B. LA POLITIQUE IMMOBILIÈRE : UN ARBITRAGE NÉCESSAIRE SUR LES IMPLANTATIONS DES AUTORITÉS INDÉPENDANTES
1. La situation actuelle des implantations immobilières
a) Des situations contrastées selon les autorités indépendantes
La situation immobilière des autorités indépendantes concernées par ce programme budgétaire laisse apparaître deux situations :
- la première est celle des autorités telles que le Défenseur des droits, la CNIL, le CGLPL, le CSA qui occupent des locaux pris à bail dans le secteur privé et qui gèrent directement les relations avec le propriétaire des lieux loués ;
- les autres autorités indépendantes, de tailles plus modestes, qui sont logées dans un immeuble domanial situé au 35 rue Saint-Dominique, à Paris (VIIème arrondissement) et qui sont donc soumises à un loyer budgétaire calculé au prorata de la surface occupée par chaque autorité.
Dans ce dernier cas, les questions immobilières sont directement gérées par la direction des services administratifs et financiers du Premier ministre (DSAF) qui décharge ainsi ces autorités d'une tâche particulièrement lourde.
Le constat actuel sur les locaux des autorités indépendantes est fait de situations particulières , héritages des négociations de chaque autorité ou ancienne autorité indépendante, comme dans le cas du Défenseur des droits.
Charges immobilières des autorités
indépendantes
ayant des locations dans le secteur privé
(2012)
Autorités indépendantes |
Surface utile nette (en m 2 ) |
Ratio de la surface utile nette par agent (en m 2 ) |
Coût des charges de location (en euros) |
Ratio du coût par mètre carré (en euros) |
Commission nationale de l'informatique et des libertés |
2 281 |
13,34 |
2 536 535 |
757 |
Conseil supérieur de l'audiovisuel |
5 361 |
18,42 |
5 202 850 |
702 |
Contrôleur général des lieux de privation de liberté |
465 |
13,68 |
246 174 |
529 |
Défenseur des droits |
5 379 |
17,1 |
4 481 326 |
732 |
Pour les autres autorités indépendantes qui sont logées dans un immeuble domanial par les services du Premier ministre, le coût des charges de location est évalué à 401 euros par mètre carré. Toutefois, le mode de calcul du coût d'une location dans le secteur privé et du coût budgétaire de l'occupation d'un immeuble domanial diffère suffisamment pour rendre incertaine une comparaison entre les autorités indépendantes selon qu'elles sont logés dans le parc immobilier privé ou de l'État.
b) Un nécessaire effort de rationalisation en cours
Dans leur gestion immobilière, les autorités indépendantes (pour certaines d'entres elles, via la DSAF) sont appuyées techniquement par France Domaine, service à compétence nationale, ayant vocation à représenter « l'État propriétaire ». Cette intervention de France Domaine, qui ne remet nullement en cause l'indépendance de ces autorités, s'inscrit dans le cadre de la politique immobilière de l'État et donc de l'objectif d'une meilleure utilisation des fonds publics. Les autorités indépendantes ont ainsi été invitées à mieux prendre en compte cette dimension , comme la norme d'un ratio de 12 mètres carré par agent appliqué par l'agence France Domaine aux administrations de l'État. Un contrôle, certes adapté à l'exigence d'indépendance des autorités, est effectué par France Domaine lors de la conclusion et de la négociation du bail pour veiller au respect de standards de coûts.
L'introduction d'un indicateur dédié à « l'efficience de la gestion immobilière » au sein du programme annuel de performance associé à ce programme budgétaire participe à cette prise de conscience, ce que votre rapporteur ne peut que saluer.
Néanmoins, pour votre rapporteur, l'intervention de France Domaine a pu ponctuellement se révéler ambivalente . Lors de son audition, le contrôleur général des lieux de privation de liberté a indiqué à votre rapporteur que lors de la recherche de locaux pour son installation définitive, il s'est vu proposer « une implantation dans XVème arrondissement à des prix prohibitifs » ; il a alors préféré engager ses propres recherches avec l'aide d'un cabinet immobilier et a choisi une implantation dans le XIXème arrondissement, quartier populaire aux loyers moins élevés.
Outre sa charge symbolique, la question des coûts immobiliers revêt une dimension supplémentaire pour ces autorités au regard du poids qu'elle peut représenter pour leur budget. Ainsi, pour la CNIL, le loyer représente la moitié du budget de fonctionnement (hors dépenses de personnel) de cette autorité indépendante. Or, les charges de loyer sont une dépense contrainte pour ces autorités indépendantes.
En 2010, le loyer de la HALDE, jugé excessivement élevé par les députés, avait conduit l'Assemblée nationale à réduire les crédits budgétaires proposés par le gouvernement pour cette institution. A l'initiative de son rapporteur, notre collègue Jean-Claude Peyronnet, votre commission avait proposé le rétablissement des crédits budgétaires tels que proposés par le projet de loi de finances pour 2011 en relevant que le coût, certes excessif du loyer, n'était pas du fait de la HALDE dont le bail la retenait dans ces locaux jusqu'en 2014. Le Sénat avait suivi, à l'unanimité, votre commission 10 ( * ) .
A l'aune de ce précédent, votre rapporteur estime crucial de s'orienter, dans le choix des prochaines implantations immobilières des autorités indépendantes, vers des loyers mais aussi des charges mieux maîtrisés , le coût financier de l'implantation devant être un critère de choix prioritaire. L'accessibilité au public, quand elle est nécessaire, doit évidemment être prise en compte de même que les contraintes directement liées aux missions des autorités indépendantes. Ces critères ne doivent pas non plus servir de prétexte pour des choix adaptés uniquement à des opportunités immobilières au coût excessif ou à des notions de prestige ou des connotations géographiques.
2. Le rassemblement des autorités indépendantes au sein d'un même ensemble immobilier ?
Dans le cadre de la politique immobilière de l'État, le secrétariat général du gouvernement conduit un projet immobilier de regroupement des services du Premier ministre en un même lieu afin de former un véritable « centre de gouvernement ». Ces bâtiments situés dans le VIIème arrondissement, à proximité de l'hôtel de Matignon, accueilleraient également plusieurs autorités indépendantes.
Ce projet serait confirmé si les crédits budgétaires nécessaires au démarrage de l'opération sont ouverts par le projet de loi de finances rectificatives pour 2012 qui devrait prochainement être soumis à l'examen du Parlement.
Le projet immobilier Ségur-Fontenoy Le nouveau schéma pluriannuel de stratégie immobilière des services du Premier ministre présenté le 28 février 2012 au conseil de l'immobilier de l'État a reçu un avis favorable. Il vise au rassemblement de la plupart des services du Premier ministre et de sept autorités indépendantes (dont les deux principales en effectifs : le Défenseur des droits et la CNIL) dans un même ensemble immobilier constitué par les bâtiments des 20 avenue de Ségur et 3 place de Fontenoy à l'horizon 2016. Les autorités indépendantes occupent actuellement 6 immeubles pris à bail et un site domanial mis à disposition par les services du Premier ministre. Cette opération majeure doit permettre, après restructuration du site, de réduire le nombre d'implantations à 18 (pour 38 actuellement) et de porter la diminution des surfaces à 15 % par rapport à 2007 (70 % pour les seuls baux privés). L'ensemble immobilier offrira un cadre de travail fonctionnel, entièrement modernisé et mis aux normes les plus récentes de qualité environnementale, d'accessibilité, d'hygiène et de sécurité. La première phase de l'opération est désormais achevée. Entre septembre 2011 et janvier 2012, 47 réunions complétées de 46 autres entre janvier et fin juillet 2012 ont été menées par le chef de projet de la direction des services administratifs et financiers (DSAF) avec les futurs services occupants pour recueillir, optimiser et harmoniser leurs besoins. Cette démarche a également été ponctuée de deux réunions de restitution et d'information sur l'avancement du projet en décembre 2011 et avril 2012. Le projet proposé prévoit de destiner notamment l'immeuble Fontenoy à l'hébergement des autorités indépendantes (avec une occupation majoritaire du Défenseur des droits et de la CNIL) et celui de Ségur aux services du Premier ministre. Parallèlement la SOVAFIM a établi, suivant le mandat qui lui a été donné en mai 2011 par le ministre du budget, le programme fonctionnel et de travaux, en complément de l'audit technique qu'elle a réalisé pendant l'été 2011. Sur cette base, elle a adressé en février 2012 une proposition de restructuration et remise aux normes complète de l'îlot Ségur-Fontenoy avec livraison en 2016 pour une surface utile brute de 46 500 m². Après un examen interministériel du dossier en mars 2012, il a été demandé à la SOVAFIM de présenter des options d'optimisation du projet. Elle les a portées à la connaissance du ministère du budget en mai 2012. Compte tenu de ces nouveaux éléments, il est proposé d'abandonner l'aménagement de quatre sous-sols de parcs de stationnement. Les modalités de montage de l'opération en vue de sa réalisation par la SOVAFIM, société anonyme dont l'État est actionnaire à 100%, sont en cours d'élaboration. Le premier acte à réaliser est le transfert des droits à la SOVAFIM par France domaine qui a remis son évaluation en septembre 2012. Le deuxième est la mise en place des autorisations d'engagement, afin de conclure le protocole locatif entre l'État et la SOVAFIM. Source : Services du Premier ministre |
Votre rapporteur considère que, au-delà du lieu d'implantation retenu, l'idée en soi d'un regroupement des autorités indépendantes est intéressante au regard des synergies et des économies d'échelle qu'elle peut engendrer. Elle attire l'attention du gouvernement sur le fait que ce regroupement ne doit pas se traduire par une déresponsabilisation des autorités quant à la gestion des locaux mis à leur disposition (économies d'énergie, rationalisation de l'espace, etc.).
Dans le fil de son précédent avis budgétaire, votre rapporteur souhaite néanmoins renouveler quelques réserves sur la conduite du projet .
Tout d'abord, elle s'interroge, au regard de l'implantation choisie, sur le coût que les autorités indépendantes devront in fine supporter en termes de loyer budgétaire mais aussi de charges locatives. Il ne faudrait pas que cette opération immobilière conduise à un alourdissement des dépenses immobilières, donc contraintes, pour les autorités indépendantes. Cette remarque vaut notamment pour le CGLPL dont l'exemplarité en matière immobilière est à souligner mais doit s'appliquer, sans dissimulation de coûts aucun, à toutes les autorités indépendantes concernées par une relocalisation potentielle.
Plus encore, votre rapporteur reste plus que sceptique quant à la tenue du délai affiché pour la livraison du bâtiment et l'installation des autorités indépendantes prévues pour 2016. Compte-tenu des retards inhérents aux chantiers de réhabilitation sans oublier le délai des recours contentieux qui ne manqueront certainement pas d'intervenir contre les autorisations d'urbanisme, il paraît raisonnable d'envisager un retard de la livraison. Or, cette situation obligerait à des renégociations sur le terme des actuels baux des autorités indépendantes logées dans le parc privé. Cela peut se traduire, pour le moins, autrement que par des augmentations conséquentes des loyers. Dans un tel cas de figure, ces négociations seraient menées dans des conditions peu favorables pour l'État.
Au demeurant, s'agissant du seul Défenseur des droits, les baux de ses locaux ont un terme commun au 30 novembre 2014. La livraison en 2016 oblige à une renégociation pour une durée limitée de leur terme, plaçant encore l'État dans une position délicate.
Comme la directrice des services administratifs et financiers l'indiquait à votre rapporteur lors de son audition, il a été demandé à la SOVAFIM, maître d'ouvrage délégué, d'étudier la livraison anticipée de l'immeuble Fontenoy, qui doit accueillir les autorités indépendantes, par rapport à celle de l'immeuble Ségur, destiné aux services gouvernementaux. Cette hypothèse, sous réserve des conditions précédemment énoncées, devrait être, aux yeux de votre rapporteur, impérativement privilégiée. Elle semble à la fois plus raisonnable en termes de délai comme de rationalisation des dépenses. Le regroupement des services du Premier ministre sur le site Ségur posera sans doute de nombreux problèmes notamment quant au devenir des immeubles qui seraient alors libérées et dont certains font partie intégrante du patrimoine national.
* 10 Compte-rendu intégral des débats du 2 décembre 2010 :
http://www.senat.fr/seances/s201012/s20101202/s20101202018.html#int2557