III. LE CINÉMA
A. UN SECTEUR GLOBALEMENT EN CROISSANCE
1. La production cinématographique : un nouveau record historique
En 2011 , l'activité de production de films cinématographiques atteint un nouveau record historique : 272 films ont été agréés, soit 4,2 % de plus qu'en 2010, avec 11 films supplémentaires. Cette augmentation est cependant moins importante qu'entre 2009 et 2010 (+ 13,5 %). Cette augmentation est moins due au nombre de films d'initiative française qui tend à se stabiliser, qu'au nombre de premiers et de deuxièmes films qui augmente à nouveau après un recul en 2010.
Les investissements dans les films agréés accusent une légère baisse (- 3,5 %) et se stabilisent autour de 1,4 milliard d'euros. Néanmoins, les investissements dans les films d'initiative française affichent une augmentation mesurée de 1,4 %. Le nombre de coproductions internationales s'établit à 120 films, soit le plus haut niveau jamais enregistré depuis 1980 et représentent 44,1 % de l'ensemble des films agréés, contre 45,2 % en 2010.
Le nombre de films intégralement financés par la France s'établit à 152 en 2011 (contre 143 films en 2010), soit 73,4 % des films d'initiative française agréés (67,5 % en 2010).
Enfin, le nombre de films à devis dit moyen, compris entre 4 et 7 millions d'euros, a reculé en 2010 tandis que le nombre de ceux aux devis les plus faibles, c'est-à-dire inférieur à 2 millions d'euros, a augmenté. Les films d'initiative française dont le devis est supérieur à 7 millions d'euros recueillent 60 % des financements, pour 25,6 % des titres, soit une stabilisation par rapport à 2010.
Votre rapporteur pour avis relève que la question de l'exposition des films continue de se poser avec beaucoup d'acuité.
2. Le secteur de la distribution : une concentration croissante des acteurs
Le secteur de la distribution comprend un tissu diversifié d'entreprises, dont la concentration continue cependant de s'accroître :
- les dix premières entreprises ont réalisé, comme en 2010, plus de 76 % des encaissements en 2011 . Il s'agit notamment des filiales des entreprises intégrées, celles des majors américaines et des services de télévision ainsi que quelques grosses sociétés indépendantes ;
- les autres distributeurs indépendants sont de taille variable et diffusent majoritairement un cinéma d'auteur et de recherche. Certains d'entre eux sont en situation de fragilité financière.
Entre 2004 et 2010, quasiment tous les postes de distribution connaissent une baisse de leurs dépenses moyennes par film : - 15,9 % pour les frais divers de promotion, - 17,4 % pour les achats d'espaces et - 18,8 % pour les frais de laboratoire. Ces diminutions sont essentiellement dues à la progression d'Internet comme outil de promotion de plus en plus incontournable pour les petites combinaisons de sortie. Le seul poste en progression est celui des dépenses en matériel publicitaire. En moyenne, le coût définitif d'un film d'initiative française s'établit à 6,2 millions d'euros pour les films de 2010, celui de la distribution représentant 9,2 %. Réaffirmée dans le Livre Blanc des Distributeurs indépendants réunis européens (DIRE), actualisé en mars 2012, la tendance à la concentration de l'aval du secteur continue son accentuation avec l'arrivée du numérique dans l'ensemble de la filière.
3. La fréquentation cinématographique : au plus haut niveau depuis 1966
a) Portée par quelques très gros succès, la tendance est à la hausse
(1) Une augmentation importante de la fréquentation de toutes les catégories de publics
La moyenne nationale du nombre annuel d'entrées par spectateur a augmenté de façon linéaire depuis 1993 , passant de 4,6 entrées à 5,4 en 2011 . En 2011, ce sont près de 40 millions de Français âgés de six ans et plus qui sont allés au moins une fois au cinéma . Ce nombre est en hausse de 3,4 % par rapport à 2010. Depuis deux ans, plus des deux tiers des Français vont au cinéma chaque année, contre 61 % dix ans plus tôt et 55,4 % en 1993.
Si les moins de 25 ans constituent la tranche d'âge la plus consommatrice de cinéma (5,5 entrées par an pour les 15-19 ans, 7,7 pour les 20-24 ans), ce sont les seniors qui, pour la première fois en 2011, deviennent la population cinématographique la plus importante (33,6 %). A ce titre, on assiste à un vieillissement général de la population cinématographique (60 % des plus de 50 ans fréquentent les salles de cinéma en 2011) et à une progression du public habitué.
En 2011, le record de 216,63 millions d'entrées (hausse de 5,2 % par rapport à 2010) est établi, niveau jamais observé depuis 1966 !
Néanmoins , selon les dernières estimations de la direction des études, des statistiques et de la prospective du CNC, 160,97 millions d'entrées ont été réalisées au cours des dix premiers mois de l'année 2012, soit 2,4 % de moins qu'au cours de la même période en 2011.
(2) Un accroissement de la part de marché des films français
Après deux années consécutives de recul, la part de marché en recettes du cinéma français en salle s'établit à 40,9 % en 2011 (contre 35,7 % en 2010). Cette hausse est générée par une augmentation importante des entrées pour des films français : 88,63 millions d'entrées soit une progression de 19,6 % par rapport à 2010 et le plus haut niveau depuis 1984. Sur la période janvier-octobre 2012, la tendance est même renforcée avec 42,3 % de part de marché des films français contre 35,8 % sur la même période en 2011.
Même si cette part tient surtout à la performance d'un film, Intouchables (avec 16,6 millions d'entrées), il faut aussi mettre en avant la moindre concentration des entrées, notamment dans le poids des 20, 30, 50 et 100 premiers films. La tendance au tassement de la place du cinéma français observée les années passées est donc à relativiser.
En dépit d'un nombre croissant de films français programmés sur les écrans étrangers (486 titres en 2011, contre 429 en 2010), l'année 2011 se caractérise par un déficit de films en langue française à fort potentiel international (mis à part Intouchables ). Ces films ont réalisé 71,7 millions d'entrées à l'étranger, soit une progression de 20,3 % par rapport à 2010, les recettes aux guichets augmentant encore plus fortement (+ 27,2 %) : ces performances s'expliquent principalement par un regain d'intérêt sur la plupart des territoires majeurs comme les États-Unis et l'Allemagne, tout en masquant les performances modestes des films d'initiative française ainsi que des films en langue originale française.
b) Un parc en croissance mais une attention soutenue à porter aux petites exploitations
5 464 salles sont actives en France en 2011, soit une seule de moins qu'en 2010. Ce solde résulte de la fermeture provisoire ou définitive de 76 écrans et de l'ouverture ou réouverture de 75 écrans. Néanmoins, le nombre d'établissements continue de chuter de façon quasi continue depuis 2002 (2 030 établissements recensés en 2011, contre 2 145 en 2002).
La contraction du nombre d'établissements, que l'on doit corréler à la progression du nombre d'écrans, s'explique essentiellement par le développement des multiplexes (établissements dotés de 8 écrans au moins) : l'expansion de structures déjà existantes et l'implantation de nouvelles forcent des établissements de petite taille, mais aussi désormais de taille moyenne, à fermer. Néanmoins, le parc de salles a su rester stable .
Les investissements en faveur d'une modernisation , concernant la numérisation mais aussi le confort, l'accès, concourent à renforcer l' attractivité du secteur et, par conséquent, la fréquentation.
Il est à noter que la pénétration du cinéma progresse dans les zones les moins densément peuplées : pour la deuxième année consécutive, les zones rurales et les agglomérations de moins de 20 000 habitants contribuent légèrement à l'élargissement de la population cinématographique en 2011. En effet, Paris et les agglomérations de plus de 100 000 habitants ne concentrent plus la majorité des spectateurs depuis quelques années (45 %) même si elles captent toujours la plus grande part des entrées (58,8 %).
Le maillage territorial que forme le réseau des salles de cinéma en France est unique au monde par sa densité et sa vitalité, notamment dans un contexte de crise économique . A ce titre, les statistiques dans le reste de l'Europe et dans le monde sont beaucoup plus mauvaises avec des diminutions de fréquentation de 7,9 % en Italie, de 5,4 % en Espagne et de 4,7 % aux États-Unis.
B. DES MODES DE FINANCEMENT PUBLICS À SÉCURISER
1. Un CNC à conforter et à réconforter !
a) Les priorités pour 2013
Le document stratégique de performance du CNC pour 2013 précise ses priorités pour l'année à venir : il s'agit de la réforme de maillons essentiels à la diffusion des oeuvres, qui n'avaient pas été revus depuis plusieurs années. Seront ainsi revalorisés tant le soutien à la distribution (volets automatique et sélectif) que le soutien automatique à l'exploitation.
Le soutien automatique serait ainsi revalorisé globalement à hauteur de 6 % pour l'ensemble de l'exploitation, à partir du 1 er janvier 2013. Cette réévaluation s'inscrit dans un contexte où le soutien automatique a connu une érosion mécanique, liée au franchissement de paliers de fréquentation par certains opérateurs et à la place prépondérante aujourd'hui occupée par la grande exploitation. Le président du CNC a assuré que cette revalorisation « ne contribuerait pas à accroître les écarts entre petite, moyenne ou grande exploitation » .
Les autres dispositifs de soutien seront, en revanche, mis sous tension, en préservant quelques priorités très ciblées :
- l'éducation à l'image,
- la sauvegarde et la valorisation du patrimoine en région, plate-forme Internet et inventaire,
- le soutien à la création de musique originale pour les oeuvres cinématographiques et audiovisuelles,
- l'aide à l'audio description et au sous-titrage pour favoriser l'accessibilité des oeuvres.
b) Des recettes partiellement en suspens
(1) Des taxes directement affectées
Rappelons que les ressources du CNC sont constituées du produit de taxes affectées, prélevées sur les diffuseurs de films en vue d'alimenter le compte de soutien aux professionnels du secteur.
Leur montant total pour 2013 est estimé à près de 700 millions d'euros . Il ne fait pas l'objet d'écrêtement. Rappelons que les recettes du CNC avaient progressé de 54,6 % en 7 ans, entre 2004 et 2011.
Ces taxes ont été créées et adaptées (dans leur assiette et leur taux) au fur et à mesure des évolutions technologiques et des marchés concernés. Il s'agit de :
- la taxe sur les entrées en salle de cinéma ( TSA ), dont le taux est fixé à 10,72 % du prix d'un billet de cinéma et le produit évalué à 133,2 millions d'euros pour 2013, en baisse de 3,5 % par rapport aux recettes probables de 2012 ;
- les taxes vidéo et vidéo à la demande (VàD) : assises sur le chiffre d'affaires des secteurs de l'édition de vidéo physique et de vidéo à la demande, leur taux est fixé à 2 %. Leur produit est estimé à 30,25 millions d'euros pour 2013, en baisse d'environ 7 % compte tenu du tassement du marché ;
- la taxe sur les services de télévision ( TST ), dont le produit est évalué à 537,2 millions d'euros pour 2013, en recul de 0,33 % par rapport au budget 2012 mais en hausse de 2,5 % par rapport aux recettes réellement attendues.
Elle comporte deux volets :
. le volet « éditeurs » , acquitté par les éditeurs de services de télévision (les chaînes) : le taux de ce volet est fixé à 5,5 % de l'assiette imposable au-delà d'une franchise de 11 millions d'euros. Cette assiette est constituée des recettes de publicité et de parrainage (déduction faite de 4 % pour frais de régie), celles issues des appels surtaxés et SMS, sur la redevance audiovisuelle et, depuis 2009, les autres ressources publiques (notamment les dotations budgétaires). Le produit de la TST à ce titre est estimé à 290,2 millions d'euros pour 2013 ;
. le volet « distributeurs » , qui fait l'objet d'un développement spécifique ci-dessous, le dispositif adopté fin 2012 étant suspendu.
Précisons néanmoins que cette taxe est acquittée par les distributeurs de services de télévision : son taux est progressif, de 0,5 % à 4,5 % selon neuf tranches d'imposition applicables à l'assiette imposable au-delà d'une franchise de 10 millions d'euros. Cette assiette est composée des abonnements et autres sommes acquittées par les usagers en rémunération d'un ou plusieurs services de télévision, ainsi que des abonnements à des offres composites pour un prix forfaitaire incluant des services de télévision, sous réserve d'une déduction de 10 %. Cette dernière est portée à 55 % lorsqu'une offre composite inclut également, pour un prix forfaitaire, un accès à des services de communication au public en ligne ou à des services de téléphonie. Le produit de la TST à ce titre était estimé à 247 millions d'euros pour 2013, en hausse de près de 8 % par rapport aux recettes prévisionnelles pour 2012 (229 millions d'euros).
(2) Une TST distributeurs en suspens
Rappelons que la loi de finances pour 2012 a élargi le champ de la TST distributeurs, allégé et simplifié son barème, en vue de mettre fin à des comportements d'optimisation fiscale tendant à contourner le dispositif. L'objectif était donc de sécuriser cette taxe, tout en modérant son rendement très dynamique.
La loi de finances pour 2012 a prévu que le produit de la TST distributeurs s'élèverait à 300 millions d'euros, dont la part au-delà de 229 millions d'euros devait revenir au budget général de l'État. Pour les opérateurs télécoms, la prévision 2013, quoiqu'en progression, traduit donc bien une modération du rendement de la taxe.
Cette réforme a été notifiée à la Commission européenne mais celle-ci s'interroge sur sa compatibilité avec la directive « autorisation » de 2002 (dite « paquet télécoms »).
Le Gouvernement n'a pas pu trouver d'accord avec la Commission. Alors que le délai de négociation arrivait à échéance le 21 octobre 2012, après deux prorogations, il a donc décidé de retirer , juste avant ce terme, la notification en cours , au lieu d'entrer dans une période d'examen approfondi qui aurait pu bloquer le dossier pendant 18 mois.
Un nouveau texte sera proposé dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2013 puis notifié à la Commission européenne. Mme Aurélie Filippetti a précisé, en octobre 2012, à l'occasion des Rencontres cinématographiques de l'ARP, que « ce texte devra reformuler, dans des termes acceptables par la Commission, une taxe d'assiette neutre fait de haut débit fixe et mobile, calé sur l'activité économique des FAI, avec un abattement tenant compte de la densité audiovisuelle du web. Nous respecterons ainsi les principes du compte de soutien ».
La formulation de la nouvelle taxe doit renforcer le lien avec l'activité audiovisuelle du distributeur et prévoir, à cette fin, un abattement tenant compte de sa densité audiovisuelle. Ce dispositif ne devrait donc pas souffrir du type de contournement subi par la TST distributeurs ancienne formule...
Cette solution a été préférée à celle proposée par Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée au numérique, qui reposait sur un prélèvement forfaitaire sur chaque abonnement, fixe ou mobile, intégrant une offre de télévision.
Votre commission sera donc attentive , l'enjeu pour le fonds de soutien au cinéma, à l'audiovisuel et au multimédia ayant été estimée à 140 millions d'euros en année pleine.
Par ailleurs, votre rapporteur pour avis se réjouit du souhait du Président de la République de mettre la défense de l'exception culturelle à l'Agenda européen. Il nous faut défendre à Bruxelles, avec les autres États membres, un système vertueux d'aides publiques au cinéma.
c) Un prélèvement exceptionnel de 150 millions sur le fonds de roulement
Après une ponction de 20 millions d'euros en 2011 et de 50 millions en 2012, le présent PLF prévoit un prélèvement exceptionnel de 150 millions d'euros sur le fonds de roulement du CNC, qui sera opéré en plusieurs tranches selon un calendrier fixé par décret.
L'objectif est de maitriser ses ressources extrabudgétaires, sans remettre en cause sa capacité de soutien aux secteurs concernés.
Le CNC participera donc à un haut niveau à l'effort de maitrise budgétaire demandé à l'État à ses opérateurs.
Le CNC pourra néanmoins accomplir ses missions en 2013, mais sera sans doute contraint à « réduire la voilure » du plan de numérisation des oeuvres cinématographiques, ce que votre rapporteur pour avis regrette.
d) Des rapports d'audit sévères
Dans son rapport sur les agences de l'État de septembre 2012, l'Inspection générale des finances publiques ( IGF ) s'est ainsi exprimée sur le CNC : « Sans se prononcer sur [son] efficience et sur [sa] politique en faveur de l'industrie cinématographique, la mission considère que le statut atypique du centre, qui cumule à la fois le statut d'établissement public et celui d'administration centrale, crée une situation dans laquelle les grandes orientations de la politique en faveur du cinéma, impulsées par le CNC, ne peuvent être réellement discutées et contre-expertisées au sein de l'État . Dans une telle configuration, où la tutelle n'existe de facto pas, l'efficience de la politique publique ne repose que sur la loyauté des équipes du centre et de ses dirigeants, ce qui n'est pas suffisant. »
Par ailleurs, dans son rapport sur « la gestion et le financement du CNC, exercice 2007 2011 » , demandé par la commission des finances du Sénat et présenté le 3 octobre 2012, la Cour des comptes a critiqué les instruments d'évaluation des actions menées par le CNC ainsi que le système même du financement du CNC. Elle estime que les aides évoluent en fonction des recettes plus que des besoins réels.
Elle souligne « la faiblesse de la démarche d'évaluation conduite par le CNC quant à la performance de ces dispositifs d'aides » , notant que « l'augmentation du nombre de films produits ne saurait constituer le seul critère d'analyse de la réussite du soutien public » .
Le président du CNC a fait remarquer que le CNC s'était engagé dans un « chantier qui reste à approfondir, celui du contrôle de gestion et de la performance de nos aides. » Le CNC a déjà entrepris cette démarche, en élaborant deux documents d'évaluation de son action : le dossier stratégique de performance transmis au Parlement et le rapport d'activité. Le CNC y détaille les mesures sur l'ensemble de ses missions. La Cour des comptes insiste, néanmoins, sur « la cohérence globale des soutiens » , mesurée par « des indicateurs fiables » .
La Cour des comptes recommande notamment le passage d'un dispositif de pilotage autonome par la recette à un pilotage par la dépense , dans le cadre d'une concertation entre l'État et son opérateur.
La Cour relève que le CNC bénéficie, depuis sa création, d'une autonomie à la fois budgétaire et institutionnelle qui le conduit à déterminer le niveau des dépenses en fonction des recettes issues du produit des taxes, un modèle remis en cause par la situation globale actuelle des finances publiques et par l'extension des taxes affectées à des secteurs économiques qui ne présentent plus une proximité aussi immédiate qu'auparavant avec les aidées déployées. Ainsi, sans aller jusqu'à préconiser une intégration dans le budget de l'État des recettes actuelles du CNC et de permettre un fonctionnement sous la forme de subventions, ce qui serait d'ailleurs trop lourd techniquement et juridiquement, la Cour recommande plutôt de privilégier une approche qui aboutirait à la subordination du niveau de la recette à une hiérarchisation préalable et aussi précise que possible des besoins du CNC .
Pour votre rapporteur pour avis, toute réforme devra conforter un dispositif à la fois efficace, cohérent et vertueux de soutien public au cinéma, dont il conviendra en effet d'assurer les moyens d'un meilleur suivi.
2. Les autres sources de financement public
a) Le soutien des régions : un maillon essentiel pour la diversité
Les fonds régionaux d'aide à la production en région n'ont cessé de se développer depuis une dizaine d'années et représentent un élément essentiel du financement du cinéma en France.
Allouées sous forme de subventions et/ou d'avances remboursables, les aides régionales ont représenté 1,7 % du financement des films de long métrage d'initiative française agréés en 2011. Leur part dans le financement des films est plus grande pour les devis inférieurs à 4 millions d'euros ainsi que pour le court métrage et le documentaire. Elles contribuent donc au renouvellement des talents.
En 2011, les collectivités territoriales ont engagé 55,8 millions d'euros dans le cadre de leur politique de soutien à la production cinématographique et audiovisuelle, répartis de la façon suivante : 41 millions d'euros en budget propre et 14,8 millions d'euros en provenance du CNC dans le cadre des conventions de développement cinématographique et audiovisuel. Ce montant a augmenté de 4 % par rapport à 2010, après deux années consécutives de baisse.
Une concurrence s'est néanmoins instaurée entre les régions pour attirer les tournages, avec un risque de marginalisation des collectivités les moins dotées. Cependant, on notera les efforts de certaines collectivités pour mettre en place une coopération infra ou interrégionale, qu'elle soit systématique ou ad hoc pour des projets particuliers.
La généralisation des conventions de développement cinématographique et audiovisuel État-CNC-région a permis une sécurisation juridique des aides ainsi qu'une harmonisation des procédures mises en place par les collectivités, ceci afin d'aider les auteurs et les producteurs dans le processus de dépôt de leurs demandes de soutien.
Enfin, les collectivités territoriales financent quasi intégralement les bureaux d'accueil des tournages (également appelés « commissions du film »), qui offrent aux professionnels une assistance gratuite portant sur de nombreux types de services.
b) Les SOFICA : la nécessité de revenir au PLF initial
Les SOFICA sont des sociétés d'investissement qui collectent des fonds auprès des particuliers pour les investir dans la production. Elles favorisent le financement de la production indépendante, le renouvellement de la création et l'émergence de nouveaux talents en soutenant de manière significative la production française. Ces aides sélectives soutiennent la création d'oeuvres de long métrage (avec l'avance sur recettes, notamment) et permettent notamment d'aider de jeunes réalisateurs.
En 2011, 125 films - soit près de la moitié des films agréés - et 28 programmes audiovisuels ont bénéficié de l'apport des SOFICA. L'enveloppe annuelle globale est de 63 millions d'euros.
La loi de finances pour 2012 a reconduit le dispositif des SOFICA jusqu'en 2014 , dans la mesure où son efficacité a été soulignée par l'Inspection générale des finances dans son rapport de juin 2011 sur l'évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales, qui lui a attribué une note d'efficience de 2 (sur une échelle de 0 à 3).
Or, en deux ans, les « coups de rabot » ont réduit l'avantage fiscal de 48 % à 36 %, rendant la rentabilité de cet investissement plus risquée que d'autres.
Vient de s'ajouter à cette situation un amendement adopté par nos collègues députés qui n'emporte pas l'adhésion de votre rapporteur pour avis.
De quoi s'agit-il ?
L'article 56 du projet de loi de finances initial proposait de diminuer le niveau du plafonnement global des réductions et crédits d'impôt à caractère incitatif ou liés à un investissement à 10 000 euros et de supprimer la part proportionnelle de 4 %.
Toutefois, il envisageait :
- d'exclure du champ de ce plafonnement global les réductions d'impôt accordées au titre du financement d'oeuvres cinématographiques ou audiovisuelles (« SOFICA » ) (ainsi que de la restauration complète d'un immeuble bâti (« Malraux ») ;
- et de maintenir le plafonnement actuellement en vigueur concernant les réductions d'impôt sur le revenu en faveur des investissements outre-mer (dispositif Girardin), soit 18 000 euros plus une part proportionnelle de 4 % du revenu imposable.
Cependant, l'Assemblée nationale a adopté, contre les avis du Gouvernement et de la commission des affaires culturelles et de l'éducation, un sous-amendement présenté par le rapporteur général de la commission des finances tendant à soumettre les SOFICA à un plafonnement global de 18 000 euros et 4 % du revenu imposable.
Les investissements dans des SOFICA seraient donc traités comme ceux du dispositif Girardin, au risque de faire entrer ces deux dispositifs dans une concurrence peu avantageuse pour les SOFICA.
C'est pourquoi, votre rapporteur pour avis vous propose d'adopter un amendement tendant à revenir au projet de loi de finances initial sur ce point et d'exclure donc les SOFICA du plafonnement des dépenses fiscales, sachant que le montant maximal déductible à ce titre par un contribuable est en tout état de cause fixé à 6 480 euros.
c) Les crédits d'impôt à la production cinématographique : un renforcement en vue
En 2011, le nombre cumulé des jours de tournage pour les films de fiction d'initiative française s'établit à 6 879 jours (soit environ 40 jours par film). Le nombre de jours de tournage en France s'établit quant à lui à 5 002 jours, soit 73 % du total. Toutefois, 70 films d'initiative française, soit 40,5 % des 173 films pris en compte, sont partiellement tournés à l'étranger ; ce choix peut être lié à des exigences d'ordre artistique ou répondre à une logique financière en permettant des économies sur les coûts ou l'accès à des financements locaux au travers de coproduction.
(1) Des crédits d'impôt vertueux mais désormais insuffisants
? Le crédit d'impôt national
Il a bénéficié à plus des deux tiers des films de fiction d'initiative française, permettant une relocalisation des tournages cinématographiques sur le territoire français. Ainsi, les films en bénéficiant réalisent 3,6 % de leurs dépenses à l'étranger en 2011, contre 36,8 % pour les autres. Ce sont ainsi 3,3 milliards d'euros de dépenses totales qui ont été générés entre 2005 et 2011 .
La part de crédit d'impôt dans le coût total d'un film est relativement homogène : il varie entre 8 et 9,6 % pour les films au coût inférieur à 15 millions d'euros, de 6,5 % pour les films dont le coût total dépasse 15 millions d'euros.
Ainsi que votre rapporteur pour avis l'avait exposé l'an dernier, il est désormais nécessaire de renforcer l'attractivité du crédit d'impôt :
- une étude commandée par le CNC en septembre 2010 a démontré le caractère vertueux du dispositif : pour un euro de crédit d'impôt cinéma versé en 2009, 11,3 euros de dépenses sont réalisées dans la filière et 3,6 euros de recettes fiscales et sociales sont perçues par l'État.
Toutefois, ces dernières années, plusieurs films français n'ont pas été tournés en France, en raison notamment de coûts élevés de production par rapport à des pays voisins et du plafonnement du crédit d'impôt. Ce dernier étant plafonné à 20 % des dépenses éligibles et à 1 million d'euros, son intérêt est mécaniquement plus important pour les films à faible coût que pour les films à budget élevé ;
- en septembre 2011, le CNC a publié une étude comparative du fonctionnement des systèmes d'incitation fiscale existant dans les secteurs de la production cinématographique et audiovisuelle en Europe et au Canada.
Elle montre que le dispositif fiscal de crédit d'impôt français est le moins attractif sur des critères strictement financiers , avec un taux parmi les plus faibles et un niveau de contrainte supérieur.
L'étude rappelle néanmoins que des éléments tels que la proximité géographique, la langue, les capacités de tournage (infrastructures, formation de la main-d'oeuvre locale, prestataires techniques), le coût du travail et de l'argent (taux d'intérêt des crédits) affectent également la compétitivité des dispositifs. La performance de chaque dispositif doit donc être examinée au regard de l'environnement du pays.
En outre, votre rapporteur pour avis juge paradoxal que le crédit d'impôt national soit moins attractif que le crédit d'impôt international , dont le plafond est de 4 millions d'euros . La France saurait attirer les producteurs étrangers mais non retenir nombre de producteurs français...
Votre rapporteur pour avis rappelle d'ailleurs qu'un alignement complet des deux dispositifs avait été proposé par notre collègue Albéric de Montgolfier dans son rapport sur la valorisation du patrimoine culturel, présenté au Président de la République le jeudi 8 octobre 2010 .
Votre rapporteur pour avis avait lui-même souligné qu'un relèvement du plafond du crédit d'impôt national de 1 à 1,8 million d'euros suffirait à couvrir 95 % des films.
? Le crédit d'impôt international
Il vise à renforcer l'attractivité de la France pour les oeuvres initiées par une société de production étrangère et comportant des éléments rattachés à la culture, au patrimoine et au territoire français ou européen. Ces oeuvres peuvent bénéficier, après agrément par le CNC, d'un crédit d'impôt de 20 %, plafonné à 4 millions d'euros, du montant de leurs dépenses éligibles en France, sous réserve qu'elles soient au minimum de un million d'euros et que les oeuvres valident un test culturel.
Les retombées économiques du crédit d'impôt international sont très supérieures au coût fiscal de la mesure. Chaque euro de crédit d'impôt versé engendre 6 euros de dépenses dans la filière audiovisuelle et cinématographique et 2 euros de recettes fiscales et sociales pour l'État.
Il a généré 213 millions d'euros de dépenses directes en France et créé de nombreux emplois. Néanmoins, si Film France estime à environ 2 milliards d'euros les dépenses réalisées pour raisons fiscales en Europe au titre des tournages, la France n'en capte que de 3 à 5 %, le Royaume-Uni en accaparant 50 %...
Il est donc temps de renforcer aussi notre dispositif de crédit d'impôt international. Ceci d'autant plus que notre pays se dote de studios de grande qualité, susceptibles d'accueillir de nombreux tournages étrangers, au premier rang desquels la Cité du cinéma à Saint-Denis.
Relevons en outre que le dispositif , autorisé par la Commission européenne jusqu'au 31 décembre 2012, devra donc être prorogé à compter du 1 er janvier 2013.
(2) Vers de nouvelles mesures pour renforcer la compétitivité
L'an dernier, votre rapporteur pour avis avait demandé « de considérer ce crédit d'impôt comme une source efficiente d'attractivité davantage que comme une « niche fiscale ». Cette attractivité procure des retombées :
- directes sur les professions concernées, y compris les industries techniques, affectées par le passage de la technologie chimique au numérique ;
- et indirectes pour notre pays, y compris sur le plan touristique. »
Votre rapporteur pour avis est donc satisfait de l'inscription, dans le Pacte pour la croissance, la compétitivité et l'emploi , présenté par le Premier ministre le 6 novembre 2012, de mesures destinées à « renforcer l'attractivité du territoire en matière de tournages de films et de productions audiovisuelles ».
d) La hausse du taux intermédiaire de TVA : des inquiétudes
Votre rapporteur pour avis s'inquiète en revanche des annonces du Gouvernement concernant une hausse du taux intermédiaire de TVA, actuellement à 7 %.
Le Premier ministre, M. Jean-Marc Ayrault, a annoncé l'octroi aux entreprises d'un crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), qui serait de 10 milliards d'euros pour l'exercice 2013, puis monterait en puissance pour atteindre 20 milliards d'euros en 2016.
Pour financer cette mesure, le Gouvernement a choisi de faire appel à la TVA. Ainsi, le taux de TVA à 19,6 % passerait à 20 %, tandis que le taux de TVA à 7 %, serait relevé à 10 %. Seul le taux réduit de TVA serait préservé, passant de 5,5 % à 5 %, au 1 er janvier 2014.
Rappelons que l'article 24 du PLFR pour 2012 avait rétabli le taux réduit de la TVA de 5,5 % sur le livre et la billetterie des spectacles vivants, sans inclure cependant le cinéma alors qu'il bénéficiait également de ce taux auparavant. Votre rapporteur pour avis avait alors présenté sans succès un amendement visant à soumettre l'ensemble des produits culturels à ce même taux.
Il s'inquiète de la situation du secteur cinématographique, en particulier des salles, si la hausse de la TVA intermédiaire devient effective. Ainsi, alors que le livre et les spectacles vivants seront soumis à un taux de TVA à 5 %, le cinéma subirait une TVA de 10 % !
Or le cinéma fait tout autant partie du secteur culturel que le livre ou le spectacle vivant et il est essentiel pour l'accès des publics les plus larges à la culture.
Il serait très dommageable que cette mesure , alourdissant de manière conséquente les dépenses des consommateurs, provoque une rupture d'égalité de l'accès de tous à la culture, principe auquel nous sommes tous fortement attachés.
C. FOCUS SUR QUELQUES POINTS D'ACTUALITÉ ET/OU DE PRÉOCCUPATION
1. La numérisation des salles de cinéma : une réussite
a) Un projecteur numérique dans près de 9 salles sur 10
86,3 % des établissements cinématographiques français et près de 9 salles sur 10 sont désormais numérisés .
- Rappelons que la loi n° 2010-1149 du 30 septembre 2010 relative à l'équipement numérique des salles, impose le principe du paiement de contributions des distributeurs de films et autres utilisateurs de l'équipement numérique aux exploitants de salles. Elle garantit que les conditions de négociation de ces contributions et de fixation de leurs montants ne nuisent ni à la liberté de programmation des exploitants, ni à la maîtrise des plans de sortie des distributeurs.
Si quelques difficultés subsistent, les négociations entre distributeurs et exploitants ont été facilitées par les recommandations de bonnes pratiques émises par le comité de concertation pour la diffusion numérique en salles, instauré par la loi. En outre, la Médiatrice du cinéma, auditionnée en juillet 2012 par votre rapporteur pour avis, estime à environ 10 % la part des médiations qui concernent la numérisation et son impact sur les relations entre professionnels.
- Cinenum , le dispositif d'aide à la numérisation des salles n'étant pas susceptibles de recueillir suffisamment de contributions des distributeurs pour financer leur transition, fonctionne de façon satisfaisante.
Au total, le CNC a déjà soutenu la numérisation de près de 1 000 écrans répartis dans environ 750 établissements. A terme, près de 1 800 écrans répartis dans plus de 1 200 établissements devraient recourir à l'aide du CNC et à celle des collectivités territoriales pour pouvoir faire face à cette révolution.
Depuis juin 2012, le dispositif est ouvert aux salles dites « peu actives » (organisant moins de cinq séances hebdomadaires), c'est-à-dire aux salles saisonnières et aux salles rurales.
b) Les cinémas itinérants : un problème en voie de résolution
La numérisation des cinémas itinérants concerne 131 cinémas et pose, en premier lieu , la question de l'adaptation de l'équipement de projection à leurs spécificités et contraintes. L'offre étant inexistante, le CNC a rédigé un cahier des charges à l'adresse des fabricants de matériels de projection dès l'été 2010.
Plus récemment, la Fédération nationale des cinémas français (FNCF) et l'Association nationale des circuits itinérants (ANCI) ont constitué un groupe de travail commun pour identifier une solution technique pertinente. Il semblerait que deux modèles de projecteurs conviennent. Le CNC va ainsi soutenir, pour chaque circuit, autant de projecteurs numériques que de projecteurs 35 mm utilisés, dans la limite de quatre par circuit.
Ce dispositif d'aide couvrira jusqu'à 90 % des dépenses de numérisation, c'est-à-dire autant que pour les salles fixes.
Votre rapporteur pour avis s'en réjouit car les circuits itinérants constituaient jusqu'ici en quelque sorte le talon d'Achille du dispositif d'aide. Or, s'ils ne représentent qu'une faible part de la fréquentation cinématographique annuelle, ils jouent un rôle indispensable d'aménagement culturel du territoire.
En effet, ils font plus que doubler le nombre de points de rencontre des spectateurs avec le cinéma : ils ajoutent plus de 2 000 communes aux 1 545 équipées d'une salle fixe, portant le nombre de communes équipées d'un cinéma à 3 635 (chiffres 2008).
En à peine plus de deux ans, la France aura ainsi réussi sa transition numérique , ce qui a aussi permis de réduire la durée, et donc le coût de la coexistence de deux systèmes. Le coût global pour le CNC est évalué entre 100 et 120 millions d'euros.
2. La numérisation des films : un pied sur le frein
En raison du prélèvement de 150 millions d'euros sur le fonds de roulement du CNC en 2013, qui comporte une « réserve numérique » (de 250 millions d'euros au 1er janvier 2012) dédiée pour partie au plan de numérisation des oeuvres cinématographiques, l'établissement devra « réduire la voilure » de ce dernier.
On peut donc craindre un ralentissement, sinon un arrêt provisoire de la numérisation des films de patrimoine. Le coût est d'environ 100 000 euros par film , les sommes pouvant varier selon l'état de la pellicule. L'inventaire, la restauration puis la numérisation de ces oeuvres sont pourtant importantes pour plusieurs raisons :
- un enjeu patrimonial : il s'agit de sauver des oeuvres souvent en mauvais état ;
- un enjeu économique, social et culturel : elle contribue à l'activité d' industries techniques du cinéma fragilisées par la révolution numérique, et donc aussi au maintien des compétences nécessaires en leur sein, au risque sinon de voir la filière chimique disparaître ;
- un enjeu en termes de développement de l'offre légale en ligne .
3. L'Agence pour le développement régional du cinéma (ADRC) : de nouvelles perspectives
L'ADRC est une association créée en 1983 pour soutenir et favoriser le développement de la petite exploitation et du cinéma de proximité, dans les villes dites petites et moyennes. Cette mission se décline en quatre activités spécifiques :
- l'aide aux salles par l'accès aux films (tirage et circulation de copies à fort potentiel commercial) : avec 2 207 copies pour 156 titres au total en 2011, ce sont ainsi 1 533 localités qui ont obtenu au moins une copie ADRC. La hausse de plus de 25 % par rapport à 2010 (1 765 copies) est liée à la transition numérique, les établissements les plus importants étant désormais numérisés, les distributeurs tirent donc de moins en moins de copies 35 mm pour les petites salles qui ne seraient pas encore équipées ;
- la fonction « études et conseils » (lors de création ou de transformation de salles) : en 2011, le nombre d'interventions s'est élevé à 37 (contre 45 en 2009). Celles-ci se concentrent de plus en plus sur la projection numérique et les problématiques d'accessibilité ;
- depuis 2000, la mission « patrimoine » (diffusion de films de répertoire) : elle propose aujourd'hui près de 300 longs-métrages disponibles à des conditions aménagées. La fréquentation pour ce type de films est en hausse : 75 000 entrées en moyenne en 2011 contre 55 000 en 2010 ;
- une activité d'observatoire du milieu du cinéma (conditions de diffusion, rapport distributeurs exploitants).
En mai 2012, M. Bertrand Eveno , président de la Commission nationale art et essai, a remis au CNC un rapport sur les perspectives que devrait embrasser l'ADRC pour 2013 :
- continuer l'accompagnement sur la fin de la période de transition entre les supports argentique et numérique ;
- garantir l'accès aux films de la diversité ;
- confier l'intervention financière afférente à une autre instance que l'ADRC, la Caisse de répartition créée sur la recommandation du Comité de concertation pour la diffusion numérique en salles ;
- assurer la médiation entre exploitants et distributeurs.
4. Le bilan plutôt positif d'une HADOPI en sursis
Au terme de sa deuxième année d'activité effective, le rôle de régulateur, de veille et d'expertise dévolu à la Haute Autorité peut désormais être évalué.
a) La réponse graduée : un impact pédagogique
La mise en oeuvre du dispositif de réponse graduée assurée par la Commission de protection des droits (CPD) de l'HADOPI s'est principalement orientée vers une démarche pédagogique à l'égard des internautes . Il s'agit davantage de conduire les internautes à modifier leur comportement que de les sanctionner pénalement.
Rappelons que la réponse graduée repose sur la contravention de négligence caractérisée, prévue à l'article L. 335-5 du code de la propriété intellectuelle. Elle est punie d'une amende de 1 500 euros pour les personnes physiques et de 7 500 euros pour les personnes morales, assortie d'une peine complémentaire de suspension de la connexion internet d'un mois maximum.
Les faits de contrefaçon sur les réseaux de pair à pair doivent d'abord être constatés par les ayants droit par l'intermédiaire de leurs agents assermentés. Ils le sont sur le fondement du manquement à l'obligation de sécurisation par le titulaire de l'abonnement de son accès à internet.
La CPD est saisie de 68 000 constats/jour par les cinq représentants des ayants droit qui disposent chacun d'une autorisation de 25 000 constats/jour. Il convient de relever qu'un constat transmis par les ayants droit ne signifie pas nécessairement un fait commis par un nouvel infracteur en raison du nombre important de doublons. La méconnaissance du fonctionnement des logiciels de mise en partage peut conduire, par exemple, à établir 70 constats pour une seule oeuvre puisque seul le fait de mettre à disposition est sanctionné. La commission est chargée d'envoyer par la voie électronique un message aux titulaires d'un abonnement à internet en cas d'utilisation de cet accès pour télécharger ou mettre à disposition une oeuvre protégée afin de leur rappeler leur obligation de surveillance de cet accès. Mais une seule recommandation est adressée pour plusieurs constats d'infraction à la loi.
Entre octobre 2010 et juillet 2012, 1,25 million de mails ont été envoyés au titre de ce premier avertissement .
D'après les services de l'HADOPI, le fait de recevoir un premier avertissement modifie le comportement des internautes contrevenants puisque 95 % d'entre eux ne font pas l'objet d'un autre avertissement . Cette statistique porte sur la période comprise entre octobre 2010 et décembre 2011.
En cas de renouvellement de l'infraction, dans un délai de six mois à compter de l'envoi de la première recommandation, un deuxième avertissement est adressé par la voie électronique et assorti de l'envoi d'une lettre recommandée. Pour la période précitée, plus de 110 000 lettres recommandées ont été envoyées. L'envoi de la deuxième recommandation amène souvent les abonnés à prendre contact avec les services de l'HADOPI, essentiellement pour connaître le contenu des oeuvres incriminées. A cette occasion, une information sur les moyens techniques de sécurisation de l'accès internet est délivrée, du fait le plus souvent d'une méconnaissance du fonctionnement des logiciels de pair à pair .
A la suite de ces avertissements, 37 % déclarent avoir cessé de télécharger, ce qui montre une certaine efficacité du rappel à la loi.
En cas de manquement réitéré à ces obligations, qui fait suite à l'envoi des deux recommandations, la CPD peut saisir le procureur de la République au titre de la contravention de cinquième classe de négligence caractérisée.
La troisième phase de procédure a porté sur l'examen de 340 dossiers au 30 juin 2012 . Avertis de l'éventualité d'une poursuite pénale suite à un nouveau manquement constaté, tous les abonnés concernés ont été convoqués par la Haute autorité et un contact a pu être établi avec 75 % d'entre eux. Cette procédure d'échanges entre l'HADOPI et les abonnés doit les conduire à modifier leur comportement.
En dernier recours, seuls 14 dossiers ont été transmis au procureur de la République, la majorité des dossiers examinés ayant fait l'objet d'une délibération de « non-transmission » par la Commission de protection des droits en l'absence de réitération des faits reprochés . Le titulaire de l'abonnement a alors fait l'objet de poursuite sur le fondement de la contravention de négligence caractérisée.
La première condamnation a été prononcée par le tribunal de police de Belfort le 13 septembre 2012. Le titulaire de l'abonnement a été condamné à 150 euros d'amende pour « défaut de sécurisation de son accès Internet ».
Certes, seuls les échanges de pair à pair sont concernés et des stratégies de contournement sont utilisées par des internautes, au profit de sites de téléchargement direct ou de streaming . Votre rapporteur pour avis souligne néanmoins l'importance de l'action pédagogique , dont l'efficacité paraît renforcée par une certaine « peur du gendarme ».
La mission confiée à Pierre Lescure, concernant l'acte II de l'exception culturelle face aux enjeux du numérique, devrait proposer d'améliorer un dispositif dont le législateur savait qu'il ne serait sans doute pas gravé dans le marbre mais dont les objectifs ont été partiellement remplis. Ainsi, outre le renforcement de l'offre légale, de nouvelles propositions sont avancées pour se substituer à l'actuelle sanction de suspension de l'accès à Internet, par exemple une amende ou un déréférencement de liens donnant accès à des contenus illégaux , chez les hébergeurs, moteurs de recherche, annonceurs, opérateurs de paiement à distance...
Votre rapporteur pour avis considère que le dispositif peut sans doute être amélioré sur certains points, mais il appelle à la vigilance : attention de ne pas « jeter le bébé - c'est-à-dire le respect du droit d'auteur - avec l'eau du bain » !
De nombreux autres pays 7 ( * ) mettent en oeuvre des dispositifs de lutte contre la consommation illégale de biens culturels. Ainsi, par exemple, au Japon , une loi vient d'entrer en vigueur le 1er octobre 2012. Elle rend passibles d'une amende pouvant atteindre 2 millions de yens (20 000 euros) et d'un maximum de deux ans de prison, les internautes téléchargeant illégalement des fichiers.
b) Le développement de l'offre légale
Le législateur a aussi confié à l'HADOPI une mission d'encouragement au développement de l'offre légale. Elle comporte trois axes : l'attribution du label pour proposer aux internautes une offre diversifiée, la poursuite des travaux engagés pour le portail de référencement et le développement de la musique en ligne.
? La procédure de labellisation
Même si la politique d'offre légale relève d'abord des ayants droits, l'HADOPI a mis en place une procédure de labellisation qui permet d'identifier le caractère légal d'un site.
Au 30 juin 2012, 59 plateformes avaient été labellisées contre 20 un an auparavant. Elles couvrent une grande diversité de secteurs culturels, de modes de diffusion, de modalités d'accès et d'accessibilité. Tous les modèles de diffusion et d'accès aux contenus sont désormais présents. Cette montée en puissance devrait se poursuivre avec un objectif de 70 plateformes labellisées à la fin 2012 et une centaine fin 2013.
Depuis 2008, le CNC oeuvre également au développement de l'offre légale par le biais d'un soutien sélectif à l'exploitation en vidéo à la demande (VàD). Le secteur de la VàD compte près de 70 plateformes légales mais seules 8 sont estampillées du label PUR. Ainsi, il semble y avoir des réticences à solliciter le label délivré par l'HADOPI en raison d'un impact positif non avéré.
Se pose donc la nécessité d'améliorer la visibilité et la valeur ajoutée du label HADOPI , tout en simplifiant la procédure d'obtention et de renouvellement. En décembre 2011, selon une étude réalisée par Opinion Way, le label PUR n'était connu que de 11 % des internautes sondés et seuls 5 % savaient exactement de quoi il s'agit. Neuf internautes sur dix n'avaient jamais entendu parler de ce label.
? Un portail de référencement
L'HADOPI a également développé un portail de référencement des offres légales labellisées : le site informatif www.pur.fr . Son objectif est de permettre aux internautes d'identifier formellement l'offre légale, sachant que cette identification n'est pas toujours évidente, l'offre payante n'étant pas forcément garante d'offre licite.
Le portail de référencement ne reçoit en moyenne que 9 109 visites mensuelles, qui transitent pour la plupart par le site de l'HADOPI, alors que celui-ci enregistre 46 965 connexions par mois.
Des réserves ont été émises sur la mise en place d'un portail de référencement piloté par les pouvoirs publics des offres légales labellisées par l'HADOPI. Ce sont, en effet, des initiatives privées qui s'inscrivent dans un environnement concurrentiel.
Une réflexion s'est engagée sur l'amélioration de la visibilité des catalogues des opérateurs privés sur internet. L'offre légale devrait pouvoir être mieux identifiée dans les moteurs de recherche. En outre, alors que l'HADOPI a mis en place un portail généraliste, des plateformes spécialisées sembleraient mieux répondre à la demande actuelle.
5. Le renforcement de l'offre légale et la chronologie des médias
La chronologie des médias est un pilier essentiel du système de préfinancement des oeuvres cinématographiques en France ; elle repose sur un principe de cohérence et de proportionnalité entre les différentes fenêtres d'exploitation d'une part et entre le poids et les obligations de chacun dans le préfinancement des oeuvres, d'autre part.
Néanmoins, son adaptation doit permettre de suivre le rythme des évolutions technologiques et des nouvelles pratiques des consommateurs.
- A ce titre, l'un des principaux points de discussion concerne le positionnement de la vidéo à la demande par abonnement (SVàD) : plusieurs rapports ainsi que certains professionnels préconisent un avancement de cette fenêtre autour de 22 mois (contre 36 actuellement).
- Par ailleurs, la Commission européenne 8 ( * ) et certains producteurs souhaitent que des expérimentations soient conduites en 2013, afin de tester des sorties simultanées ou quasi-simultanées en salle et VàD (modèles de distribution dits day-and-date ).
Une première expérimentation a été récemment réalisée en France : deux films indépendants sortis sur moins de vingt copies ont été diffusés, début novembre 2012, en avant-première sur Internet, mais plusieurs cinémas ont alors décidé de les déprogrammer car ils n'avaient plus aucun intérêt à maintenir ces films en salle.
Votre rapporteur pour avis fait part de son scepticisme sur ce point. Il souligne la nécessité de préserver l'exclusivité de la salle, sachant qu'un film peut parfaitement être diffusé sans passer par une salle.
La mission de Pierre Lescure devrait, quant à elle, apporter des éclaircissements sur la position des différents acteurs du secteur sur ces questions.
6. Le marché de la vidéo : le constat d'un inexorable déclin
a) L'évolution du marché : des masses financières qui se contractent
En mars 2012, le CNC a réalisé une étude établissant un bilan du marché de la vidéo physique en France. Il en ressort notamment que :
- en 2011, les Français ont dépensé 1,26 milliard d'euros en achats de DVD et de Blu-ray. Après deux années relativement stables, la dépense des ménages en vidéo physique diminue de 9,2 %. Au cours des neuf premiers mois de 2012, les ménages en France ont dépensé 716 millions d'euros en achat de DVD et Blu-ray , soit une baisse de 8,8 % en valeur et 7,9 % en volume ;
- le prix moyen de vente d'un DVD de catalogue vendu à l'unité progresse de 0,7 % à 8,41 euros ;
- les recettes du hors film reculent encore nettement en 2011 (- 9,5 %) et durant les neuf premiers mois de 2012 (- 7,2 %) ;
- les ventes de films français accusent une baisse moins importante que les films américains en 2011 (9,1 % contre 15,1 %) et sont même en hausse sur les neuf premiers mois de 2012 (+ 5,8 %) alors que les films américains continuent de baisser (- 5,4 %) ;
- les hypermarchés et supermarchés captent toujours près de 40 % du chiffre d'affaires total de la vente vidéo ;
- l'offre ne fait que s'accroître, le nombre de titres de DVD avoisinant les 61 400 références et en Blu-ray 4 800 .
b) Les nouvelles pratiques vidéo : vers une érosion de la demande
Avec moins de 4 DVD visionnés par mois en moyenne, les spectateurs de cinéma, pour la première fois depuis 2007, ont vu moins de DVD que l'année passée. Si les bonus sont de plus en plus regardés (30 % des spectateurs), cela ne suffit généralement pas à justifier l'achat d'un DVD et les DVDthèques sont moins fournies en 2011 qu'en 2010 (38,3 DVD en moyenne).
Concernant l'achat, les lieux privilégiés pour l'approvisionnement en DVD demeurent les supermarchés et magasins spécialisés (21 % des DVD qui entrent dans un foyer sont empruntés), même si Internet constitue un troisième circuit d'achat en pleine progression.
7. L'accès des salles de cinéma aux handicapés
La loi n° 2005-102 du 11 janvier 2005 sur l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées a rendu obligatoire, à compter du 1 er janvier 2015, l'adaptation des bâtiments dont les salles de cinéma. 233 établissements ont ainsi bénéficié d'une aide spécifique du CNC pour réaliser un diagnostic. Les travaux d'aménagement des salles aux handicaps moteurs ou sensoriels sont pris en charge aujourd'hui tant en termes de soutien automatique (pour toutes les salles) que d'aides sélectives à la modernisation ou à la création de salles (3 000 salles éligibles).
S'agissant du développement de l'offre de films audio écrits et sous-titrés pour les personnes atteintes d'un handicap sensoriel , le CNC a élaboré un dispositif d'aides qui pourrait profiter à 180 films par an pour une enveloppe totale d'1 million d'euros par an .
8. L'actualité européenne
La Commission européenne a lancé une consultation publique sur les critères en matière d'aides d'État qu'elle propose d'utiliser à l'avenir pour évaluer les régimes d'aides au secteur audiovisuel au sens large (audiovisuel et cinématographique) des États membres.
Trois principaux changements sont proposés dans le projet de communication :
- élargir le champ des activités couvertes par la communication (non plus que les aides à la production mais toutes les phases, de la conception à la diffusion) ;
- limiter la territorialisation des aides à un montant correspondant à 100 % de l'aide au maximum, c'est-à-dire limiter les obligations que les États peuvent créer pour conditionner l'octroi de l'aide à des dépenses réalisées sur leur territoire (à l'heure actuelle, il suffit que le producteur bénéficiaire de l'aide garde la possibilité de dépenser 20 % de l'ensemble du budget de production ailleurs que sur le territoire de l'autorité qui octroyait l'aide) ;
- exiger, dans le cas spécifique des régimes d'aide à la production cinématographique pour lesquels le montant de l'aide est calculé sur la base des dépenses de production effectuées sur un territoire donné, que soit désormais prise en compte toute dépense de production réalisée non plus sur ce seul territoire mais dans l'ensemble de l'Espace économique européen (EEE).
* 7 Voir l'annexe du présent rapport présentant une synthèse des comparaisons internationales dans le domaine de la lutte contre la consommation illégale de biens culturels.
* 8 Avec le projet TIDE (Transversal International Distribution in Europe).