B. L'AGRICULTURE, MISE À CONTRIBUTION DU REDRESSEMENT DES FINANCES PUBLIQUES.

1. Une baisse des crédits qui doit être relativisée.
a) La baisse des crédits de la mission s'inscrit dans une tendance de long terme.

Les crédits budgétaires dédiés à l'agriculture connaissent une forte baisse dans le projet de loi de finances pour 2015, qui a déjà été entamée il y a plusieurs exercices. De 3,71 milliards d'euros de CP en 2012, la MAAFAR est passée à 3,36 milliards d'euros en 2013, pour tomber à 3,21 milliards d'euros en 2014.

En 2015, avec des CP prévus à hauteur de 2,94 milliards d'euros pour l'ensemble de la mission, la dotation est fixée pour la première fois en dessous des 3 milliards d'euros . En l'espace de quatre années, c'est plus de 20 % de baisse pour l'agriculture.

Comme les autres missions du budget de l'État, la MAAFAR est soumise à la programmation pluriannuelle des finances publiques . Or, par rapport à la programmation triennale 2013-2015, force est de constater que l'agriculture a été encore plus mise à contribution : les crédits de la MAAFAR sont inférieurs à périmètre courant de 40 millions d'euros en AE et 242 millions d'euros en CP à la programmation pluriannuelle arrêtée à la fin 2012.

L'appréciation des crédits budgétaires en faveur de l'agriculture doit cependant prendre en compte les autres crédits budgétaires de l'État qui concourent en effet à l'effort de la Nation en faveur du secteur agricole :

- Le programme 142 : « Enseignement supérieur et recherche agricole », au sein de la mission interministérielle : « Recherche et enseignement supérieur » est doté de 334 millions d'euros en AE et 331 millions d'euros en CP ;

- Le programme 143 : « Enseignement technique agricole », au sein de la mission interministérielle : « Enseignement scolaire », est doté pour sa part de 1,38 milliards d'euros en AE comme en CP.

Ces deux programmes, situés en dehors du champ de l'examen des crédits par votre commission pour avis, représentent donc un peu plus d'1,7 milliard d'euros par an, en progression d'un peu plus de 3 % entre 2014 et 2015 , du fait de la création de 140 postes d'enseignants, de 25 postes d'auxiliaires de vie scolaire, de la revalorisation du statut des assistants d'éducation et de l'amélioration de la situation des bénéficiaires des bourses sur critères sociaux.

Au total, les crédits du projet de loi de finances pour 2015 en faveur de l'agriculture s'élèvent à 4,7 milliards d'euros.

b) Les crédits budgétaires ne représentent pas l'essentiel des aides publiques à l'agriculture.

L'effort public en faveur de l'agriculture ne se mesure pas qu'à l'aune des crédits budgétaires de l'État. Toute une série d'autres mesures viennent en appui au secteur agricole.

Il s'agit d'abord des crédits européens , du premier pilier comme du deuxième pilier de la PAC.

L'enveloppe globale est trois fois plus importante que les crédits nationaux, même si la masse des aides communautaires est orientée à la baisse, passant de 9,3 milliards d'euros à un peu moins de 9 milliards d'euros entre 2013 et 2015.

Les résultats des négociations budgétaires au sein de l'Union européenne consistent à réduire la part du premier pilier consacré aux aides directes, tandis que les dotations au titre du deuxième pilier, versées par le FEADER et devant faire l'objet de cofinancements nationaux, augmentent fortement pour la France.

Les crédits de la PAC pour la France

(en millions d'euros)

2013

2014 (prévision*)

2015 (prévision*)

1er pilier

8 364

7 853

7 359

2ème pilier

967

1 405

1 636

* Source : ministère de l'Agriculture, de l'alimentation et de la forêt. Il s'agit de plafonds plutôt que de prévisions de paiement.

Ensuite, les collectivités territoriales , en particulier les conseils généraux et les conseils régionaux, contribuent à subventionner le secteur agricole à travers des aides qui s'élèveraient à environ 1 milliard d'euros par an.

Vos rapporteurs pour avis regrettent de ne pas disposer d'évaluations plus précises et plus actuelles, la dernière étude effectuée sur les dépenses agricoles des collectivités territoriales datant de 2004. À l'heure où la régionalisation du deuxième pilier de la PAC va donner un rôle accru aux conseils régionaux, il est regrettable qu'aucune synthèse sérieuse de l'existant ne soit aujourd'hui disponible.

Le régime de protection sociale agricole bénéficie aussi de contributions publiques importantes, puisqu'il verse environ 19,3 milliards d'euros de prestations à ses ressortissants, en prélevant seulement 6 milliards d'euros de recettes sur les exploitants agricoles. Les 13,3 milliards restants sont apportés par des contributions des autres régimes : le déséquilibre démographique du régime agricole, compte tenu de la baisse spectaculaire du nombre des agriculteurs observée depuis plusieurs décennies, explique ce phénomène.

Par ailleurs, le soutien à l'agriculture ne passe pas seulement par des mesures budgétaires mais aussi par des dispositions fiscales . L'évaluation de la dépense fiscale totale rattachée à la MAAFAR s'élève à presque 3 milliards d'euros, soit autant que les crédits budgétaires de la mission.

Rien que sur le programme 154, le Gouvernement recense 2,6 milliards d'euros d'avantages fiscaux sur impôts d'État, auxquels s'ajoutent 200 millions d'euros de dépenses fiscales sur impôts locaux, compensées par l'État aux collectivités territoriales. Enfin, la forêt bénéficie d'environ 100 millions d'euros de dépenses fiscales.

Mais l'évaluation est là encore extrêmement imprécise. Ainsi, la principale dépense fiscale rattachée au programme est constituée du taux réduit de taxe intérieure de consommation (TIC) sur le gazole non routier (GNR), estimé à 1,79 milliard d'euros en 2015. Le taux de TIC est en effet de 8,86 euros/hl au lieu de 42,84 euros/hl, taux normal qui s'applique au gazole. En outre, les agriculteurs perçoivent un remboursement partiel sur la TIC qu'ils ont payé sur les produits énergétiques, à hauteur de 3,86 euros hl de gazole depuis le 1 er janvier 2014, ce qui représente une dépense fiscale de 110 millions d'euros.

Toutefois, le chiffre de 1,79 milliards d'euros ne reflète pas l'avantage tiré de ce dispositif par les seuls agriculteurs. Le secteur agricole ne représenterait que 42 % de la consommation de GNR, les transports routiers absorbant une grande partie du dispositif.

Par ailleurs, les deux évaluations des dispositifs fiscaux de taux réduit de TIC et de remboursement partiel de TIC ne sont pas cohérentes entre elles. Au final, les services du ministère de l'agriculture estiment que 873 millions d'euros seulement relèvent du secteur agricole au titre du taux réduit de TIC.

En tout état de cause, vos rapporteurs estiment souhaitable de mieux identifier les bénéficiaires de ces dispositions fiscales et de rattacher au programme 154 la seule fraction de l'avantage fiscal dédié à l'agriculture, le reste de la dépense fiscale devant être rattachée au programme 134 : « Développement des entreprises et du tourisme » de la mission : « Économie ».

Enfin, le secteur agricole et agroalimentaire bénéficie des mesures non sectorielles du pacte de responsabilité et de solidarité . Le Gouvernement estime qu'agriculture et agroalimentaire ont déjà bénéficié en 2014 de 662 millions d'euros de baisses de charges au titre du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), auxquels viendront s'ajouter en 2015 une baisse supplémentaire de 729 millions d'euros, dont :

- 360 millions d'euros pour les exploitants agricoles eux-mêmes , qui devraient voir leurs charges d'exploitation baisser de 200 millions d'euros du fait des mesures du pacte en faveur de l'allègement des charges sociales pour les salariés, et 160 millions d'euros à travers une baisse de la cotisation des exploitants agricoles à leur propre régime de protection sociale.

- 370 millions d'euros pour les entreprises de l'agroalimentaire , qu'elles soient constituées sous forme de sociétés de droit commun ou de sociétés coopératives, provenant pour 200 millions d'euros du passage du taux du CICE - dont ne bénéficient pas les coopératives - de 4 % à 6 %, 120 millions d'euros provenant des allègements de charges sociales programmés par le pacte de responsabilité et de solidarité et 50 millions d'euros du fait de la suppression progressive jusqu'en 2017 de la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S).

Au final, on peut estimer que le soutien public dédié à l'agriculture s'élève à environ 18 milliards d'euros par an en France, auxquels s'ajoutent 13 milliards d'euros de soutiens du régime social agricole , au-delà des financements qu'il peut mobiliser sur les cotisations des agriculteurs.

Le budget de la MAAFAR ne représente donc pas la part prépondérante des soutiens publics à l'agriculture, même si elle en constitue l'une des parties les plus visibles.

2. Les chambres d'agriculture fragilisées.
a) Le rôle essentiel des chambres d'agriculture.

Organismes consulaires, les chambres d'agriculture assurent la représentation du monde agricole et la défense des intérêts des professionnels de l'agriculture. À ce titre, les chambres sont dirigées par 4 200 élus professionnels, représentants des diverses activités du secteur agricole et forestier.

Les articles L. 510-1 et suivants du code rural et de la pêche maritime confient au réseau des chambres d'agricultures de nombreuses missions, notamment l'animation et le développement des territoires ruraux. Les chambres sont associées à l'élaboration des documents d'urbanisme et peuvent être consultées par les collectivités territoriales.

Les chambres départementales exercent plusieurs missions de service public, comme la gestion d'un centre de formalités des entreprises (CFE) pour les entreprises agricoles du département, la politique d'installation (mission exercée pour le compte de l'État, sauf en Corse où c'est l'Office du développement agricole et rural de la Corse (Odarc) qui est compétent sur l'installation). Les chambres collectent également de nombreuses informations sur les exploitations.

Surtout, les chambres ont une mission générale d'information et d'aide des agriculteurs, à travers leur réseau de techniciens . Au total, le réseau des chambres d'agriculture, chapeauté par l'Assemblée permanente des chambres d'agriculture (APCA), compte 7 800 salariés, dont les trois quarts d'ingénieurs et techniciens.

Le budget total des 110 établissements du réseau des chambres d'agriculture - 88 chambres départementales ou interdépartementales, 2 chambres de région, 19 chambres régionales, ainsi que l'APCA - s'élève à 707 millions d'euros par an, dont 42 % provient de la taxe additionnelle sur le foncier non bâti (TAFNB), 28 % provient des conventions et contrats signés avec l'État, l'Union européenne ou d'autres partenaires et 22 % provient de la vente de prestations.

La TAFNB couvre environ 80 % des frais de personnel des chambres, qui s'élèvent en 2014 à 442 millions d'euros , et constitue donc le socle de recettes nécessaire pour assurer le fonctionnement des chambres.

La taxe additionnelle au foncier non bâti (TAFNB)

L'article 1604 du code général des impôts régit la taxe pour frais des chambres d'agriculture, qui prend la forme d'une taxe additionnelle à la taxe foncière sur les propriétés non bâties.

Les chambres d'agriculture décident du produit de la taxe qu'elles doivent percevoir, dans la limite d'un montant maximum fixé par la loi de finances. Faute de revalorisation en loi de finances, le montant maximum est le même que l'année précédente.

La loi de finances pour 2011 a institué à l'article L. 514-1 du code rural et de la pêche maritime un mécanisme de taux pivot , qui permet de moduler les hausses de recettes des chambres d'agriculture, sur proposition de l'APCA. En tout état de cause, aucune chambre ne peut augmenter le produit de la TAFNB perçue par elle de plus de 3 %. Ce taux pivot ne trouve pas à s'appliquer lorsque les recettes globales de TAFNB des chambres stagnent.

Depuis 2012, les chambres départementales reversent 10 % de leurs recettes de TAFNB aux chambres régionales.

La charge finale de la TAFNB est partagée pour moitié entre le bailleur et le preneur, en cas de faire-valoir indirect.

Le produit total de la TAFNB est fixé à 297 millions d'euros depuis 2012 . Il ne connaît aucune évolution, contrairement aux recettes fiscales des collectivités territoriales qui progressent du fait de la revalorisation annuelle des bases d'imposition.

Depuis 2013, l'article 46 de la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012 plafonne la recette à 297 millions d'euros, entraînant le reversement au budget de l'État de tout surplus qui serait perçu.

b) Les chambres au régime sec : une mesure sans précédent.

Le projet de loi de finances pour 2015 soumet les chambres d'agriculture à un plan d'économies drastiques de 90 millions d'euros, à travers la combinaison de plusieurs mesures prévues par l'article 18 :

- Tout d'abord, le 2° du III de cet article prévoit une mesure exceptionnelle pour 2015 consistant à obliger les chambres d'agriculture à reverser au fonds national de péréquation et d'action professionnelle des chambres d'agriculture l'excédent de fonds de roulement excédent 90 jours de fonctionnement . L'article 18 précise que le calcul du fonds de roulement prend en compte les investissements programmés avant le 1 er juillet 2014. Les chambres d'agriculture ultramarines sont exonérées de ce prélèvement, qui devrait représenter 45 millions d'euros, selon l'évaluation fournie en annexe au projet de loi de finances. Le 3° du III instaure un prélèvement exceptionnel de 45 millions d'euros au profit du budget de l'État sur le fonds national de péréquation des chambres d'agriculture.

- Ensuite, le 1° du III réduit de 5,35 % le produit de la TAFNB pour 2015 par rapport au produit notifié en 2014. Concrètement, cette disposition conduit à abaisser de 15 millions d'euros les recettes de TAFNB au profit des chambres d'agriculture. En conséquence, l'article 15 du projet de loi de finances modifie le plafond de recettes des chambres d'agriculture prévu à l'article 46 de la loi de finances pour 2012, en le fixant à 282 millions d'euros au lieu de 297 millions d'euros .

- Enfin, l'alinéa 7 de l'article 18 institue une péréquation obligatoire entre chambres d'agriculture, en obligeant chacune d'entre elles à verser 5 % des recettes de TAFNB au fonds national de solidarité et de péréquation constitué au sein de l'APCA, qui devront être utilisées pour financer des actions collectives des chambres, dans des conditions renvoyées à un décret.

Vos rapporteurs pour avis Gérard César et Jean-Jacques Lasserre se sont particulièrement inquiétés de ce choix budgétaire très rude pour les chambres d'agriculture.

On peut comprendre la mécanique des prélèvements sur fonds de roulement, dans la mesure où les organismes publics n'ont pas vocation à accumuler des réserves. D'ailleurs, les chambres de commerce et d'industrie sont également visées par un prélèvement sur leur fonds de roulement de 500 millions d'euros par l'article 17 du projet de loi de finances pour 2015 ; il en va de même des agences de l'eau, pour lesquelles l'article 16 prévoit un prélèvement de 175 millions d'euros.

Cependant, la méthode employée laisse perplexe : ce sont ainsi les excédents de fonds de roulement de plus de 4 mois qui sont prélevés sur les chambres de commerce et d'industrie, et non de plus de 3 mois. Par ailleurs, vos rapporteurs pour avis se sont étonnés du choix de la date du 1 er juillet 2014 pour la neutralisation des investissements programmés dans le calcul du fonds de roulement des chambres.

La baisse de 15 millions d'euros de la TAFNB affectée aux chambres d'agriculture a vocation à être prolongée en 2016 et 2017, entraînant pour les chambres une recette moindre de 45 millions d'euros sur trois ans . Cette baisse des recettes est encore moins compréhensible. En effet, cette mesure aura pour conséquence mécanique la suppression de 300 emplois de techniciens de chambres d'agriculture, pénalisant du même coup la capacité des chambres à accompagner la transition vers l'agro-écologie et les changements de pratiques sur le terrain. Les investissements des chambres seront par ailleurs impossible à réaliser, compte tenu de la disparition de leur épargne.

On peut enfin s'interroger sur la légitimité d'une telle proposition de baisse de la TAFN. Cette taxe est payée à moitié par l'agriculteur et à moitié par le propriétaire. L'économie réalisée en baissant la taxe de 15 millions d'euros ne serait que d'environ 50 centimes d'euros par hectare, d'après les informations fournies à vos rapporteurs.

Il n'est certainement pas souhaitable de fragiliser l'ensemble du réseau des chambres d'agriculture pour une économie aussi modeste , qui n'aura aucun impact sur la compétitivité des exploitations. Les élus des chambres d'agriculture sont, dans leur écrasante majorité, hostile à cette baisse de recettes. Or, ils représentent le monde agricole, qui exprime là préférer continuer à payer la TAFNB et bénéficier des services de qualité des chambres, avis qu'il conviendrait de suivre.

En conséquence, vos rapporteurs pour avis ont présenté plusieurs amendements à votre commission :

- Un amendement à l'article 18 et un amendement de conséquence à l'article 15 pour conserver un plafond de TAFNB à 297 millions d'euros en 2015 ;

- Un amendement, prévoyant la prise en compte des investissements programmés sur l'ensemble de l'année 2014 , pour le calcul du fonds de roulement des chambres d'agriculture ;

- Enfin, un amendement prévoyant l'avis de l'APCA sur le décret définissant les conditions de fonctionnement du Fonds de péréquation .

Les trois premiers amendements ont été adoptés par votre commission, qui a en revanche n'a pas adopté le dernier, le considérant inutile.

3. La montée des inquiétudes budgétaires.
a) Des refus d'apurement communautaire en forte hausse.

La Commission diligente régulièrement des audits de conformité dans tous les États membres afin de s`assurer que les crédits de la PAC sont dépensés conformément au droit communautaire. Ces audits prennent plusieurs années, car les États membres, en cas de désaccord, sont amenés à faire part de leurs remarques, dans le cadre d'une procédure contradictoire.

Des refus d'apurement interviennent en cas de manquement aux règles financières de la PAC. Certes, ils ne sont jamais répercutés sur les bénéficiaires et sont pris en charge sur le budget national, mais au prix d'ajustements budgétaires en cours d'année qui viennent minorer toutes les autres enveloppes en faveur de l'agriculture, ou nécessitent l'ouverture de crédits nouveaux en loi de finances rectificative.

Dans son rapport d'exécution budgétaire portant sur l'exercice 2013, publié en mai 2014, la Cour des Comptes regrettait l'absence de budgétisation au sein de la MAAFAR des refus d'apurement , soulignant que « si le refus d'apurement est d'un niveau très variable selon les années, son occurrence est en revanche récurrente ».

Après avoir atteint des montants élevés en 2009 et 2010, avec respectivement 123,21 millions d'euros et 172,46 millions d'euros, les refus d'apurement communautaire se sont maintenus à des niveaux très faibles ensuite, avec 37,57 millions d'euros en 2011, 78,11 millions d'euros en 2012 et 46,14 millions d'euros en 2013, correspondant sur cette dernière année à des erreurs sur la prime ovine, ainsi que sur les calculs de prime herbagère agroenvironnement de PHAE) et d'ICHN.

Or, les refus d'apurement pourraient exploser en 2014 et 2015 : la commission européenne ayant accéléré les procédures de clôture des audits en cours, le refus d'apurement anticipé pour 2014 s'élèverait déjà à 427 millions d'euros .

Ce montant élevé s'explique par l'importance des dispositifs concernés : 141 millions d'euros correspondent à une contestation de la manière d'appliquer en France la conditionnalité environnementale sur les droits à paiement uniques (DPU) et 238 millions d'euros correspondent à une contestation des revalorisations de DPU effectuées entre 2006 et 2008, la Commission européenne estimant que la France les a effectuées sans respecter la réglementation européenne.

Le contentieux sur le calcul des surfaces éligibles aux DPU est porteur d'encore plus de risques budgétaires, encourus sur les exercices à venir : la Cour des comptes estime dans son rapport que le refus d'apurement pourrait s'élever à 1,8 milliard d'euros.

Un tel montant ne pourrait être absorbé par des marges de manoeuvre budgétaires, qui n'existent pas au sein de la MAAFAR. Un nouveau plan d'économies sur le budget agricole serait alors probablement la contrepartie de l'inscription de crédits supplémentaires pour faire face au refus d'apurement.

Tant les services de l'État, à travers la création de 340 emplois non permanents financés sur le programme 215, que l'Agence de services et de paiements, à travers un relèvement de 233 à 329 du nombre des emplois hors plafonds qui lui sont autorisés, sont mis à contribution pour réduire la facture pour la France de la mauvaise application de la PAC.

En tout état de cause, les refus d'apurement élevés nécessiteraient de rechercher des recettes complémentaires pour faire face à une telle dépense nouvelle.

b) Des tensions sur la réserve de crise de la PAC.

La montée des inquiétudes budgétaires vient aussi de l'assèchement des réserves de crise du budget de la PAC, suite à la crise russe.

Prévue par le nouveau règlement portant organisation commune des marchés (OCM), la réserve de crise constitue l'un des instruments, au sein de la PAC, pour faire face aux difficultés de certaines filières.

Elle est dotée d'environ 400 millions d'euros par an , soit 2,8 milliards d'euros pour la période 2014-2020, alimentée par un prélèvement sur les aides directes supérieures à 2 000 euros, à travers le mécanisme de la discipline financière. Ce prélèvement s'est élevé à 1,3 % en 2013. Le mécanisme de discipline financière prévoit de reverser l'année suivante aux agriculteurs sous forme d'un versement complémentaire aux aides directes, les sommes mises en réserve en cas de non utilisation de la réserve de crise.

Or, cette réserve de crise, fixée à 433 millions d'euros pour 2014, est aujourd'hui quasiment épuisée, suite aux mesures de soutiens prises en faveur des secteurs des fruits et légumes et du lait, pénalisé par l'embargo russe.

Dans le même temps, le budget de la PAC a dégagé quelques excédents : les dépassements de quotas laitiers ont permis à l'Union européenne d'encaisser des recettes sous forme de pénalités infligées aux producteurs laitiers, qui s'élèvent pour la campagne 2013-2014 à 409 millions d'euros . Au total, le budget de la PAC a dégagé 448 millions d'euros de recettes supplémentaires.

Les besoins budgétaires de l'Union européenne incitent la Commission européenne à réintégrer ces sommes au budget général de l'Union européenne. Or, il est nécessaire de les utiliser au contraire pour faire face aux conséquences de l'embargo russe. Faire financer de nouveau en 2015 les mesures de compensation bénéficiant aux agriculteurs victimes de l'embargo russe par cette réserve de crise risquerait en effet de laisser la PAC sans moyens face à toute nouvelle difficulté pour le monde agricole .

Cette bataille pour ne pas faire payer aux agriculteurs deux fois la crise russe n'est pas encore gagnée au sein des instances européennes. Là encore, vos rapporteurs pour avis expriment le souhait que les moyens de l'agriculture restent à l'agriculture .

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