloupe, de la Martinique et de La Réunion

1 300

1 300

1300

dont exclusion des Dom du champ d'application de la taxe intérieure de consommation applicable aux carburants

940

1 050

1 160

dont réduction d'impôt sur le revenu à raison des investissements productifs réalisés dans les départements, territoires et collectivités d'outre-mer avant le 31 décembre 2017

384

384

384

dont réduction d'impôt sur le revenu, dans la limite d'un certain montant, pour les contribuables des Dom (30 % en Guadeloupe, en Martinique et à La Réunion ; 40 % en Guyane et à Mayotte)

297

285

285

dont réduction d'impôt sur le revenu au titre des investissements locatifs et de la réhabilitation de logements situés dans les Dom, à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Mayotte, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, dans les îles Wallis-et-Futuna et dans les Terres australes et antarctiques françaises

180

140

110

dont déduction d'impôt sur les sociétés des investissements productifs réalisés dans les départements, territoires et collectivités territoriales d'outre-mer, avant le 31 décembre 2017

140

100

nc

dont réduction d'impôt sur le revenu au titre des investissements effectués dans le secteur du logement social dans les départements et collectivités d'outre-mer

202

225

nc

Dépenses fiscales sur impôts locaux, prises en charge par l'Etat, contribuant au programme « Conditions de vie outre-mer »

56

53

53

TOTAL DES DEPENSES FISCALES

3 909

3 971

4 041

Source : Projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2016


* 7 En Guadeloupe, en Martinique et à La Réunion, le taux normal de TVA est fixé à 8,5 % et son taux réduit à 2,1 %.

* 8 Loi n° 2009-594 du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer, dite Lodeom.

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