IV. LE RAPPROCHEMENT INACHEVÉ DE L'INSTITUT NATIONAL DE LA CONSOMMATION ET DES TROIS COMMISSIONS
L'article 62 de la loi n° 2010-737 du 1 er juillet 2010 portant réforme du crédit à la consommation, dans un souci de rationalisation, a placé auprès de l'INC la Commission de la sécurité des consommateurs et la Commission des clauses abusives, auxquelles il a adjoint une nouvelle Commission de la médiation de la consommation. Il a prévu que ces instances disposeraient de services communs. Le rapport annuel d'activité de l'INC doit comporter les propositions de modifications législatives ou réglementaires émanant des trois commissions, ainsi que leurs avis et les suites qui y sont données. Conçue à la suite des Assises de la consommation du 26 octobre 2009, cette réorganisation a rencontré au départ dans son principe l'accord des instances concernées.
Afin d'évaluer l'effectivité de la mise en oeuvre du rapprochement administratif et technique, décidé par le législateur en 2010, de l'Institut national de la consommation (INC) et des trois commissions compétentes dans le domaine de la consommation, votre rapporteur a tenu à se rendre dans les locaux de l'INC pour rencontrer ses dirigeants et son personnel 95 ( * ) , ainsi qu'à entendre en audition le président de chacune des trois commissions.
A. LA SITUATION FINANCIÈRE PRÉCAIRE DE L'INSTITUT NATIONAL DE LA CONSOMMATION
1. Les missions de l'Institut national de la consommation
La loi est particulièrement succincte sur le rôle de l'Institut national de la consommation (INC). L'article L. 531-1 du code de la consommation se borne à énoncer que « l'Institut national de la consommation, établissement public national, est un centre de recherche, d'information et d'étude sur les problèmes de la consommation ». C'est un décret en Conseil d'État qui vient préciser l'organisation des missions et le fonctionnement de l'INC 96 ( * ) , attribuant la qualité d'établissement public à caractère industriel et commercial 97 ( * ) à l'INC et la plaçant sous la tutelle du ministre chargé de la consommation.
L'INC est administré par un conseil d'administration de 17 membres, dont cinq représentants des consommateurs, cinq représentants de l'État, deux représentants élus du personnel, ainsi que les présidents des trois commissions qui lui ont été rattachées en 2010. Les fonctions de membre du conseil d'administration sont gratuites. Le conseil d'administration élit en son sein un président. Les matières sur lesquelles délibère le conseil d'administration sont fixées par l'article R. 531-8. Les services sont dirigés par un directeur général désigné par décret, qui assiste au conseil avec voix consultative, de même que le commissaire du Gouvernement 98 ( * ) et l'agent comptable.
Deux grandes missions sont assignées à l'INC, inchangées depuis sa création en 1966 : fournir un appui aux associations nationales agréées de consommateurs et diffuser des informations au grand public dans le domaine de la consommation. Une troisième mission s'est ajoutée en 2010 : apporter un appui technique aux trois commissions qui lui ont été rattachées.
Article R. 531-2 du code de la consommation L'Institut national de la consommation a pour objet de : a) Fournir un appui technique aux organisations de consommateurs ; b) Regrouper, produire, analyser et diffuser des informations, études, enquêtes et essais ; c) Mettre en oeuvre des actions et des campagnes d'information, de communication, de prévention, de formation et d'éducation sur les questions de consommation à destination du grand public, ainsi que des publics professionnels ou associatifs concernés ; d) Apporter un appui technique aux commissions placées auprès de lui et collaborer à l'instruction de leurs avis et recommandations. |
Les prestations d'appui technique aux associations sont formalisées dans un cahier des charges annuel élaboré par une commission créée à cet effet et composée d'un représentant de chaque organisation agréée et du directeur général de l'INC. La dernière réunion de cette commission, qui constitue une instance de dialogue régulier entre l'INC et les associations nationales agréées de consommateurs, a eu lieu le 15 juin 2012. Assuré par le service des études juridiques, économiques et de la documentation de l'INC, cet appui technique comporte notamment la réalisation d'analyses préparatoires aux réunions du Conseil national de la consommation et englobe des études juridiques et économiques, des prestations documentaires et des formations. Toutefois, ainsi que cela a été signalé à votre rapporteur, les associations de consommateurs peuvent être jalouses de leurs prérogatives et contester certaines interventions de l'INC en matière d'information du public ou de communication. Il a ainsi été qualifié de « dix-huitième association de consommateurs » devant votre rapporteur, oubliant son rôle premier technique d'appui aux associations. L'INC indique cependant qu'il entretient de bonnes relations avec quasiment la totalité des associations de consommateurs.
L'INC est également chargé, à la suite de la réforme de juillet 2010, de la répartition des financements aux centres techniques régionaux de la consommation (CTRC) 99 ( * ) , organismes qui exercent une mission d'appui pour les organisations locales de consommateurs analogue à celle de l'INC pour les organisations nationales. La subvention de l'État à l'INC avait été majorée à due concurrence des subventions qu'il versait directement jusque là. L'INC est également chargé d'une mission d'appui technique aux CTRC.
En matière d'information du public, l'INC utilise trois vecteurs : le magazine « 60 millions de consommateurs » 100 ( * ) , les émissions « Consomag » diffusées sur les chaînes publiques de télévision et plusieurs sites internet gratuits. L'INC gère directement le site « www.conso.net » notamment, qui diffuse des informations pédagogiques à destination des consommateurs et dont la fréquentation est en hausse régulière 101 ( * ) , et participe à d'autres sites en partenariat, notamment sur la prévention des accidents de la vie quotidienne.
Le magazine dispose d'une totale indépendance éditoriale à l'égard des instances de l'INC, de sorte qu'il n'exprime pas la position de l'INC. Il contribue au pluralisme de la presse consumériste. L'équipe du magazine se compose de vingt-cinq personnes, dont six rédacteurs. Le journal se nourrit de l'expertise des juristes, économistes et ingénieurs de l'INC.
Les émissions « Consomag » En 2011 comme en 2010, 120 émissions « Consomag » ont été diffusées sur les six chaînes du groupe public France Télévisions. La diffusion de ces émissions est une obligation figurant dans le cahier des charges de France Télévisions. Arrêté par le décret n° 2009-796 du 23 juin 2009, le cahier des charges prévoit, dans son article 56, que « France Télévisions diffuse à une heure d'écoute appropriée des émissions destinées à l'information du consommateur ». Il prévoit en outre que les émissions sont produites par l'INC et font l'objet d'une convention pluriannuelle entre l'INC et France Télévisions déterminant les conditions de diffusion des émissions et les conditions de remboursement par l'INC des frais de diffusion exposés par France Télévisions. Il prévoit enfin que les programmes régionaux de France Télévisions diffusent, dans des conditions prévues par une convention pluriannuelle également, des émissions réalisées par les CTRC. La réalisation des émissions fait l'objet d'un partenariat avec les associations nationales agréées de consommateurs : sur 120 émissions, 87 portent sur un sujet proposé par une association et 33 portent sur un sujet choisi par l'INC. L'audience cumulée moyenne par émission est de 3,5 millions de téléspectateurs. Le budget de production et de diffusion des 120 émissions s'élève à 556 000 euros hors taxes par an, soit environ 3,5 % du budget annuel de l'INC. |
Les vecteurs d'information de l'INC, en particulier le magazine, s'appuient largement sur les essais comparatifs, matière première essentielle, en complément des informations juridiques et économiques. Ainsi, en 2011, 36 essais ont été réalisés selon un cahier des charges élaboré par les ingénieurs du service technique de l'INC par plus de 100 laboratoires (essais complété le cas échéant avec le jugement de panels de consommateurs), pour 770 produits ou services testés (plus de 10 000 échantillons achetés dans le commerce) et un budget opérationnel de plus de 750 000 euros.
2. Un déclin budgétaire difficile à enrayer
En 2011, le budget global de l'INC représentait près de 16 millions d'euros (15,9 millions de produits et 15,7 millions de charges), incluant un résultat positif de 178 000 euros. Le caractère apparemment positif de cette situation instantanée ne doit pas occulter les incertitudes pesant sur l'avenir financier de l'INC, dépendant d'une subvention d'État en lent déclin et surtout de recettes commerciales du magazine « 60 millions de consommateurs » en baisse rapide. L'apparition d'une perte d'exploitation pour l'INC est à craindre en 2012, causée par une activité commerciale déficitaire du magazine, car le résultat positif de 2011 n'est pas solide, s'expliquant par une réduction des effectifs mais aussi par la suppression temporaire des dépenses de promotion du magazine, au détriment du renouvellement des abonnements.
L'INC a fait valoir à votre rapporteur qu'au début des années 1990, la subvention de l'État destinée à couvrir ses missions de service public s'élevait à plus de 10 millions d'euros en euros constants. Elle s'est élevée en 2011 à 3,7 millions d'euros, à un niveau relativement stable ces dernières années, après 3,8 millions les années précédentes. En 2011, la subvention de l'État représentait 23,9 % du total des produits de l'INC. Il convient d'y ajouter une subvention d'un montant de 2,22 millions d'euros en année pleine, à compter de 2010, en vue du financement des CTRC, mission transférée à l'INC. L'année 2011 a vu également le début du versement d'une subvention destinée au fonctionnement des trois commissions rattachées à l'INC. Ainsi, le total des subventions de l'État à l'INC s'est élevé en 2011 à 6,4 millions d'euros et a été maintenu à ce niveau en 2012.
En parallèle, les effectifs de l'INC sont passés de 140 personnes au début des années 1990 à 73 personnes en 2011. Après une certaine stabilité ces dernières années, les effectifs ont été réduits de 77 à 73 en 2011.
Les subventions pour mission de service public ne peuvent pas être affectées à l'activité commerciale de presse de l'INC, laquelle doit trouver à s'équilibrer seule. Or, le modèle économique du magazine « 60 millions de consommateurs » est de plus en plus précaire, en raison de la baisse régulière de ses ventes et de ses abonnements, ainsi que l'illustre le graphique ci-après.
Évolution de la diffusion du magazine « 60 millions de consommateurs »
Source : INC.
Dans le secteur concurrentiel de la presse magazine consumériste, la lente érosion du titre « 60 millions » depuis 2007 n'est pas un cas isolé, car tous les titres sont confrontés au développement d'internet. Pour la première fois en 2010, le résultat d'exploitation du magazine a été négatif, avec un déficit de 268 000 euros. Le retour au strict équilibre en 2011 ne doit pas masquer la fragilité économique du magazine. En effet, cet équilibre résulte de la suppression des publipostages destinés à la prospection de nouveaux abonnés, réduisant automatiquement les dépenses mais accélérant la baisse des abonnements. Cette prospection a repris en 2012.
Ainsi que l'illustre le tableau ci-après, la part du produit des ventes, essentiellement du magazine, dans le budget de l'INC est en déclin rapide. La question de l'avenir du magazine a souvent été évoquée ces dernières années, plusieurs hypothèses ayant été discutées, entre la disparition, la filialisation, la cession ou encore la reprise par un groupe d'associations de consommateurs. A ce jour, selon les informations données à votre rapporteur, l'exploitation directe du magazine par l'INC reste la priorité. Il est précisé que, pour garantir son indépendance à l'égard des professionnels, le magazine ne reçoit pas de publicité, de sorte que ses ressources ne proviennent que des ventes.
Évolution du produit des ventes dans le total
des produits de l'INC
(en milliers d'euros)
2007 |
2008 |
2009 |
2010 |
2011 |
|
Produit des ventes |
12 240 |
11 149 |
10 299 |
9 771 |
8 838 |
Total des produits de l'INC |
16 510 |
15 722 |
14 846 |
16 214 |
15 887 |
Part des ventes sur le total des produits |
74,1 % |
70,9 % |
69,4 % |
60,3 % |
55,6 % |
Source : DGCCRF.
L'avenir du magazine est aujourd'hui la question existentielle qui se pose à l'INC, tant il fait partie de son identité et de celle de ses salariés.
Le déménagement de l'INC prévu en janvier 2013 devrait conduire à une réduction des charges immobilières locatives évaluée à environ 200 000 euros par an selon les données communiquées à votre rapporteur. Par ailleurs, l'INC cherche à développer des partenariats susceptibles de lui fournir des ressources nouvelles (formations, financements européens sur projets...).
C'est dans ce contexte économique et budgétaire incertain que les missions de service public de l'INC ont été renforcées en 2010, en appui des trois commissions et dans la répartition du financement des CTRC. Alors que le regroupement entre l'INC et les trois commissions n'est pas encore abouti à ce jour, votre commission s'inquiète du déséquilibre croissant de l'activité commerciale qui obère l'avenir de l'INC.
* 95 Voir annexe 2.
* 96 Articles R. 531-1 à R. 533-6 du code de la consommation.
* 97 L'ensemble des personnels de l'INC sont donc des salariés de droit privé, à l'exception de l'agent comptable, mais également le chef du service des études juridiques, fonctionnaire ayant auparavant la fonction de secrétaire général de la Commission des clauses abusives.
* 98 Le commissaire du Gouvernement auprès de l'INC est le directeur général de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes.
* 99 Les CTRC ont le statut d'association et regroupent les associations locales.
* 100 Intervenant dans le champ concurrentiel de la presse magazine concernant la consommation, le magazine « 60 millions de consommateurs » est vendu en kiosque et sur abonnement. Il est en concurrence directe avec le magazine « Que Choisir » édité par l'association UFC-Que Choisir. Il représente environ un tiers du marché, contre deux tiers pour « Que Choisir ».
* 101 112 500 visiteurs uniques en 2009, 122 000 en 2010 et 126 700 en 2011.