B. UNE ANNÉE 2017 QUI SERA MARQUÉE PAR UN EFFORT D'INVESTISSEMENT EXCEPTIONNEL ET UN DÉFICIT IMPORTANT
Concernant le volet « dépenses » prévues pour 2017 au titre du compte d'affectation spéciale, le bleu budgétaire prévoit une enveloppe de 6,5 milliards d'euros, supérieure aux enveloppes prévues pour les années précédentes. Malgré son montant exceptionnel, cette enveloppe devrait pourtant se révéler insuffisante pour financer des investissements inévitables.
1. La nécessité de recapitaliser la filière électro-nucléaire
En premier lieu, et c'est le point principal, l'APE va devoir financer la refondation de la filière électro-nucléaire, conformément aux orientations annoncées le 3 juin 2015 et le 27 janvier 2016 par le Président de la République.
Il est prévu de souscrire à une augmentation de capital d'AREVA , sous réserve que la Commission européenne valide le montage envisagé par la France.
Le plan prévoit la prise de contrôle d'AREVA NP par EDF afin de rapprocher les activités de conception, gestion de projets et commercialisation des réacteurs neufs d'EDF et d'AREVA. AREVA NP rassemblera donc les activités industrielles de construction de réacteurs, et d'assemblage de combustible. À l'issue de cette cession, dont la réalisation est attendue fin 2017, EDF sera l'actionnaire majoritaire d'AREVA NP.
Par ailleurs, c'est le second volet du plan, un nouvel AREVA verra le jour, recentré sur le cycle du combustible. Cette nouvelle société détiendra, via un apport partiel d'actifs, l'ensemble des activités actuelles d'AREVA SA dédiées à la mine, à la conversion et à l'enrichissement du combustible nucléaire, ainsi qu'au traitement aval (recyclage, logistique).
Quant à AREVA SA, elle continuera à exister, mais seulement en tant que structure de défaisance, pour porter les actifs douteux dont on souhaite immuniser EDF et le nouvel AREVA.
Le plan de financement de ce montage prévoit des augmentations de capital pour un total de 5 milliards d'euros : 2 milliards iront à AREVA SA en charge des actifs douteux et 3 milliards au nouvel AREVA en charge du cycle du combustible. L'État y souscrira pour un montant compris entre 4 et 4,5 milliards d'euros.
? La refondation de la filière suppose par ailleurs d' accompagner EDF dans sa stratégie de développement , également par le biais d'une augmentation de capital. EDF s'est en effet engagée dans une stratégie de développement fondée sur la production d'électricité décarbonée. Ce programme se traduira par des investissements significatifs. Dans ce cadre, l'État, actionnaire à 85 % d'EDF, a fait le choix de renforcer les capitaux propres de l'entreprise, d'abord en acceptant de percevoir ses dividendes en actions plutôt qu'en numéraire au titre des années 2016 et 2017 ; ensuite, en indiquant qu'il souscrira à hauteur de 3 milliards d'euros à l'augmentation de capital de 4 milliards prévue d'ici à la clôture des comptes 2016.
Au total, la recapitalisation de la filière devrait absorber entre 7 et 7,5 milliards d'euros d'investissement de la part de l'agence des participations de l'État .
2. Une possible entrée au capital d'Alstom
Le montage des opérations de cession à General Electrics des activités d'Alstom dans le domaine de l'énergie comportait une option d'accès de l'État à 20 % du capital d'Alstom, via une promesse de vente octroyée par le groupe Bouygues. Ce prêt de titres d'une durée de vingt mois est entré en vigueur le 4 février 2016. Il prendra donc fin en octobre 2017.
Le caractère stratégique des activités de transport d'Alstom, comme l'a démontré l'actualité des dernières semaines, suggère qu'il est politiquement difficile de renoncer à devenir l'actionnaire de référence de l'entreprise. Il est donc possible, sinon vraisemblable, que l'État soit amené à lever l'option dans les prochains mois en acquérant les titres dont il n'est pour l'instant que le « locataire ».
Le cours de l'action Alstom semblant stabilisé aux environs de 24 euros, la levée de l'option d'achat prévue par l'accord pourrait représenter un investissement de 1,1 milliard d'euros.
3. Plusieurs autres opérations de moindre ampleur présentent un caractère quasi certain
Les sommes inscrites sur le volet « dépenses » du compte d'affectation spéciale pour 2017 sont destinées à couvrir également plusieurs opérations déjà décidées :
- la première est le financement du Laboratoire français du Fractionnement et de Biotechnologies. L'État a souscrit en octobre 2015 à une augmentation de capital de 230 millions d'euros, versés sur plusieurs années. Un premier versement est intervenu en 2015 pour un montant de 60 millions d'euros. Un versement doit intervenir en 2017 à hauteur de 90 millions ;
- l'État devra également poursuivre la dotation de la Société pour le logement intermédiaire, pour un montant encore indéterminé ;
- à cela s'ajoute la participation à la recapitalisation de plusieurs banques multilatérales de développement, comme la Banque africaine de développement et la Banque ouest africaine de développement. La France s'y est engagée par convention internationale et cela pourrait mobiliser environ 250 millions d'euros ;
- enfin, il faudra financer le renforcement des fonds propres de l'Agence française de développement (AFD), rendu nécessaire par l'entrée en vigueur des règles de Bâle III. Cela prendra la forme d'une souscription d'obligations perpétuelles pour un montant d'environ 280 millions d'euros.
4. Un déficit sous-évalué et des interrogations sur la façon d'atteindre l'équilibre du compte
Si l'on additionne les investissements nécessaires au redressement de la filière électro-nucléaire aux dépenses certaines qui viennent d'être énumérées, on trouve un total de dépenses qui, dans son évaluation basse, se situe entre 7,5 et 8 milliards d'euros en 2017. Si l'on tient compte par ailleurs de la levée probable de l'option sur les actions d'Alstom, ce total pourrait se situer entre 8,5 milliards et 9 milliards. Le plafond de dépenses de 6,5 milliards inscrites sur le compte d'affectation spéciale devrait donc être largement dépassé, de sorte que le déficit prévisionnel de 1,5 milliards d'euros pourrait en réalité atteindre 2,5 à 3,5 milliards d'euros.
Votre rapporteur pour avis souligne donc que la présentation du compte d'affectation spéciale pour 2017 ne lui paraît pas réaliste.
Cette dégradation prévisible de la situation financière du compte d'affectation spéciale suscite des inquiétudes ou du moins des interrogations quant à la manière de faire face à des dépenses à la fois massives et inévitables. Il existe en effet trois façons de financer les dépenses du compte d'affectation spéciale :
- utiliser les recettes tirées des cessions d'actifs ;
- utiliser les crédits résultant du solde positif du compte accumulé dans les exercices budgétaires précédents ;
- recourir à un versement en provenance du budget général.
Cette dernière hypothèse étant exclue par la loi de finance initiale, il faudra donc à la fois puiser dans les fonds accumulés par le compte tout en procédant à un programme de cessions massif.
On peut estimer le solde cumulé de compte à la fin de 2016 à 3,5 milliards d'euros. 2,4 milliards proviennent du solde transféré à l'issue de l'exercice 2015. Le reste résulte du solde des opérations de cessions et d'acquisitions intervenues (ou restant à intervenir) en 2016. Ce solde tient compte notamment du produit de la cession des sociétés de gestion des aéroports de Nice et Lyon pour 1,7 milliards d'euros en novembre 2016. Il est vraisemblable que la totalité de ce solde de de 3,5 milliards d'euros devra être utilisé en 2017.
Pour faire face à l'estimation basse des dépenses prévisibles (7,5 milliards d'euros), l'agence des participations de l'État sera donc amenée à céder, au bas mot, pour 4 milliards d'euros de titres. C'est un montant sensiblement supérieur à celui observé lors des exercices antérieurs.
Or, votre rapporteur se demande si de telles cessions peuvent-elle se faire dans des conditions favorables sachant que nous sommes dans un contexte boursier très déprimé et que, par ailleurs, la majorité des titres cessibles de l'État sont précisément des titres du secteur de l'énergie en très fort recul depuis deux ans.
Autrement dit, il convient de se poser cette question : comment céder pour 4 milliards d'euros de titres, sinon davantage, en 2017 sans brader le portefeuille géré par l'APE ?
5. Un renoncement au moins temporaire à financer le désendettement à partir de la cession de titres
Le programme 732 « Désendettement de l'État et d'établissements publics de l'État » retrace les sommes affectées à la réduction du stock de dettes de l'État, principalement par des versements à la Caisse de la dette publique.
En 2014 et 2015, l'État a utilisé une partie des recettes tirées du compte pour réduire le stock des administrations publiques, respectivement à hauteur de 1,5 et 0,8 milliards d'euros.
Dépenses du CAS consacrées au désendettement (en milliards d'euros) |
2010 |
2011 |
2012 |
2013 |
2014 |
2015 |
2016 |
2017 |
Prévisions de la loi de finances initiale |
4 |
4 |
4 |
4 |
1,5 |
4 |
2 |
0 |
Exécution |
0 |
0 |
0 |
0 |
1,5 |
0,8 |
- |
- |
Source : réponse au questionnaire budgétaire.
Les fortes tensions sur le compte d'affectation spéciale en 2017 obligent à renoncer à cette pratique en 2017. Ce choix, même s'il est dicté par la nécessité, doit être salué. Au cours des dernières années, votre rapporteur pour avis a en effet régulièrement critiqué cette façon de procéder. S'il est sans réserve en faveur d'une réduction de la dette publique, il estime en effet que cette manière de traiter le problème du désendettement constitue une absurdité sur le plan financier. Ce point a été développé lors des précédentes éditions de ce rapport pour avis. On ne s'y étendra donc pas ; il est clair cependant que si le rendement d'un euro d'actifs est supérieur à la charge d'un euro de dette -ce qui est le cas en l'occurrence, il vaut mieux conserver ses actifs pour profiter des revenus futurs qu'ils ne manqueront pas de générer et réduire le stock de dette en utilisant plutôt les revenus générés par son portefeuille.
Votre rapporteur pour avis espère que le choix de ne pas affecter le produit des cessions au désendettement, rendu nécessaire par les besoins de recapitalisation des entreprises du portefeuille, sera maintenu à l'avenir y compris lorsque les tensions financières sur le compte se seront atténuées .