II. UNE POLITIQUE FREINÉE PAR LES CONTRAINTES BUDGÉTAIRES
A. UN BUDGET EN TROMPE L'oeIL
1. Une contraction des crédits sans rapport avec les besoins du secteur
Au sein du programme 334 « Livre et industries culturelles », l'action n° 1 « Livre et lecture » bénéficie de 96,7 % des crédits alloués par le projet de loi de finances pour 2014, soit 305,5 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 251,7 millions d'euros en crédits de paiement (CP) . S'agissant des autorisations d'engagement, l'action enregistre une augmentation de ses ressources de 23,3 % par rapport à 2013, exceptionnelle dans le contexte actuel.
Malheureusement, l'effort affiché n'est que la conséquence des prévisions de travaux du chantier de rénovation du Quadrilatère Richelieu de la BnF. En réalité, en crédits de paiement, les moyens diminuent de 1,48 % par rapport à 2013.
Les crédits consacrés au livre et à la lecture sont répartis en quatre-sous actions d'importance inégale :
- la subvention pour charge de service public de la BnF pour 203,5 millions d'euros en AE comme en CP ;
- le financement des travaux du Quadrilatère Richelieu pour 63,9 millions d'euros en AE et 10,2 millions d'euros en CP ;
- les crédits destinés au développement de la lecture et des collections pour 19,4 millions d'euros en AE et en CP ;
Sur ce total , 7,1 millions d'euros correspondent à la subvention pour charge de service publique versée à la Bibliothèque publique d'information (BPI) , soit un montant identique à celui alloué en 2013.
Par ailleurs, 12,3 millions d'euros de crédits d'intervention sont répartis entre les crédits centraux destinés à financer les interventions en direction des bibliothèques, le soutien à la conservation et à la diffusion du patrimoine écrit et le soutien au développement de la lecture (subventions aux associations) et les crédits déconcentrés (10,2 millions d'euros) consacrés à la conservation et à la mise en valeur du patrimoine écrit, à travers le soutien apporté à l'Institut de la mémoire de l'édition contemporaine (IMEC) et la mise en oeuvre du plan d'action pour le patrimoine écrit (PAPE), aux acquisitions et l'enrichissement des collections par les fonds régionaux d'acquisition des bibliothèques (FRAB), mais également à l'aide au fonctionnement des médiathèques ;
- enfin, les aides à l'édition, à la librairie et aux professions du livre pour 18,7 millions d'euros en AE et en CP.
Dans ce cadre, 15,7 millions d'euros de crédits centraux sont versés pour la rémunération des auteurs et des éditeurs au titre du droit de prêt en bibliothèque et pour la subvention au Syndicat de la librairie française et à la Centrale de l'édition. Enfin, 3 millions d'euros de crédits déconcentrés sont destinés au soutien aux libraires et aux maisons d'édition pour leurs projets de création, de développement et de diversification, afin de favoriser le maintien d'un réseau de librairies et éditeurs indépendants.
2. Des bibliothèques nationales à la recherche des moyens de leur développement
a) La BnF : une activité plombée par les projets immobiliers
La Bibliothèque nationale de France subit, à nouveau, une baisse de sa subvention pour charge de service public, qui s'élève, pour 2014 à 203,4 millions d'euros . Certes, facialement, la dotation augmente de 0,44 % en raison d'une ouverture de crédits de 3,7 millions d'euros destinée au financement des mesures de titularisation de personnels prévues par la loi dite « Sauvadet ». Mais, hors compensation de ce dispositif par l'État, les crédits de l'établissement sont réduits de 1,53 %, soit - 2,8 millions d'euros en fonctionnement et - 330 000 euros en investissement.
L'établissement participe depuis plusieurs années à l'effort de maîtrise des dépenses publiques et cherche, en conséquence, à limiter ses coûts de fonctionnement.
En 2014, le plafond d'emploi de l'opérateur diminuera de 29 équivalents temps plein (ETP). Bruno Racine, président de la BnF, a indiqué à votre rapporteur pour avis que le nombre d'ETP supprimés s'établit à une centaine en quatre ans , sur un total de 2 500, grâce au non-renouvellement des départs à la retraite. Il s'agit majoritairement d'emplois de catégorie C, tels que les magasiniers et les techniciens d'art. Une réorganisation des procédures du dépôt légal - un exemplaire numérique remplacera prochainement l'un des deux exemplaires physiques de l'ouvrage - permettra également de libérer huit postes et de réorganiser les tâches en conséquence. De même, le vestiaire du site François Mitterrand a été remplacé par une consigne automatique. Enfin, 1,1 million d'économie sera réalisé en 2014 en sous-traitant la sécurité des sites à une entreprise privée.
Outre sa dotation, la BnF bénéficie d'un soutien significatif dans deux domaines : les opérations de rénovation de son site historique du quadrilatère Richelieu , dont les crédits sont inscrits sur la sous action n° 2 précitée, et la poursuite de la numérisation de masse des collections imprimées.
La rénovation du quadrilatère Richelieu : un chantier à suivre Le projet Richelieu a pour objectif de mieux assurer la sécurité des personnes et la sûreté des collections patrimoniales, en vue de l'installation sur le site des bibliothèques de l'Institut national d'histoire de l'art (INHA) et de l'École nationale des Chartes. Il s'agit de constituer un pôle de ressources en histoire de l'art , grâce à la rénovation des salles de lecture, à l'augmentation du nombre de places et à la création de nouvelles aires d'accueil pour le public. La sous-action n° 2 « Quadrilatère Richelieu », dotée de 63,9 millions d'euros en AE et 10,2 millions d'euros en CP en 2014, retrace les crédits nécessaires à la rénovation complète du site historique de la BnF, dont les travaux sont prévus de 2011 à 2017. Ce chantier représente pour l'État une charge globale réévaluée à 217,8 millions d'euros en 2014, contre 212 millions d'euros en 2013, dont 141,5 millions d'euros sont imputés sur le programme 334 du ministère de la culture et de la communication. Les 20 % restants sont à la charge du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche. Les crédits d'investissement inscrits pour le financement de l'opération de rénovation varient chaque année en fonction de l'état d'avancement des travaux . Le montant a, en outre, été révisé par rapport à la programmation pluriannuelle 2011-2014, compte tenu des besoins prévisionnels actualisés exprimés par l'opérateur du patrimoine et des projets immobiliers de la culture (OPPIC), mandaté pour la conduite de l'opération . Pour mémoire, la prévision inscrite au titre de 2014 dans la programmation pluriannuelle 2011-2014 s'élevait à 61 millions d'euros en AE et 7,2 millions d'euros en CP. Les montants inscrits en projet de loi de finances pour 2014 dépassent les prévisions en raison de surcoûts apparus à la suite d'aléas rencontrés sur le chantier (découverte d'amiante et de plomb), entraînant une hausse globale de 4,6 millions d'euros du budget des travaux. Conformément à la clé de répartition de la convention de mandat entre les deux ministères, le programme 334 finance 3,68 millions d'euros au titre du surcoût. La présence d'amiante et de plomb a d'ores et déjà retardé les travaux de près d'un an (la réouverture de la salle Labrouste, correspondant à la fin de la première phase, n'interviendra qu'en juillet 2015). Il est à craindre qu'un retard supplémentaire et de nouveaux surcoûts n'apparaissent en raison des atermoiements du ministère de la culture sur le sort à réserver à l'escalier d'honneur , qui date de 1917 et est inscrit à l'inventaire supplémentaire. Le projet initial prévoit sa destruction et son remplacement par un escalier moderne. |
Le quadrilatère Richelieu n'est pas le seul projet immobilier de l'établissement : la bibliothèque de l'Arsenal vient d'être restaurée , bien que la mise aux normes de sécurité incendie a été reportée en 2015 par manque de moyens, et le site François Mitterrand nécessite de perpétuels travaux de maintenance.
Reste que le coeur de l'activité de la BnF, malgré des moyens réduits, demeure l'accueil des lecteurs et des visiteurs , l'accès sur place ou à distance, grâce à Gallica , aux collections et leur valorisation à travers notamment un programme d'expositions, mais aussi l'enrichissement des collections par le dépôt légal et une importante politique d'acquisition, enfin, le développement des actions de coopération nationale et internationale.
S'agissant de l'accueil du public, si le nombre d'entrées enregistrées en 2012 (environ 925 000, soit 537 000 entrées pour la bibliothèque d'étude du Haut-de-Jardin et 388 000 entrées pour la bibliothèque de recherche sur les sites François Mitterrand, Maison Jean Vilar, Arsenal, Musée de l'Opéra et Richelieu) est en légère progression par rapport à l'année précédente, l'année 2013 ne devrait pas obtenir d'aussi bons résultats, en raison du réaménagement des salles de lecture du Haut-de-Jardin, initialement prévu en septembre 2012 mais finalement reporté au printemps 2013.
Toutefois, il convient de noter avec satisfaction que la fréquentation du site Richelieu se maintient malgré les travaux en cours et que l'assouplissement des conditions d'accès à la bibliothèque de recherche du site François Mitterrand (adaptation de la grille tarifaire, accréditation facilitée pour les masterants) a permis d'augmenter le nombre d'étudiants et de chercheurs accueillis.
Bruno Racine a indiqué à votre rapporteur pour avis qu'à l'issue des travaux du Haut-de-Jardin, une campagne d'information sera lancée en 2014 afin d'inciter le public à fréquenter les salles de lecture ainsi réaménagées.
Le contrat de performance 2008-2013 arrive à son terme et les travaux en vue de la rédaction d'un nouveau contrat pour la période 2014-2016 ont débuté au mois de juin avec l'appui d'une mission d'audit conduite par l'IGAC et l'Inspection générale des bibliothèques. Votre rapporteur pour avis appelle de ses voeux sa conclusion dans les plus brefs délais, afin de donner à l'établissement une visibilité de son activité pour les années à venir.
b) La BPI : une capacité d'investissement trop limitée
Au sein du projet de loi de finances pour 2014, la Bpi dispose, comme les années précédentes, d'une subvention pour charge de service public de 7,1 millions d'euros. Sur ce total, 6,7 millions d'euros sont destinés au fonctionnement de l'établissement, ne laissant que 375 000 euros au titre de l'investissement , dont près de 26 000 euros pour la recherche.
La Bpi a essentiellement un rôle de conseil auprès de bibliothèques municipales et départementales ; elle constitue également, à leur profit, une source d'informations. À cet effet :
- la Bpi procède chaque année à des études nationales sur le livre et la lecture sur demande du ministère de la culture et de la communication ;
- elle réalise des enquêtes de fréquentation des bibliothèques tous les deux ans, ainsi qu'une évaluation annuelle de la consultation sur place ;
- elle soutient l'association Réseau CAREL (Coopération pour l'accès aux ressources numériques en bibliothèques), créée en 2012, qui fédère des collectivités territoriales pour négocier avec les éditeurs et fournisseurs de ressources des tarifs à l'usage de l'ensemble des bibliothèques publiques ;
- enfin, en partenariat avec l'association « Images en bibliothèques », la Bpi sélectionne des films documentaires non édités pour en acquérir, en coordination avec le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC), les droits de représentation et de prêt au bénéfice des bibliothèques publiques. Le catalogue comprend plus de 1 400 titres à ce jour.
Sur son site du Centre Pompidou, la Bpi accueille également chaque année environ 1,5 million de lecteurs, chercheurs et visiteurs , soit une moyenne d'un peu plus de 5 000 visiteurs quotidiens. Le nombre d'entrées enregistré en 2012 est en augmentation de 4,5 % par rapport à 2011. Le phénomène de désaffection de l'établissement observé depuis 2002 semble donc avoir atteint un palier en 2011 et légèrement s'infléchir depuis. Il convient de préciser que le site, faisant partie des rares bibliothèques publiques ouvertes, est saturé le dimanche. Il voit également sa fréquentation enfler à l'occasion des expositions qu'il accueille, à l'instar de celle d'Art Spiegelman en 2012.
En décembre 2012, la ministre de la culture et de la communication a souhaité que le projet d'établissement « Lire le monde », élaboré en 2011, soit modifié afin de garantir le maintien du nombre de places de lecture dans l'établissement, de développer les liens avec le Centre Pompidou et de renforcer davantage la coopération avec les bibliothèques en région . Un nouveau projet a été transmis le 25 juillet 2013 mais ces modifications ont entraîné un report de la rédaction du futur contrat de performance de la bibliothèque qui devrait être élaboré à compter de la fin de l'année.