B. LES MISSIONS DES TROIS COMMISSIONS COMPÉTENTES DANS LE DOMAINE DE LA CONSOMMATION
Les articles L. 534-1 à L. 534-7 et R. 534-1 à R. 534-12 du code de la consommation traitent des compétences, des procédures et de la composition de chacune des commissions que sont la Commission des clauses abusives, la Commission de la sécurité des consommateurs et la Commission de la médiation de la consommation, tandis que les articles L. 534-8 à L. 534-10 et R. 534-13 à R. 534-17 comportent des dispositions communes. Parmi les dispositions communes de niveau législatif, il convient de relever l'obligation de diffuser les avis et recommandations, la possibilité de se faire communiquer tous renseignements ou tous documents sans que soit opposable le secret professionnel, l'obligation de respecter le principe du contradictoire avec les professionnels visés avant la formulation des avis et recommandations ainsi que le devoir de secret professionnel pour les membres et les personnels. Les dispositions communes de niveau réglementaire prévoient la motivation des avis et recommandations, l'établissement d'un règlement intérieur comportant des obligations déontologiques et la non-publicité des séances.
1. La Commission des clauses abusives
Instituée par la loi n° 78-23 du 10 janvier 1978 sur la protection et l'information des consommateurs de produits et de services et composée de magistrats 102 ( * ) , de personnalités qualifiées et, à parité, de représentants des professionnels et des consommateurs, la Commission des clauses abusives (CCA) est chargée de rechercher les clauses abusives dans les « modèles de conventions habituellement proposés par les professionnels à leurs contractants non professionnels ou consommateurs » (articles L. 534-1 à L. 534-3 du code de la consommation). Elle est saisie par le ministre chargé de la consommation, les associations agréées de défense des consommateurs et les professionnels eux-mêmes et peut se saisir d'office. Dotée d'un rôle préventif, elle « recommande la suppression ou la modification des clauses qui présentent un caractère abusif », mais ne dispose d'aucun pouvoir pour imposer le retrait de clauses ou sanctionner un professionnel : ceci appartient au juge lorsqu'il est saisi de pareilles clauses.
En pratique, la collecte des contrats examinés par la CCA est opérée par la DGCCRF. Les dizaines ou centaines de contrats-types sont étudiés par un rapporteur qui n'est pas nécessairement membre de la commission (agent de la DGCCRF, professeur de droit...).
La CCA est attentive aux décisions des juridictions dans son domaine de compétence, tandis que les juridictions prennent généralement en compte les recommandations de la commission. Depuis 1994, la CCA a émis 32 avis sur saisine de juridictions. Elle a été saisie en 2012 par la cour d'appel de Nîmes, à propos d'une affaire de contrat de fourniture d'énergie.
De 1978 à 2012, la CCA a émis 74 recommandations, issues le plus souvent d'autosaisines. La CCA a tenu onze séances plénières en 2011. En 2011 et 2012, elle s'est plus particulièrement intéressée aux contrats de syndic et aux contrats de location de meublés pour étudiants, à la demande du ministre, et elle a poursuivi l'examen des contrats de services à la personne. Elle a émis une recommandation en 2011 sur les contrats de syndic et une en 2012 sur les contrats de services à la personne. Elle devrait formuler une recommandation en 2012 sur les locations meublées pour étudiants. Elle a engagé en 2012 un examen des contrats de fourniture d'énergie. En moyenne, la CCA formule une à trois recommandations par an.
2. La Commission de la sécurité des consommateurs
Créée par la loi n° 83-660 du 21 juillet 1983 relative à la sécurité des consommateurs et composée de magistrats, à parité de représentants des organisations professionnelles et des associations de consommateurs, ainsi que d'experts, la Commission de la sécurité des consommateurs (CSC) est chargée « d'émettre des avis et de proposer toute mesure de nature à améliorer la prévention des risques en matière de sécurité des produits ou des services » (articles L. 534-4 à L. 534-6 du code de la consommation). Elle « recherche et recense les informations de toutes origines sur les dangers présentés par les produits et services ». Elle peut être saisie par toute personne physique ou morale et peut se saisir d'office. Les autorités judiciaires peuvent solliciter son avis à l'occasion d'un litige. Une partie de l'activité de la Commission consiste à faire connaître au public ses avis.
Depuis sa mise en place en 1985 jusqu'au 31 octobre 2012, la CSC a rendu 363 avis, ainsi que 86 avis sur des projets de décret. La CSC a enregistré 51 saisines en 2011 et 41 saisines à la date du 31 octobre 2012, dont une majorité classée sans suite du fait de l'existence d'un avis déjà rendu sur des sujets analogues. La CSC a rendu 8 avis en 2011, dont un sur un projet de décret, et 6 à la date du 31 octobre 2012, dont deux sur des projets de décret. Compte tenu de sa mission en matière de sécurité des consommateurs, la DGCCRF réalise souvent un suivi particulier des avis de la CSC. Ainsi, depuis 2000, 22 avis ont fait l'objet d'enquêtes particulières.
En outre, la CSC a fait l'objet en janvier 2012 d'un référé transmis au Premier ministre 103 ( * ) , à la suite d'un contrôle par la Cour des comptes en 2011. Ce référé faisait état d'une sous-utilisation de la CSC, au vu de la diminution des saisines, notamment de la part de la DGCCRF, d'une défaillance dans le suivi des avis malgré leur qualité reconnue, d'une coordination insuffisante des organismes intéressés par la politique de prévention des accidents de la vie courante, sujet de préoccupation majeur de la CSC, ainsi qu'une difficulté à recruter des collaborateurs qualifiés pour les missions techniques confiées. La Cour invite en tout cas la CSC à véritablement remplir un rôle de coordination sur la question des accidents de la vie courante, à l'origine de 20 000 morts par an. En tout état de cause, la situation d'incertitude dans laquelle se trouvent le personnel, ainsi que le départ non remplacé de plusieurs agents ne peut que peser sur l'activité et le dynamisme de la commission.
La Cour relevait également que l'INC était toujours dans l'incapacité de mener à bien le rattachement des trois commissions, et notamment la CSC, du fait de l'absence de transfert de tous les moyens correspondants 104 ( * ) .
3. La Commission de la médiation de la consommation
Créée récemment par la loi n° 2010-737 du 1 er juillet 2010 portant réforme du crédit à la consommation et composée à parité de représentants des consommateurs et des professionnels, ainsi que de personnalités qualifiées, la Commission de la médiation de la consommation (CMC) est chargée « d'émettre des avis et de proposer des mesures de toute nature pour évaluer, améliorer et diffuser les pratiques de médiation non judiciaires en matière de consommation » (article L. 534-7 du code de la consommation). Il s'agit d'une instance purement consultative et de concertation 105 ( * ) , dont la création témoigne de la volonté de favoriser le développement de la médiation en tant que mode alternatif et extrajudiciaire de règlement des litiges. Elle est saisie par le ministre chargé de la consommation, les associations agréées de défense des consommateurs et les professionnels eux-mêmes et peut se saisir d'office.
A cet égard, votre rapporteur rappelle que la Commission européenne a présenté, le 29 novembre 2011, une proposition de directive relative au règlement extrajudiciaire des litiges de consommation, ayant pour objet de généraliser la résolution par des mécanismes non judiciaires des litiges contractuels entre consommateurs et professionnels relatifs à la vente de biens ou à la prestation de services 106 ( * ) . Ce texte fixe des critères qualitatifs à respecter pour ces mécanismes extrajudiciaires : obligation d'information préalable des consommateurs sur ces mécanismes, accessibilité, compétence, impartialité, transparence, efficacité et équité. Ces critères devraient conduire les autorités nationales à notifier à la Commission les organes de résolution extrajudiciaire correspondant aux critères fixés. Sans doute la Commission de la médiation de la consommation aura-t-elle un rôle à jouer dans ce processus de recensement. Dans les discussions sur cette proposition de directive, les autorités françaises ont tenu à ce que les médiations d'entreprises puissent bien être incluses dans le champ d'application de la directive, au motif qu'elles sont très répandues en France, à condition bien sûr qu'elles présentent des garanties d'impartialité. La proposition de directive est à ce jour toujours en cours de discussion entre les institutions européennes 107 ( * ) .
Votre rapporteur a pu constater l'hostilité de nombre d'associations de consommateurs vis-à-vis de la médiation d'entreprise, qu'elles jugeaient insuffisamment indépendante, impartiale et transparente, du fait de ses liens avec le professionnel en litige avec le consommateur. Plus largement, entre les médiations d'entreprise, les médiations professionnelles sectorielles et les médiations publiques, il n'existe pas à ce jour de modèle de la médiation en France, mais plutôt un foisonnement de dispositifs. La présidente de la CMC a indiqué que la commission n'avait pas de doctrine sur la médiation, mais une approche pragmatique dans l'intérêt des consommateurs.
La CMC a été installée en octobre 2010 et a commencé ses travaux en janvier 2011. Depuis lors, elle a élaboré une charte des bonnes pratiques de la médiation, sur la base de laquelle elle a créé une grille d'évaluation en vue de valider la qualité des procédures de médiation (démarche de labellisation et de référencement, à la demande des médiateurs). Elle a construit un site internet et organisé un colloque. Il lui appartient aussi de promouvoir la médiation dans les secteurs qui en sont dépourvus.
* 102 Traditionnellement, le président de la CCA est un magistrat membre de la première chambre civile de la Cour de cassation.
* 103 Ce référé, avec la réponse du Premier ministre, est consultable à l'adresse suivante :
http://www.ccomptes.fr/Publications/Publications/La-commission-de-securite-des-consommateurs
* 104 Voir infra p. 81.
* 105 L'article R. 534-12 du code de la consommation indique d'ailleurs expressément que la CMC « ne peut examiner aucun litige relatif à la consommation ».
* 106 La Commission a présenté le même jour une proposition de règlement sur la résolution en ligne des litiges de consommation, concernant les litiges transfrontières. Ces deux projets de texte sont consultables aux adresses suivantes :
http://www.senat.fr/europe/textes_europeens/e6893.pdf
http://www.senat.fr/europe/textes_europeens/e6894.pdf
* 107 La proposition de directive est en cours d'examen par le Parlement européen.