III. LE DÉFENSEUR DES DROITS : PREMIER BILAN D'UNE NOUVELLE INSTITUTION
Créé à l'occasion de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, le Défenseur des droits est désormais prévu à l'article 71-1 de la Constitution. Cette institution est chargée de veiller au respect des droits et libertés par les administrations de l'État, les collectivités territoriales, les établissements publics ainsi que par tout organisme investi d'une mission de service public.
La Constitution renvoie largement à la loi organique pour fixer ses modalités de saisine, ses attributions et ses modalités d'intervention, son régime d'incompatibilités. Cette délégation au législateur organique n'avait pas manqué de susciter, au cours des débats parlementaires au Sénat, des réserves quant à l'étrangeté consistant à créer au niveau constitutionnel une autorité indépendante sans en préciser clairement les contours.
Au terme de débats parlementaires nourris, la loi organique n°2011-333 du 29 mars 2011, précisée par la loi n° 2011-334 du même jour, a fixé les règles d'organisation et de fonctionnement de l'institution du Défenseur des droits. Cette loi organique intervenait ainsi près de trois ans après l'adoption de la loi constitutionnelle.
A ce retard, s'ajoutait une certaine impréparation dans l'installation de cette nouvelle autorité constitutionnelle indépendante notamment sur le plan logistique. Plus grave encore fut la nomination tardive de M. Dominique Baudis 11 ( * ) , premier Défenseur des droits, par décret du 23 juin 2011 alors même qu'en application de l'article 44 de la loi organique précitée, le médiateur de la République avait disparu dès le 31 mars 2011 et le Défenseur des enfants, la HALDE et la CNDS le 1 er mai 2011. Pendant quelques semaines, la continuité des institutions n'a donc été assurée que par les services administratifs, eux-mêmes en attente de consignes de la part du secrétaire général du gouvernement, ce qui, pour une autorité indépendante, pouvait mal augurer de son avenir.
Comme l'avait souligné votre rapporteur dans son précédent avis budgétaire, cette nomination tardive, qui retardait d'autant plus la nomination des adjoints et des collèges et le rapprochement des services, a été préjudiciable à la mise en place de l'institution du Défenseur des droits. C'est ainsi seulement en septembre 2011qu'ont été installés les trois collèges prévus par la loi organique pour assister le Défenseur des droits
Cette nomination a également retardé à juillet 2011 la publication des mesures réglementaires sur lesquelles le Défenseur des droits a été légitimement consulté 12 ( * ) .
Votre rapporteur, comme son prédécesseur, M. Jean-Claude Peyronnet, a déjà exprimé sa perplexité devant l'absence d'anticipation de la mise en place effective du Défenseur des droits alors même que sa création était présentée en 2008 comme une mesure emblématique de la révision constitutionnelle.
Désormais, l'ensemble du cadre juridique régissant cette nouvelle autorité indépendante est en vigueur et appelle, pour votre rapporteur, un premier bilan des moyens tant juridiques que financiers à la disposition de l'institution, après un an d'existence.
A. UNE FUSION EN VOIE D'ACHÈVEMENT DES AUTORITÉS INDÉPENDANTES AU PROFIT DU DÉFENSEUR DES DROITS
La fusion des quatre autorités indépendantes préexistantes a conduit le Défenseur des droits à reprendre les quatre budgets antérieurs, les personnels des autorités et leurs compétences . Il s'est ainsi complètement substitué à elles, non seulement dans ses missions, mais aussi du point de vue de la gestion des ressources humaines et des moyens immobiliers et financiers. Cette situation n'a pas été sans créer des difficultés dont votre rapporteur constate qu'elles ont été appréhendées et traitées avec lucidité par le Défenseur des droits.
Cette fusion a été d'autant plus délicate qu'elle s'est déroulée à moyens constants en 2011 et 2012, ce qui n'a pas été toujours le cas de précédentes fusions d'autorités et en dépit donc des surcharges temporaires ou pérennes mais certaines, générées lors d'une telle opération (frais de déménagement, harmonisation des conditions indemnitaires, etc.).
1. Une réorganisation des services de l'institution
Le remplacement de quatre autorités administratives indépendantes par le Défenseur des droits a impliqué le rapprochement de quatre administrations différentes . Le rapprochement a permis des gains sur les emplois puisque ont été principalement réduits les effectifs des fonctions support et de postes de responsabilité qui ont été fusionnés ou non remplacés au départ des agents. Selon les services de l'institution, entre 2010 et 2012, le nombre d'agents ayant un emploi en rapport avec les fonctions support a diminué de 40 % jusqu'à ne plus compter que pour moins de 10 % des emplois.
a) Une harmonisation des conditions de travail et de rémunération des agents
Ces services étaient en nombre d'inégale importance. La diversité des services fusionnés se manifestait également sur le plan des situations administratives et indemnitaires des agents.
Votre rapporteur tient à souligner les efforts importants de la direction générale de l'institution pour mener, sous l'autorité du Défenseur des droits, un dialogue social constructif et aboutir à une convergence des conditions de rémunération et de travail . Ce travail dont il ne faut négliger ni l'ampleur ni l'effet a abouti en 2012 à la création d'un cadre de gestion commun à tous les agents employés par l'institution.
Votre rapporteur a pu constater que le souci de créer une culture commune , sans nier les nécessaires spécificités des missions, était un souci constant du Défenseur des droits. Les services en provenance des différentes autorités indépendantes ont apporté leurs habitudes de travail qu'il a ainsi fallu harmoniser. Pour prendre une illustration de ce processus et comme l'ont indiqué à votre rapporteur les services de l'institution, le décompte des délais d'instruction des demandes reçues était apprécié de manière différente par les anciennes autorités, certaines faisant débuter le délai à la réception de la demande, d'autres à la prise en charge du dossier par l'agent instructeur. Plus fondamentalement, les orientations des autorités désormais fusionnées pouvaient différer sensiblement, obligeant à redéfinir une stratégie globale pour l'institution. L'un des exemples les plus frappants demeure dans la différence d'approche entre le médiateur de la République qui favorisait le traitement pré-contentieux des affaires qui lui étaient soumises tandis que la HALDE s'orientait plus facilement vers les juridictions pour tenter de créer des précédents et ainsi fonder la lutte contre les discriminations sur des exemples médiatisés et la création de jurisprudences.
Votre rapporteur est consciente qu'en l'espace d'une année l'ensemble des disparités n'a pu être aplani mais retient la trajectoire vers la constitution d'une culture commune, sans déperdition de la mémoire et de l'expérience des services.
Ce rapprochement s'est déroulé dans le respect du dialogue social. Lors des élections professionnelles de novembre 2011, une forte mobilisation a été enregistrée puisque le taux de participation à l'élection des représentants du personnel au sein de ces structures s'est élevé à 86% pour le comité technique et 82% pour la commission consultative paritaire. Le comité technique et le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ont été réunis à plusieurs reprises depuis leur installation. Ainsi, le cadre de gestion a recueilli un avis favorable à l'unanimité des membres de la commission consultative paritaire ; le Défenseur des droits s'est ainsi félicité de cette avancée « à l'issue de quatre réunions de travail constructives avec les deux organisations représentatives CFDT et SAPPM » .
b) Une nouvelle entrée unique pour les réclamants
La réorganisation des services a eu pour effet d'offrir aux réclamants, pour l'ensemble des compétences exercées par le Défenseur des droits et autrefois exercées par les quatre autorités fusionnées, un guichet unique pour adresser leurs réclamations .
Cette nouveauté constitue un gain autant pour eux que pour les services puisqu'elle évite les renvois entre autorités pour incompétence de la première autorité saisie. La fusion présente un même avantage pour les réclamations qui pouvaient relever de la compétence de plusieurs autorités indépendantes et qui sont dorénavant traitées, sous les différents aspects, par une seule autorité. Lors de son audition du 4 avril 2012, le Défenseur des droits a pris, devant votre commission, l'exemple d'une famille dont le fils handicapé ne peut être inscrit dans un établissement d'enseignement et qui relevait auparavant du médiateur de la République, de la Défenseure des enfants et/ou de la HALDE ; désormais, la réclamation est traitée par le seul Défenseur des droits. Le Défenseur des droits évalue ainsi à 10 % le nombre de réclamations relevant d'au moins deux missions de l'institution.
De même, il a souligné la mise en commun de services qui auparavant ne bénéficiaient qu'à une seule autorité indépendante : c'est le cas du pôle « Santé et sécurité des soins » autrefois rattaché au médiateur de la République.
De manière générale, la saisine et le rythme de traitement des réclamations par le Défenseur des droits ont peu évolué par rapport aux anciennes autorités indépendantes . La légère baisse constatée en 2011 s'explique par la fusion des autorités qui évite le renvoi de réclamations d'une autorité à une autre voire le phénomène de « multi-saisines ». Or, ces réclamations étaient comptabilisées par plusieurs autorités indépendantes, aussi bien au titre des réclamations reçues que de celles traitées, une simple réorientation étant enregistrée comme un traitement de dossier.
La nouvelle institution a connu des évolutions contrastées en termes de demandes émanant des réclamants. Concernant la défense des enfants, le nombre de dossiers reçus a augmenté entre 2010 et 2011 de 19,6 % et le nombre de ceux traités de 4,7% tandis que pour la déontologie de la sécurité les données sont plus spectaculaires avec une hausse de dossiers reçus de 96,2 % et une baisse de dossiers traités de 5,1 %. La hausse des demandes pour la déontologie de la sécurité s'explique aisément par la disparition du filtre parlementaire qui existait pour la CNDS. Le nombre des dossiers relatifs à la médiation avec les services publics est resté globalement stable. En revanche, une baisse de l'ordre de 30 % des dossiers relatifs à la lutte contre les discriminations a été enregistrée. Ce constat doit cependant être nuancé car le nombre d'affaires instruites, car recevables, est resté stable. Le Défenseur des droits en conclut que « ce sont principalement des acteurs organisés et informés qui ont continué de [le] saisir (associations en particulier) qui effectuent elles-mêmes une présélection et adressent des réclamations immédiatement exploitables ».
2. Un éclatement géographique des services
La fusion des quatre autorités administratives indépendantes s'est opérée, lors de la création du Défenseur des droits, sans modification des implantations immobilières. Du fait de l'installation hâtive de la nouvelle institution en raison de l'impréparation précédemment rappelée par votre rapporteur, une implantation unique pour les services du Défenseur des droits n'a pas été possible. Comme l'avait dénoncé votre rapporteur, la question de la localisation de ces services n'avait pas fait l'objet d'un travail en amont, le délai d'examen de la loi organique devant le Parlement débuté en juin 2010 n'ayant pas été mis à profit par le précédent gouvernement.
A l'automne 2011, les services du Défenseur des droits étaient donc répartis entre quatre sites, sièges des anciennes autorités administratives indépendantes :
- 7, rue Saint-Florentin (Paris - VIIIème), ancien siège du médiateur de la République ;
- 9-11, rue Saint-Georges (Paris - IXème), ancien siège de la HALDE ;
- 104, boulevard Auguste Blanqui (Paris - XIIème), ancien siège du-Défenseur des enfants ;
- 62, boulevard de la Tour Maubourg (Paris - VIIème), ancien siège de la CNDS.
Le Défenseur des droits a souhaité fort logiquement réunir l'ensemble de ses services en un site unique qui favoriserait une unité administrative entre les différents services . Dans cette démarche, il a cependant rencontré des obstacles juridiques.
Le Défenseur des droits s'est ainsi vu contraint de conserver les anciens sites de la HALDE et du médiateur de la République jusqu'au terme des baux respectivement fixés au 14 janvier 2014 et au 30 novembre 2014.En effet, leurs baux ne comportaient pas de clause de sortie anticipée en cas de disparition. Comme le relevait le Défenseur des droits dans sa réponse au rapporteur, « ces institutions n'ayant pas la personnalité juridique, l'État n'a pu exciper de leur disparition pour dénoncer le bail ».
Le Défenseur des droits a pu néanmoins, au terme d'un an, réunir ses services sur ces deux sites en mettant fin aux implantations précédemment occupées par la CNDS et le Défenseur des enfants.
Pour accueillir les agents de ces locaux abandonnés, l'implantation immobilière située rue Saint-Georges a été étendue par la location de surfaces supplémentaires au rez-de-chaussée de l'immeuble occupé. De même, le bail de cette implantation a été prolongé jusqu'au 30 novembre 2014, ce qui a pour effet de fixer un terme commun aux baux de l'ensemble des locaux du Défenseur des droits.
Ces opérations immobilières ont même conduit à réduire la surface totale des locaux de l'institution par une meilleure occupation des locaux loués.
Votre rapporteur salue les efforts déployés par l'administration de l'institution et la volonté du Défenseur des droits de réunir les services administratifs en un seul lieu, ce qui paraît indispensable pour créer une culture commune et bénéficier pleinement de la synergie et des gains d'échelle qui étaient attendus de cette fusion.
La double localisation est donc, pour votre rapporteur, une avancée notable vers cet objectif d'implantation unique que partage le Défenseur de droits. Le projet immobilier Ségur-Fontenoy peut constituer à terme la solution attendue sous les réserves précédemment exprimées par votre rapporteur.
3. Une gouvernance de l'institution en construction
Le Défenseur des droits est une autorité indépendante qui, à l'instar de l'ancien médiateur de la République ou du contrôleur général des lieux de privation de liberté, n'est pas collégiale mais incarnée par une personne. Toutefois, Le Sénat, à l'initiative de votre commission, a décidé de compléter l'institution par des adjoints au Défenseur des droits pour mieux représenter les grandes missions qui lui incombaient désormais. Votre rapporteur, M. Patrice Gélard, justifiait alors cette initiative 13 ( * ) : « ces considérations ont conduit votre commission à compléter l'organisation interne du Défenseur des droits, afin de lui permettre d'assumer plus aisément ses compétences, sans rien perdre de son autorité, et d'assurer une identification rapide par l'opinion publique de ses différents secteurs d'intervention ».
a) Le rôle d'appui des adjoints
Choisis en fonctions de leurs connaissances ou leur expérience dans leur domaine, les adjoints du Défenseur des droits sont nommés par le Premier ministre sur proposition du Défenseur des droits. L'article 11 de la loi organique du 29 mars 2011 précise que ces adjoints « sont placés auprès du Défenseur des droits et sous son autorité » et que ce dernier peut leur déléguer certaines attributions dans leur domaine de compétences, leur confier la présidence du collège ou la représentation de l'institution auprès des organisations rassemblant les autorités indépendantes de pays tiers chargées de la protection des droits et libertés. Sans devenir des défenseurs-adjoints, ces adjoints ont vocation à prendre en charge un secteur défini de l'action de l'institution 14 ( * ) .
Comme le relevait le Défenseur des droits dans sa réponse adressée à votre rapporteur, les adjoints ont un « rôle de conseil et d'appui ». Pour preuve, « le Défenseur des droits organise d'ailleurs des réunions de coordination hebdomadaires afin de définir, de façon concertée, la stratégie d'intervention de l'institution ». En outre, « le Défenseur leur a confié l'animation de groupes de travail thématiques, réunissant certains membres des collèges et des experts, afin de formuler des recommandations précises, axées sur des changements de pratiques ou des propositions de réformes législatives ou réglementaires », ce qui est, aux yeux de votre rapporteur, un excellent moyen de laisser aux adjoints une part d'autonomie dans leur domaine tout en respectant l'unité de la nouvelle institution et l'autorité du Défenseur des droits.
La loi organique a elle-même prévu la création obligatoire de trois adjoints :
- l'un pour la défense et de la promotion des droits de l'enfant qui prend alors le titre de Défenseur des enfants ;
- l'autre pour la déontologie dans le domaine de la sécurité ;
- le dernier en matière de lutte contre les discriminations et de la promotion de l'égalité.
Cette liste n'est cependant exhaustive comme en témoigne la rédaction de l'article 11 qui emploie un « dont » avant d'énumérer les adjoints dont l'existence est prévue directement par la loi organique. Au nom de la commission, M. Patrice Gélard, insistait dans son rapport 15 ( * ) sur le fait que le Défenseur des droits a « la possibilité de nommer d'autres adjoints auxquels il souhaiterait confier des missions spécifiques pour renforcer son organisation interne ».
Actuellement, aux trois adjoints dont la création est rendue obligatoire par la loi organique, s'ajoute un délégué général à la médiation de la République qui n'a pas le rang d'adjoint . Dans son précédent avis budgétaire, votre rapporteur avait relevé ce choix du Défenseur des droits, justifié par le souhait de ne pas créer un adjoint sans collège, ni, par effet de jurisprudence, à entraîner de nouvelles demandes qui conduirait à diluer ainsi les responsabilités.
Votre rapporteur avait invité le Défenseur des droits à évaluer la pertinence de cette organisation. Au terme de ses travaux, elle est désormais convaincue que le maintien d'un délégué général n'offre ni la même visibilité qu'un adjoint pour la mission, pourtant fondamentale, de médiation avec les services publics, ni le même regard au sein de l'institution. Elle peut donner l'impression aux services dédiés à cette mission que cette compétence confiée au Défenseur des droits ne revêt pas la même importance que les autres. Aussi, votre rapporteur souhaite-t-elle que le Défenseur des droits puisse élever l'actuel délégué général au rang d'adjoint . Le fait qu'il n'existe pas de collège pour cette compétence ne peut être une raison suffisante en elle-même pour ne pas au moins étudier cette question.
b) La fonction d'orientation des collèges
L'article 71-1 de la Constitution dispose que la loi organique peut établir des collèges chargés d'assister le Défenseur des droits pour l'exercice de certaines de ses attributions, à l'image de la HALDE. La loi organique a limitativement prévu trois collèges dont la composition, outre le Défenseur des droits et l'adjoint concerné, varie entre 6 et 8 membres désignés par plusieurs autorités en raison de leurs connaissances ou de leur expérience dans le domaine concerné. Leur règlement intérieur, prévu par la loi organique, a été adopté le 22 novembre 2011.
Les collèges sont saisis lorsque, selon les termes de la loi organique, une question nouvelle se pose. Votre rapporteur a pu constater que le Défenseur des droits associait régulièrement les collèges puisque entre septembre 2011 et juillet 2012, 19 réunions plénières ont eu lieu. Les collèges sont amenés à délibérer sur toute « question nouvelle », selon les termes de la loi organique. Le Défenseur des droits a entendu largement cette disposition en soumettant aux collèges concernés les questions de principe qui pourraient conditionner le sort d'une série de dossiers ou dès lors que l'affaire est significative, ce qui est le cas, en matière de déontologie de la sécurité, lorsqu'a été enregistré un décès ou des blessures graves.
La loi organique a prévu une possibilité intéressante avec, à l'article 12, la faculté pour le Défenseur des droits de convoquer « une réunion conjointe de plusieurs collèges et de ses adjoints afin de la consulter sur les réclamations ou les questions qui intéressent plusieurs de ses domaines de compétence, ou qui présentent une difficulté particulière ». Cette possibilité a été utilisée le 26 mars 2012 et a semblé particulièrement fructueuse, ce qui devrait inciter à renouveler cette expérience.
En revanche, une fois l'avis rendu, le Défenseur des droits reste la seule autorité décisionnelle, conformément à la volonté du législateur organique. Cependant, le Défenseur des droits a jusqu'à présent suivi systématiquement les avis des collèges et les a publiés sur le site internet de l'institution.
Ces collèges sont présidés par le Défenseur des droits ou l'adjoint concerné qui en est le vice-président. Lors de son audition devant votre commission, le 6 novembre 20212, le Défenseur des droits a souligné, à une exception près, la participation active des membres de ses collèges et a indiqué les réunir environ tous les six semaines. Il indiquait également à votre commission, s'agissant de ces collèges : « Je préside chacun personnellement, les adjointes que j'ai choisies assurant la vice-présidence. [...] Il faut dire que le nombre de membres de chaque collège est limité, ce qui permet à chacun de prendre la parole. Je fixe l'ordre du jour, en relation avec l'adjointe concernée, le secrétaire général et les services. Mais je fais droit à toutes les demandes qui me sont adressées par les membres de chaque collège, qu'il s'agisse d'ajouter un point à l'ordre du jour ou des questions diverses . »
Les collèges remplissent donc la fonction pour laquelle ils ont été créés à savoir, selon les termes de notre collègue Patrice Gélard dans son rapport 16 ( * ) , offrir « des garanties d'expertise pluridisciplinaire » et par les échanges avec le Défenseur, « assurer la vitalité de l'institution et lui permettre de donner les meilleures réponses possibles aux réclamations qui lui sont adressées » .
Sans modifier les équilibres internes de l'institution et pour donner tout son sens aux collèges, l'initiative de leurs membres pourrait progressivement se renforcer par la définition de thématiques plus précises prises en charge par chaque membre. Les membres de la CNIL bénéficient ainsi d'un secteur d'attributions qui leur permet d'attirer l'attention de la présidente sur ce domaine et permet de mieux associer en amont le collège.
4. Un réseau territorial à consolider
La fusion des services des sièges des anciennes autorités administratives indépendantes s'est doublée d'un même mouvement pour les réseaux de leurs délégués.
Ces délégués, bénévoles, assuraient pour le compte des précédentes autorités indépendantes, l'information du public et constituaient ainsi un relais de proximité irremplaçable . Les délégués du Défenseur des droits traitent ainsi près de 80% des demandes qui sont adressées à l'institution.
Lors de son audition devant votre commission, le 4 avril 2012, M. Dominique Baudis, Défenseur des droits, résumait ainsi son action : « Lors de ma prise de fonctions, j'ai trouvé trois réseaux territoriaux : celui des délégués territoriaux du Médiateur, environ 300 personnes, celui des correspondants de la Halde, environ 100 personnes, et celui de la Défenseure des enfants, environ 30 personnes - qui n'était donc présente que dans un petit tiers des départements. J'ai regroupé les trois réseaux ; cela fait 430 personnes, qui reçoivent le public dans 650 points d'accueil en métropole et outre-mer. »
Le Défenseur des droits a également confirmé à votre commission que ses délégués territoriaux continuaient, après un temps d'incertitude, leur travail en milieu carcéral où il a convenu qu'il était plus difficile pour les détenus de faire valoir leurs droits.
S'appuyant sur les réseaux existants, le Défenseur des droits a donc maintenu un maillage équivalent sous réserve de coordination entre les délégués existants, ce qui a eu pour effet de considérablement augmenter l'implantation territoriale de l'autorité indépendante par rapport à ses prédécesseurs.
Le Défenseur des droits s'est attaché à préciser, dans le cadre de la délégation qu'il a consentie à ses délégués territoriaux, l'articulation entre les services centraux de l'institution et les délégués territoriaux . Chaque délégué doit constituer pour les demandeurs un « point d'entrée unique », quelle que soit sa compétence dominante. Pour assurer un accueil unifié (accueil et écoute de la personne, analyse de la recevabilité), 400 délégués ont été formés en 2012. Le délégué assure donc le rôle d'un filtre de recevabilité et traite l'affaire si elle présente un caractère local et peut connaître un règlement amiable 17 ( * ) ; sinon, elle est adressée à un collègue compétent pour la traiter ou, à défaut, aux services centraux.
Le Défenseur relevait lui-même que ces délégués présentaient un coût financier limité pour l'institution au regard des services rendus . Il estime ainsi le coût annuel d'un délégué à 6 021 euros par an 18 ( * ) , défraiement et charges de fonctionnement compris. Lors de son audition d'avril 2012 devant votre commission, M. Baudis dressait ainsi le portrait de ces bénévoles : « pour la plupart, ce sont de jeunes retraités de la fonction publique ayant eu des responsabilités élevées ».
Pour votre rapporteur, ces délégués territoriaux ont, pour un coût réduit, une utilité indéniable et participent à l'enracinement de cette nouvelle autorité indépendante dans le paysage institutionnel.
* 11 En application de l'article 71-1 de la Constitution, la nomination de M. Dominique Baudis a été préalablement soumise par le président de la République à l'examen des commissions permanentes des assemblées parlementaires qui ne se sont pas opposées à cette nomination par le chef de l'État.
* 12 Sont désormais applicables les décrets n° 2011-904 et n° 2011-905 du 29 juillet 2001 relatifs respectivement à la procédure applicable devant le Défenseur des droits et à l'organisation ainsi qu'au fonctionnement de l'institution.
* 13 Rapport n° 482 (2009-2010) de M. Patrice Gélard, fait au nom de la commission des lois - 19 mai 2010 : http://www.senat.fr/rap/l09-482/l09-482.html
* 14 En première lecture de l'examen du projet de loi organique, votre commission avait même proposé de soumettre la nomination des adjoints à la même procédure devant les commissions permanentes des assemblées parlementaires que le Défenseur des droits.
* 15 Rapport n° 482 (2009-2010) de M. Patrice Gélard, fait au nom de la commission des lois - 19 mai 2010 : http://www.senat.fr/rap/l09-482/l09-482.html
* 16 Rapport préc. p. 31.
* 17 Du fait de la sensibilité du sujet, les dossiers relatifs à la déontologie de la sécurité sont systématiquement traités par le siège de l'institution.
* 18 En application de l'article 9 de la loi n°2011-334 du 29 mars 2011, les délégués du Défenseur des droits perçoivent une indemnité représentative de frais d'un montant mensuel de 370 €.