C. LA DIMENSION MARINE DE LA PROTECTION DE LA BIODIVERSITÉ : LA SITUATION ALARMANTE DE L'AGENCE DES AIRES MARINES PROTÉGÉES

Votre rapporteur pour avis a souhaité se pencher de manière un peu plus détaillée sur le financement d'un volet essentiel de la politique de la biodiversité et de la préservation des milieux : son volet marin . En effet, il considère que, au regard des évolutions anthropiques, de l'impact du changement climatique et des nécessaires adaptations qui en découlent, la mer constitue à n'en pas douter notre solution du futur la plus solide, tant en termes de ressources que de champ d'innovations.

Aujourd'hui, la France est tenue de prendre toutes les mesures nécessaires afin d'obtenir ou de maintenir un « bon état écologique » du milieu marin au plus tard en 2020, afin de se conformer à la directive-cadre « Stratégie pour le milieu marin » (DCSMM) du 17 juin 2008 et transposée en droit français aux articles L. 219-9 à L. 219-18 et R. 219-2 à R. 219-17 du code de l'environnement.

STRATÉGIE POUR LE MILIEU MARIN

Le milieu marin européen subit diverses pressions qui nuisent à la bonne santé de l'écosystème marin. Cette directive établit un programme-cadre et des objectifs communs pour la prévention, la protection et la conservation du milieu marin vis-à-vis des activités humaines nuisibles.

La directive 2008/56/CE du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 2008 établissant un cadre d'action communautaire dans le domaine de la politique pour le milieu marin (directive-cadre «stratégie pour le milieu marin») établit un programme-cadre et des objectifs communs pour la prévention, la protection et la conservation du milieu marin vis-à-vis des activités humaines nuisibles.

Cette directive impose aux pays de l'Union européenne (UE) des exigences minimales en termes d'élaboration de stratégies visant à protéger les écosystèmes marins et à veiller au caractère durable des activités économiques liées au milieu marin.

Elle renforce également la coopération entre les régions marines (l'Atlantique du Nord-Est, la mer Baltique, la mer Méditerranée et la mer Noire) par la mise en place de programmes transfrontaliers. Ces programmes sont notamment des actions en vue d'atteindre des objectifs convenus qui permettront de réaliser un « bon état écologique » d'ici à 2020.

Elle contribue enfin à la création d'un réseau mondial de zones maritimes protégées et ouvre le dialogue avec les pays situés hors de l'UE.

En 2014, la Commission a révisé les premières étapes de la mise en oeuvre de la directive. Depuis, les pays de l'UE ont établi leurs programmes de surveillance.

La directive-cadre «stratégie pour le milieu marin» sert d'orientations environnementales pour la directive relative à la planification de l'espace maritime publiée en 2014.

Cette dernière fait partie de la politique maritime intégrée (PMI), qui vise à mettre en oeuvre une gestion optimale des océans et une gouvernance maritime. La PMI vise à soutenir et faciliter la mise en oeuvre de la stratégie Europe 2020, la stratégie européenne pour une croissance intelligente, durable et inclusive.

Il est prévu que les autorités des pays de l'UE organisent des activités dans les zones marines afin d'atteindre des objectifs environnementaux, économiques et sociaux.

Les pays de l'UE doivent prévoir des programmes de mesures à prendre. Ceux-ci définissent l'étendue de la zone à couvrir et le calendrier des actions actuelles et futures afin de gérer les activités marines de façon durable.

Les pays de l'UE doivent évaluer l'état écologique de leurs eaux marines et l'incidence des activités humaines (y compris une analyse socio-économique). Ils doivent ensuite définir des objectifs pour parvenir à un bon état écologique d'ici à 2020, fixer des objectifs environnementaux, développer des réseaux de surveillance et préparer des programmes de mesures.

Des évaluations initiales peuvent contribuer à améliorer les connaissances des eaux marines européennes à travers des programmes tels que Connaissance marine, INSPIRE ou Copernicus .

Les mers européennes sont divisées en quatre régions marines: la mer Baltique, l'Atlantique du Nord-Est, la mer Méditerranée et la mer Noire. Les pays travaillant dans les mêmes régions marines sont tenus de coordonner leurs actions.

Les programmes de surveillance visent à mesurer et évaluer les progrès en vue d'atteindre les objectifs. Si certains objectifs ne sont pas atteints, les pays de l'UE sont tenus de donner des justifications et peuvent, le cas échéant, appliquer certaines exceptions.

Source : site Internet EUR-Lex

La transposition de cette directive nécessite donc l'élaboration de plans d'action pour le milieu marin (PAMM) , qui comprennent des évaluations initiales de l'état des eaux marines, la définition du bon état écologique de ces eaux, la définition d'objectifs environnementaux, des programmes de surveillance et des programmes de mesures.

En 2015 , les travaux de préparation du second cycle de mise en oeuvre de la directive ont démarré, dans un objectif de révision de l'évaluation initiale des eaux marines pour 2018, sur la base d'une définition révisée du bon état écologique.

Depuis 2008, le réseau de sites Natura 2000 en mer a été largement développé, ce qui fait que le réseau marin couvre désormais plus de 4 millions d'hectares. La France s'est engagée dans un programme d'acquisition de connaissances pour compléter ce réseau d'ici 2016 par des sites au-delà de la mer territoriale, conformément à ce que lui a demandé la Commission européenne.

Parallèlement, la stratégie nationale de création et de gestion des « aires marines protégées » (parcs marins, Natura 2000 en mer, etc) a été adoptée en avril 2012 et pose les principes d'un réseau d'aires marines protégées cohérent et intégré dans le dispositif général de connaissance du milieu marin qui, à la fois, contribue à la protection du patrimoine naturel et des écosystèmes, participe au maintien ou au développement des activités maritimes, s'inscrit dans les politiques de gestion intégrée de la mer et du littoral et répond aux objectifs nationaux et internationaux.

L'article 43 du projet de loi relatif à la biodiversité initie ainsi une réflexion sur la protection des zones fonctionnelles halieutiques.

Cette stratégie est principalement mise en oeuvre grâce à l'action de l'Agence des aires marines protégées (AAMP) , créée en 2006, installée à Brest et principalement chargée de :

- développer et assurer la gestion des aires marines protégées ;

- coordonner le travail technique relatif à l'extension du réseau Natura 2000 en mer, soit 40 % de la mer territoriale ;

- mettre en oeuvre la directive DCSMM : dans ce cadre, le dossier prioritaire de 2015 a été la spécification détaillée et la préparation du démarrage de la mise en oeuvre des programmes de surveillance et la finalisation des programmes de mesures de la directive.

En septembre 2015, sept parcs naturels marins existent et trois missions d'études sont en cours :

- 7 parcs existants : Iroise, Mayotte, Golfe du Lion, Glorieuses, Estuaires picards et mer d'Opale, Bassin d'Arcachon, Perthuis charentais ;

- 3 missions d'études en cours : Golfe normand-breton, Martinique et Cap Corse.

ACTIONS MENÉES ENTRE 2011 ET 2015 PAR L'AGENCE DES AIRES MARINES PROTÉGÉES

- Réalisation de la très grande majorité des objectifs fixés au premier contrat d'objectifs triennal (2009-2011) État-AAMP. Le deuxième contrat d'objectifs (2012-2014) a été signé en avril 2012 et est en cours de mise en oeuvre ; certaines actions pourraient cependant être différées ou ajustées en raison du contexte budgétaire. Le troisième contrat a été finalisé pour la période 2015-2017.

- Analyses stratégiques en matière de création d'aires marines protégées réalisées en Martinique, Guyane, Bretagne Nord, Bretagne Sud, Corse, Nouvelle-Calédonie (mer de Corail) et Polynésie française. Et en cours : Guadeloupe, TAAF et Marquises (archipel de Polynésie française).

- Parcs naturels marins : création de 7 parcs : PNM Iroise (sept 2007), PNM Mayotte (janvier 2010), du PNM Golfe du Lion (octobre 2011), du PNM Glorieuses (février 2012), du PNM Estuaires picards et mer d'Opale (décembre 2012), PNM Arcachon (juin 2014) et PNM Estuaire de la Gironde et pertuis charentais et vendéens (2015). Plan de gestion du PNM Iroise (créé en septembre 2007) adopté en novembre 2010 et celui du PNM Mayotte en juillet 2013. La mise en gestion du sanctuaire AGOA s'est poursuivie. La création du parc naturel de la mer de Corail en Nouvelle Calédonie s'est achevée en 2015 et celle de la grande AMP des Marquises a été engagée en 2014 ; l'initiative de ces créations relève des compétences propres des collectivités du Pacifique auxquelles l'AAMP apporte un soutien technique. Ces deux années 2014 et 2015 ont vu l'approbation des plans de gestion des PNM du Golfe du Lion (2014) et des Glorieuses (2015) et l'élaboration de celui du PNM des estuaires picards et de la mer d'Opale. Poursuite des travaux de la mission d'étude du PNM du golfe Normand-Breton, et de la mission d'étude du projet de PNM Martinique, et installation en juillet 2014 de la mission d'étude du projet de PNM au cap Corse.

- Appui aux politiques publiques (coordination des travaux scientifiques et techniques dans le cadre de la mise en oeuvre de la DCSMM, méthodologie et analyses au titre de Natura 2000 en mer, animation de sites Natura 2000 en mer).

- Succès du troisième congrès international sur les Aires marines protégées (Marseille et Corse, Octobre 2013), de la valorisation des initiatives françaises au congrès mondial des parcs qui s'est tenu à Sydney (2014), et préparation du 3ème colloque national sur les AMP en octobre 2015 à Brest.

En 2015, la création du plus grand parc naturel marin de métropole, l'estuaire de la Gironde et de la mer des Pertuis , a été conditionnée à la création de comités géographiques locaux qui devront être mis en place après l'adoption de la loi relative à la biodiversité.

En Corse, la Ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie a demandé une accélération du processus en vue d'une création du parc mi-2016. En Martinique, l'année 2015 a été consacrée à l'élaboration du projet de parc en concertation avec les acteurs en vue de la tenue de l'enquête publique en 2016.

Actuellement, environ 35 millions d'euros sont dépensés annuellement par l'État pour financer les politiques de préservation et de protection de l'environnement marin, dont 23 millions d'euros pour l'Agence des aires marines.

Le montant des cr édits consacrés par le programme 113 au volet maritime enregistre, entre 2015 et 2016, une augmentation globale en volume de 1 ,59 million d'euros en autorisations d'engagement et de 1,19 million d'euros en crédits de paiement.

La revalorisation des crédits affectés à cette sous-action s'explique par la hausse des moyens affectés à l'application de la directive-cadre sur les milieux marins (DCSMM) puisque 2016 sera la première année de mise en oeuvre opérationnelle des programmes de mesures destinés à atteindre ou à maintenir le bon état écologique des eaux marines à l'horizon 2020.

Mais cette minuscule revalorisation ne peut compenser les difficultés financières de l'AAMP , qui ne peut plus aujourd'hui garantir une mise en oeuvre pérenne de ses missions. En 2016, la subvention de l'Etat à l'Agence des aires marines protégées s'élève seulement à 23 millions d'euros et cette dernière pourra disposer de 158 ETPT, ce qui est quasiment stable par rapport à 2015 (+1 ETPT).

Or, votre rapporteur pour avis a déjà eu l'occasion de dire l'année dernière que le coût pour l'État d'un réseau complet d'aires marines protégées couvrant 20 % des eaux sous juridiction en 2020 est estimé à terme à 100 millions d'euros. Dans son périmètre actuel, l'AAMP devrait ainsi pouvoir compter, à court terme, sur un budget de l'ordre de 40 millions d'euros et une équipe de 400 personnes, soit plus du double de ce dont elle dispose aujourd'hui. En effet, l'évaluation réalisée dans le cadre de l'étude d'impact de la loi du 14 avril 2006 estimait le coût de chaque parc marin entre 2 et 4 millions d'euros.

Votre rapporteur pour avis partage ainsi la vive inquiétude du directeur de l'Agence des aires marines protégées , qu'il a entendu dans le cadre des travaux préparatoires à son rapport. Selon lui, les moyens et les ressources financières dont dispose l'Agence pour 2016 la placent dans une situation de très grande difficulté. En outre, en termes de moyens humains, l'intégration de l'Agence des aires marines protégées au sein de la future Agence française pour la biodiversité ne suffira pas à apporter les moyens nécessaires, les marges de redéploiement se situant au-delà du périmètre prévu pour ce nouvel établissement.

Comme il a déjà eu l'occasion de le relever, de nouvelles ressources financières pour la politique de protection du milieu marin sont indispensables, tant dans le cadre de l'actuelle AAMP que dans celui de la future AFB. La revalorisation et l'affectation en partie d'un certain nombre de taxes et redevances concernant les usages (exploitation et occupation) du milieu marin seraient particulièrement légitimes, comme par exemple en ce qui concerne le domaine public maritime et la zone économique exclusive, qui ne bénéficie à ce jour d'aucun dispositif fiscal pour encadrer son exploitation pour les nouveaux usages en mer.

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