II. DES MOYENS EN PROGRESSION DES AUTORITÉS INDÉPENDANTES
Comme le relevaient en 2010, MM. René Dosière et Christian Vanneste, députés et auteurs d'un rapport sur les autorités administratives indépendantes 8 ( * ) (AAI), « quand bien même toutes les garanties formelles seraient accordées à l'AAI pour assurer son indépendance organique, l'indépendance réelle ne saurait prévaloir si des ressources suffisantes ne sont pas accordées à l'autorité » .
L'examen des moyens humains et immobiliers dont disposent les autorités indépendantes de ce programme est donc autant l'occasion pour votre rapporteur de veiller à la bonne adéquation des moyens avec leurs missions que de rendre compte du bon usage qui peut être fait de ces moyens . Cet exercice est d'autant plus salutaire qu'il n'est pas rare d'entendre, parmi les critiques adressées aux autorités indépendantes dans leur ensemble, qu'elles bénéficient d'un traitement de faveur en termes de ressources mises à leur disposition.
A. LA POLITIQUE DE RESSOURCES HUMAINES : UNE CLARIFICATION À POURSUIVRE
La politique de recrutement des autorités indépendantes est soumise aux mêmes contraintes que les ministères. Elles sont en effet tenues de respecter le plafond d'emplois ainsi que le caractère limitatif des crédits affectés aux dépenses de personnel (titre 2) qui ne peuvent aucunement être augmentés par le responsable de programme, par prélèvement sur les autres crédits à sa disposition.
Dans l'esprit du projet de loi de finances pour 2013, le présent programme marque un effort de maîtrise des effectifs même si ponctuellement, des hausses d'effectifs, certes modérées, sont à relever pour répondre à l'accroissement des missions.
1. La répartition très variable des emplois entre autorités indépendantes
Comme votre rapporteur le relevait précédemment pour les enveloppes budgétaires globales à la disposition des autorités indépendantes, leur masse salariale varie ainsi fortement d'une autorité à une autre.
Répartition et évolution des plafonds d'emploi des autorités indépendantes
Autorités |
Nombre d'ETPT en 2013 |
Variation par rapport à 2012 |
Commission nationale de l'informatique et des libertés |
175 |
+ 10 |
Conseil supérieur de l'audiovisuel |
290 |
- 3 |
Contrôleur général des lieux de privation de liberté |
28 |
+ 1 |
Commission d'accès aux documents administratifs |
13 |
0 |
Comité consultatif national d'éthique |
5 |
+1 |
Commission nationale consultative des droits de l'Homme |
7 |
0 |
Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité |
6 |
0 |
Commission consultative du secret de la défense nationale |
1 |
0 |
Défenseur des droits |
219 |
- 1 |
TOTAL |
744 |
+ 8 |
Source : Programme annuel de performance du programme budgétaire
A titre liminaire, votre rapporteur regrette que le plafond d'emploi ne prenne pas en compte l'ensemble des agents affectés à titre permanent auprès des autorités indépendantes . Ainsi, pour la CCSDN, le plafond d'emploi est fixé à 1 agent alors que, selon les indications fournies par la commission elle-même, le secrétariat général de cette autorité comporte 5 agents mis à disposition par les ministères de l'intérieur et de la défense : un secrétaire général, un officier-greffier, un policier national et deux adjoints administratifs. Un autre exemple du caractère partiel de ce plafond d'emploi est celui de la CNCDH qui, selon également les informations qu'elle a transmises à votre rapporteur, compte « une équipe de 4 stagiaires en permanence » pour soutenir les agents du secrétariat général.
S'agissant de l'évolution du plafond d'emploi, les effectifs se maintiennent globalement. Seule la CNIL bénéficie d'une augmentation significative de ses effectifs que votre rapporteur appelait d'ailleurs de ses voeux, lors de son précédent avis budgétaire, pour que la commission puisse effectivement assurer ses nouvelles missions. Néanmoins, il n'est pas acquis que ce renfort soit suffisant au regard de l'évolution des missions de la CNIL, le recul nécessaire quant à l'importance quantitative que ces missions représenteront n'existant pas encore. Ce point devra donc être l'objet de vigilance lors des années à venir.
Pour le contrôleur général des lieux de privation de liberté, l'emploi supplémentaire devrait, conformément à son souhait, venir renforcer le secrétariat qui ne comporte actuellement qu'un seul agent pour des tâches multiples.
D'autres autorités indépendantes voient leur plafond se stabiliser après une baisse progressive. Il en est ainsi du CCNE qui emploie actuellement 5 agents contre 7 personnes en 2008. Dans ce cas précis, votre rapporteur constate que le niveau fixé constitue désormais un plancher qui, s'il était encore abaissé, ne mettrait plus le comité en mesure d'assumer ses missions. Au demeurant, la baisse des effectifs n'équivaut pas nécessairement à des économies mais se traduit souvent par une externalisation des tâches qui pèse alors sur le budget de fonctionnement de l'autorité 9 ( * ) .
Conscientes des contraintes budgétaires auxquelles l'État doit faire face, plusieurs autorités indépendantes ont fait part à votre rapporteur de leur souci de faire peser les efforts en personnel en priorité sur les fonctions support pour maintenir leur capacité opérationnelle. Par exemple, le contrôleur général des lieux de privation de liberté a indiqué à votre rapporteur qu'il avait fait le choix, dès sa création, de ne recruter ni chauffeur, ni vaguemestre, ni webmaster.
2. La coexistence de multiples statuts professionnels au sein et entre autorités indépendantes
Le statut des agents employés par les autorités est très divers : fonctionnaires, contractuels de droit public ou de droit privé pour une durée déterminée ou non. Ce fait est remarqué tant entre les autorités indépendantes qu'en leur sein même.
Le recours massif par certaines autorités indépendantes à des contractuels, par exception à la priorité donnée aux fonctionnaires lors du recrutement à un emploi de l'État, s'explique par la recherche de personnels ne correspondant à aucune spécialité présente dans la fonction publique. Il en est ainsi de la CNIL pour les métiers très spécialisés en matière d'informatique.
Une autre raison avancée pour justifier le recours aux contractuels est l'indépendance des autorités. Ainsi, la CNCDH rappelle que « le fait que la très grande majorité de l'équipe soit constituée de contractuels est une volonté des Nations unies qui recommandent que le personnel des Institutions Nationales des Droits de l'Homme [ce que la CNDH est au regard de la résolution n° 48/134 de l'Assemblée générale des Nations unies du 20 décembre 1993] ne soit pas composé de plus de 25 % de fonctionnaires ». Cette justification est, eu égard aux garanties statutaires de la fonction publique française, moins forte que la précédente.
La coexistence de ces différents statuts n'est pas sans soulever des comparaisons entre agents . Cependant, conscientes de ce phénomène, les autorités indépendantes s'attachent à harmoniser les régimes notamment indemnitaires applicables aux agents quel que soit leur statut. La situation au sein de l'institution du Défenseur des droits est à cet égard marquante.
Un autre fait notable est la diversité des catégories de fonctionnaires employés par les autorités indépendantes.
Une forte concentration de fonctionnaires d'encadrement voire d'encadrement supérieur (catégorie A et « A + ») existe au CSA et au CGLPL. Cette situation se justifie pleinement au regard des missions de régulation de ces autorités.
A l'inverse, les autorités indépendantes de taille modeste, telles que la CNCIS ou la CCSDN rémunèrent du personnel relevant majoritairement de la catégorie C. Cette situation tient compte du fait que ces autorités indépendantes fonctionnent grâce à des collaborateurs extérieurs, rémunérés pour leurs prestations, ou par les membres de l'autorité qui exercent cette fonction, à titre accessoire, et perçoivent alors un complément de rémunération.
* 8 Rapport d'information n° 2925 (2010-2011) de MM. René Dosière et Christian Vanneste, fait au nom du comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques sur les autorités administratives indépendantes - octobre 2010
* 9 Dans ses réponses au questionnaire adressé par votre rapporteur, le CCNE indiquait, par souci de comparaison, que la retranscription des réunions du comité exigeait de faire appel à une sténotypiste extérieure pour un coût annuel en 2012 d'au moins 18 000 euros alors qu'en Allemagne et au Royaume-Uni, les homologues du comité disposaient en interne d'un personnel dédié à cette tâche.